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Intervention multi-sectorielle et qui prend en compte la nutrition en cas d'alerte à la sécheresse au Pakistan

Published: 

Par Ali Dino Kunbher, Shafqat Ullah et Dr Mazhar Alam

Ali Dino Kunbher est directeur de programme pour la Welthungerhilfe (WHH) à Sindh, au Pakistan, qui s'occupe de la sécurité alimentaire et nutritionnelle. Il a auparavant travaillé avec Action Contre la Faim (ACF-International) et l'Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO) et possède une maîtrise en agriculture.

Shafqat Ullah est spécialiste de l'intégration et des moyens de subsistance auprès de l'organisation Concern Worldwide depuis 2011. Il possède une maîtrise en agriculture et plus de 17 ans d'expérience dans l'agriculture, la sécurité alimentaire et les programmes prenant en compte la nutrition.

Le Dr Mazhar Alam est conseiller en santé et en nutrition auprès de l'organisation Concern Worldwide Pakistan depuis 2015. Il a plus de 20 ans d'expérience dans le secteur public, les agences des Nations Unies et les ONG des secteurs de la santé et de la nutrition, et il dirige le groupe de travail technique national du GCMA .

Les auteurs souhaiteraient remercier le donateur financier, la protection civile et les opérations d'aide humanitaire européennes (ECHO).

Lieu : Pakistan

Ce que nous savons : La dénutrition a plusieurs causes ; des interventions spécifiques et qui prend en compte la nutrition sont justifiées.

Ce que cet article ajoute : Un projet intégral et multisectoriel d'un an a ciblé des communautés exposées à des risques nutritionnels dans une réponse d'urgence à la sécheresse à Sindh, au Pakistan. Les départements gouvernementaux au niveau du district étaient engagés tout au long du projet. Les interventions spécifiques à la nutrition impliquaient une prise en charge communautaire de la malnutrition aiguë (GCMA) et du soutien de l'alimentation des nourrissons et des jeunes enfants (ANJE). Les interventions qui prennent en compte la nutrition ont nécessité des liquidités saisonnières pour la formation, l'aide au bétail, l'amélioration des puits communs et la récolte de la pluie, de même que la sensibilisation à l'hygiène communautaire. Le projet visait à cibler 80 % des ménages avec un enfant souffrant de malnutrition en effectuant des interventions tenant compte de la nutrition dans des villages "sensibles" à la nutrition. Des impacts positifs ont été signalés sur l'accès au traitement de GCMA et le soutien de l'ANJE, le bétail (production laitière), les pratiques d'hygiène et la disponibilité de sources d'eau plus sécuritaire. Les bénéficiaires ont augmenté les dépenses consacrées aux denrées alimentaires et aux produits non alimentaires (en particulier les intrants agricoles) et ont diminué l'utilisation coûteuse et informelle des systèmes de crédit. Des objectifs ambitieux sur les maladies à transmission hydrique et l'accès à l'eau potable n'ont pas été atteints en raison des besoins sous-estimés et difficiles à répondre. Les ménages qui ont soutenu avec succès la construction de latrines (n = 2 500) sont rapidement retournés à la défécation à ciel ouvert. Seulement un tiers des ménages vulnérables sur le plan nutritionnel ont été ciblés par des interventions tenant compte de la nutrition en raison des restrictions financières. Informé par les leçons apprises, un projet de suivi comprend plus d'interventions sur le bétail, une approche d'assainissement total piloté par la communauté (ATPC) et une stratégie de sortie pour soutenir le programme de GCMA dirigé par le gouvernement.

Introduction

Le Pakistan, un pays à revenu moyen inférieur qui représente la sixième population la plus importante du monde, détient un

niveau exceptionnellement élevé de dénutrition chez l'enfant. La prévalence du retard de croissance, à 45 %, se situe au 124ème rang sur 132 pays ; la prévalence de gaspillage, à 11 %, se situe au 106ème rang sur 130 pays. Le pays est le sixième le plus élevé parmi les 185 pays en termes de prévalence de l'anémie (51,1 %) (IFPRI, 2016). À titre de comparaison, le pays est classé 11ème sur 118 pays sur l'indice de la Faim (Global Hunger Index, 2016). Les catastrophes naturelles constituent l'un des principaux facteurs qui contribuent à la situation de malnutrition ; une des conséquences du changement climatique, le pays a connu 63 catastrophes naturelles entre 1935 et 2011 (Global Hunger Index, 2016) (voir figure 1). La fréquence des sécheresses affectant le pays augmente en raison de l'augmentation progressive des températures. Le désert de Thar, dans la province du Sindh, a été le plus gravement touché. Il s'agit d'une zone d'une superficie de 25 246 kilomètres carrés avec une population de 1 023 000 personnes habitant dans deux districts (Tharparkar et Umerkot). La zone a connu une sécheresse sévère de 2013 à 2015 et des interventions de rétablissement sont toujours en cours.

Dans le désert de Thar, 19,1 % des enfants de moins de cinq ans et 18,9 % des femmes enceintes et allaitantes (FEA) souffrent de malnutrition sévère (Concern Worldwide, 2016). Des centaines d'enfants sont décédés en raison de la malnutrition au cours des dix-huit derniers mois et 49 % des grands cheptels et 59 % des petits cheptels sont décédés et / ou vendus pour répondre aux besoins immédiats des familles (FSWGP, 2015). En termes de vulnérabilité, 68 % de la population dans la région du désert de Thar relève de la catégorie des pauvres et des très pauvres (FSWGP et al, 2015).      

Figure 1 : Fréquence des catastrophes naturelles au Pakistan entre 1935 et 2011.

Informations provenant de : www.pakresponse.info

Intervention multisectorielle intégrée

Un projet multisectoriel intégré a été développé afin de soutenir les communautés à risque en réponse à l'état d'urgence de sécheresse continu à Sindh, au Pakistan. Le projet a été développé par deux membres d'Alliance20151: Concern Worldwide et Deutsche Welthungerhilfe (WHH), financé par les opérations européennes de protection civile et d'aide humanitaire (ECHO). L'objectif principal du projet visait à améliorer la résilience de la population touchée par la sécheresse dans la province de Sindh. Plus précisément, le projet visait à répondre aux besoins humanitaires immédiats des communautés touchées par la sécheresse grâce à une intervention intégrée à la nutrition, à la sécurité alimentaire et aux moyens de subsistance (SAMS) et à l'eau, à l'assainissement et à l'hygiène (EAH) dans les districts d'Umerkot et de Tharparkar. Tehsil Umerkot dans le district d'Umerkot et Tehsil Chachro dans le district de Tharparkar ont été choisis comme étant les plus sévèrement touchés par la sécheresse avec une forte prévalence de la malnutrition aiguë mondiale (MAG). Le projet a été mis en œuvre de mai 2015 à août 2016.

Une étude de base a été menée en juin 2015 et une étude finale en août 2016. Une combinaison de méthodes quantitatives et qualitatives a été utilisée, comprenant des entretiens auprès des ménages, la collecte de données liées à la santé provenant des établissements de santé gouvernementaux et des groupes de discussion. À la fois pour les études de départ et de fin, l'échantillon pour les entretiens auprès des ménages était de 409 et neuf groupes de discussion ont été menées avec des bénéficiaires de neuf villages.

Le projet visait à réduire la prévalence de la malnutrition aiguë grâce à des interventions spécifiques à la nutrition (une gestion communautaire de la malnutrition aiguë (GCMA) et du soutien à l'alimentation des nourrissons et des jeunes enfants (ANJE)) combinée à des actions prenant en compte la nutrition qui abordaient des facteurs importants et interdépendants ; de manière spécifique, les pratiques de soins maternels, de soins aux nourrissons et de soins infantiles2; les mesures d'hygiène ; la fourniture d'infrastructures hydrauliques ; l'accès à un régime nutritif riche et diversifié ; et la gestion du bétail. Les interventions prenant en compte la nutrition ont nécessité :

  • Un apport de fonds pour la formation (CfT) (la nutrition, l'agriculture et la gestion du bétail) des ménages souffrant de malnutrition affectés par la sécheresse.
  • La fourniture d'aide au bétail, impliquant des vaccins et des vermifugations, des séances de gestion du bétail et des cliniques avec le soutien du service gouvernemental au bétail.
  • L'installation de systèmes de pompage à l'énergie solaire sur des puits communaux existants.
  • La construction d'étangs d'eau pour la récolte de pluie.
  • La promotion de l'hygiène par l'intermédiaire de travailleurs communautaires de proximité.

Le ciblage prenant en compte la nutrition a été déterminé en grande partie par la composante spécifique à la nutrition, dans laquelle les ménages ayant des enfants inscrits au programme de GCMA ont été référés aux services de SAMS et d'EAH. Le projet visait à rejoindre au moins 80 % des ménages parmi le nombre de cas recensés dans les zones sensibles à la nutrition et à leur apporter un soutien au moyen d'interventions de SAMS et d'EAH (voir la figure 2). Le ciblage géographique dans les sites sélectionnés3 a également suivi l'approche nutritionnelle des zones sensibles. Il fallait procéder au dépistage de tous les enfants âgés de 6 à 59 mois pour calculer la prévalence de MAG du village ; ceux ayant un taux de MAG plus élevé ont été sélectionnés pour l'intervention. Les autres bénéficiaires du SAMS et du EAH ont été identifiés à partir des mêmes sensibilités nutritionnelles des villages en utilisant les critères de vulnérabilité guidés par l'analyse de l'économie des ménages (AEM) (c.-à-d. les ménages très pauvres et pauvres en termes de classement en fonction de la richesse). Des indicateurs intégrés ont été développés pour le projet (voir le tableau 1).

Figure 2 : Processus de ciblage géographique prenant en compte la nutrition.

Tableau 1 : Indicateurs de projet.

 

Processus de mise en œuvre et impact du projet

Programme GCMA / ANJE

L'organisation Concern Worldwide a mis en place une intervention spécifique à la nutrition, visant les enfants de moins de cinq ans et les femmes enceintes et allaitantes, impliquant la mise en place du service de GCMA, la mobilisation communautaire pour la prise en charge des services de santé et de nutrition et la communication sur les changements de comportement (CCC) pour l'amélioration de l'ANJE et des pratiques de soins. Un traitement de qualité a été dispensé aux cas de malnutrition aiguë sévère (MAS) et aux cas de malnutrition aiguë modérée (MAM), ainsi qu'aux femmes enceintes et allaitantes modérément sous-alimentées au niveau communautaire par des équipes mobiles. Les enfants soufrant de MAS avec complications ont été traités dans des centres de stabilisation (CS) instaurés avec le soutien de l'organisme Concern Worldwide dans les hôpitaux du siège social du district. Des séances d'orientation (individuelles et en groupe) ont été organisées pour les mères d'enfants sous-alimentés, les soignants, les femmes enceintes et allaitantes et les autres femmes sur des sujets tels que l'allaitement maternel, l'alimentation complémentaire, les soins pré et postnataux et l'hygiène personnelle. Des points d'allaitement ont été établis sur chaque site statique de la GCMA pour offrir une certaine intimité et pour prodiguer aux mères des conseils sur les problèmes liés à l'ANJE. Des groupes de soutien aux mères ont également été formés dans chaque conseil syndical, groupes composés de huit à dix femmes. Ces femmes ont été formées pour le dépistage des enfants et des femmes enceintes et allaitantes et pour la diffusion de messages importants sur les problèmes de nutrition, de FLS et d'EAH aux femmes de leurs régions. Durant ce projet, 61 693 enfants de moins de cinq ans et 27 494 femmes enceintes et allaitantes ont été dépistés. Au total, 6 071 cas de MAS, 11 395 enfants souffrant de MAM et 9 201 femmes enceintes et allaitantes souffrant de malnutrition ont été traités dans le cadre du programme de GCMA.

Le programme de sécurité alimentaire et de moyens de subsistance (SAMS)

Les interventions liées à la sécurité alimentaire et aux moyens de subsistance ont été conçues pour augmenter l'accès des bénéficiaires ciblés à des aliments appropriés et diversifiés par l'intermédiaire d'activités adéquates. Les principales activités menées dans le cadre du programme de SAMS étaient liées à la programmation de transfert de fonds et à une assistance pour le bétail.

Des fonds pour la formation (CfT)

Les fonds pour la formation s'adressait aux ménages souffrant de malnutrition et frappés par la sécheresse  (visés par le programme de nutrition), aux femmes enceintes et allaitantes et aux individus les plus vulnérables (personnes handicapées et personnes âgées). Ils ont été conçus pour couvrir les périodes extrêmement difficiles (de septembre à novembre et de mars à août) lorsque les températures diurnes peuvent atteindre les 50 degrés Celsius. L’aide financière était conditionnelle à la participation à des séances de sensibilisation qui transmettaient des messages importants sur la gestion de l’alimentation, de l’élevage et de l’agriculture ; ces messages étaient axés sur des comportements essentiels identifiés par l'étude des connaissances, des attitudes et des pratiques (CAP)  de base (voir tableau 2). Chaque bénéficiaire sélectionné a reçu deux jours de formation sur des messages tenant compte de la nutrition, suivis par un déboursement de 6 000 roupies pakistanaises (54 euros) par cycle, au moyen de paiement mobile électronique (Jazz Cash). Il y avait trois cycles, chaque bénéficiaire a donc reçu un total de 18 000 roupies pakistanaises (162 euros). Le montant financier était calculé selon la valeur du panier alimentaire du Programme alimentaire mondial (PAM) pour le Pakistan. Les déboursements étaient réalisés en groupes, près de l'endroit où vivaient les bénéficiaires, compte tenu du mauvais état des routes et des infrastructures liées au transport. L'heure et la durée de la formation étaient flexibles en fonction des groupes cibles.

Tableau 2 : Les messages prenant en compte la nutrition, par secteur.

L'étude de base a révélé qu'en moyenne, les bénéficiaires dépensaient 88 euros par mois pour couvrir toutes les dépenses du ménage, ce qui incluait les dépenses alimentaires, non-alimentaires et le reste. À la fin, les dépenses mensuelles des ménages s'élevaient à 128 euros, soit une hausse de 40 euros, attribuée à l’aide en espèces. L'analyse des tendances montre que les bénéficiaires ont augmenté leurs dépenses liées à l'alimentation, la santé, les intrants agricoles, les vêtements et d'autres articles non alimentaires. Le principal secteur d'augmentation des dépenses a été l'achat d'intrants agricoles pour la prochaine saison agricole, alors qu'il y avait une réduction considérable du remboursement des prêts. Cela suggère que ceux qui recevaient de l'argent sont passés de l'achat comptant au système de crédit structurel traditionnel4 (Voir la figure 3). Un total de 15 288 femmes (femmes enceintes et allaitantes et/ou personnel soignant auprès d'enfants) était couvert par cette activité ; les hommes représentaient 6 % (n = 908) des bénéficiaires.

Figure 3 : Comparaison des dépenses mensuelles (référence de départ et de fin)

La vaccination du bétail et la vermifugation

Au Tharparkar et dans l'Umerkot, la majorité des moyens de subsistance des ménages dépend de l’élevage (principalement des petits élevages). La prévalence accrue de la maladie dans des conditions de sécheresse entraîne la mortalité du bétail ou produit des animaux plus faibles, pour lesquels il existe un plus faible rendement net par rapport aux animaux sains. Afin d’améliorer l’immunité du bétail et la santé des animaux, une vaccination et des activités de vermifugation ont été programmées, avec le soutien du ministère du bétail, pour tous les ménages ciblés dans la région. Les campagnes de vaccination et/ou de vermifugation ont été organisées à chaque niveau de village où tous les petits cheptels (chèvres/moutons) et le gros bétail (bovins) ont été traités. Le bétail des villages et des communautés environnants a également été couvert par le programme afin d’éviter toute épidémie de maladie qui pourrait affecter les zones ciblées par le projet. Un total de 125 957 animaux (102 468 petits et 23 489 grands) a été touchés dans le cadre de cette activité. Les bénéficiaires ont signalé un impact positif sur leur bétail lié à l’aide à la vaccination et/ou au vermifugation : 100 % des bénéficiaires ont mentionné une augmentation de la production laitière.

Eau, assainissement et hygiène (EAH)

La composante de l'EAH a nécessité à la fois des interventions domestiques et communautaires pour la population couverte par le volet « nutrition ».

L'accès à l'eau potable

Des programmes à l'échelle des ménages et des communautés ont été développés pour améliorer l’accès communautaire à l’eau potable. Dans certains villages, les femmes étaient principalement responsables de la collecte de l’eau à partir de puits profonds (environ 300 pieds) en tirant sur des cordes en groupes ou en utilisant des animaux (âne, chameau). Cette tâche laborieuse et la distance pour accéder aux puits creusés étaient dangereuses pour la santé des femmes, en particulier les femmes enceintes et allaitantes.  Des machines de pompage à énergie solaire ont donc été installées sur un total de 12 puits creusés. 100 villages supplémentaires ont été identifiés dans les zones sensibles pour la réhabilitation des sites de dépression5. Les villageois locaux ont été payé comptant pour procéder aux travaux de réhabilitation. Le projet a également aidé 1 350 ménages des mêmes villages où subsistaient des cas de MAS, pour construire de réservoirs d’eau souterrains pour les foyers. Le réservoir a un double usage ; il permet de stocker l'eau des ménages et de récolter l’eau de pluie lors de la saison des pluies.

L'enquête a conclu qu'en moyenne, un ménage recueillait quatre litres d’eau pour boire, trois litres d'eau pour cuisiner et sept litres d'eau pour laver, une augmentation globale de 4,5 litres par rapport au départ. En ce qui concerne les sources d’eau, plus de la moitié des ménages interrogés utilisent des puits sans pompes solaires dans les deux districts, et 22 % utilisent des pompes manuelles, principalement en Umerkot. Plus de 90 % des ménages interrogés pensent qu’il est sécuritaire de recueillir de l’eau depuis ces sources ou ces points. Tous les ménages ont des conteneurs pour stocker et chercher de l’eau, chacun des ménages ayant au moins trois conteneurs (comme au départ) ; des améliorations ont été observées à la fin en ce qui concerne le nettoyage des conteneurs.

La promotion de l'hygiène

La promotion de l’hygiène a été intégrée dans toutes les séances de sensibilisation au projet. Les messages importants comprenaient des moments critiques et des méthodes appropriées pour le lavage des mains, l'hygiène personnelle et domestique et le traitement de l'eau dans les foyers. Des campagnes de promotion de l’hygiène, des célébrations liées à l'EAH, des activités pour promouvoir l’hygiène dans les écoles et des messages pour promouvoir l’hygiène transmis par des travailleurs sociaux formés au sein de la communauté, sont quelques-unes des principales approches adoptées pour améliorer les comportements. Au total, 34 500 familles ont été sensibilisées grâce à la promotion de l’hygiène.

À la fin, 11 % des ménages ont signalé qu'ils se lavaient les mains à chacun des cinq moments critiques (comparé à aucun au point de départ), duquel nombre 44 % utilisaient du savon et le reste utilisait de l’eau et du sable local. Au départ, 95 % des bénéficiaires visés n’avaient aucunes latrines ; à la fin, 28 % en avaient et les utilisaient. La majorité (97 %) a compris l’importance des latrines, de même que les risques sanitaires liés à la défécation à ciel ouvert.

La construction de latrines peu coûteuses

L’étude de départ a révélé qu’environ 28 % de la population utilisait des latrines à fosse. Un total de 2 500 familles, identifiées dans les villages de zones sensibles du point de vue alimantaire, n'avaient pas de latrines et déféquaient à ciel ouvert. Ces familles ont été prises en charge pour la construction de latrines peu coûteuses ; des matériaux de construction de latrines leur ont été fournis, alors qu'elles contribuaient au travail bénévolement. En dépit de cette aide et de cette sensibilisation à l’importance liée à l’utilisation de latrines, l'utilisation de latrines ne s'est pas améliorée autant que prévue. Bien que tous les 2 500 ménages aient construit des latrines et les utilisaient au début, beaucoup sont revenus à la défécation à ciel ouvert.

Le mécanisme de coordination

Le mécanisme de coordination du projet a été développé à des niveaux nationaux, provinciaux, et de districts. Des groupes de travail  existants sur la nutrition (présidés par l’UNICEF sous le ministère de la santé) et des groupes de travail sur la sécurité alimentaire (présidés par la FAO et le PAM sous le ministère de la sécurité alimentaire nationale et de la recherche) aux niveaux nationaux et provinciaux ont été impliqués, depuis la conception du projet jusqu'à la fin. L'avancement du projet a été partagé en permanence avec les groupes de travail grâce à une matrice « 4W » (qui, quoi, où et quand) et d'autres mécanismes de rapport. En outre, le forum humanitaire au Pakistan (PHF)6, l'autorité de gestion de catastrophe à l'échelle de la province du Sidnh (PDMA)7 et la cellule de nutrition du Sindh8 ont été tenu étroitement informés. Le centre de coordination active pour la mise en œuvre du projet s'est déroulé à l'échelle du district ; la coordination au niveau des districts est dirigée par les commissaires de district, qui mènent toutes les interventions des ministères, des organisations non gouvernementales (ONG) et des organisations de la société civile (OSC). Des protocoles d’entente formelle (PE) ont été signés avec les ministères du bétail et de la santé des districts, afin d’assurer une coordination et un engagement étroits tout au long du processus de mise en œuvre du projet. Des réunions de coordination régulières ont eu lieu avec les services des districts en question et des rapports formels de progression mensuels ont été présentés.

Les tâches de projet ont été réparties entre trois ONG partenaires locales ; l'une a dirigé le volet spécifique à la nutrition et deux ont livré la composante tenant compte de la nutrition. Un mécanisme de coordination a été développé au niveau du terrain, mécanisme composé d'un personnel technique et de gestion de projet fournit par les ONG partenaires et par des équipes de terrain provenant des organismes Concern Worldwide et WHH. Des réunions mensuelles régulières ont permis de traiter des problèmes opérationnels sur le terrain. Des visites sur le terrain de l’équipe nationale d'ECHO et des experts de la région et du siège social ont également permis de prodiguer des conseils et une assistance sur les nouveaux besoins liés au projet.

Les résultats et/ou l'impact du projet

L'examen final des indicateurs du projet montre que le projet a dépassé les objectifs en termes d'indicateurs relatifs au traitement de la MAS, à l'allaitement maternel exclusif, au score de consommation alimentaire (SCA) et au classement de la pauvreté des ménages (voir le tableau 5). Tandis que la prévalence des maladies d’origine hydrique (< 22 %) était au départ déjà inférieure à la valeur cible (< 50 %), elle a augmenté durant le projet.

Tableau 3 : Les résultats du projet par rapport aux indicateurs établis.

Enseignements tirés

Programmes intégrés, multisectoriels, tenant compte de la nutrition pour résoudre les problèmes de malnutrition   </bx>Bien que de nombreuses interventions ont eu lieu dans la zone ciblée pour corriger la situation de la sécheresse, aucun ne visait des objectifs liés à la nutrition. Il s’agissait de la première intervention intégrée et multisectorielle en réponse à la situation actuelle de sécheresse. La réussite de la mise en oeuvre et les résultats de l’intervention indiquent que les interventions multisectorielles avec un objectif nutritionnel sont un moyen approprié et efficace pour s’attaquer à la situation de sécheresse, et qu'elles obtiennent rapidement des résultats sur les facteurs liés à la dénutrition au Pakistan. Un sondage SMART vient d'être achevé dans la région (juin 2017) et est en cours d'analyse.

Coordination étroite entre les acteurs concernés (UNICEF, PAM, la Cellule de nutrition, les ministères gouvernementaux et ONG partenaires locales)

La coordination, l’activisme et l’appui du gouvernement reflètent la volonté de l’État de gérer la question de la dénutrition dans les zones du pays touchées par la sécheresse. On a noté une participation active de nombreux acteurs, y compris l’UNICEF, le PAM, la cellule de nutrition de la province, les ministères gouvernementaux et les ONG partenaires locales et internationales. Une coordination bien conçue et hiérarchique du niveau national au niveau des districts avec les ministères du gouvernement et d’autres intervenants a contribué à l’efficacité de l’intervention.

La mise en commun des  différentes compétences du secteur humanitaire génère des résultats radicaux.

Les activités spécifiques à la nutrition et tenant compte de la nutrition ont été mises en place par différents partenaires locaux, jouant de leurs atouts respectifs. La collaboration était bonne : les partenaires qui mettaient en œuvre les interventions spécifiques à la nutrition étaient chargés d’identifier les communautés présentant une urgence sur le plan nutritionnel et les bénéficiaires pour les partenaires chargés du programme tenant compte de la nutrition.

Les synergies du projet avec d’autres interventions dans le domaine.

Les organisations WHH et Concern Worldwide ont d’autres interventions de longue durée dans la région qui visent à renforcer la résilience des communautés tout en répondant à la situation d’urgence. Des synergies ont été développées entre les programmes humanitaires et de développement. Par exemple, des programmes de la WHH tenant compte de la nutrition, déployés sur le long terme et financés par l’Allemagne, étaient également couverts par des programmes de GCMA et d'autres tenant compte de la nutrition.

Bien que le projet ait atteint les résultats escomptés, certains points du projet n'ont pas connu la réussite espérée. Certains de ces points sont détaillés ci-dessous :

Déséquilibre entre les interventions spécifiques à la nutrition et celles tenant compte de la nutrition.

Il y couvrait la totalité des interventions spécifiques à la nutrition ; toutefois, seulement 32 % des bénéficiaires d'interventions spécifiques à la nutrition ont été couverts par la composante tenant compte de la nutrition. Cela s'explique par le coût ; les composants spécifiques à la nutrition coûtent 1,6 euros par bénéficiaire, tandis que 10,3 euros ont été dépensés par bénéficiaire pour les interventions tenant compte de la nutrition9. Cela suggère que les interventions tenant compte de la nutrition nécessitent des investissements plus importants pour en assurer la portée.

Réduction des pratiques de la défécation en plein air.

Il était prévu de lutter contre les pratiques de défécation en plein air par l'intermédiaire de construction de latrines et de promotion de l'hygiène. Toutefois, la sensibilisation accrue aux dangers de la défécation en plein air pour la santé et la construction des latrines ont donné peu de résultats. La modification des comportements enracinés exige une stratégie à long terme qu'il est difficile de réaliser dans un projet d’urgence à court terme.

La prévalence des maladies à transmission hydrique et liées à l'eau dans la population ciblée.

Il s’agissait de la première intervention multisectorielle des organisations WHH et Concern, avec l'ambition de réduire la prévalence des maladies liées à l’eau dans la population cible. Cependant, les réalités du terrain n'ont pas été entièrement comprises au moment de la conception de l’intervention et de son point de départ. La pénurie d'eau dans la zone et l'utilisation d'eau trouble et contaminée qui en résultait (en tant que seule source) ont continué tout au long de la période de mise en œuvre. La portée du projet était limitée par les ressources, de sorte que les besoins importants en eau de toutes les populations n'ont pas pu être pris en charge.

Les principaux facteurs favorables à la bonne exécution du projet ont été les suivants :

  • L'engagement des donateurs à trouver des solutions à la sécheresse récurrente et à la malnutrition.
  • Le groupe local de ressources humaines (personnel local qualifié pour la mise en œuvre du projet) disponible dans la région.
  • La présence de services gouvernementaux pertinents au niveau local, ainsi qu'un intérêt et une participation active de l'administration du district dans le projet.
  • L'intérêt du gouvernement provincial pour les questions de nutrition.
  • La sensibilité et implication de la collectivité ; le projet a été conçu pour répondre aux besoins immédiats des communautés.
  • Les normes sociales et culturelles de soutien ; les communautés musulmanes et hindoues sont représentées à parts égales dans la région et ont réservé un excellent accueil à l'intervention, indépendamment des diverses normes et religions.
  • La réglementation simplifiée des marchés afin de faciliter les achats par les partenaires.

Les principales contraintes auxquelles a été confronté le projet concernaient la météo, l'accès et sa courte durée. Les conditions météorologiques extrêmes (températures élevées), les mauvaises infrastructures de communication (aucune route de liaison appropriées) et les transports difficiles, coûteux et longs ont constitué des obstacles majeurs pour le personnel du projet. L'établissement d'une nouvelle intervention multisectorielle dans un court délai a été difficile ; un quart du temps du projet a été pris par sa conception et sa préparation.

En conclusion

Dans un court laps de temps, un projet multisectoriel impliquant des interventions qui tiennent compte de la nutrition et spécifiques à la nutrition, ainsi qu'une coordination intersectorielle, a été mis en place avec succès dans une communauté touchée par la sécheresse et a eu un impact positif. Comme ce projet était financé par ECHO à court terme (financement d'intervention d'urgence), les organismes Concern Worldwide et WHH ont prévu mobiliser davantage de fonds pour maintenir l'intervention en vue de réduire la prévalence de la dénutrition jusqu'à revenir sous les seuils d'urgence. À l'échéance du projet, Concern Worldwide a poursuivi la composante spécifique à la nutrition (c'est-à-dire le programme de GCMA), en attendant le développement d'un projet de suivi (la composante tenant compte de la nutrition n'a pas été poursuivie). Cela a contribué à stabiliser la situation de dénutrition dans la région en évitant une interruption de service. Un projet de suivi d'un an a été développé et adapté en fonction des enseignements tirés de cette intervention. Il a depuis reçu un financement de la part d'ECHO.

Les nouveaux éléments comprennent l'extension de la composante d'aide au bétail. Le premier projet impliquait seulement la vermifugation, tandis que le nouveau projet comprend la vaccination du bétail (le département gouvernemental du bétail administre la vaccination et le projet assure l'organisation logistique et la mobilisation de la communauté). Des jours de clinique vétérinaire ont également été ajoutés ; de même, le service gouvernemental du bétail dépêche les vétérinaires et le projet organise les cliniques dans les zones rurales. Compte tenu des mauvais résultats de l'intervention concernant les latrines dans les foyers, cette composante a été retirée de la phase suivante. Au lieu de cela, une approche d'assainissement total piloté par la communauté (ATPC) a été ajoutée pour galvaniser les communautés sur la question de la défécation en plein air, ainsi que sur la sensibilisation et la diffusion des informations. Pour compléter ces mesures, un groupe de travailleurs de proximité pour la promotion de l'hygiène sera déployé dans tous les villages ciblés. Une stratégie de sortie plus claire a été formulée ; à la fin de la phase financée par ECHO, le programme de GCMA sera poursuivi avec le concours du gouvernement par l'intermédiaire de l'un de ses programmes de nutrition financés par la Banque mondiale.

Pour plus d'informations, contactez : Ali Dino Kunbher, à l'adresse suivante : Ali.dino@welthungerhilfe.de


Notes de bas de page

1http://alliance2015.org/ 

2Les activités liées à l'ANJE étaient principalement spécifiques à la nutrition, mais certains messages à propos de l'ANJE étaient également couverts par des actions tenant compte de la nutrition.

3Une division administrative désignant un sous-district.

4Un système traditionnel de crédit conventionnel prévaut dans la région. Les communautés l'utilisent pour obtenir de la nourriture et des produits non alimentaires ou de l'argent pour les dépenses des ménages. Il propose un taux d'intérêt élevé et, à chaque fois que les emprunteurs ont besoin d'un nouveau prêt (en espèces ou en nature), ils doivent ajuster le prêt existant.

5Lieux naturels où l'eau de pluie s'accumule à partir des dunes de sable environnantes. Le terrain de ce site est comprimé et, par conséquent, sa capacité de retenue de l'eau augmente. L'eau de pluie reste de longues périodes dans un tel site, appelé localement Tarai (site de dépression).

6Le PHF est le forum de coordination composé de toutes les organisations internationales non gouvernementales humanitaires (OING) travaillant au Pakistan.

7La PDMA est un organisme gouvernemental qui prend la tête de tous les travaux liés à la catastrophe et à l'aide humanitaire dans la province.

8La cellule est dirigée par le ministère de la Santé, le gouvernement du Sindh et l'UNICEF.

9Le coût par bénéficiaire a été calculé en répartissant l'ensemble du budget 'Programme + administration' par secteur sur le nombre total de bénéficiaires couverts.


Références

Institut international de recherche sur les politiques alimentaires (IFPRI). 2016. Rapport mondial sur la nutrition 2016 : de la promesse à l'impact : mettre fin à la malnutrition d'ici 2030. Washington, DC.

Indice de la faim dans le monde 2016. Http://ghi.ifpri.org/

Rapport d'enquête SMART par Concern Worldwide (2016), District Umerkot, janvier 2016.

Groupe de travail sur la sécurité alimentaire au Pakistan (FSWGP) (2015). La sécheresse de Sindh nécessite une évaluation, 2015.

Groupe de travail sur la sécurité alimentaire au Pakistan (FSWGP), Concern Worldwide et Welthungerhilfe (2015) Analyse de l'économie domestique.

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