Adaptation d’un programme d’amélioration de résilience lors des conflits : les expériences du Yémen
Par Mustafa Ghulam et Mohammed H Alshama’a
Mustafa Ghulam est un gestionnaire de projets de Save the Children chargé du Programme de sécurité alimentaire et des moyens de subsistances, basé au Yémen. Il a 20 ans d’expérience dans la conception de programme et de mise en œuvre lors des catastrophes naturelles et humaines.
Mohammed Alshama’a est conseiller technique de Save the Children chargé du Programme MEAL, basé au Yémen. Mohammed possède une vaste expérience dans la mise en place de programme d’urgence et de développement dans des contextes différents. Il est expérimenté dans la conception des programmes, le suivi des programmes, la recherche et l’évaluation lors des interventions complexes en cas d’urgence dans les situations présentées par des États fragiles.
Les auteurs tiennent à remercier Karl Frey, Save the Children et Brian Kriz, pour leurs apports techniques et contributions à cet article.
Lieu: Yémen
Ce que nous savons: Les intervention en cas d’urgence dans des contextes présentés par des États fragiles sont complexes ; le Yémen est actuellement dans un état de crise aiguë forgée par une volatilité politique et nutritionnelle à long terme.
Ce que cet article peut ajouter: Un programme triennal de Save the Children au Yémen a été conçu pour renforcer la résilience des ménages et améliorer l’alimentation du nourrisson et du jeune enfant (ANJE), ainsi que les pratiques de soins et d’hygiène dans un contexte d’insécurité (bien que stable). Un programme sur deux ans a impliqué la distribution des coupons à échanger pour le développement des biens/actifs communautaires (« food-for-assets ») ainsi que des groupes de soutien de mère à mère. Des mécanismes d’évaluation communautaire et des suivis de l’impact ont été établis. Les communautés ont signalé des nombreux avantages perçus des projets de route et d’eau (actifs). La détérioration suite à une situation de crise durant la troisième année a conduit à la réévaluation des besoins et à l’adaptation à un programme de coupons sans conditions qui aide presque deux fois plus de bénéficiaires par rapport aux transferts sous conditions. Le Score de Diversité alimentaire des Ménages a augmenté et le Score de Famine des Ménages a baissé. Le programme de coupons alimentaires électroniques, mis en place par le système des biens/actifs communautaires, était clé à la faisabilité de cette augmentation.
Contexte
En 2013, le Bureau du Food For Peace (FFP) de l’Agence des États-Unis pour le développement international (USAID) a fourni un financement d’une durée de trois ans à Save the Children International (SCI) afin de mettre en œuvre un programme dont les objectifs sont de renforcer la résilience des ménages ainsi que d’améliorer l’alimentation du nourrisson et du jeune enfant (ANJE) ainsi que les pratiques de soins et d’hygiène au sein des gouvernorats de Dhamar et de Sana’a. La stratégie initiale du programme visait à repartir et intégrer les activités afin de répondre aux besoins de sécurité alimentaire à court terme des ménages vulnérables à l’aide des coupons alimentaires conditionnels, tout en établissant une résilience à long terme grâce à la réhabilitation ou l’amélioration de l’actif au niveau communautaire, ainsi que l’amélioration des pratiques d’ANJE au niveau communautaire.
Cependant, avec le déclenchement des combats en mars 2015, le projet a été contraint de s’adapter à un contexte en évolution rapide. En conséquence, le programme a ajusté ses objectifs et activités afin de répondre aux besoins humanitaires immédiats. Cet article relate comment un programme de renforcement de la résilience a été adapté avec succès à une crise humanitaire qui émergeait rapidement.
Justification et conception du programme
Lorsque le programme a été conçu en 2013, le Yémen faisait face à de nombreux défis qui diffèrent à celui auquel il fait face aujourd’hui. Alors que le climat politique et sécuritaire était encore volatile et que des poches de besoins humanitaires existaient dans le pays, les politiques de développement portaient sur les programmes de renforcement de la résilience. L’objectif de nombreuses organisations de développement et des bailleurs de fonds était de résoudre les problèmes de diminution des ressources en eau, de santé infantile, de nutrition et d’éducation, ainsi que de saisir les opportunités axées sur des moyens sécuritaires de subsistance. Dans ce contexte, ce programme a été initialement conçu avec deux résultats immédiats (RI) à l’esprit. Le premier RI est axé sur l’amélioration de la résilience au niveau communautaire par le biais des activités de la FFA. Le second RI est axé sur l’adoption de pratiques clés de ANJE (améliorer la nutrition du nourrisson et des petits enfants), de soins et d’hygiène dans la communauté.
Le projet a ciblé une partie du pays où les communautés étaient en grande partie rurale et dispersées à travers les sommets des montagnes et des vallées, avec un accès limité aux marchés. La plupart des ménages comptaient sur diverses options de main-d’œuvre saisonnière comme source de revenus, complétant ces revenus avec la vente de petits animaux et/ou le soutien du programme de protection sociale du gouvernement. Le projet visait à travailler avec 150 collectivités pour une période de trois ans. Pour optimiser les opérations, des groupes de villages et ménages ont pris part à des activités d’amélioration de l’actif pendant six mois, après quoi le programme passait à un autre village. Dans ses deux premières années, le programme de la FFA a bénéficié à 7 350 ménages et construit ou réhabilité 436 actifs communautaires à Dhamar et Sanaa. Cependant, lors de la troisième année seulement, le programme a connu une hausse drastique des opérations et a réussi à presque doubler le nombre de ménages aidés.
On s’attendait à ce que les activités de l’ANJE et de la promotion de l’hygiène continuent dans tous les domaines du programme pour l’ensemble des trois années du programme. Le programme a également organisé une formation pour le personnel du ministère de la Santé publique et de la population sur les systèmes de renvois et des services nutritionnels dans les établissements de santé. Avec le soutien du ministère de la Santé, SCI a créé 169 groupes de soutien de mère à mère (MTMSGs) dans les villages cibles. Ce sont des groupes de femmes qui aident les nouvelles mères à s’occuper de leurs enfants grâce à des pratiques d’allaitement maternel optimal et le partage d’informations et d’expériences, ainsi qu’en offrant un soutien à d’autres femmes dans une atmosphère de confiance et de respect. Les chefs de groupe sensibilisent les membres sur les pratiques d’allaitement maternel exclusif et l’alimentation complémentaire pour les nourrissons et les petits enfants lors des réunions régulières.
Encadré 1 : Critères de ciblage des bénéficiaires pour la FFA |
1. Les ménages avec deux enfants ou plus âgés de moins de deux ans |
2. Les ménages avec plus de sept membres |
3. Les ménages sans bétail |
4. Les ménages n’ayant aucune ou ayant peu de petites parcelles (maximum 0,5 acres) de terres arables |
5. Les ménages où les femmes sont des responsables principaux |
6. Les ménages ayant un nombre élevé d’enfants qui ne vont plus à l’école |
Mobilisation et ciblage
Le processus de mobilisation et de ciblage a eu lieu en partenariat avec les dirigeants au niveau du district. Il a commencé par le classement des districts en fonction des critères de vulnérabilité, y compris la proximité des marchés, des options de revenu, l’accès à l’eau et l’accès à l’assistance précédente. Au niveau du sous-district et du village, un autre tour de cartographie, de classement et de ciblage en utilisant le même ensemble de critères a été exécuté à l’aide de la participation des autorités locales et des dirigeants communautaires. Le processus de ciblage géographique et administratif non seulement veille au ciblage des communautés vulnérables, mais permet également à la communauté de prendre part avant que ne prenne place le processus de sélection des villages et bénéficiaires.
Des Comités de Résilience communautaires (CRC) ont été formés dans chaque village et agissent comme la principale interface entre le programme et la communauté. Leurs responsabilités principales étaient de conseiller sur les décisions de programmes spécifiques à la communauté, d’identifier les ménages cibles bénéficiaires et de communiquer les messages du programme à la communauté (travail et distribution des horaires). Un protocole d’entente (PE) décrivant les rôles et responsabilités a été signé entre SCI et les CRC avant le début du projet d’amélioration des biens/actifs. Les comités de villages sont constitués d’hommes, de femmes et de jeunes. Les CRC étaient moins impliqués dans les activités de ANJE, mais ont aidé en communiquant l’intention de cette partie du programme à la communauté.
Le ciblage des ménages vulnérables dans la participation au projet de la FFA a été mené à l’aide d’indicateurs de classement de la pauvreté dans le village en plus des critères développés par SCI. Environ 80 % de ménages ont été sélectionnés dans chaque village. Les transferts inconditionnels ont été fournis à ceux qui étaient très pauvres et au chômage, afin de leur permettre de participer au projet d’amélioration des biens/actifs. Environ 10 % des bénéficiaires inclus dans la liste venaient de ce groupe. En règle générale, les femmes des ménages où elles sont les responsables principales n’ont pas été impliquées dans les activités de la FFA, mais ont envoyé des représentants mâles à leur place, certaines ont été inclues dans les transferts inconditionnels d’aide alimentaire. Dans certains cas, les femmes ont aidé en fournissant de la nourriture et de l’eau pendant des jours ouvrables. Cette pratique est conforme aux traditions et aux coutumes locales. Près de 18 % des bénéficiaires étaient des femmes (voir le tableau 1).
Les CRC ont été formés sur des critères de ciblage et ils ont établi des bénéficiaires qui répondaient aux critères développés par SCI (voir encadré 1). SCI contrôlait la liste en sélectionnant au hasard 15 % des ménages sur chaque liste à visiter et vérifiait leur admissibilité. En cas d’évidences d’erreurs systématiques de ciblage, les CRC devaient recommencer le processus. En outre, les critères de sélection des bénéficiaires étaient affichés à travers le village, ce qui a également contribué à rendre le processus transparent.
FFA et le développement des compétences
Les actifs construits ou réhabilités par le programme ont été identifiés grâce à des réunions communautaires globales facilitées par le personnel des CRC et SCI. Chaque projet d’amélioration des actifs, qui avait été approuvé par la majorité des participants et était en ligne avec le mandat du programme, a été documentée dans une résolution de village.
Un membre de la famille de chacun des 7 350 ménages a été engagé dans le projet d’amélioration des actifs. Ces membres de famille ont travaillé pendant dix jours par mois (quatre heures par jour) en échange d’un coupon alimentaire mensuelle pour leur famille. Un grand nombre de la population cible était d’origine rurale, dépendante des revenus locaux temporaires et saisonniers ; le travail offert par l’actif était une autre stratégie de revenu à leur disposition. La valeur du coupon a été conçue pour fournir une variété de denrées alimentaires couvrant environ 70 % des besoins alimentaires d’une famille de taille moyenne. Ce coupon pouvait être échangé auprès des vendeurs sur le marché local à un moment de leur choix. Pour certains villages difficiles à atteindre, les vendeurs organisaient un jour de marché dans un site de distribution désigné au sein du village. La valeur de rachat du coupon était entre 66 USD et 72 USD, en fonction du taux de change et des prix des denrées alimentaires locales. Chaque ménage enregistré avait droit à six transferts, selon la conception du programme. La période de six mois d’activités de FFA a coïncidé avec la période saisonnière de soudure, un moment où les activités génératrices de revenus sont limitées ; donc cela a requis un effort des participants afin de bénéficier d’une aide, supplémentaire aux stratégies de revenus, à un moment où le ménage avait assez de temps libre pour participer.
Dans la première année, le projet a utilisé des coupons alimentaires à base de papier, qui ont été échangés contre une variété prédéterminée de denrées alimentaires de base auprès des vendeurs sur les marchés locaux. Ces vendeurs ont été sélectionnés et ont conclu un accord avec SCI avant la distribution. Durant la deuxième et la troisième années, le programme a pris part à une solution pilote MasterCard de coupon électronique. Il s’agissait d’une carte à puce chargée d’un jeton qui permettait aux bénéficiaires d’accéder à la même variété prédéterminée de denrées alimentaires de base que les coupons à base de papier auprès des vendeurs locaux. Les vendeurs ont été équipés de tablettes et de clés de sécurité, et formés à leur utilisation. Elles fonctionnaient comme un système de point de vente. Une fois que les bénéficiaires satisfaisaient aux conditions de travail dans le cadre du programme FFA, un jeton était transféré dans leur compte qui pouvait être échangé plus tard auprès d’un vendeur pour leurs produits alimentaires à un moment opportun pour eux. Un système de gestion de comptabilité permettait de faire le rapprochement avec l’échange des coupons, ce qui indiquait la quantité des paiements aux vendeurs. Le système a été conçu pour travailler en ligne ou hors ligne, bien que la plupart du temps les données ont été synchronisées hors ligne. Le personnel du programme de SCI se rendaient auprès des vendeurs pour synchroniser l’historique des transactions à l’aide d’un autre dispositif avant de retourner au bureau assigné sur place pour le téléchargement. Le programme pilote a commencé avec 100 ménages et a augmenté jusqu’à 6 050 ménages par mois. Si nécessaire, le programme de coupons électroniques pouvait ajouter d’autres jetons avec d’autres vendeurs pour répondre aux besoins d’autres programmes.
Avec le soutien et les conseils des CRC, les ingénieurs de SCI ont conçu des spécifications pour la réhabilitation des actifs. Une fois les spécifications et le plan de travail du projet finalisés, un devis quantitatif détaillant les matériaux et exigences de travail nécessaires a été signé avec les CRC. Alors que le projet de l’actif était en cours, les ingénieurs de SCI ont fourni un support technique aux CRC, qui surveillait la présence et la qualité du travail effectué.
Contrôle qualité
Pour assurer la qualité du programme, l’équipe de contrôle de SCI, d’évaluation, de la comptabilité et de l’apprentissage (MEAL) a suivi le projet et mesuré les progrès par rapport aux indicateurs de sortie pré-identifiés. L’utilisation des outils de gestion des tableaux de suivi des indicateurs de performance (IPTT) et du budget par rapport aux chiffres réels a permis au programme de prendre des mesures correctives lorsque les projets déviaient de leurs plans.
La responsabilité envers les bénéficiaires était un élément clé du système d’assurance de surveillance et de qualité de SCI. Il consistait à donner aux bénéficiaires la possibilité d’influencer les décisions clés du programme et de mettre en évidence des problèmes au sein des activités du programme. En plus de la participation aux CRC, les bénéficiaires pouvaient fournir leurs remarques à SCI sur tous les aspects du programme par le biais d’un mécanisme de plaintes. Ceci consistait initialement de boîtes de commentaires, dont la promotion a été faite au cours du processus de mobilisation communautaire. Dans la troisième année, la SCI a introduit une ligne directe de téléphone national gratuit pour le mécanisme de plainte mettant à la disposition des bénéficiaires un autre moyen de transmettre leurs remarques. Chaque méthode permettait à une personne de fournir des commentaires de façon anonyme, si elle le souhaitait. Ces mécanismes ont permis au SCI non seulement d’offrir un programme de qualité, ils ont aussi mis à la disposition des communauté des moyens de participer et d’adresser leurs inquiétudes quant au programme à tout moment. Le mécanisme de plainte a soulevé trois questions clés : les erreurs d’inclusion, demande d’information concernant les dates et heures de distributions et les préoccupations concernant la qualité des aliments. Parce que ces mécanismes étaient en place, l’équipe SCI pouvait rapidement en apprendre davantage sur les plaintes des bénéficiaires et rapidement trouver une solution au problème.
En plus des mécanismes de plainte, SCI a également procédé aux enquêtes de Suivi post-distribution (PDM) pour tous les villages cibles. Les enquêtes portaient sur la perception du bénéficiaire du processus de distribution, ses inquiétudes concernant la sécurité et sa connaissance des mécanismes de plainte. Chaque PDM mesure également le Score de diversité alimentaire des ménages (HDDS) et le Score de famine des ménages (HHS). Afin d’assurer la qualité de la prestation des résultats du programme, SCI a développé des normes de qualité qui se sont basées sur les normes internationales, telles que Sphère, ainsi que sur l’expertise globale de l’organisation. Des visites régulières sur le terrain ont été effectuées afin de mesurer la performance du projet par rapport à ces normes.
Adaptation à un contexte changeant
Avec le déclenchement des combats en mars 2015, le Yémen fait face à des déplacements à grande échelle, des conflits civils, l’insécurité alimentaire, des prix élevés des denrées alimentaires, la diminution des ressources et un afflux de personnes déplacées internes (PDI). En plus des attaques aériennes à travers le pays, les ports, qui sont cruciaux pour l’importation de denrées de base tels que le blé, l’huile de cuisson et de l’essence, ont été bloqués par la coalition dirigée par l’Arabie saoudite. En conséquence, l’approvisionnement du marché diminuaient rapidement, entraînant la hausse des prix des produits alimentaires.
Après le début du conflit, le gouvernorat du Dhamar a été classé comme Cadre intégré de classification de la sécurité alimentaire (IPC) de niveau 3 (crise). Près de la moitié de la population du Yémen faisait face à l’insécurité alimentaire avant mars, et la situation a empiré de manière significative à cause du conflit. Au moment de la rédaction de ce rapport, on estime que plus de 21,4 millions de personnes, dont trois millions de personnes déplacées, ont besoin d’une aide humanitaire au Yémen. Une aide alimentaire d’urgence est devenue une priorité absolue dans la zone du programme.
La détérioration de la situation durant les deuxième et troisième années du programme a posé des défis opérationnels massifs. Tout d’abord, la situation de sécurité a contraint les hauts dirigeants de la plupart des organisations internationales d’évacuer vers Amman en Jordanie, ce qui a ralenti les processus de prise de décision. Le personnel du Yémen était régulièrement contraint de rester confiné sur place et donc dans l’impossibilité de se rendre sur les zones du programme en raison de problèmes de sécurité. Avec un personnel périodiquement immobile, le flux d’informations d’évaluation à des fins de prise de décision était limité. Enfin, les opérations sur le terrain ont été exposées à des pénuries de carburant et d’autres denrées de base, et à la déstabilisation de la monnaie yéménite, le rial.
En dépit de ces obstacles, des évaluations rapides ont néanmoins pu se faire en conformité avec les avis de sécurité. Une fois collectées, les informations ont été compilées et diffusées au Yémen et à Amman. Des informations ont été régulièrement partagées au sein des groupes systémiques de l’Organisation des Nations Unies (ONU). Les équipes de terrain ont souvent été chargées d’assurer le suivi des informations relatives à leur zone d’opération. La direction a fourni un appui technique à distance et a abordé toutes les questions le plus rapidement possible afin de permettre au programme de continuer.
Il était clair à partir des informations d’évaluation que le programme devrait orienter son action vers la satisfaction des besoins humanitaires immédiats et s’écarter des activités de renforcement de la résilience. Afin de s’adapter aux besoins croissants d’aide alimentaire et au contexte opérationnel changeant, les projets d’actifs de la communauté ont été abandonnés. Il a été déterminé que la poursuite de la partie FFA du programme mettrait le personnel et les bénéficiaires à risque. En conséquence, le programme a été revu pour accroître l’aide alimentaire inconditionnelle afin de répondre aux besoins croissants. Le SCI s’est organisé pour atteindre les personnes déplacées et les communautés d’accueil locales pour répondre à leurs besoins alimentaires immédiats grâce à des transferts de coupons électroniques. Les ressources économisées en abandonnant le composant FFA du programme ont permis la hausse du nombre de bénéficiaires d’environ 75 % ; de 3 500 ménages par an à 6 050 ménages durant la troisième année seulement. La figure 1 montre le nombre de ménages qui ont été aidés avant et après la prise de décision de changer la conception du programme, en consultation avec le donateur.
Les transferts en espèces ont été envisagés, mais le programme a retenu le système de coupons électroniques, car il a été jugé plus approprié en fonction de fortes fluctuations des prix sur le marché, des perturbations de la chaîne d’approvisionnement et de la dépréciation du rial. Pour faciliter l’aide alimentaire dans les programmes ciblés, le SCI a commencé à négocier directement avec les distributeurs de denrées alimentaires nationaux pour assurer que les vendeurs locaux reçoivent les denrées alimentaires nécessaires et une livraison dans les délais. Le programme a continué d’utiliser le système MasterCard, qui se révèle être assez flexible pour répondre aux exigences d’une augmentation rapide des bénéficiaires. En fait, avoir un programme de coupon alimentaire électronique en place était essentiel pour que le programme soit en mesure d’intensifier l’assistance.
Impact
Grâce aux coupons à base de papier et électroniques, 13 400 ménages (environ 93 800 personnes) ont pu recevoir du blé (50 kg), des haricots (12 boîtes), de l’huile de cuisson (4 litres) et du riz (20 kg) tous les mois, pendant au moins six mois. L’information qui est probablement la plus intéressante de l’évaluation finale du programme est la façon dont la vulnérabilité et la famine des ménages ont changé au cours du programme. Les données finales ont montré que le Score de diversité alimentaire des ménages (HDDS), qui est utilisé comme une mesure indirecte de la situation socio-économique des ménages, a augmenté de 31 % par rapport au score initial. En utilisant le Score de famine des ménages (HHS), le nombre de ménages touchés par la famine a augmenté de 76 %, alors que la famine aiguë est tombée à zéro. Ces améliorations des résultats de sécurité alimentaire ont été observées en dépit d’un conflit majeur et de marchés turbulents.
La tendance moyenne du HDDS tout au long de la troisième année du programme illustre clairement comment les secours d’urgence ont soutenu les ménages bénéficiaires pendant la durée du programme (voir la figure 2). Durant la période de référence, la moyenne du HDDS pour les bénéficiaires au cours de la troisième année du programme était 3,88. Pendant que les ménages ont reçu une aide alimentaire (de janvier à juin 2016), les scores du HDDS sont temporairement montés entre 47 % et 51 % par rapport aux scores initiaux. Les mesures finales du HDDS, prises un mois après la dernière distribution en juillet 2016, est tombé à 5,07. On ne sait pas à quel point le HDDS a baissé depuis la fin du programme. Bien qu’il n’y ait pas de limite claire à cette mesure, l’augmentation de la moyenne du HDDS lorsque les ménages recevaient une aide et les effets persistants d’un HDDS élevé après l’arrêt de l’assistance indiquent que l’aide alimentaire a déchargé la pression économique et réduit la vulnérabilité pour les ménages cibles.
Il est important de noter que chaque mesure a été prise en utilisant un nouvel échantillonnage aléatoire en coupe transversale de la population bénéficiaire ; donc certains changements de la moyenne du HDDS entre chaque série de mesures sont probablement dus à la variance d’échantillonnage. En outre, le programme n’a pas pu capturer les scores HDDS des non-bénéficiaires afin de comprendre l’impact probable du programme. Malgré ces limitations, un test d’approximation de Welch a démontré que la moyenne du HDDS entre les scores initiaux et les scores finaux ne sont pas égaux : t (1074,4) = 13,285 ; p = 0,001. Le boxplot dans la figure 3 montre la différence des répartitions du HDDS entre la phase initiale et la phase finale. Ce que l’on peut comprendre de ce boxplot est que la tendance centrale pour la mesure finale du HDDS a connu une forte hausse et la variance a été réduite. Le test de Levene a indiqué que la variance n’était pas égale entre les deux groupes ; p < 0,001.
Lors des deux premières années, avant l’éruption du conflit, les projets d’amélioration des actifs communautaires ont contribué à un accès accru aux ressources d’eau, à l’amélioration de l’accès aux marchés grâce à la réparation des routes et à l’amélioration de la collecte de l’eau par le biais du développement de l’agriculture et de la réhabilitation des terrasses. Plus de 430 projets des actifs ont été mis en place avec succès (voir tableau 2).
Lors des deux premières années, 80 % des bénéficiaires de la première année et 95 % des bénéficiaires de la deuxième année du programme ont indiqué qu’ils ont bénéficié des projets des actifs communautaire, en particulier ceux liés aux projets d’eau et routiers. Étonnamment, certains bénéficiaires de la troisième année du programme qui n’étaient pas membres des villages qui ont directement bénéficié des activités de la FFA ont également indiqué qu’ils ont bénéficié des projets d’amélioration des actifs communautaires lors des années précédentes. Ces résultats sont souvent obtenus lorsque les réseaux routiers établis permettent de relier plusieurs communautés aux marchés et aux autoroutes. Quatre-vingt-six pour cent de ceux qui ont bénéficié de l’amélioration du réseau routier ont remarqué une amélioration de la durée du parcours. Tous ceux qui ont bénéficié de l’amélioration des actifs d’assainissement de l’eau ont remarqué des améliorations dans la production agricole et l’élevage. Certains bénéficiaires ont affirmé que leur participation dans l’amélioration des actifs communautaires leur a donné l’occasion de reconnaître la valeur de la coopération et qu’ils sont en mesure de reproduire des activités similaires dans l’avenir. Enfin, des effets durables ont été observés lors de l’intervention concernant l’éducation sur l’hygiène et l’allaitement ; 77 % des personnes interrogées s’attendent à ce que les groupes de soutien de mère à mère (MTMSG) continuent à fonctionner1.
Conclusions
En mars 2015, suite au conflit au Yémen, le programme de renforcement de la résilience du SCI, financé par l’Agence des États-Unis pour le développement international (USAID), a dû être réévalué afin de répondre aux besoins des bénéficiaires et d’adapter le programme pour répondre à une crise humanitaire croissante et au changement du milieu opérationnel. Les principaux défis au cours de cette période ont compris une détérioration de la situation de sécurité pour le personnel et les bénéficiaires du programme, la hausse rapide des prix, l’approvisionnement limité des denrées et une devise locale dévaluée. En outre, le débordement de la violence a entraîné l’évacuation du pays de la direction et a limité le mouvement du personnel sur le terrain dans les zones opérationnelles.
Face à ces défis, il y avait encore une ouverture pour adapter le programme au contexte et fournir une aide alimentaire très nécessaire. En conséquence, les activités d’amélioration des actifs communautaires ont été remplacées par un programme d’aide alimentaire en situations d’urgence
qui est livré à presque deux fois plus de bénéficiaires. Les données de surveillance recueillies au cours de cette période ont montré une augmentation mesurable du HDDS pour les bénéficiaires cibles et une baisse du HHS.
La clé du succès du programme était la volonté du personnel sur le terrain de profiter de leur expérience et de leur réseau communautaire afin de mobiliser et préparer la sélection des bénéficiaires. L’utilisation du programme de coupon alimentaire électronique de MasterCard lors des deux premières années a également permis la mise en place d’une infrastructure permettant la création de nouvelles activités en vue de répondre, rapidement et facilement, au besoin du programme.
Pour plus d’informations, contactez : Mustafa Ghulam, e-mail: Ghulam.mustafa@savethechildren.org
1Bien que les évaluations initiales et finales de ANJE aient été faites, des méthodes différentes ont été utilisées, ce qui a limité la comparaison.