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Le Noma, une maladie négligée

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Article de GESNOMA, Winds of Hope, Sentinelles, et Médecins sans Frontières

Le Noma (cancrum oris et gangrène fuso-spirillaire ou stomatite ulcéro-nécrotique) défigure rapidement les enfants, s’ils y survivent. Cette maladie humaine est l’une des plus destructrice et défigurante dans le monde. En 1994, l’OMS déclara le Noma comme un problème de santé publique1. C’est une maladie encore négligée dont on connait très peu les causes, la prévention et le traitement optimal. Heureusement, quelques interventions simples permettent de traiter le Noma et d’empêcher son développement afin que les malades puissent ainsi être soignés. Le Noma mérite ainsi plus d'attention de la part des professionnels de santé, nutritionnistes, chercheurs et décideurs politiques. Dans cet article, nous expliquons ce qu’est le Noma et présentons sa relation avec la nutrition. Nous suggérons également comment les professionnels de santé qui participent aux programmes de nutrition peuvent contribuer à détecter et à traiter le Noma. Deux affiches, en anglais et en français, sont incluses dans cette édition de Field Exchange : l’une est destinée aux salles de consultations externes, et l’autre est à placer dans les salles de consultation en milieu hospitalier.

Le Noma : qu’est-ce que c'est ?

Le Noma est une gangrène orofaciale foudroyante qui évolue de façon extrêmement rapide. Elle débute par une gingivite qui se transforme en ulcère gingival et/ou en gingivite nécrotique, et se propage rapidement aux tissus de la bouche et du visage. L'infection détruit les tissus mous et osseux de la face, et, en association avec une septicémie, entraîne le décès de la plupart des patients. Non seulement le Noma défigure les personnes touchées, mais il provoque aussi d’énormes difficultés pour s'alimenter ou parler, entraînant des problèmes de malnutrition ou d’isolation sociale2. Si le Noma n’est pas traité, 70 à 90% des personnes touchées mourront.

On estime la prévalence mondiale à 770 000 enfants, et l’incidence annuelle à 140 000 cas (2, 3). D’autres estimations moins élevées chiffrent le nombre d’enfants touchés à 100 000 par an, parmi lesquels 20 000 survivent (www.nonoma.org). Toutefois, il semble que ces chiffres soient très largement sous-estimés. En effet, les cas de Noma ne sont pas toujours signalés car la maladie se développe dans des régions isolées, les familles ne souhaitent pas montrer qu’un des leurs est défiguré, et la progression de la maladie entraîne rapidement le décès. La plupart des cas de Noma (80 %) se déclarent dans les pays de la ceinture sahélienne, tels que le Tchad, le Nigeria ou encore le Niger, mais aussi en Asie ou en Amérique du Sud. Autrefois, le Noma sévissait également en Europe où il était associé à la pauvreté et à la présence d'autres maladies infectieuses comme la rougeole ou la tuberculose.

Les causes exactes du Noma restent inconnues mais on pense qu’il est lié à un dysfonctionnement du système immunitaire. Un système immunitaire affaibli est aussi associé à la pauvreté, à la présence d'autres maladies (rougeole, malaria, pneumonie et VIH/SIDA4), à la malnutrition5, au manque d’hygiène et de systèmes sanitaires (eaux souillées, contact avec les déjections animales), ainsi qu’au manque de soins de première nécessité et de services de santé tels que la vaccination. Le manque d’hygiène bucco-dentaire est aussi un facteur de risque du Noma, dans la mesure où l’un des premiers stades de la maladie se caractérise par une gingivite et d'autres infections de la bouche.

Comment traiter le Noma

Les premiers stades de la maladie, comme une simple gingivite, doivent être traités avec des bains de bouche à l’eau salée et une bonne hygiène buccale. Une gingivite compliquée (avec nécrose, saignement de gencives spontané et douleur) nécessite une hygiène et un suivi dentaires pratiqués par un professionnel (si disponible). Si ces deux traitements ne peuvent être prodigués, des antibiotiques sont nécessaires. En cas de gingivite nécrotique/stomatite avec œdème de la zone faciale affectée, le traitement par antibiotique est obligatoire. Les stades plus avancés doivent être traités par un régime antibiotique intense permettant de stopper la propagation de l’infection et d’éviter les complications mortelles (telles que la septicémie). Une fois l’infection stoppée, et en fonction de la zone touchée par le Noma, les patients présentant un trismus (constriction des mâchoires) doivent suivre des séances de physiothérapie pour empêcher une constriction permanente. Très souvent, une chirurgie reconstructrice spécialisée doit être pratiquée mais elle ne peut avoir lieu que lorsque la cicatrisation est terminée et au moins un an après l’infection aigüe. Des traitements d’amélioration des fonctions physiques, un soutien psychologique, et une aide aux patients pour le maintien de leur dignité doivent être prodigués dès l’apparition des premières lésions.  

Une simple gingivite peut être traitée dans un centre nutritionnel thérapeutique ambulatoire (ATFC), à la clinique, ou à la maison, par des bains de bouche à l’eau salée pendant 14 jours. En milieu hospitalier, comme par exemple dans un centre nutritionnel thérapeutique hospitalier (ITFC) ou à l’hôpital, il est possible d’effectuer des bains de bouche à la Bétadine 0,5 % quatre fois par jour pendant cinq jours (maximum). On peut ensuite appliquer une solution composée de 2 tiers de bicarbonate 1,4 % et d'un tiers de nystatine quatre fois par jour pendant au moins dix jours. Cette application peut être effectuée à l’aide d'une compresse enroulée autour d’un abaisse-langue (cette technique peut être enseignée au soignant). En cas de gingivite nécrotique, le traitement local mentionné ci-dessus doit être complété par des antibiotiques (association amoxicilline-clavulanate ou amoxicilline plus métronidazole).

Le traitement doit être accompagné d’un soutien nutritionnel renforcé (par exemple, suppléments nutritionnels à base de lipides (LNS) ou aliments thérapeutiques en cas de malnutrition), du traitement de toute autre infection existante, et de la mise à jour des vaccinations. La détection rapide du premier stade du Noma (gingivite) et son traitement immédiat peuvent stopper la destruction des tissus et le défigurement. Mais il faut pour cela détecter et dépister activement le Noma.

Dépistage de la gingivite :

  • Gencives : rougeur, douleur, saignements
  • Hypersalivation
  • Mauvaise haleine
  • Anorexie
  • Ulcération gingivale
  • Gonflement/œdème facial
  • Nécrose sèche, perte de tissus mous, possible séquestre osseux

Malnutrition and NOMA

La malnutrition (modérée ou sévère) est le premier facteur de risque du Noma5. C'est pourquoi la prévention de la malnutrition est une étape clé dans la prévention du Noma (de pair avec le traitement des maladies sous-jacentes, une vaccination plus répandue et des tests de dépistage du VIH).

Toutes les personnes malnutries, que ce soit de façon modérée ou sévère, doivent être soumises à un dépistage des signes de la gingivite. Chaque patient, dans les centres de traitement nutritionnels hospitaliers ou ambulatoires, doit en outre être soumis à un dépistage de la gingivite (simple ou sévère) et d’autres anomalies buccales.

Une fois l’infection du Noma traitée, de nombreux patients garderont des lésions sérieuses de la bouche et du visage qui peuvent gêner l’alimentation, la mastication, la déglutition, la parole et même parfois la vision ou la respiration. Des conseils et un soutien nutritionnels adaptés, potentiellement accompagnés de physiothérapie, peuvent permettre au patient de retrouver un état nutritionnel satisfaisant. Avant d’envisager une chirurgie, la lésion doit être stabilisée, et le patient ne doit plus montrer de signes de malnutrition. Un suivi rapproché de son état nutritionnel et une alimentation riche en suppléments sont souvent nécessaires avant l'intervention chirurgicale.

Dépistage actif dans les programmes nutritionnels

Les programmes nutritionnels prenant en charge la malnutrition modérée et sévère traitent un grand nombre d’enfants ayant un fort risque de développer le Noma. Ces programmes constituent donc un excellent moyen de cibler ces enfants et ils peuvent jouer un rôle crucial dans le contrôle du Noma sur une certaine zone géographique. Les activités à inclure dans un centre nutritionnel sont les suivantes :

  • Dépistage systématique des patients admis pour traiter une gingivite
  • Réhabilitation nutritionnelle
  • Vaccination
  • Test de dépistage du VIH et suivi psychologique
  • Dépistage des mères et des fratries
  • Amélioration de la qualité de l’eau, des systèmes sanitaires et de l’hygiène
  • Éducation des patients et des soignants sur l’hygiène bucco-dentaire et le Noma
  • Signalisation par les soignants des cas de Noma dans les villages
  • Renvoi des patients touchés par le Noma à des instituts spécialisés (si disponibles)

Accès aux conseils et au soutien

Sentinelles, Winds of Hope, GESNOMA (tous membres de la Fédération Internationale NoNoma) et Médecins Sans Frontières (MSF) ont créé un groupe de travail collaboratif visant à développer plusieurs types de soutien :

-          Affiches en français et en anglais destinées aux salles de consultation des établissements hospitaliers (hôpitaux, ITFC) et des centres externes (cliniques médicales externes et centres nutritionnels thérapeutiques externes/ambulatoires (ATFC) (incluses dans cette édition de Field Exchange)

-          Instructions sur le traitement du Noma

-          Soutien aux centres spécialisés pour la chirurgie

-          Informations générales

-          Instructions sur la gestion de la malnutrition aiguë modérée et sévère

-          Recherche

Nonoma (FR): www.nonoma.org

Winds of hope (EN, FR, GE): www.windsofhope.org

Sentinelles (FR, EN) : www.sentinelles.org

Étude du Human Rights Council Advisory Committee sur la malnutrition sévère et les maladies infantiles, prenant pour exemple les enfants touchés par le Noma. Assemblée générale des Nations Unies, 24 février 2012. 5è sujet de l’ordre du jour de la 19è session du Human Rights Council www.righttofood.org/wp-content/uploads/2012/09/A-HRC-19-73.pdf

www.righttofood.org/work-of-jean-ziegler-at-the-un/noma/

Bibliographie

1 Bourgeois DM, Leclercq MH. The World Health Organization initiative on noma. Oral Dis. 1999; 5:172-74

2 Ashok N, Tarakji B, Darwish S, Rodrigues JC,  Altamimi MA; A Review on Noma: A Recent Update. Global Journal of Health Science. 2016;4 (53-59)

3 Baratti-Mayer D, Pittet B, Montandon D, Bolivar I, Bornand JE, Hugonnet S, Jaquinet A, Schrenzel J, Pittet D; Noma: an “infectious” disease of unknown aetiology. Lancet infect Dis. 2003; 3: 419–31

4 Masipa JN, Baloyi AM,  Khammissa RAG, Altini M, Lemmer J, Feller L; Noma (Cancrum Oris): A Report of a Case in a Young AIDS Patient with a Review of the Pathogenesis; Head and Neck Pathol. 2013;7:188–192

5 Baratti-Mayer D, Gayet-Ageron A, Hugonnet S, François P, Pittet-Cuénod B, Huyghe A,  Bornand J, Gervaix A, Montandon D, Schrenzel J, Mombelli A, Pittet D. Risk factors for NOMA disease: a 6-year, prospective, matched case-control study in Niger. Lancet Global Health 2013; 1: e87-96

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