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Soutien aux personnes âgées en Éthiopie grâce à la GCMA.

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Par Kidist Negash Weldeyohannis

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Kidist Negash Wedeyohannis est directrice régionale de programme de santé et de nutrition en Afrique pour HelpAge International. Elle se consacre plus particulièrement à l'action humanitaire et à l'élaboration des programmes humanitaires. Elle a œuvré auparavant avec l'UNICEF et CARE dans des domaines connexes. Elle est titulaire d'un master en santé publique.

L'auteur tient à remercier le Bureau des Nations unies pour la coordination des affaires humanitaires et son Fonds d'aide humanitaire (UNOCHA-HRF) pour le financement du projet décrit ci-dessous ainsi que les Docteurs Luca Saraceno et Juma Khudonazarov pour la lecture attentive de cet article et leurs commentaires constructifs.

Lieu : Éthiopie  

Ce que nous savons : l'Afrique est l'un des continents où le nombre de personnes âgées est en plus forte augmentation. On manque de données au niveau national sur les conditions socio-économiques et la charge que représentent les maladies des personnes âgées dans les pays en voie de développement. 

Qu'apporte cet article : En 2016, une évaluation rapide menée par HelpAge International a identifié une prévalence élevée de malnutrition aiguë globale (MAG) chez les personnes âgées vivant dans deux régions exposées à la sécheresse en Éthiopie (de 10 à 15 pour cent). En voyant ces résultats, HelpAge International est intervenu et a apporté une aide en matière de nutrition, d'eau, d'assainissement et d'hygiène mais aussi en moyens de subsistance. Dans cette tranche d'âge, la gestion par la collectivité de la malnutrition aiguë s'est limitée à l'utilisation de supplément alimentaire. Cela était dû à un manque d'aliments thérapeutiques prêts à l'emploi, à une résistance du personnel de santé et à l'absence de directives nationales pertinentes. Les cas compliqués ont été dirigés vers les services publics pour être traités et certains ont reçu des soins gratuits. Les résultats de l'évaluation indépendante menée à la fin du projet étaient positifs. On a signalé une amélioration en matière de bien-être, d'état de santé et de gain de poids (non évalué quantitativement). Un quart des personnes interrogées (26 pour cent) recevait de l'aide alimentaire d'urgence et 28 pour cent étaient inscrits au programme de création de dispositifs de sécurité productifs. Il y avait plusieurs défis : l'absence de directives nationales pour la gestion de la malnutrition aiguë, le fait que les données sur les personnes âgées n'étaient pas comprises dans les rapports réguliers sur les installations et le fait que les personnes âgées n'étaient pas systématiquement prises en compte dans l'évaluation des besoins. Il faut renforcer les capacités des agences locales et internationales mais aussi promouvoir et défendre l'idée que le dossier des personnes âgées et sa gestion doivent être pris en compte et gérés. Des investissements plus importants de la part des donateurs sont aussi nécessaires. 

La situation des personnes âgées en Éthiopie 

L'Afrique est l'un des continents où le nombre de personnes âgées augmente le plus vite. Malgré les incidences du VIH/sida et des autres maladies transmissibles sur l'espérance de vie d'un bout à l'autre du continent, les gens vivent encore plus longtemps qu'auparavant et la proportion de personnes âgées en Afrique a été pratiquement multipliée par cinq. Plus de 40 millions de personnes âgées vivant en Afrique ont plus de 60 ans et trois millions d'entre eux ont plus de 80 ans. En 2050, le nombre de personnes âgées en Afrique devrait être de 204 millions.

Ayant un accès limité à des données ventilées par âge, il est difficile de fournir une analyse détaillée des conditions socio-économiques des personnes âgées en Éthiopie. Cependant, le rapport de recensement de la CSA, l'Agence centrale de statistique, datant de 2007 indiquait que 3 565 161 personnes (environ 4,8 pour cent de la population totale) avaient 60 ans et plus (Agence centrale de statistique, 2012). Environ 532 093 d'entre eux (14,9 pour cent) vivent en milieu urbain tandis que le reste (85,1 pour cent) vit en zone rurale. On retrouve la même tendance dans toutes les tranches d'âge de la population. Le nombre total de personnes âgées devrait atteindre 5,3 millions en 2020 (Agence centrale de statistique, 2012). 

Comme dans beaucoup d'autres pays en voie de développement, les personnes âgées en Éthiopie sont vulnérables face aux risques de pauvreté, d'insécurité alimentaire, de malnutrition, d'accès limité aux services sociaux et de santé, sans compter les options restreintes en ce qui concerne la diversification et la sécurité des moyens de subsistance. Et ce, quel que soit l'endroit où elles résident (HelpAge, 2013). En outre, un grand nombre de ces personnes âgées ont besoin de protection à double titre  : elles aident leurs enfants, leurs petits-enfants et leurs conjoints âgés quand elles-mêmes ont besoin d'être prises en charge et protégées.

À l'échelle mondiale, on peut voir que la charge des maladies non transmissibles (MNT), maladies cardiovasculaires, hypertension, attaques, diabète et sénilité entre autres, chez les personnes âgées augmente fortement dans les pays à faible revenu et à revenu intermédiaire. En ce moment, il n'y a aucune étude menée au niveau national pour montrer l'effet des MNT sur la santé des personnes âgées en Éthiopie. Une étude de HelpAge datant de 2012 a pourtant montré que 75 pour cent des personnes âgées sondées souffraient d'une, voire plusieurs MNT, et que seulement 75 pour cent d'entre elles recevaient des soins médicaux (HelpAge, 2013). En Éthiopie, les principaux problèmes en soins de santé des personnes âgées sont les suivants: le manque ou l'absence de personnel formé en gériatrie et en gestion de MNT, le fait que les personnes âgées ne soient pas prioritaires à l'heure d'accéder aux services essentiels, des soins de santé à des prix inabordables et l'éloignement des établissements de soins (HelpAge, 2013).

Dans les zones des pays en voie de développement sujettes aux catastrophes, les facteurs déterminants pour que les gens puissent survivre aux tensions, aux bouleversements et s'en remettre sont une alimentation et des apports nutritionnels suffisants, ce qui est aussi essentiel pour se maintenir en bonne santé. Les personnes âgées ont des besoins spécifiques en ce qui concerne leurs apports alimentaires en général, leurs besoins micronutritionels et la saveur des aliments (Graphique 1). Cela les rend particulièrement vulnérables aux dérèglements en matière de sécurité alimentaire en période de crise. Quand il y a sécheresse ou pénurie alimentaire, quand le prix de la nourriture est en général élevé, les personnes âgées, qui font souvent partie des personnes les plus pauvres, n'ont, la plupart du temps, pas les moyens d'acheter assez de nourriture pour eux-mêmes et leurs familles. De plus, quand il y a insécurité alimentaire, les personnes âgées choisissent souvent de donner leur part de nourriture aux plus jeunes de la famille.

Outre les pires effets de l'insécurité alimentaire, d'autres impacts (physiques, sensoriels et cognitifs) ont des conséquences négatives sur l'apport alimentaire et augmentent la vulnérabilité des personnes âgées à la malnutrition. Les facteurs de risque à la base de la dénutrition chez les personnes âgées sont multiples et étroitement liés (Graphique 1). Selon l'étude menée en 2013 par HelpAge International sur la vulnérabilité des personnes âgées dans les régions d'Éthiopie suivantes: Oromia, Amhara et la Région des nations, nationalités et peuples du Sud (RNNPS), le pourcentage de personnes âgées souffrant d'un handicap allait de 31,8 pour cent dans la région d'Oromia à 54,2 pour cent dans la région d'Amhara (HelpAge et EEPNA, Association nationale éthiopienne des personnes âgées et des retraités, 2013). Les formes de handicap couramment signalées étaient : les handicaps visuels, moteurs et auditifs ainsi que la faiblesse physique. Elles ont toutes un lien très étroit avec des capacités de production faibles, des revenus moins élevés, une alimentation insuffisante et la malnutrition (Tableau 1).

Tableau 1: Le handicap chez les personnes âgées en Éthiopie et par région, 2013

Bien qu'on ait de plus en plus d'éléments sur les problèmes qu'ont les personnes âgées pour répondre à leurs besoins alimentaires en situations d'urgence, il n'existe que peu d'interventions en matière de nutrition qui, en cas de crise humanitaire, ciblent les personnes âgées. Et ce, à la différence des femmes enceintes et allaitantes (FEA) et des enfants de moins de cinq ans, pour qui l'apport d'une aide alimentaire importante et ciblée est une pratique bien établie. Il y a aussi un contraste évident entre le manque de programmes de nutrition spécialement conçus pour les personnes âgées et les principes humanitaires fondamentaux qui disent que tout le monde a droit, sans discrimination, à une aide humanitaire impartiale. 

Graphique 1 : Facteurs de risques nutritionnels pour les personnes âgées

en traduction - Version française bientôt disponible

Évaluations et réponse de HelpAge

HelpAge a mené deux évaluations rapides de la santé et de la nutrition dans la woreda Adami Tulu Jido Kombolcha1dans la zone Est Shewa (2016) et dans la woreda Teltele dans la zone Borena (2017). Les deux évaluations ont révélé des niveaux élevés de malnutrition aiguë chez les personnes âgées, et même un taux préoccupant de malnutrition aiguë globale (MAG) de 10,5 pour cent dans l'Adami Tulu Jido Kombolcha et un taux critique de MAG de 15 pour cent dans la Teltele. L'évaluation dans l'Adami Tulu Jibo Kombolcha a été menée dans une zone de production dite belg2, suite à une mauvaise récolte durant la saison dite meher, ce qui, dans une certaine mesure, explique le taux élevé de malnutrition (Il n'y a pas non plus de données de base disponibles pour pouvoir faire la comparaison avec les autres saisons). Pour faire ces évaluations, la méthode d'évaluation rapide pour les personnes âgées (RAM-OP) développée en 2013 par HelpAge en collaboration avec Brixton Health et Valid International a été utilisée. Il n'est pas recommandé d'évaluer les œdèmes bilatéraux prenant le godet chez les personnes âgées. En effet, dans cette tranche d'âge, il peut y avoir œdème à cause d'autres problèmes de santé courants. Les résultats de ces deux évaluations sont résumés dans le tableau 2.

Tableau 2 Résultat de l'évaluation rapide de la nutrition menée par HelpAge

Les résultats de l'évaluation de 2016 ont servi de plaidoyer auprès des donateurs pour obtenir plus d'aide afin d'améliorer les conditions de vie des personnes âgées dans cette zone et pour pouvoir répondre à leurs besoins les plus urgents. Le Bureau des Nations unies pour la coordination des affaires humanitaires et son Fonds d'aide humanitaire (UNOCHA-HRF) a, par la suite, financé un projet qui a offert un soutien vital aux personnes âgées pendant huit mois, d'avril à décembre 2016. Ce projet a été mis en place dans quatre woredas de la région d'Oromia (Adami Tullu Jido Kombolcha, Girar Jarso, Ziway Dugda et Abote) par HelpAge Éthiopie. Ce projet a été mis en place pour répondre aux besoins de différents secteurs, associant la nutrition avec l'eau, l'assainissement et l'hygiène (EAH) et les interventions en matière de subsistance, alors que la composante « nutrition » n'a été mise en place que dans les woredas d'Adami Tulu Jido Kombolcha et de Girar Jarso. Tandis que ces deux woredas bénéficiaient d'aide en nutrition, EAH et en moyens de subsistance, les autres ne recevaient que de l'aide en EAH. Principales activités menées selon le secteur :

  1. Nutrition : mobilisation des communautés et dépistage, identification des personnes âgées souffrant de malnutrition aiguë, orientation selon les cas, fourniture d'alimentation supplémentaire, suivi et renvoi des cas de malnutrition aiguë sévère vers les établissements de soins pour plus de soutien médical.
  2. EAH : Réhabilitation de 15 systèmes d'approvisionnement en eau, dont ont bénéficié 35 834 personnes, formation de 124 comités EAH qui gèrent les points d'eau et s'occupent de la promotion de l'hygiène et de l'assainissement.
  3. Moyens de subsistance : Des graines et des outils agricoles ont été fournis à 9 118 familles (blé, maïs et teff1). Des agents de vulgarisation agricole ont été formés et les familles ont reçu de l'aide à l'heure de faire un suivi et de planter les semences. Comme elles font partie d'un groupe vulnérable, les personnes âgées signalées comme souffrant de malnutrition ont bénéficié d'aide pour leurs cultures.

Activités et réalisations du projet

Le projet a couvert les woredas parmi les plus sujettes à la sécheresse en Éthiopie et où la production agricole souffre régulièrement de précipitations irrégulières et de périodes de sécheresse. En conséquence, les communautés sont hautement vulnérables à l'insécurité alimentaire et autres désastres. En janvier 2016, la NDRMC/UCNU a mis les deux woredas bénéficiant d'aide à la nutrition dans la liste1 des endroits de crise étant prioritaires, le phénomène El Niño ayant provoqué une sécheresse généralisée, qui a principalement touché la partie centrale des hauts plateaux, couvrant six états de la région, en 2015 et 2016.

HelpAge a mis en place la composante « nutrition » du projet en utilisant l'approche de la gestion communautaire de la malnutrition aiguë (GCMA) , fréquemment utilisée pour traiter les enfants et les FEA souffrant de malnutrition aiguë. Ceci est conforme aux lignes directrices de HelpAge, qui se sert de son expérience avec Médecins Sans Frontières au sud Soudan et qui recommande la mise en place des quatre composantes de la GCMA : mobilisation de la communauté; alimentation complémentaire ciblée pour traiter les cas de malnutrition aiguë modérée (MAM); programme thérapeutique ambulatoire (PTA) pour traiter les cas de malnutrition aiguë sévère (MAS) qui ne présentent pas de complications et pour lesquels on utilise les aliments thérapeutiques prêts à l'emploi (ATPE) et centres de stabilisation (SC) pour traiter les cas de MAS présentant des complications (on utilise alors des laits thérapeutiques). Dans la pratique, il n'a pas été possible de mettre en place toutes les lignes directrices de la GCMA. Cela a été dû à une pénurie d'approvisionnement, à la résistance de certains professionnels de la santé et au manque de ligne directrice nationale. Le bureau régional pour la santé n'a pas fourni les ATPE donc, seule l'alimentation complémentaire a été distribuée pour traiter les cas de MAM et de MAS.

Les activités ont été mises en place grâce au concours de deux partenaires locaux : Rift Valley Children and Women Development Organisation (RCWDO) et Sewasew Genet Children Development Organisation (SGCDO). Avant que le projet ne commence, HelpAge a formé 54 professionnels de la santé (infirmiers et agents de santé), agents de vulgarisation sanitaire (AVS) et partenaires sur les principes fondamentaux de la malnutrition chez les personnes âgées, comme les facteurs de risque, le diagnostic, le traitement, le suivi et la prévention de la malnutrition aiguë. La directive d'HelpAge traitant de la réponse en cas de situation d'urgence nutritionnelle pour les personnes âgées a été utilisée pour mener à bien la formation (HelpAge, 2011). Des démonstrations pratiques ont eu lieu sur l'utilisation du bracelet servant à mesurer le périmètre brachial (PB) et sur le procédé d'admission aux programmes de traitement de la MAS et de la MAM. Comme cette approche était nouvelle, 15 agents de santé communautaire (ASC) ont été engagés et formés pour diriger et aider les AVS.

Dans le cadre de l'intervention menée par l'équipe de projet, la communauté a été fortement mobilisée; et ce, avec le soutien du gouvernement au niveau des woredas et au niveau des communautés au sein des deux districts (AVS, agents de développement et dirigeants communautaires). Suite à cette mobilisation, les AVS, assistés du personnel travaillant sur le projet, ont procédé au dépistage de la malnutrition aiguë chez les personnes de 60 ans et plus à l'aide de simples bracelets à code couleur pour mesurer le PB (pour la classification, voir le tableau 2).

En raison des contraintes de financement, il n'a pas été possible de couvrir l'intégralité des deux woredas, seulement quelques qebelés choisis. Ils ont été choisis en consultation avec des fonctionnaires des woredas et des chefs de communauté, après observation des pires effets de la sécheresse. Comme les AVS et les ASC ont été utilisés pour identifier et orienter les personnes âgées, on a supposé qu'une couverture maximale pouvait être atteinte (cependant, aucune enquête sur la couverture n'a été entreprise pour le prouver). 

Tableau 2 : limites de PB pour les personnes âgées utilisées pour le PASC

Une carte de rationnement qui sert à recevoir de l'alimentation supplémentaire dans le cadre d'un programme d'alimentation supplémentaire ciblée (PASC), établi par le projet, a été fournie à toute personne souffrant de MAS et de MAM. Une ration mensuelle comportait 6,5 kg de mélange maïs-soja (MMS), un litre d'huile végétale et 1,5 kg de haricots secs. Cela a été distribué pendant trois à quatre mois. Ce lot d'alimentation supplémentaire représentait un apport journalier de 1 186 kcal et de 41,8 g de protéines par personne. Cette intervention a été la première du genre dans les deux woredas et parmi les premières interventions alimentaires d'urgence dans le pays à prendre en compte et à cibler les personnes âgées en tant que groupe vulnérable.

Le programme alimentaire mondial (PAM) a mené en même temps un programme d'alimentation supplémentaire (PAS) dans les deux woredas sélectionnées, comme dans toutes les woredas prioritaires. Cependant, il ne concernait que les enfants et les FEA. Pour ce programme, en raison de contraintes budgétaires considérables, il n'a pas été possible de se procurer de l'alimentation supplémentaire auprès du PAM pour les personnes âgées. HelpAge a donc mené un programme parallèle en utilisant la nourriture achetée sur place. Des discussions sont en cours avec le PAM et le Groupe nutrition pour une future rationalisation des programmes, à condition que la situation financière le permette.

Pendant les 7 mois du projet, une alimentation supplémentaire a été distribuée à 1 898 personnes âgées (dont 965 femmes) réparties dans les deux districts. 1 733 d'entre elles souffraient de MAM. Les 165 personnes âgées restantes souffraient de MAS. Comme le projet n'avait pas les moyens de fournir les produits servant à gérer la MAS ou la capacité de traiter les problèmes médicaux qui y sont liés, une ration supplémentaire a été fournie aux personnes souffrant de MAS et ces mêmes personnes ont été dirigées vers les installations gouvernementales pour continuer leur traitement. Les discussions et la collaboration avec le bureau de la santé du district se sont poursuivies et grâce à elles, 29 personnes souffrant de MAS et ayant d'autres problèmes médicaux ont pu recevoir des soins médicaux gratuits au centre de soins de la woreda d'Adami Tulu Jido Kombolcha. De plus, ils continuaient à recevoir l'alimentation supplémentaire du projet. Pour ces personnes dirigées vers les installations gouvernementales, aucune information concernant les problèmes médicaux associés ou leur suivi n'était disponible. Les autres personnes souffrant de MAS n'ont reçu qu'une alimentation supplémentaire.

Le PB de chaque bénéficiaire a été mesuré chaque mois par les AVS et les ASC pour savoir si les critères de sortie du programme étaient satisfaits. Toutefois, aucune donnée fiable n'a été notée. Il n'est donc pas possible de savoir combien de bénéficiaires ont satisfait aux critères de sortie du programme et dans quel laps de temps. La collecte de données est un domaine qui doit être amélioré à l'avenir.

Le gouvernement éthiopien, le PAM et les partenaires de développement aident les gens en situation d'insécurité alimentaire chronique à l'aide de transferts d'aliments et de fonds quand la nourriture vient à manquer, et ce dans le cadre du programme de création de dispositifs de sécurité productifs (PSNP). Cette stratégie prévoit l'inclusion inconditionnelle des personnes âgées vivant au sein de foyers en situation d'insécurité alimentaire. Cependant, aucune analyse n'a été faite pour savoir combien de personnes qui bénéficiaient du projet recevaient aussi de l'aide du programme de création de dispositifs de sécurité productifs (PSNP), bien que l'évaluation finale du projet ait montré que 26 pour cent des personnes interrogées recevait de l'aide alimentaire d'urgence et que 28 pour cent étaient inscrits au PSNP.  HelpAge a l'intention d'intensifier son plaidoyer pour que les personnes âgées aient désormais droit au PSNP.

Commentaires des partenaires et des bénéficiaires

Une évaluation externe de fin de projet a été menée en février 2017. Un total de 390 ménages de personnes âgées ont été choisis parmi les bénéficiaires concernés. Une technique d'échantillonnage par probabilité proportionnelle de la taille de la population (PPT) a été utilisée après avoir sélectionné délibérément 50 pour cent des communautés ciblées. Une étude des documents pertinents est venue compléter les sept discussions de groupe tenues avec les bénéficiaires du projet et  les entrevues avec les informateurs clés.

Les bénéficiaires, les fonctionnaires locaux et les parties prenantes ont affirmé que le projet avait contribué à réduire la souffrance et à éloigner les risques de mort chez les personnes âgées, surtout ceux qui ont un lien avec l'insécurité alimentaire critique. Les personnes âgées ont signalé qu'elles s'étaient senties valorisées dans la communauté du moment où l'on répondait à leurs besoins nutritionnels, ce qui n'avait jamais été le cas dans les situations d'urgence précédentes. Bien que l'on ait réuni des données quantitatives sur le rétablissement des personnes âgées souffrant de malnutrition, elles ont signalé qu'elles avaient retrouvé assez de force pour pouvoir effectuer leurs activités quotidiennes.

Parmi les impacts positifs sur le bien-être des personnes âgées qui nous sont parvenus, on trouve une meilleure condition physique et un meilleur état de santé, par exemple gain de poids, force physique retrouvée et plus de facilité à se déplacer d'un endroit à un autre. Selon le sondage mené dans les ménages, 45, 6 pour cent des personnes interrogées ont noté une amélioration de leur état de santé; 26,9 pour cent ont noté une amélioration de leur condition physique, comme gain de poids et force physique retrouvée et 23,1 pour cent ont signalé que leur état de santé s'était maintenu. Quatre-vingt-deux pour cent des personnes âgées sondées (321 sur 390) pensaient que le PASC était très important et répondait à leur situation, tandis qu'un autre 16 pour cent le signalait comme important.

Défis à relever et retour d'expérience

En situation d'urgence, on ne prête pas suffisamment attention aux personnes âgées et elles sont rarement prioritaires quand on les compare aux femmes et aux enfants. Il y a en particulier, en ce qui les concerne, un manque d'interventions cruciales. Bien que le manque de ressources soit la principale contrainte, on dispose de très peu de preuves sur la vulnérabilité des personnes âgées et sur les conséquences de la prise en charge de leurs besoins sur le bien-être de leur famille. Les personnes âgées ne sont également pas très visibles. Elles sont rarement incluses dans les évaluations des besoins au niveau national.

Aucune ligne directrice nationale n'a été adoptée en Éthiopie pour gérer la malnutrition aiguë chez les personnes âgées. Il n'y a non plus aucun mandat pour inclure les personnes âgées dans le dépistage de la malnutrition aiguë. Cela fait que les donateurs et les partenaires s'opposent à considérer les personnes âgées comme un autre groupe vulnérable.

Malgré l'importance des besoins au sein de la zone couverte par le projet, les ressources disponibles étaient limitées. Le projet n'a donc pu être mis en place que dans certaines parties des woredas concernés (en se concentrant sur les qebelés prioritaires).

Les données recueillies et les rapports relatifs à cette activité n'ont jamais été inclus dans les outils de compte-rendu réguliers des installations sanitaires. Ceci a grandement nui à la qualité et à la disponibilité des données nécessaires pour calculer les indicateurs importants de performance comme le taux de guérison, le taux de défaut et le taux de mortalité des bénéficiaires inscrits. Pour les programmes futurs, ce problème sera atténué grâce au développement d'un système de suivi et d'évaluation efficace qui sera lancé au début du projet. On étudie la possibilité de l'incorporer dans le système de gestion des informations de santé (SGIS) existant.

Pour s'assurer du succès du programme, on a dû faire en sorte que les décideurs s'engagent et qu'ils prennent conscience du sérieux et de l'ampleur du problème de la malnutrition chez les personnes âgées. Dans le woreda d'Adami Tulu Jido Kombolcha, le bureau de la santé et l'administration ont pris la décision d'utiliser les ressources disponibles pour prendre en charge les soins médicaux des personnes souffrant de MAS, et ce malgré l'absence de budget à cet effet.

On a également constaté que la GCMA est bien intégrée et qu'elle dispose des ressources nécessaires au sein des systèmes gouvernementaux éthiopiens. L'accroissement du nombre de cas qui résulterait de la priorité accordée aux personnes âgées en tant que groupe vulnérable pourrait être absorbée par la communauté (en assumant qu'il y ait des produits alimentaires disponibles). Cependant, les ressources pourraient venir à manquer à l'heure de traiter les cas de MAS présentant des complications médicales (le diabète, l'hypertension et les maladies cardiovasculaires sont souvent des conditions sous-jacentes), les fournitures thérapeutiques n'étant pas toujours disponibles. Pour que les ressources nécessaires soient disponibles, une discussion est en cours avec le ministère de la Santé (MS), UCNU et l'UNICEF.

Recommandations

Un soutien prioritaire devrait être accordé aux personnes âgées dans le cadre de toute intervention humanitaire de nutrition, étant donné qu'ils sont vulnérables à la malnutrition, qu'ils jouent un rôle important dans la communauté mais aussi sur la base de principes humanitaires.

Il faut plaider auprès des agences humanitaires locales et internationales et renforcer leur capacité pour qu'elles puissent prendre de plus en plus en compte les personnes âgées dans le cadre du dépistage systématique de la malnutrition aiguë et des programmes de traitement de la malnutrition aiguë. Il faut aussi promouvoir l'utilisation de données ventilées par sexe et par âge pour améliorer le suivi de cette tranche d'âge.

Les lignes directrices nationales pour la gestion de la malnutrition aiguë en Éthiopie doivent être révisées au plus vite afin de s'assurer que les personnes âgées sont prises en compte à toutes les étapes, de l'évaluation à la prestation des services.  HelpAge a mis au point une directive sur les interventions d'urgence en nutrition pour les personnes âgées, facilement adaptable au contexte local de l'Éthiopie.

Les conseils nutritionnels pour la distribution de nourriture appropriée pour les personnes âgées doivent figurer dans tout plan et toute intervention sanitaire.

Les données du système de gestion des informations de santé (SGIS) devraient être ventilées par âge et par sexe. Les indicateurs clés pour les personnes âgées devraient aussi y figurer. HelpAge développera parallèlement un solide système de suivi et d'évaluation pour renforcer l'apprentissage et améliorer le rendement des projets à venir.

Les besoins des personnes âgées devraient être systématiquement pris en compte dans les quatre composantes des protocoles et des programmes de la GCMA en Éthiopie : mobilisation des communautés, programme d'alimentation supplémentaire, programme thérapeutique ambulatoire et centre de stabilisation. À cet effet, des discussions avec le MS et UCNU ont déjà commencé.

Au sein du système de santé, les conditions et les besoins propres aux personnes âgées devraient être pris en compte au moment du triage des patients, de l'évaluation clinique, du traitement, mais aussi dans le cadre du dispositif d'intervention médicale d'urgence et celui des soins spécialisés pour traiter les cas de MAS. Il convient de procéder à une mobilisation des ressources pour soutenir les soins en milieu hospitalier pour les personnes âgées souffrant de MAS avec des complications médicales. Pour ce faire, les donateurs doivent investir plus.

Pour plus d'informations, contacter Kidist Negash.


Footnotes

1Le woreda est le troisième niveau de la division administrative en Éthiopie. Les woredas se subdivisent à leur tour en qebelés ou associations de paysans.

2Belg est une des deux saisons de pluies annuelles (la plus courte, de février à avril). Elle est suivie par la saison des pluies principale dite meher, de mai à septembre.

3Une espèce annuelle de graminée originaire de l'Éthiopie et de l'Éritrée. On la fait pousser pour ses graines comestibles. C'est un ingrédient de base de l'alimentation éthiopienne.

4La commission nationale pour la coordination de la gestion des risques de catastrophes naturelles (NDRMCC) du gouvernement et l'unité de coordination de nutrition d'urgence (UCNU) avec le soutien de l'UNICEF.


Références

Borrel 2001, Répondre aux besoins nutritionnels des personnes âgées en situation d'urgence en Afrique : propositions d'action. HelpAge International, Centre régional africain de développement, Nairobi

CSA 2012. Recensement national de la population et du logement de 2007 en Éthiopie . Office central de statistique, avril 2012, Addis Abeba.

HelpAge 2011. Intervention en matière de nutrition pour les personnes âgées en situations d'urgence :  HelpAge Directives. Disponible sur : file:///C:/Users/Chloe/Downloads/GuidelineNutrition.pdf

HelpAge 2013. Bilan de la santé et du vieillissement en Éthiopie : une étude des besoins de santé et des défis pour la prestation des services. HelpAge International Éthiopie, Addis-Abeba

HelpAge 2013a Intervention en matière de nutrition pour les personnes âgées en situations d'urgence.

HelpAge et EEPNA (2013) Vulnérabilité des personnes âgées en Éthiopie : les cas d'Oromia, d'Amhara et des RNNPS. HelpAge International Éthiopie, Addis-Abeba

HelpAge 2016. Évaluation rapide de la nutrition et des besoins des personnes âgées dans les woredas d'Adami Tulu Jido Kombolcha, dans la zone Est Shewa, dans la région d'Oromia, Éthiopie. Février 2016.

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