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Distribution pilote des poudres de micronutriments au Burundi : agir en fonction des enseignements tirés

Published: 

Par Leni Martinez Del Campo, Emily Sylvia et l’équipe de Concern au Burundi

Read an English version of this article here

Emily Sylvia vient récemment d’obtenir son master en administration publique du programme de pratiques de développement de l’École des affaires internationales et publiques de l’université de Columbia, où elle s’est spécialisée dans l’agriculture et la sécurité alimentaire, avec un accent tout particulier sur l’agriculture sensible à la nutrition.

Leni Martinez del Campo était la personne chargée du dossier sécurité alimentaire et nutritionnelle chez Concern Worldwide, où elle s’est concentrée sur le plaidoyer pour augmenter le soutien politique et les ressources financières en faveur de la nutrition. Elle est titulaire d’un master en administration publique du programme de pratiques de développement de l’École des affaires internationales et publiques de l’université de Columbia.

Les auteures remercient l’équipe de Concern au Burundi pour leur contribution à l’élaboration de cet article ainsi que Kirk Pritchard lui aussi de Concern, qui les a aidées à coordonner les contributions.

Lieu : Burundi

Ce que nous savons : Les carences en micronutriments sont fréquentes chez les enfants du Burundi. Une supplémentation en micronutriments est un moyen de les combattre.

Ce qu’apporte cet article en plus : Dans le cadre d’un programme pilote, une quantité suffisante des poudres de micronutriments (PMN) pour deux mois a été distribuée pendant la « Semaine de la santé mère-enfant ». Ce programme s’adressait aux enfants entre 6 et 23 mois de deux provinces du Burundi, avec le soutien des agents de santé communautaire et des mamans lumières. Une enquête auprès des mères, effectuée après la distribution, a constaté la haute couverture de cette distribution (97 %), la bonne acceptation du produit et les bénéfices sur la santé ont été rapportés (moins de maladie, plus d’énergie). Certains problèmes ont sans doute eu une incidence sur les taux d’adoption (64 % des mères n’avaient pas tout utilisé avant la fin de la période d’intervention), notamment une sensibilisation et un suivi inadéquat des communautés, le mauvais étiquetage du produit (groupe d’âge incorrect) et un manque de communication entre les agents de santé et les mères. Les obstacles rencontrés ont été supprimés pour améliorer les phases suivantes. Cette expérience renforce l’importance de la participation des communautés, des mécanismes de retro action et de l’adaptabilité de la programmation.

Bilan actuel de la nutrition des enfants au Burundi

Au Burundi, quatre personnes sur cinq vivent avec moins de 1,25 dollar américain, ce qui fait de ce pays l’un des plus pauvres dans le monde. Il fait également partie des pays où le taux de retard de croissance chez les enfants est parmi les plus élevés : il est estimé que 58 % des enfants de moins de cinq ans souffrent d’un retard de croissance (rapport taille-âge < -2 écart types). Ce taux est considérablement plus élevé que celui d’autres pays de la région de l’Afrique orientale où le revenu par habitant est semblable1 . De plus, 35 % des enfants souffrent d’une insuffisance pondérale et 7 % d’émaciation 2. Bien que moins évidentes de l’extérieur, les carences en micronutriments sont également prévalentes. 25 % des enfants de moins de cinq ans souffrent d’une carence en vitamine A et 56 % sont anémiques. 47 % de la population souffrent d’une carence en zinc 3. La prise adéquate de micronutriments est importante tout au long de la vie, mais elle est cruciale pendant les premiers 1000 jours (de la conception au second anniversaire) pour s’assurer d’un développement cognitif et physique suffisant. Il est estimé que le Burundi perd annuellement près de 30 millions de dollars américains en raison des carences en micronutriments4.

Projet de distribution des poudres de micronutriments

Afin de lutter contre les carences en micronutriments dans le créneau des mille jours et en partenariat avec l’UNICEF, le ministère burundais de la Santé publique et de la lutte contre le SIDA a entrepris une vaste distribution des poudres de micronutriments (PMN) aux enfants de 6 à 23 mois dans le cadre du PRONIANUT (programme national intégré du Burundi pour l’alimentation et la nutrition). Cet article fait part des expériences tirées de l’initiative pilote de distribution de PMN en 2014 et 2015.

Une distribution pilote de PMN a été réalisée en décembre 2014 et en avril 2015 pendant la Semaine de la santé mère-enfant (un évènement semestriel) dans les provinces de Cibitoke et de Ngozi. Toutes les mères d’enfants âgés entre 6 et 23 mois ont reçu une quantité de sachets de PMN (soit 60 sachets) suffisante pour deux mois dans l’objectif de tester le niveau d’acceptation et d’étudier l’adoption. Les agents de santé communautaire (ASC) et les mamans lumières (ML) ont soutenu, sensibilisé et éduqué les mères par des messages sur la nutrition et sur la bonne utilisation des poudres de micronutriments. Au Burundi, Concern Worldwide a été invitée à rejoindre ce programme pour aider au niveau de la mise en œuvre, de la sensibilisation et de l’éducation sur la bonne utilisation des PMN.

À l’issue de la distribution, Concern a mené une enquête (entretiens de sortie et groupes de discussion) dans la province de Cibitoke trois mois après la distribution de décembre 2014. Pour décembre 2014, l’objectif était d’atteindre 28 666 enfants ; 28 007 l’ont été. L’enquête évaluait l’efficacité des communications et des messages pendant la distribution de PMN, en mettant l’accent sur le niveau de connaissances et celui d’utilisation du produit, sa conservation et les effets secondaires perçus de leur utilisation, dans le but d’améliorer la composante de sensibilisation pour les phases suivantes du projet. L’enquête examinait en particulier :

·         si les mères d’enfants entre 6 et 23 mois qui ont reçu des PMN ont été en mesure de les utiliser correctement chez elles.

·         Quels facteurs déterminants ont influencé l’utilisation de PMN chez les mères d’enfants entre 6 et 23 mois.

Des questions ont été posées à un échantillon de 114 mères pour l’évaluation quantitative. Un échantillon de 30 mères divisées en six groupes de discussion, a répondu aux questions pour l’évaluation qualitative.

Conclusions issues de l’enquête post-distribution

L’enquête a déterminé un certain nombre de résultats favorables. La plupart des mères avaient l’impression que leurs enfants étaient en meilleure santé et qu’ils étaient plus dynamiques (voir Figure 1). Les mères ont indiqué une diminution des cas de diarrhée pendant la période d’intervention. Les mères avaient une image positive du produit : toutes ont affirmé qu’elles redonneraient des PMN à leurs enfants si on leur en fournissait. Aucun obstacle culturel majeur n’a été décelé. L’enquête confirmait le niveau élevé de couverture enregistré (97,7 %) et toutes les mères ont indiqué que du personnel médical leur a fourni gratuitement des sachets de PMN.

Figure 1 : Effets perçus de l’utilisation des poudres de micronutriments

 

L’enquête a également déterminé un certain nombre d’obstacles clés qui sont étroitement liés entre eux :

1.      Mauvais niveau de mobilisation de la communauté par les ASC et les ML ;

2.      Mauvais suivi auprès des mères et des agents de santé ;

3.      Manque de clarté du dépliant de communication/éducatif ;

4.      Mauvais étiquetage sur l’emballage et

5.      Messages confus à l’égard du groupe cible pour ce traitement.

L’enquête suggère que la mauvaise mobilisation des communautés était étroitement liée à la formation insuffisante des ASC et des ML, qui jouent un rôle crucial pour disséminer les informations et pour que les meilleures pratiques soient copiées dans leur communauté. Ils n’ont reçu qu’une seule journée de formation sur l’utilisation adéquate et l’importance des PMN une semaine avant la Semaine de la santé mère-enfant ; cela ne suffisait pas pour permettre une bonne compréhension du processus et de l’utilisation des PMN (ce qui était pour eux une nouvelle intervention). La courte période entre la formation et la distribution n’a pas permis aux agents de soutien de réaliser des visites à domicile dans leur communauté afin de sensibiliser les mères avant que la distribution n’ait lieu. De plus, il n’existait aucune stratégie bien définie de suivi pour encourager les mères à utiliser les PMN et pour répondre aux questions qui sont survenues pendant les deux mois qui ont suivi la distribution.

Le dépliant éducatif contenait deux messages clés sur l’utilisation des PMN et sur l’importance d’une alimentation équilibrée, mais il n’expliquait pas comment ils étaient liés entre eux et les informations contenues étaient insuffisantes et sans grande clarté sur l’utilisation des sachets. L’enquête a par exemple révélé que les mères n’étaient pas sures des types d’aliments qu’elles pouvaient utiliser avec des PMN. Le dépliant indiquait que le porridge était l’aliment avec lequel les PMN pouvaient être pris, portant les mères à croire qu’on ne pouvait les donner qu’avec du porridge. De plus, les illustrations utilisées ne communiquaient pas exactement la méthode de préparation, portant ainsi à confusion sur le délai entre le moment de l’ajout du contenu du sachet à la nourriture et celui de nourrir l’enfant, ainsi que sur la température que la nourriture devait atteindre pour ajouter la poudre.

L’âge qui figurait sur l’emballage des sachets n’était pas correct, stipulant que le produit devait être consommé par les enfants âgés entre 6 et 59 mois au lieu de 6 à 23 mois, induisant en erreur les mères, mais aussi les ASC/ML sur les enfants à qui s’adressait le produit. L’enquête a révélé que pendant le premier jour de distribution, les PMN ont été distribués aux mères d’enfants âgés entre 6 et 59 mois au lieu de 6 à 23 mois. Par conséquent, seulement 45 % des mères interrogées étaient au courant que les PMN devaient être donnés aux enfants âgés entre 6 et 23 mois, tandis que 14,9 % pensaient que l’âge cible était de 6 à 59 mois ; 16 % ne savaient pas, 15,8 % avaient répondu par « autre » et 0,8 % pensaient que l’âge cible était de 0 à 6 mois.

Au moment de l’enquête trois mois après la distribution, 64 % des mères indiquaient qu’il leur restait des sachets ; au rythme estimé d’utilisation (1 sachet par jour), il n’aurait dû en rester aucun après la période pilote de deux mois. Les principales raisons que les mères ont avancées pour expliquer l’interruption d’utilisation étaient les suivantes : elles ont oublié (36 %), l’enfant était malade (24 %), elles n’étaient pas là (18 %), il n’y avait pas de porridge (15 %) ou elles avaient perdu intérêt (7 %). Les mères ne savaient pas de manière sure si les PMN pouvaient être consommés en même temps que des médicaments et elles en avaient arrêté l’utilisation quand leur enfant était tombé malade.

Recommandations et suivi

Bien qu’il y ait eu des problèmes au niveau de la mobilisation, de la communication et de l’étiquetage qui ont eu une incidence sur l’adoption et l’utilisation, la couverture de la distribution a été élevée et les mères ont bien accepté le produit, elles en percevaient les effets favorablement et étaient prêtes à l’utiliser. Recommandations pour éliminer les obstacles identifiés dans les distributions futures de PMN :

·         Mieux communiquer les messages nutritionnels généraux et le rôle des PMN pour améliorer l’état nutritionnel des nourrissons (notamment une meilleure santé, la réduction des maladies diarrhéiques et l’augmentation de l’appétit de l’enfant) ;

·         Incorporer des messages clairs, en soulignant les meilleures pratiques pour l’utilisation quotidienne des PMN, dans des activités de mobilisation des communautés par les ASC et les ML et impliquer dans ces messages les groupes de gestion de soins et autres structures communautaires ;

·         Corriger l’emballage des PMN pour indiquer l’âge cible (de 6 à 23 mois) et

·         Améliorer le dépliant éducatif pour répondre aux questions des mères, éliminer les confusions et améliorer la qualité des illustrations pour mieux correspondre à la méthode correcte de préparation.

Par la suite, Concern a œuvré avec l’UNICEF pour intégrer ces changements à la conception du programme et modifier le dépliant pour le rendre plus accessible, en utilisant des photos au lieu de croquis (voir Figure 2). Le PRONIANUT s’en est servi pour assurer une formation en cascade, à commencer par les acteurs à l’échelle nationale jusqu’à l’échelon communautaire, pour que les ASC et les ML puissent sensibiliser les mères et leur apprendre comment utiliser les PMN d’une manière plus efficace. Les PMN qui seront fournis en 2016 auront un nouveau conditionnement pour tout le pays. Pour le prochain déploiement, il est prévu d’intégrer une distribution de PMN au sein de l’appareil de santé normal, au niveau des structures de santé et des communautés. Les agents de santé communautaires s’en chargeant au niveau de la communauté, la couverture pourra être adéquate et le suivi de qualité.

Figure 2 : Comparaison entre les dépliants éducatifs avant et après l’initiative pilote

Conclusions

L’UNICEF et Concern ont œuvré ensemble pour déterminer les faiblesses du projet et ils ont agi en conséquence pour améliorer les phases suivantes de la distribution de PMN. Cela comprenait un investissement par l’UNICEF et par le PRONIANUT afin de développer les capacités des ASC et des ML. Cette expérience met en avant l’importance de la sensibilisation, de l’éducation et de l’implication des bénéficiaires dans la préparation et la mise en œuvre ; de la coordination des parties prenantes et de l’implication des communautés pour développer des stratégies de communication ; enfin, de la prise de conscience et de la sensibilisation des communautés pour soulager la pression que subissent les mères. Ce projet est un bon exemple de la façon dont, au travers de lignes de communication ouvertes et de mécanismes de retours, il est possible de surmonter des obstacles, et de la façon dont un projet peut être remodelé pour avoir un plus grand impact et améliorer la vie de ceux qu’il vise.

Pour obtenir des informations complémentaires, contacter : Leni Martinez del Campo à lenimtz@gmail.com.

Lire cet article en anglais.

 


 

1Profil du Burundi. Rapport 2014 sur la nutrition mondiale. http://globalnutritionreport.org/files/2014/11/gnr14_cp_burundi.pdf

 

2La nutrition en bref. Banque mondiale. http://siteresources.worldbank.org/NUTRITION/Resources/281846-1271963823772/Burundi.pdf

 

3Voir la note de bas de page précédente.

 

4L’UNICEF et l’Initiative pour les micronutriments. 2004. Vitamin and Mineral Deficiency: A Global Progress Report [rapport (en anglais) sur les carences en vitamines et en minéraux dans le monde] et Banque mondiale. 2009. World Development Indicators (base de données), ou indicateurs de développement mondial cités à http://siteresources.worldbank.org/NUTRITION/Resources/281846-1271963823772/Burundi.pdf

 

 

 

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