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Rôle du plaidoyer et de la communication dans le renforcement de la nutrition : leçons et planifications tirées de l’expérience zambienne

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Par Eneya Phiri

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Eneya Phiri est un défenseur chevronné disposant de quatre ans et demi d’expérience en matière de communication et de plaidoyer pour la nutrition. Adepte passionné de la communication en faveur du développement, il occupe actuellement les responsabilités de Directeur de plaidoyer et de la Communication auprès de l’Alliance de la société civile zambienne pour le renforcement de la nutrition (CSO-SUN).

L’auteur remercie le PAM Zambie pour son aide apporté au CSO-SUN, l’Institut des études du développement pour son partenariat continu avec le CSO-SUN ainsi que Mme Taurai Matenga pour son inspiration et son assistance de tous les jours. Les remerciements de l’auteur sont également adressés au Mouvement SUN (Secrétariat et Réseaux) pour leur coordination, l’établissement de liens pour la société civile et la mise à disposition d’une plate-forme de documentation et de partage d’informations.

L’ENN s’étend grâce à Translators without Borders (Traducteurs sans frontières) qui traduisent cet article.

Localisation : Zambie

Ce que nous savons : La malnutrition en Zambie reste préoccupante ainsi que la surnutrition et les maladies non transmissibles représentent un problème émergeant.

Ce que cet article ajoute : La Zambie a rejoint le Mouvement SUN en 2010. Une puissante Alliance de la société civile SUN a été formée afin d’améliorer la visibilité de la nutrition dans l’agenda politique national, de créer un réseau intersectoriel de parties prenantes clés, de promouvoir l’affectation de ressources en faveur de la nutrition et de demander des comptes aux responsables. Largement consacrés à la sous-nutrition, les activités de plaidoyer et de communication ont jusqu’à présent permis d’obtenir des engagement politiques de haut niveau sur la nutrition, d’influencer la protection sociale nationale et les politiques agricoles, de développer un groupe parlementaire multipartite consacré à l’alimentation et à la nutrition, d’obtenir un accord de révision législative permettant un renforcement de la coordination multisectorielle et la mise en œuvre d’activités communautaires autour de journées mondiales d’action en faveur de la nutrition. L’apprentissage informel entre les pays a constitué une valeur ajoutée du Mouvement SUN. Les défis sont liés à la coordination intersectorielle, la budgétisation et la mise en œuvre d’interventions en faveur de la nutrition impliquant plusieurs Ministères, l’élaboration de plans de mise en œuvre alliant la théorie à la pratique s’avère donc nécessaire. Les investissements en faveur de programmes sensibles à la nutrition ont augmenté mais restent néanmoins très bas. Le plaidoyer et la communication par la société civile jouent un rôle clé et évolutif dans le cadre du renforcement de la nutrition.

Le Mouvement SUN en Zambie

La République de Zambie enregistre certains des taux de malnutrition les plus élevés au monde. Les chiffres actuels de l'Enquête Démographique et de Santé (EDS) présentent un taux de retard de croissance chez les enfants de moins de cinq ans de 40 %, soit 1,2 million d’enfants. La prévalence de l’émaciation atteint quant à elle 6 % et l'enquête révèle aussi un ensemble de taux élevés de carence en micronutriments : 53 % des enfants d’âge scolaire présentent des carences en vitamine A, tandis que 46 % manquent de fer. Nous constatons une hausse de la surnutrition et des maladies non transmissibles depuis quelques années. De 2013 à 2014, près de 23 % des femmes avaient été signalées comme étant en surpoids ou obèses en Zambie. Ce qui complique encore plus cette situation, c’est le fait que, dans de nombreux cas, les ménages ayant des enfants malnutris avaient également des mères en surpoids ou obèses, faisant ainsi du double fardeau de la malnutrition une réalité palpable pour de nombreux ménages zambiens (EDS Zambie, 2013).

Le gouvernement de la Zambie est pleinement conscient du problème posé par la malnutrition et a pris des mesures au fil des années, avec des succès variables, afin de résoudre cette situation. Le 22 décembre 2010, la Zambie a rejoint le Mouvement mondial de renforcement de la nutrition (SUN) avec une lettre d’engagement du Ministère de la Santé, devenant ainsi l’un des premiers pays à se rallier au Mouvement SUN. Ce ralliement a contribué au développement d’un Plan national de nutrition concentré sur la lutte contre la malnutrition et adoptant une approche multisectorielle et multi-acteurs. Ceci a amené, le gouvernement, la société civile, le secteur privé et des partenaires de coopération, pour la première fois, à s’engagés collectivement dans la lutte contre la malnutrition. Le Cadre SUN en Zambie est conçu de telle manière que la Commission nationale sur l’alimentation et la nutrition (CNAN), l’organe statutaire chargé de coordonner les actions en matière de nutrition en Zambie et placé sous les ordres du Ministère de la Santé, soit mise au centre des efforts de renforcement de la nutrition et héberge le Point focal SUN.  Ce dernier coordonne l’action à travers tous les réseaux SUN, y compris ceux des milieux universitaires, des Nations Unies, du secteur privé et de la société civile.

Le rôle du plaidoyer et de la communication dans le renforcement de la nutrition

Le plaidoyer et la communication forment le fondement du pilotage et du renforcement des résultats en matière de nutrition. C’est par le plaidoyer et la communication que les changements politiques sont influencés et que les communautés sont sensibilisées. Le plaidoyer ciblant les décideurs de haut niveau peut permettre la prise d’engagements par le gouvernement susceptibles d’améliorer la programmation en matière de nutrition ainsi que de renforcer la redevabilité. Un lobbying stratégique permet d’allouer des ressources (financières et autres) plus importantes aux interventions en faveur de la nutrition. Pour que une meilleure planification et mis en œuvre des interventions de nutrition, il est nécessaire d’obtenir une bonne compréhension de la question de la nutrition au niveau des responsables politiques, des législateurs, des responsables de l’exécution des politiques et du public de manière générale. Le plaidoyer et la communication jouent un rôle unique, celui de créer la demande et de développer la conscience sur l’importance de la nutrition à tous les échelons et parmi les principaux acteurs. La sensibilisation et la création d’une demande constituent des éléments clés du scénario de changement qui a permis la mobilisation de la communauté sur les questions de nutrition, créant ainsi une symbiose entre la population et ses responsables et favorisant la responsabilité et la redevabilité.

Le rôle de la société civile dans le cadre du Mouvement SUN en Zambie

La société civile occupe une position unique pour jouer un rôle crucial dans le plaidoyer et la communication. En Zambie, le CSO-SUN est l’organisation centrale qui coordonne tous les acteurs de la société civile dédiés à la nutrition. Établie en octobre 2012, l’Alliance CSO-SUN est un mouvement composé d’organisations de la société civile (OSC) travaillant ensemble à améliorer la visibilité de la nutrition dans le cadre du programme national de développement. Cette Alliance est membre du Mouvement SUN mondial et réunit des acteurs provenant de différents secteurs, tels que le gouvernement, les Nations Unies, les donateurs, le secteur privé, la société civile et le milieu de la recherche et dédiés au renforcement des interventions en faveur de la nutrition. Le CSO-SUN cherche à améliorer la couverture de programmes de nutrition efficaces et intégrés en obtenant un engagement politique en faveur de la lutte contre la malnutrition, en augmentant les ressources financières et en veillant à ce que le gouvernement rende des comptes. C’est dans le cadre de ces efforts que le CSO-SUN travaille à sensibiliser le public et à obtenir un consensus national à propos du problème de la malnutrition et des solutions à y apporter par la contribution aux cadres politiques, légaux et budgétaires qui tiennent compte des besoins des plus pauvres et des plus vulnérables. En outre, l’Alliance travaille au renforcement de la redevabilité des acteurs nationaux sur les avancées en matière de lutte contre la malnutrition et, par l’intermédiaire de différents réseaux, à l’amélioration de l’apprentissage entre les organisations et entre les pays afin de maximiser l’efficacité de leurs efforts.

La CSO-SUN est la première et la seule plate-forme de promotion de la nutrition dédiée à la société civile de Zambie et réunit jusqu’à présent 75 organisations non gouvernementales locales et internationales (ONG) et groupes de la société civile. Ces membres forment l’Assemblée générale (AG) de l’Alliance et, conformément aux statuts et règlement du CSO-SUN, constituent l’organe suprême de l’Alliance. L’AG élit un Conseil d’administration à l’occasion de la réunion générale annuelle (RGA) qui est responsable de la supervision des activités quotidiennes du Secrétariat du CSO-SUN. La RGA passe en revue les résultats de l’Alliance, évalue les rapports d’audit, planifie l’année à venir et examinent les résultats du Conseil d’administration et du Secrétariat. Le Secrétariat se compose d’un personnel employé à durée déterminée chargée de la coordination des efforts des membres de l’Alliance. Ces derniers sont organisés au sein de différents comités techniques qui permettent d’exploiter leurs compétences en vue de la définition d’un programme efficace. Les comités techniques sont organisés par thème :

  • Recherche et analyse politique – se charge des politiques et de la recherche sur la nutrition.
  • Plaidoyer et communication – chargé de la mise en œuvre de la Stratégie de plaidoyer et de communication et gère l’engagement stratégique et le lobbying.
  • Établissement de réseaux et constitution de coalitions – s’applique à créer des partenariats intelligents avec des organisations et des individus et promeut l’établissement de liens avec les champions nationaux et sous-nationaux de la nutrition.
  • Gouvernance et renforcement des capacités institutionnelles – assure la direction en matière de gouvernance, de gestion et de tâches administratives, de renforcement institutionnel et de mobilisation de ressources.

Les comités techniques ont à leur tête un membre du Conseil d’administration du CSO-SUN dont l’organisation appartient à un groupe thématique particulier. Ces comités interagissent régulièrement par e-mail et se réunissent tous les trois mois afin de planifier et de passer en revue les tâches prévues pour le trimestre. Ils se réunissent aussi dans les cas extraordinaires lorsque leur expertise est exigée. Par exemple, le comité technique plaidoyer et communication peut se réunir pour établir une stratégie sur la manière de maximiser la couverture de l’actualité et des problèmes liés à la nutrition au cours d’un important événement national. Ainsi, les membres de l’Alliance sont souvent en contact les uns avec les autres et contribuent collectivement à la réalisation des objectifs de l’Alliance. Le CSO-SUN dispose aussi de structures à l’échelon du district qui sont coordonnées par l’Organisation des points focaux de district (OPFD). L’Alliance est actuellement présente dans trois districts de la Zambie : Samfya (Province de Luapula – nord de la Zambie), Mumbwa (Province centrale – centre de la Zambie), et Lundazi (Province orientale de la Zambie). Chaque OPFD coordonne un réseau d’OSC locales et d’organisations communautaires (OC) qui font ainsi partie de la grande Alliance de la société civile (CSO-SUN). Les OPFD sont supervisés par le spécialiste en plaidoyer et communication basé au Secrétariat de la CSO-SUN. Ce spécialiste gère l’agenda en matière de plaidoyer et de communication pour le CSO-SUN et sert d’interlocuteur principal avec les membres de l’Alliance. Il est responsable de la coordination des communications sur la nutrition et des activités de plaidoyer pour tous les membres, il s’assure de la bonne intégration des programmes et de l’absence de doublon tout en soutenant les priorités des programmes nationaux de nutrition à l’échelon national et du district.

Activités du CSO-SUN

La société civile joue un rôle crucial en créant une demande, en obtenant un engagement politique et en veillant à redevabilité quant aux efforts de renforcement de la nutrition. Le travail du CSO-SUN s’est imposé en raison de l’absence de coordination et de la fragmentation des acteurs de la société civile engagés en faveur de la nutrition. De plus, la société civile participait alors peu à la promotion de la nutrition. Le CSO-SUN s’est donc fait le héraut de la campagne visant à améliorer la sensibilisation et à créer une demande de connaissances sur la nutrition à travers les activités clés suivantes :

Renforcement de la volonté politique à l’égard de la nutrition

Le CSO-SUN a travaillé avec succès en coopération avec des responsables politiques au renforcement de l’engagement politique de lutter contre la malnutrition. Par exemple, le CSO-SUN a apporté son soutien aux partis politiques zambiens ayant inclus des messages de renforcement de la nutrition lors de la campagne présidentielle de janvier 2014 par l’intermédiaire d’une campagne appelée « Vote Nutrition » qui cherchait à pousser les candidats à l’élection présidentielle du 20 janvier 2015 à accorder une plus grande attention à la nutrition. L’Alliance a travaillé avec plusieurs partis politiques afin de définir des activités de renforcement de la nutrition s’ils venaient à remporter les élections. L’Alliance a simultanément réuni une équipe de célébrités influentes chargées de participer à une campagne publicitaire incitant les électeurs à ne voter que pour un parti/candidat ayant défini une politique et un mandat clairs à l’égard de la nutrition. L’Alliance a aussi apporté son soutien à la retransmission télévisée du deuxième débat présidentiel jamais diffusé et a créé une plate-forme permettant aux candidats de débattre de stratégies de renforcement de la nutrition. Ces initiatives ont renforcé l’engagement de la part des candidats à l’élection présidentielle et, aspirant à suivre ces engagements, la CSO-SUN a développé et soumis un programme d’action prioritaires sur la nutrition au Président de la Zambie. Il s’agit d’un ensemble d’alternatives politiques sur la nutrition sur lequel le Président est censé se concentrer au cours de son mandat. Pour 2016, année des élections générales nationales, le CSO-SUN rencontrera différents partis politiques afin de veiller à ce que leur manifeste indique clairement un plan en faveur de la nutrition. L’Alliance réaménagera aussi sa campagne « Vote Nutrition » afin d’en assurer une plus large couverture. De plus, l’Alliance se réunira avec les actuels et futurs leaders politiques afin de s’assurer de la tenue d’engagements réalisables en préparation du Sommet « Nutrition pour la Croissance 2 » (N4G2) en août 2016 à Rio de Janeiro.

Influence sur les politiques nationales

Le CSO-SUN a été au centre des efforts visant à augmenter la contribution des politiques du secteur publique à la nutrition en Zambie. Récemment, l’Alliance a mobilisé les OSC afin de travailler à l’inclusion d’un objectif de nutrition à la première Politique de protection sociale jamais établie en Zambie afin que cette dernière se concentre fortement sur la nutrition. Cette politique est actuellement mise en œuvre par le Ministère du Développement communautaire et la nutrition fait partie de ses premières priorités. La CSO-SUN a aussi organisé les OSC afin de soumettre des recommandations au projet de Politique agricole nationale afin de faire en sorte qu’elle réponde mieux aux besoins nutritionnels de la population. Le Ministère de l’Agriculture finalise actuellement ce projet. L’Alliance a appris que le Ministère avait mis fin à la période de consultation sans avoir demandé l’avis d’acteurs de la nutrition sur l’implication de cette politique sur les résultats en termes de nutrition. L’Alliance a alors mobilisé les OSC et a persuadé le Ministère de lui permettre de soumettre des recommandations visant à renforcer la contribution de cette politique à la nutrition. Ces recommandations ont effectivement été incorporées à la version de la politique qui sera prochainement adoptée par le gouvernement.  Il convient de noter que la nutrition est intégrée à d’autres politiques sectorielles, dont la Politique de santé nationale, le Plan stratégique de santé nationale et le Plan d’investissements agricoles. La Loi sur les aliments et drogues est en cours de révision. Le CSO-SUN est aussi régulièrement invitée à soumettre des suggestions et à se présenter à différents comités du Parlement zambien.  Ces dernières années, elle s’est présentée au Comité des Prévisions budgétaires, au Comité du Développement communautaire et des services sociaux et au Comité de l’Agriculture. Cela a contribué à ce que le Parlement prenne des décisions plus éclairées et fassent preuve d’une plus grande responsabilité à l’égard des actions affectant la nutrition.

Commission parlementaire multipartite sur l’alimentation et la nutrition (APPCON)

Les parlementaires jouent un rôle essentiel dans le plaidoyer des causes de la nutrition, à la fois à l’échelon national de par leurs capacités à influencer les réformes légales et budgétaires, mais aussi à l’échelon de leur circonscription en qualité d’agents de promotion du changement et de leaders communautaires. Par sa reconnaissance du rôle unique que les parlementaires jouent, le CSO-SUN a contribué à la formation d’une commission parlementaire multipartite sur l’alimentation et la nutrition (APPCON), un comité constitué de parlementaires consacré aux progrès alimentaires et nutritionnels par l’intermédiaire de l’Assemblée nationale. L’APCON classe les questions politiques et financières par ordre de priorité par l’intermédiaire de débats parlementaires prenant la forme de sessions de questions/réponses, de motions d’initiatives parlementaires et de motions d’ordre à des fins de renforcement de la voix et du mécanisme de redevabilité à l’égard de la nutrition par l’intermédiaire du Parlement. Cette commission travaille entre autres au renforcement de la législation sur la nutrition et de l’établissement d’une volonté politique de soulager le fardeau de la malnutrition et de faciliter la mise en œuvre efficace de la politique nationale de la nutrition. Les membres de la commission ont réussis notamment à soulever les questions relatives à la nutrition et aux politiques au niveau du Parlement. 

Renforcement des cadres législatif et budgétaire relatifs à la nutrition

Dans le but d’améliorer la coordination des acteurs de la nutrition par le renforcement de la Commission nationale sur l’alimentation et la nutrition (NFNC), le CSO-SUN a organisé avec succès une campagne dont le point culminant s’est traduit par la révision de la Loi nationale sur l’alimentation et la nutrition de 1967. Cette Loi prévoyait l’établissement de la NFNC mais n’avait pas été révisée depuis sa ratification en 1967. Dans sa forme actuelle, elle ne reflétait pas les problèmes de nutrition affectant différentes sous-populations et ne permettait donc pas l’obtention d’un statut nutritionnel optimal pour tous. De plus, elle ne donne pas les moyens à la NFNC de procéder à une coordination adéquate des différents acteurs pour élaborer une réponse multisectorielle à la malnutrition. Il était donc nécessaire de faire la révision de cette loi dans l’objectif de l’améliorer et l’adapter au contexte actuel. Le nouveau projet de loi, actuellement en délibération au Parlement, est destiné à renforcer la NFNC par l’intermédiaire des amendements et ajouts suivants :  tout d’abord, le projet de loi prévoit la constitution d’un Conseil d’administration à la tête de la NFNC en mesure de représenter la multitude d’acteurs. Ce Conseil d’administration améliorera la gouvernance de l’institution, le Conseil actuel agissant sans légitimité juridique ; ensuite, le projet de loi, sous sa forme actuelle, attribue un statut légal au Comité spécial de secrétaires permanents à la nutrition et définit clairement son rôle et ses responsabilités. Ce Comité aidera la NFNC à renforcer la redevabilité des acteurs de la nutrition à travers les Ministères sectoriels. Enfin, le projet de loi redéfinit le rôle global de la NFNC et, au vu des pouvoirs de régulations de l’institution, lui attribue un plus grand pouvoir pour lui permettre d’assurer son mandat.

De manière similaire, le CSO-SUN a mené une analyse du budget national et un suivi des financements du secteur de la nutrition en 2013, 2014 et 2015. L’analyse de l’Alliance pour ces années a démontré la faiblesse permanente du financement des interventions spécifiques et sensibles à la nutrition sous la forme du pourcentage du budget national : 0,001 % (2013), 0,03 % (2014) et 0,1 % (2015). Bien que ces chiffres traduisent une hausse annuelle d’un point de vue mathématique, cette dernière reste extrêmement lente et ne répond aucunement à l’étendue du problème. Ce travail d’analyse budgétaire qui a été développé avec l’appui technique du Mouvement SUN a reçu une reconnaissance nationale et représente la seule source d’informations sur le financement de la nutrition en Zambie (les lignes budgétaires sont identifiées et pondérées sur la base des taux prédéfinis, voir: http://scalingupnutrition.org/fr/ressources/suivi-financier-et-mobilisation-des-ressources/analyse-de-budget). Le kit d’outils d’analyse a été adopté par le gouvernement et l’analyse budgétaire a contribué à plusieurs publications nationales et internationales sur le financement de la nutrition, y compris les rapports sectoriels annuels du gouvernement, le Rapport mondial sur la nutrition et l’Indice d’engagement contre la faim et pour la nutrition (HANCI) de l’Institut des études du développement (IDS).

Mobilisation de la communauté et création d’une demande

La mobilisation de la communauté constitue une manière efficace de sensibiliser et de créer une demande d’amélioration de la nutrition à l’échelon communautaire. La CSO-SUN participe aux efforts de mobilisation de la communauté afin d’organiser les communautés et d’agir collectivement en faveur de l’élaboration de plans et de programmes visant à l’amélioration de la nutrition. L’une des approches que le CSO-SUN a adoptée consiste à organiser une commémoration annuelle de la Journée Mondiale d’Action (JMA) au cours de laquelle les membres de la société civile du monde entier appellent ensemble à l’amélioration de la nutrition, soulignant ainsi le pouvoir généré lorsque les efforts sont conjugués et rappelant les problèmes aux responsables nationaux et internationaux afin d’obtenir une réponse vigoureuse. En Zambie, le CSO-SUN commémore la JMA en organisant des événements au sein de différentes communautés dans l’ensemble de ses zones d’opération. Ces événements allant des compétitions sportives entre deux circonscriptions relatives à des exercices d’assainissement et de nettoyage sont destinés à réunir la communauté et ses responsables afin de permettre un dialogue et l’échange de réclamations et d’idées sur la meilleure manière d’améliorer la nutrition. Ces événements ont, par le passé, donné lieu à la formation de groupes communautaires sur la nutrition composé de membres de la communauté engageant directement un dialogue avec les dirigeants communautaires sur des questions de développement de la nutrition. Le CSO-SUN mobilise aussi les communautés en organisant les groupes vulnérables, tels que les mères allaitantes par la fourniture d’informations sur la nutrition et la transmission de compétences et de connaissances qui leur permettent d’améliorer la nutrition au sein de leur ménage. Ces groupes interviennent régulièrement à l’occasion de plates-formes de communication, telles que des réunions et des émissions de radios communautaires afin d’encourager leurs communautés et de faire pression sur leurs responsables. 

Engagement médiatique

Les efforts d’engagement médiatique à l’égard du dialogue sur la nutrition à l’initiative de la CSO-SUN ont été couronnés de succès dans le pays. L’Alliance a formé les médias à la communication sur la nutrition et fait part de ses remerciements aux institutions et aux individus méritants à l’occasion de sa cérémonie annuelle de remise de prix. Cette initiative a continué d’inspirer l’importante couverture du thème de la nutrition en Zambie. En moyenne, les médias zambiens couvrent les questions de nutrition environ quatre fois par semaine par l’intermédiaire des médias imprimés, radiodiffusés, en ligne et télévisés. Cette fréquence contribue au message sur la nutrition et garantit qu’il s’agit toujours d’un sujet essentiel lors de discussions à propos des questions de développement. Elle créée aussi une demande de la part du public et oblige les responsables gouvernementaux à rendre des comptes.      

Statut du Mouvement SUN

Les efforts pour le renforcement de la nutrition en Zambie ont beaucoup évolués, le gouvernement ayant notamment reconnu la grande portée des effets de la malnutrition. Le gouvernement admet aussi que la sous-alimentation constitue un problème complexe qui nécessite une approche intégrée parmi des secteurs variés, dont la santé, la lutte contre le VIH/SIDA, la protection sociale, la sécurité alimentaire et l’agriculture, l’éducation, l’approvisionnement en eau et l’assainissement et nécessite l’implication du secteur privé, de la société civile et des communautés. La nutrition a été intégrée au sixième Plan national de développement 2013-2016 (R-SDP) par son ajout à tous les plans de mise en œuvre spécifiques du R-SDP (en plus de la gouvernance, du VIH/SIDA, du genre, du handicap, de la gestion de l’environnement et de la préparation aux catastrophes). Le R-SDP a pour objectif de permettre l’atteinte des objectifs définis dans la Vision 2030 qui vise à faire de la Zambie un pays prospère à revenu intermédiaire d’ici 2030. Une telle approche intégrée nécessite une coordination efficace, des ressources humaines ainsi que des structures de prestation. De plus, le gouvernement s’est engagé, par l’intermédiaire du Plan national stratégique d’alimentation et de nutrition (NFNSP) pour 2011-2015, à la prévention du retard de croissance chez les enfants de moins de deux ans.  Le gouvernement a aussi consenti à plusieurs engagements, notamment la révision de la Loi sur la Commission nationale sur l’alimentation et la nutrition, le renforcement de la responsabilité de la NFNC afin de permettre une coordination adéquate parmi les secteurs clés (qui en est déjà à un stade avancé) et l’établissement d’un Comité spécial de secrétaires permanents à la nutrition chargés de se réunir et de convenir de directives politiques ainsi que de voies de  mise en œuvre des services et du suivi des avancées par rapport à aux objectifs définis.

Malgré de plus grands engagements pris en faveur de la nutrition par le gouvernement, il convient de noter que la coordination a continué de constituer un défi au renforcement des efforts de nutrition en Zambie. La NFNC est toujours subordonnée au Ministère de la Santé et le comité de pilotage de haut niveau ne se réunit pas de manière suffisamment régulière pour concrétiser une gestion de haut niveau des programmes de nutrition dans le pays. À cela s’ajoutent aussi les défis de mise en œuvre d’interventions de nutrition communes à plusieurs ministères sectoriels. Malgré l’établissement de plans stratégiques et de politiques raisonnables, l’absence d’un plan de mise en œuvre générale empêche de passer de la théorie aux actes. Bien que l’attention à l’égard de la sous-nutrition et des MNT est toujours plus forte, ces derniers ne sont pas intégrés aux politiques ni aux stratégies.

 

Encadré 1 :  Rapport d’étape 2015 du Mouvement SUN en Zambie

Le Plan national stratégique d’alimentation et de nutrition (NFNSP) pour 2011-2015 complète la Politique nationale sur l’alimentation et la nutrition et constitue le cadre commun de résultats (CRF) qui permet d’aligner tous les acteurs apportant leur appui. Ce dernier comprend huit stratégies opérationnelles et trois axes stratégiques (AS) associés à une matrice de mise en œuvre complète et à un cadre de suivi et d’évaluation. AS 1 Prévention du retard de croissance chez les enfants de moins de deux ans : les 1000 premiers jours les plus critiques font l’objet d’un programme appelé le Programme des 1000 premiers jours les plus critiques (MCDP) à mettre en œuvre sur trois ans. Des plans de nutrition multisectoriels provinciaux et de district ont été élaborés pour les 1000 MCDP grâce à un soutien national. Des plans bisannuels de nutrition multisectoriels (2014-2016) développés par les Comités de district en charge de la coordination de la nutrition (DNCC) ont été chiffrés sur la base d’un ensemble d’interventions minimales. L’ensemble d’interventions minimales conformément au 1000 premiers MCDP se compose de programmes spécifiques et sensibles à la nutrition qui sont aussi alignés en fonction des résultats du R-SDP.

Le NFNSP a en partie été chiffré en ce qui concerne l’ensemble d’interventions minimales et les scénarios recommandés pour guider la mobilisation des ressources pour les 100 premiers MCDP sur la base de l’AS1 avec l’appui technique de la Banque mondiale. Des efforts plus intenses sont exigés en matière de chiffrage, notamment en ce qui concerne les interventions contribuant à la nutrition dont les estimations de coût sont limitées. La NFNC en coopération avec les Ministres compétents et les OSC ont proposé de résoudre ce problème en chiffrant les activités à l’échelon du district ou certaines interventions sensibles à la nutrition dans le paquet d’interventions minimum afin de couvrir le déficit noté dans le rapport d’évaluation du coût de la Banque mondiale (Horton, Shekar, McDonald et al, 2010). Les fonds réunis sous l’égide de l’Unité de gestion de fonds du Mouvement SUN (SFMU) permettront à des prestataires experts d’entreprendre une analyse de la flexibilité budgétaire afin d’identifier les déficits financiers et d’aider à la planification ou à la mobilisation de ressources afin d’étendre les programmes à l’échelle nationale. Les partenaires de coopération en matière de nutrition (y compris les agences des NU et les donateurs) sont entrain de planifier la cartographie des fonds disponibles en faveur de la nutrition parmi ses membres sur une base annuelle. Des audits indépendants seront aussi réalisés par la SFMU.

Le NFSP est disponible ici

Leçons apprises

Les efforts de plaidoyer et de communication de l’Alliance de la société civile ont permis de constater la bonne volonté des divers acteurs, notamment les OSC, les médias, le Parlement et le gouvernement de collaboration dans le cadre de l’amélioration de la nutrition. Les acteurs de la société civile doivent adopter une approche stratégique dans leur communication afin d’obtenir l’engagement des acteurs. La présentation des messages est très importante, étant donné que certains concepts de nutrition sont souvent difficiles à comprendre, cela étant dû à divers facteurs (niveau d’alphabétisation du public cible, aisance avec les questions de nutrition, etc.). Par exemple, le ciblage de groupes communautaires implique la nécessité de synthétiser et de décloisonner l’information en adoptant un langage simple et intelligible qui permette une meilleure adoption et une plus grande compréhension. Une fois les communautés sensibilisées, ces dernières exigeront alors de meilleurs programmes de nutrition. Les fermiers qui connaissent la valeur apporté par la culture d’une variété de céréales à l’égard d’une consommation diversifiée demanderont à recevoir des intrants agricoles qui y contribuent et refuseront les stratégies de monoculture élaborées par le gouvernement. En conséquence, il serait possible de persuader le gouvernement de restructurer ses politiques agricoles afin de mieux tenir compte des besoins et des exigences de la population. Le travail avec les parlementaires exige en outre d’adopter une approche renforçant leurs connaissances en termes de besoins de leurs circonscriptions d’une manière susceptible de renforcer leurs capacités existantes. Afin de s’assurer de leur adhésion, les acteurs doivent resté informés, ce qui leur permettra de comprendre leur rôle et d’assumer leurs responsabilités ainsi que de participer à chaque étape du processus. Cette approche nécessite l’investissement de ressources permettant d’en assurer la pérennité. Nous avons aussi appris que l’appartenance à un réseau mondial regroupant des acteurs de la nutrition à travers le Mouvement SUN permettait un accès plus facile aux informations entre les pays, ce qui englobe aussi le partenariat de pays membres. La Zambie s’est par exemple associée à plusieurs occasions au Malawi afin de faciliter l’échange mutuel, ces deux pays étant frontaliers et faisant face à des défis similaires.

Conclusion

Le Mouvement SUN prend de l’ampleur en Zambie et il est grand temps de consentir à des efforts concertés de promotion et de communication. Le monde abordant une ère de développement post-2015 ainsi que le sommet N4G2, la société civile zambienne s’assurera que tous les acteurs mettent en œuvre les programmes de nutrition prévus et rendent des comptes sur leurs engagements. De par leurs activités de plaidoyer et de communication, les OSC ont un important rôle à jouer car elles doivent garantir que la nutrition continue de figurer en tête des objectifs politiques et des priorités de développement. En tant que telle, le CSO-SUN continuera à exploiter le soutien et la collaboration de partenaires nationaux et internationaux pour satisfaire les objectifs de nutrition qui sont, de l’avis de tous, nécessaires à la Zambie.

Pour obtenir de plus amples informations, veuillez contacter Eneya Phiri.


Références

Horton S., Shekar M., McDonald C., Mahal A.,  Krystene Brooks J (2010). Scaling Up Nutrition What Will It Cost? La Banque mondiale. 

Bureau central de statistique (CSO) [Zambie], Ministère de la Santé [Zambie] et ICF International. 2014. Zambia Demographic and Health Survey 2013-14. Rockville, Maryland, les États-Unis: Bureau central de statistique, Ministère de la Santé et ICF International.

 

 

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