Programme intégré de sécurité alimentaire et de prévention de la malnutrition aiguë en République centrafricaine
Par Amanda Lewis, directrice du département de la Sécurité Alimentaire et des Moyens d’Existence, ACF en République centrafricaine
Amanda Lewis est la directrice du département de la Sécurité Alimentaire et des Moyens d’Existence d’Action Contre la Faim en République centrafricaine. Elle possède de l’expérience dans les domaines de la sécurité alimentaire, de l’agriculture et de la nutrition, et elle apporte un soutien technique aux projets d’ACF en Centrafrique.
Ce projet est financé par le Comité Interministériel d’Aide Alimentaire de l'ambassade de France. L’auteur adresse également ses remerciements aux chefs de projets, Ioana Georgescu et Lisa Peyre, ainsi qu’à l’équipe de terrain.
L’ENN s’étend grâce à Translators without Borders (Traducteurs sans frontières) qui traduisent cet article.
Lieu : République centrafricaine (RCA)
Ce que l’on sait : Depuis 2013, la République centrafricaine (RCA) fait face à une crise persistante et à un problème d’insécurité alimentaire.
Ce que l’article nous apprend : En 2015 à Bangui, en RCA, ACF a mis en place un programme de sécurité nutritionnelle à court terme (pendant cinq mois, avec une prolongation de trois mois) qui complète les mesures de sécurité alimentaire, nutritionnelle, de Santé Mentale et de Pratiques de Soins (SMPS) en ciblant les femmes qui allaitent et les enfants âgés de 6 à 24 mois. Cela comprend la distribution de bons alimentaires, des stratégies de communication créatives visant la modification des comportements, des sessions SMPS individuelles ou en groupe, la sensibilisation et le soutien à l’alimentation du nourrisson et du jeune enfant (ANJE) ainsi que des transferts ponctuels d’argent. À ce jour, le score individuel de diversité alimentaire des femmes et la connaissance de l’ANJE, les relations mères-enfants ainsi que le fonctionnement psychosocial maternel se sont considérablement améliorés. L’étroite collaboration entre les équipes de sécurité alimentaire et SMPS impliquait une formation polyvalente, des objectifs communs, une communication harmonisée, une organisation partagée de l’activité et des indicateurs de surveillance et d’évaluation (S&E) collectifs. Les enjeux concernaient la sélection des bénéficiaires, le manque de connaissances élémentaires des personnes prodiguant les soins et du personnel ainsi que l’insécurité continuelle. D’autres informations seront disponibles après la fin de l’évaluation, début 2016.
Introduction
Action Contre la Faim (ACF-International) est présent en RCA depuis 2006 pour mener des activités en lien avec la nutrition ; l’eau, l’assainissement et l’hygiène (WASH) ; la sécurité alimentaire et les moyens d’existence ; ainsi que SMPS. La crise qui a commencé en 2013 a grandement affecté la population à Bangui (voir carte), où l’insécurité alimentaire reste importante et où les stratégies d’adaptations sont limitées. Dans ce contexte, ACF utilise une méthode de sécurité nutritionnelle dans l’un de ses programmes pour faire face aux causes immédiates et sous-jacentes de la malnutrition et compléter les mesures de sécurité alimentaire, nutritionnelles et SMPS. Ce projet est financé par le Comité Interministériel d’Aide Alimentaire (CIAA) de l'ambassade de France.
Il fait suite à trois projets de bons alimentaires à court terme, également financés par le CIAA. Dans le projet actuel, ACF a élargi les éléments sensibles à la nutrition afin d''avoir un impact plus important sur la prévention de la malnutrition et de réduire l’insécurité alimentaire. En ciblant 900 femmes enceintes et allaitantes (FEA) et des femmes avec des enfants de moins de deux ans, ce projet d’une durée de cinq mois a favorisé l’accès à une alimentation variée. Pour cela, il a distribué des bons alimentaires et diffusé des messages nutritionnels au moyen de diverses méthodes de communication, comme des démonstrations culinaires et des groupes de théâtre. Il a également soutenu l’amélioration des pratiques de soin aux enfants grâce à des interactions de groupe ainsi qu’au soutien individuel des femmes en détresse psychologique.
Le projet a été prévu pour une période de cinq mois, de mai à septembre 2015, avec trois mois de distribution de coupons (de juin à août). Il a été complété pendant trois mois (un mois à l’origine) par plusieurs activités supplémentaires, en raison des violences qui ont fait suite à la suspension des activités au mois d’octobre 2015. Ces activités devaient être maintenues en novembre et en décembre 2015 au moment de la rédaction du présent article.
Contenu du projet
Le projet a été mis en place dans un contexte de grande insécurité alimentaire. L’analyse du Cadre intégré de classification de la sécurité alimentaire (IPC) d’octobre 2014 a établi que la phase de sécurité alimentaire était en « crise » dans les zones concernées par le projet. Même si la situation a évolué vers la phase « sous pression », selon le rapport IPC d’avril 2015, les besoins restent importants et 20 % de la population de Bangui est considérée comme étant dans une phase de besoins humanitaires. La situation nutritionnelle en RCA est également préoccupante et a été classée dans la catégorie « alerte » par l’OMS. Le Tableau 1 résume les statistiques nutritionnelles de l’enquête SMART la plus récente, effectuée en 2014.
Les pratiques de soin qui encourageraient les effets positifs sur la nutrition des nourrissons et des jeunes enfants sont peu nombreuses. Le taux d’allaitement exclusivement au sein à Bangui est de 20,5 % et seulement 44 % des mères donnent au moins deux repas par jour à leurs enfants âgés de 6 à 8 mois. Les mères nourrissent les jeunes enfants avec des céréales et un brouet clair en petites quantités, mais leur donnent moins souvent des protéines d’origine animale, des fruits et des légumes. Même si les causes de la malnutrition en RCA n’ont pas été systématiquement étudiées, les problèmes liés à l’insécurité alimentaire et aux pratiques de soin jouent un rôle important, en plus d’autres causes sous-jacentes comme l’accès limité aux services de santé, à l’eau et à l’assainissement. La figure 1 explique de quelle façon la crise actuelle a augmenté le risque de malnutrition.
Méthode du projet
Objectifs
Le projet d’ACF aborde ces problèmes multisectoriels dans le but de prévenir la malnutrition aiguë sévère et modérée de 900 FEA et de leurs enfants âgés de moins de deux ans à Bangui. Le projet a deux objectifs précis :
1) améliorer l’accès des nourrissons et des enfants âgés de 6 à 24 mois ainsi que des FEA à des aliments de haute qualité en quantité suffisante ; et
2) améliorer l’alimentation et les pratiques de soins des FEA et des couples mères/nourrissons affectés par la crise.
Lieu
Le projet est mis en œuvre dans le 7e arrondissement de Bangui. ACF travaille depuis 2009 avec le centre de traitement nutritionnel du quartier, le Centre Saint Joseph ; les trois précédents projets de bons alimentaires avaient également eu lieu dans cet arrondissement. D’après les informations les plus récentes dont on dispose, 12 897 ménages vivent dans le 7e arrondissement, le projet couvre donc 7 % de la population totale.
Bénéficiaires et ciblage
Les bénéficiaires ont été sélectionnés grâce à une assemblée communautaire composée des représentants de chaque quartier (voisinage). À l’aide des données sur la population, un quota a été fixé pour chaque quartier et l’assemblée a sélectionné 900 bénéficiaires qui répondaient aux critères de vulnérabilité préétablis. Ceux-ci impliquaient pour les femmes d’être enceintes de plus de six mois, d’avoir un enfant âgé de moins de deux ans ou d’être en situation de vulnérabilité économique, c’est-à-dire de ne percevoir aucun voire très peu de revenus (une liste des activités économiques avait été établie par la communauté), et d’être en situation d’isolement, sans partenaire ni famille qui auraient pu apporter un soutien financier. La liste des participants au projet a été validée par le personnel d’ACF qui a vérifié 10 % des ménages de manière aléatoire afin de s’assurer que l’assemblée respectait les critères préétablis.
Mise en oeuvre
Tous les mois et pendant trois mois, chaque bénéficiaire se voyait distribuer des coupons alimentaires qu’ils pouvaient échanger au marché local. Les coupons étaient imprimés d’après la valeur monétaire correspondant à chaque article alimentaire et donnaient droit à un panier d’aliments nutritionnels composé de manioc, de haricots, de cacahuètes, d’huile végétale, de poisson, de viande, de tomates, de riz et de sel. Ce panier a été mis au point en collaboration avec le directeur du département de la nutrition d’ACF-RCA lors d’un premier projet de coupons alimentaires afin de fournir 50 % des besoins nutritionnels d’un ménage de cinq personnes (la taille moyenne officielle d’un ménage). Les coupons fournissent environ 135 900 kcal par mois et par ménage. Pour un ménage de cinq personnes, cela équivaudrait à environ 900 kcal par personne et par jour. Les coupons comprennent une proportion de 11 % de protéines ; 56 % d’hydrates de carbone ; 33 % de lipides.
Afin d’éviter de nuire aux marchés et aux commerçants, la quantité de nourriture correspondant au montant n’était pas indiquée. Cependant, la surveillance hebdomadaire des prix du marché et les retours des bénéficiaires permettaient à l’équipe de savoir si les commerçants augmentaient les tarifs pour les participants. Les commerçants participant au projet ont également reçu une formation en gestion commerciale et en marketing, car cela avait été perçu comme un point faible lors des projets précédents.
Pendant les semaines où les bons n’étaient pas distribués, l’équipe de sécurité alimentaire organisait des démonstrations culinaires avec de petits groupes de participants au projet. Ces démonstrations montraient comment préparer une bouillie équilibrée pour compléter les repas et dispensaient une formation relative à l’économie des ménages grâce à un jeu interactif dans lequel les participants s’exerçaient à la prise de décision, apprenaient à avoir une alimentation équilibrée et étaient sensibilisés à l’importance de faire des économies. À l’occasion de la dernière distribution de coupons, un groupe de théâtre a joué de petites pièces amusantes pour résumer les différents thèmes abordés lors du projet, à propos de la diversité alimentaire, de la gestion des revenus, des économies et de l’utilisation de pratiques de soin positives. Une émission de radio relayant les mêmes messages a également été diffusée pour donner plus d’impact à la démarche.
Aux côtés de l’équipe de sécurité alimentaire, l’équipe SMPS a fourni un soutien individuel et de groupe aux participants du projet. De nombreuses femmes avaient subi des pertes et des abandons lors de la crise et l’équipe a constaté des taux élevés de dépression et d’anxiété. La prise en charge des cas individuels a aidé les mères à créer des liens avec leurs enfants et à trouver de la force et du soutien. Les activités de groupe ont fourni un environnement d’apprentissage mutuel, ont permis de bonnes pratiques de soin à l’égard des enfants et ont renforcé les liens sociaux. L’équipe SMPS a également participé à la sensibilisation sur les pratiques de soin, y compris en ce qui concerne l’allaitement au sein et l’ANJE. Ces sessions donnaient la possibilité aux femmes de poser des questions et de discuter des problèmes qui leur paraissaient importants, comme la planification familiale et la santé féminine. L’équipe a également formé 25 membres du personnel de santé du Centre de Santé de St Joseph, où se déroulaient les activités, sur des sujets comprenant l’ANJE, l’affection mère-enfant et la relation entre les patients et le personnel soignant.
La prolongation du projet, dont il a été question ci-dessus, comprenait une démonstration culinaire destinée à compléter la démonstration sur la bouillie pour enfant déjà dispensée aux adultes ; la distribution d’un « kit bébé » contenant des couches en tissu, du savon et une cuvette pour donner le bain ainsi qu’une formation à l’utilisation de ces objets ; et la distribution de 10 000 CFA (environ 16 USD) en espèce. Elle s’est terminée par une pièce de théâtre en groupe pour rappeler les messages du projet aux bénéficiaires. Cette activité était encore en cours au moment de la rédaction du présent article, les résultats finaux de l’évaluation en lien avec cette activité ne sont pas encore répertoriés.
Travailler à l’échelle multisectorielle
Afin d’atteindre les deux objectifs du projet, il est nécessaire d’adopter une approche intégrée en associant l’accès à des aliments nutritionnels et à leur utilisation, tout en soutenant la SMPS. Si les deux objectifs étaient déjà définis dans les projets précédents, dans le cas présent, les activités étaient associées de manière plus délibérée, incluant la formation et la collaboration entre les équipes de sécurité alimentaire et SMPS. Par exemple, les responsables du programme proposaient des formations interdisciplinaires afin de s’assurer que le personnel de terrain chargé de la sécurité alimentaire comprenait les messages SMPS et réciproquement. Cela a permis à l’équipe de sécurité alimentaire d’adresser les bénéficiaires à l’équipe SMPS pour un soutien individuel lorsqu’elle le jugeait nécessaire et cela a renforcé l’approche de l’équipe par rapport au projet. Le ciblage des bénéficiaires et les distributions de bons étaient organisés par les deux équipes. Les activités du projet et la diffusion des messages étaient également harmonisées. Par exemple, les équipes de sécurité alimentaire et SMPS travaillaient ensemble lors des démonstrations culinaires, renforçant ainsi les messages sur les pratiques de soin et l’ANJE, ainsi que sur la diversité alimentaire et la budgétisation nécessaires à une alimentation saine. Les deux responsables du programme ont travaillé en collaboration pour mettre au point des questionnaires S&E normalisés qui prenaient en compte les indicateurs des deux secteurs. Comme décrit précédemment, le département nutritionnel d’ACF-RCA était également impliqué dans l’élaboration des coupons pour les paniers alimentaires et validait les messages nutritionnels clés pour les formations et les émissions de radio.
Conséquences du projet
La Politique de Sécurité nutritionnelle d’ACF a contribué à promouvoir la coordination des activités spécifiques et sensibles à la nutrition au sein de ce projet. Le projet inclut des indicateurs nutritionnels spécifiques et se concentre sur les populations les plus vulnérables du point de vue nutritionnel, dans les régions où les niveaux d’insécurité alimentaire sont les plus élevés. Il se focalise également sur l’émancipation des femmes et comprend des stratégies de modification du comportement en ce qui concerne les pratiques nutritionnelles et de soin. Il a été démontré que ces caractéristiques sensibles à la nutrition ont un impact sur les autres projets. S’il est impossible d’évaluer séparément les effets des différents éléments de ce projet, les évaluations le concernant révèlent bien un certain nombre de conséquences positives, décrites ci-après.
Au départ, le score individuel moyen de diversité alimentaire des femmes (SDAF) était de cinq, et un certain nombre de femmes déclaraient même ne pas du tout avoir mangé le jour précédent. À la fin, la moyenne du SDAF avait augmenté à huit et toutes les femmes avaient au moins un score de quatre. Des améliorations du score de consommation alimentaire (SCA) ont également été constatées. Au départ, le score SCA était de 31 et 33 % des ménages avaient un score dans la catégorie « pauvre ». À la fin, le score moyen avait augmenté à 50 et aucun des ménages ne se trouvait plus dans cette catégorie. En ce qui concerne les enfants, il y avait au départ deux cas de MAS et aucun cas de MAM. Au terme du projet, il n’y avait plus aucun cas de MAS ni de MAM, 65 % des nourrissons avaient amélioré leur score de PB et 97 % d’entre eux avaient un PB correct dans l’échantillon final. Lors de l’intervention (entre le début et la fin du projet), aucun cas de MAM ou de MAS n’a été décelé par l’équipe.
Grâce aux enquêtes Connaissances, Attitudes et Pratiques (CAP), l’équipe a pu évaluer les changements dans la perception qu’ont les participants des pratiques de soin. Les connaissances se sont nettement développées à travers tous les messages clés (allaitement exclusivement au sein, pratiques d’alimentation complémentaire, nutrition maternelle, etc.). En raison de la brièveté de la période de mise en œuvre, les objectifs concernant les pratiques alimentaires n’ont pas été atteints. Toutes les femmes prises en charge individuellement par rapport à la SMPS ont amélioré leur relation mère-enfant (ACF, 2013). De plus, 94 % des femmes ont montré une amélioration de leur fonctionnement psychosocial ; le score sur l’« échelle de souffrance » est passé de 9,24 à l’admission à une moyenne de 2,8 et le score de soutien social a évolué de 3,8 à 8,6, d’après les échelles de soutien social et de mesure de la souffrance. (Ces dernières utilisent un ensemble de dessins afin d’évaluer la perception qu’ont les participants du soutien social qu’ils reçoivent et de la souffrance qu’ils éprouvent. Une diminution du score de la souffrance traduit une amélioration ; une augmentation du score de soutien social témoigne d’un soutien plus important.)
Malgré la brièveté du projet, ces résultats montrent de façon évidente que la sécurité alimentaire et les connaissances liées à ANJE et aux pratiques de soin se sont améliorées, et que les participants du projet se sentent mieux soutenus au niveau social. La réponse des participants a été extrêmement positive quant à la qualité et à l’utilité des différents éléments du projet, y compris en ce qui concerne l’accès à l’alimentation et les connaissances acquises. 97 % d’entre eux ont déclaré avoir beaucoup appris des activités du projet.
Réflexion sur le projet
Le projet n’était pas sans épreuves. Parmi elles, on compte notamment les problèmes liés à la sélection des bénéficiaires ; la brièveté du projet, qui a limité la quantité de soins individuels pouvant être proposés ainsi que la capacité à mesurer les changements de comportement à long terme ; et le fait que certains bénéficiaires (5 % d’après les enquêtes finales) ont préféré vendre une partie de leurs coupons pour réserver de l’argent à des besoins non alimentaires.
Les leçons tirées de l’épreuve de la sélection communautaire des bénéficiaires nous ont permis d’adapter la méthode de sélection lors de la conception d’un nouveau projet de bons alimentaires (avec un donateur différent). Dans ce nouveau projet, des comités de sélection des bénéficiaires ont été créés dans chacun des quartiers à la place d’un comité unique pour l’ensemble de l’arrondissement et la liste préliminaire des potentiels bénéficiaires établie par le comité a été entièrement validée par les équipes d’ACF, afin de s’assurer que les participants potentiels remplissaient les critères de vulnérabilité. Cette méthode a grandement réduit les plaintes et sera recommandée pour de futurs projets de bons à Bangui, où la crise, en plus de la configuration urbaine, favorise le manque de confiance et de cohésion sociale.
Certains bénéficiaires vendaient ou échangeaient leurs coupons contre de l’argent. Cela s’explique par le fait que certaines jeunes femmes subissaient des pressions de la part des membres de leur ménage pour répondre aux besoins non alimentaires et n’avaient pas la liberté de prendre leurs propres décisions dans ce domaine. Dans d’autres cas, les femmes pensaient que l’argent investi dans leurs activités de subsistance aurait de meilleures répercussions. Si le personnel d’ACF a insisté sur l’importance d’une alimentation variée, sur l’utilisation des coupons pour y parvenir et sur l’interdiction d’échanger des coupons contre de l’argent avec les commerçants, il n’était pas possible d’empêcher toutes ces transactions. Par rapport à ce problème, de nombreuses femmes ont exprimé la nécessité d’une aide non seulement pour accéder à l’alimentation, mais aussi, et surtout pour commencer ou renforcer des activités génératrices de revenus. Favoriser l’émancipation économique des femmes peut être un moyen de diminuer la malnutrition, surtout lorsqu’elle va de pair avec des stratégies de communication visant la modification des comportements, comme cela a été le cas dans ce projet.
En outre, les bénéficiaires et le personnel de santé du centre manquent de connaissances quant à l’ANJE et aux pratiques de soin. Un grand nombre de participants ne disposaient pas des informations de base relatives à l’hygiène et aux besoins alimentaires et très peu d’entre eux savaient comment gérer l’argent du ménage. Dans ce domaine, les bénéficiaires du projet étaient très intéressés par les informations et participaient activement aux formations, certains ont même assisté plusieurs fois à la même formation. Afin de rendre l’information accessible dans le court laps de temps du projet, il était important de maintenir des activités interactives et de favoriser la participation. L’utilisation de jeux, du théâtre, de démonstrations pratiques et d’activités en petits groupes a contribué à promouvoir ces messages et à engager le dialogue avec les femmes. Des membres d’équipes forts de leur expérience sur les précédents projets de coupons, motivés pour approfondir le projet ainsi qu’un responsable de programme créatif doté d’excellentes compétences en matière de gestion des équipes ont été autant d’avantages pour le projet.
D’autres conclusions seront tirées après l’évaluation finale qui aura lieu à la fin de la prolongation des activités. Il sera particulièrement important de voir si les indicateurs de sécurité alimentaire, la perception qu’ont les participants du soutien social et la connaissance des pratiques de soin restent positifs ou si la situation s’est détériorée malgré les nouvelles distributions faites à la suite de la recrudescence de la violence en septembre et octobre 2015.
Conclusion
Cet article se concentre sur les expériences d’ACF au niveau de la programmation. Si les leçons tirées du projet sont actuellement utilisées pour changer la future programmation, comme décrite ci-dessus, et ont été utilisées et partagées en collaboration avec d’autres ONG travaillant sur des programmes de bons alimentaires dans le pays, dans le cadre du cluster de sécurité alimentaire et d’autres mécanismes de coordinations entre ONG, il n’est pour l’instant pas possible d’étendre le projet au niveau des ministères ou des institutions nationales en raison de l’état de crise dans lequel se trouve le pays.
Grâce à la méthode de sécurité nutritionnelle d’ACF qui met l’accent sur les synergies et les approches intégrées et holistiques, ce projet a réuni les secteurs de la sécurité alimentaire, de la nutrition et SMPS pour mettre au point une intervention multidimensionnelle qui aborde un certain nombre des causes possibles de malnutrition à Bangui. En améliorant l’accès à une alimentation plus nutritive, en favorisant des pratiques de soin positives et un soutien psychosocial, tout en faisant passer un message nutritionnel dans toutes les activités du projet, celui-ci a permis d’améliorer la sécurité alimentaire, la nutrition et les stratégies d’adaptation des participants. Même avec un projet de distribution de bons alimentaires visant à répondre aux répercussions à court terme de la crise actuelle, il est possible d’œuvrer en faveur d’objectifs plus durables, à long terme, afin de modifier les comportements et d’agir en incitant les bénéficiaires à participer à des activités adaptées qui encouragent une alimentation variée et de meilleures pratiques de soin.
Si ce projet a eu lieu dans un contexte d’urgence, il est possible d’envisager une approche similaire dans d’autres situations où les bons d’aide seront associés à des messages multisectoriels et à la promotion de meilleures pratiques de soin, de la santé mentale des mères et d’une alimentation variée. Dans le contexte actuel, ACF-RCA espère poursuivre cette approche et la compléter en soutenant davantage le développement des activités économiques des femmes, comme décrit précédemment, afin de promouvoir la résilience et l’émancipation économique, qui peuvent également avoir un impact sur la sécurité alimentaire et nutritionnelle.
Pour de plus amples informations, contacter : Amanda Lewis.
Références
ACF, 2013. Utilisation d’une grille d’observation de l’interaction mère-enfant, basée sur un système de notation (1 = toujours ou constant, 2 = occasionnel ou absent et 0 = non observé) d’une liste d’interactions entre l’enfant et sa mère (voir ACF, 2013, Manuel d’intégration des pratiques de soin et de la santé mentale au sein des programmes nutritionnels, tableau 6.)