FEX 57 Banner

Agriculture résiliente dans le district de Satkhira au Bangladesh

Published: 

Par Emmanuelle Maisonnave et Julie Mayans

Read an English version of this article here

Emmanuelle Maisonnave est Chargée du développement des connaissances institutionnelles à Solidarités International, où son rôle est d'aider à tirer des enseignements au sein de l'organisation.

Julie Mayans est Conseillère en sécurité alimentaire et moyens de subsistance à Solidarités International. Elle exerce dans ce domaine depuis plus de dix ans. Son travail consiste à fournir un soutien technique et à développer les compétences des équipes qui se trouvent sur le terrain, ainsi qu'à produire des recommandations dans le domaine technique. Les auteurs souhaitent remercier l'équipe de Solidarités International Bangladesh pour son aide dans la révision de l'étude de cas sur laquelle cet article est fondé.

Lieu : Bangladesh

Ce que nous savons : Le Bangladesh est le sixième pays au monde le plus touché par des phénomènes météorologiques extrêmes, ce qui affecte négativement l'agriculture, principale activité économique du pays.

Qu'apporte cet article : En 2016, Solidarités International (SI) a collaboré avec le Ministère de l'Agriculture (MdA) pour apporter son soutien à des agriculteurs en situation de vulnérabilité dans le district de Satkhira, afin d'améliorer la résilience de l'agriculture et des moyens de subsistance ainsi que les activités de réduction des risques de catastrophes. Ce soutien comprenait l'accès à des semences de meilleure qualité et plus résistantes ; l'amélioration des pratiques agricoles (plus adaptées au microclimat et aux types de sols) ; et le développement de l'agriculture intégrée (système de double-culture). Les équipes de SI ont élaboré des plans d'activités avec les agriculteurs bénéficiaires et ont distribué des subventions destinées au développement d'entreprises agricoles durables. Une évaluation qualitative du projet a constaté une diversification des activités agricoles (réduction de la monoculture), davantage de flexibilité dans la production des cultures, une génération de revenus plus importante (cultures commerciales), un meilleur rendement par superficie, une sensibilisation aux activités agricoles durables et une pratique plus importante de celles-ci, et l'accès à une nourriture plus variée pour les ménages. Travailler en collaboration avec les spécialistes du MdA est la clé pour un succès durable. La transformation de produits agricoles (par ex. la fabrication de nattes) fournit d'importantes opportunités de revenus. Des banques de semences résilientes peuvent également jouer un rôle dans les situations d'urgence. Une communication active avec les agriculteurs est vitale pour les tenir informés des techniques agricoles actuelles. 

Contexte

Selon l'indice mondial des risques climatiques de 2017, le Bangladesh est le sixième pays au monde le plus touché par des phénomènes climatiques extrêmes. La fréquence et l'intensité des phénomènes climatiques tels que les inondations, les sécheresses et les cyclones se sont accrues et sont aggravées par la variabilité et les changements climatiques. Le Bangladesh se situe dans le plus vaste delta de fleuve au monde et dépend en grande partie du phénomène naturel des marées pour son important secteur agricole, en particulier dans la région côtière du sud-ouest. En raison de l'impact des changements climatiques et de l'activité humaine, le pays se trouve confronté à une dégradation considérable de son environnement, ce qui rend la région extrêmement vulnérable aux risques et catastrophes naturelles.

Satkhira est un district du sud-ouest du Bangladesh, sur les rives du fleuve Arpangachhia. Dans les années 60, le gouvernement a construit un réseau de polders, de digues et de canaux de drainage dans les régions côtières en protection contre la pénétration des eaux et pour accroître la production agricole. Un mauvais entretien des écluses, des défauts de conception et la sédimentation progressive des canaux ont contribué à de sérieux engorgements des sols dans la région de Satkhira. Pendant la mousson, les fortes chutes de pluie provoquent des inondations et le mauvais système de drainage les prolonge. De vastes zones de terrain restent engorgées pendant plusieurs semaines et parfois même plusieurs mois (20 pour cent des terres ont été sévèrement touchées par l'engorgement en 2015). Ce phénomène est aggravé par les cyclones et les vagues de tempête qui en découlent, ainsi que par de graves sécheresses. La salinité élevée des eaux, provoquée par l'élevage de crevettes nécessitant une grande quantité d'eau salée, vient également s'ajouter au problème ; depuis les années 80, l'élevage de crevettes en eau salée s'avance de plus en plus dans les terres, parfois via des canaux construits par le gouvernement, et bouche les zones de drainage, aggravant encore plus l'engorgement. Tous ces éléments nuisent à la qualité des sols et menacent la production des cultures.

L’agriculture est la principale activité économique du Bangladesh et emploie plus de 45 pour cent de la population (Institut des Statistiques du Bangladesh, 2015). Le district de Satkhira se caractérise par une agriculture de subsistance pratiquée par de petits exploitants, basée sur un écosystème de riziculture en zone inondée d'eau salée. En général, les agriculteurs cultivent uniquement du riz Aman, une variété de riz dépendant de la mousson. Il se sème en juin/juillet et se récolte en décembre/janvier. Pendant le reste de l'année, les agriculteurs laissent leurs terres en jachère en raison de problèmes de salinité, ou bien ils élèvent des poissons et/ou cultivent des légumes. En moyenne, chaque ménage possède entre 33 et 50 décimaux de terres (moins de 0,2 hectares). Cela est insuffisant pour un grand nombre d'agriculteurs, qui louent d'autres champs pour accroître leurs capacités de culture. En raison des contraintes décrites, les petits agriculteurs vivant sur la ceinture côtière peinent à atteindre un niveau de vie correct à partir de leurs activités agricoles, et sont obligés d'adapter leurs pratiques.

Intervention pour des moyens de subsistance agricoles résilients

Entre 2010 et 2016, Solidarités International (SI) a mis en place des actions de réduction des risques de catastrophe (RRC) dans le district de Satkhira. Elle a aidé les communautés à identifier les impacts des principaux risques ainsi que les capacités pour y faire face au niveau local, et à collaborer sur les diverses manières de réduire ces vulnérabilités. Sur la base de plans d'action de réduction des risques (PARR) développés avec les communautés au niveau des upazila (sous-districts) et des wards (unions), il a été décidé que les agriculteurs recevraient un soutien spécifique leur permettant de lancer des activités agricoles et de subsistance résilientes dans le but d'atténuer l'impact des risques et catastrophes, et ainsi réduire leur vulnérabilité. L'objectif de deux projets mis en place dans l'upazila d'Assasuni1, district de Satkhira (le premier en 2015 ; le second en 2016) était d'aider les ménages les plus vulnérables à couvrir leurs besoins essentiels tout en posant les bases d'un rétablissement de leurs moyens de subsistance à long terme et de façon durable, rapprochant ainsi les systèmes d'assistance humanitaire de court et de long terme. SI a œuvré à l'optimisation des moyens actuels de subsistance basés sur l'agriculture : promotion des stratégies d'adaptation et des techniques de mitigation et de préparation afin de réduire les principales vulnérabilités. L'intention de ces actions était d'encourager une approche proactive plutôt que réactive afin de permettre aux communautés de développer leurs propres moyens de réaction face aux catastrophes éventuelles.

Trois éléments du programme ont contribué à une agriculture plus résiliente : l'accès à des semences de meilleure qualité et plus résistantes ; l'amélioration des pratiques agricoles ; le développement de l'agriculture intégrée. Chacun est détaillé ci-dessous. Ces activités ont été mises en place en collaboration étroite avec deux spécialistes en agriculture (Agricultural Extension Officers - AEO) chargés par le Ministère de l'Agriculture (MdA) de travailler avec les institutions de recherche en agriculture et de transmettre les nouvelles technologies, contributions et techniques sur le terrain. Le projet a été mis en œuvre dans les upazilas d'Assasuni et de Tala : unions de Borodal, Dhandia, Khajra et Nagarghata. Au total, 390 agriculteurs ont reçu un soutien leur permettant de développer une agriculture intégrée et 1 000 ménages ont reçu une subvention pour l'achat de semences et d'équipement. L'équipe de SI était composée d'un chef d'équipe et de dix personnes chargées de mobiliser la communauté.

Faciliter l'accès à des semences de meilleure qualité et plus résistantes

Pour assurer un bon approvisionnement en nourriture au Bangladesh, le développement et l'utilisation de semences de bonne qualité pouvant s'adapter à certaines conditions défavorables (telles que l'engorgement des sols et la salinité) sont essentiels. Les instituts de recherche du Bangladesh, tels que l'Institut national de recherche sur le riz et l'Institut d'application des techniques nucléaires en agriculture, développent constamment de nouvelles variétés de semences résistantes au stress. Cependant, les petits agriculteurs isolés connaissent rarement les caractéristiques des nouvelles variétés, ne savent pas lesquelles sont utilisables sur leurs terres et manquent d'accès aux marchés. SI a encouragé l'utilisation de semences améliorées et en a permis l'accès2 en aidant financièrement les agriculteurs vulnérables.

Case 1 : Liste des critères permettant d'identifier les agriculteurs vulnérables

  • Village exposé à des risques de catastrophe
  • Ménage sérieusement touché par l'engorgement des sols au cours des dernières années
  • Pertes élevées des moyens de subsistance et rétablissement et/ou stratégies d'adaptation lents ou non existants
  • Source de revenus faible et irrégulière (moins de 5 000 BDT par mois)
  • Propriété de moins de 0,2 hectares de terres
  • Pas d'accès à des sources d'alimentation adéquates
  • Ménages socialement vulnérables (ménages à la charge de femmes et de personnes âgées ; ménages comprenant de jeunes enfants, des personnes handicapées, des femmes enceintes ou des malades).

Avec les spécialistes en agriculture (les AEO) et les membres de SI chargés de mobiliser la communauté, les bénéficiaires ont identifié les cultures résistantes au stress poussant facilement et de manière efficace sur leurs terres.

Introduction de pratiques agricoles durables

L'agriculture résiliente suppose l'utilisation de pratiques agricoles plus durables et mieux adaptées au contexte pédo-climatique (les sols du microclimat spécifique). En général, les agriculteurs de l'upazila d'Assasuni ne connaissaient pas les nouvelles techniques et pratiques leur permettant de mieux faire face à l'aggravation des risques tels que la salinité et l'engorgement des sols. Le but du projet était d'améliorer la gestion agricole en utilisant des méthodes et techniques transmises par les AEO aux agriculteurs, lesquelles seraient adaptées à leur environnement spécifique. Ceci inclut, par exemple, l'utilisation de semences de bonne qualité pour améliorer les taux de germination et les rendements ; une meilleure préparation de la terre et de meilleurs semis (semis en ligne ; système de plates-bandes et de sillons pour améliorer l'efficacité de l'irrigation et réduire la salinité ; dosage du fumier pour engraisser la terre avant les semis ; agriculture intégrée ; préparation des sols) ; une irrigation et un drainage en temps opportun (par exemple utilisation de la technologie d'humidification et de séchage alternés afin de permettre le filtrage des sels, et paillage) ; l'utilisation d'engrais et de techniques de lutte antiparasite naturels, ainsi que de techniques de gestion des sols dans des conditions salines.

Développement d'une agriculture intégrée

L'agriculture basée sur une seule culture est une méthode risquée, en particulier dans un contexte de vulnérabilité élevée aux risques de catastrophes et de faibles capacités de résilience. Egalement, des cultures capables de fournir un approvisionnement continu et équilibré en nourriture et revenus étaient requises. L'agriculture intégrée, qui consiste à combiner au moins deux projets de cultures ou élevages de bétail de manière complémentaire ou supplémentaire sur une seule parcelle de terre, permet l'optimisation des ressources et des terres, et par conséquent une production maximale par zone. Cette technique est particulièrement adaptée à la ceinture côtière du Bangladesh ; plus précisément, on a constaté que le système de double-culture est celui qui convient le mieux à l'upazila d'Assasuni. Elle comprend de l'aquaculture intégrée en eau douce (poissons et crevettes d'eau douce, qui n'ont pas les mêmes travers sur l'environnement que les élevages de crevettes d'eau salée produites auparavant), de l'agriculture résistante au stress (riz et légumes, par exemple diverses variétés de calebasses, courges, betteraves, épinards, concombres et pommes de terre) et différents projets selon la saison. En agriculture combinant riz, poisson et légumes, les rizières restent en circuit ouvert pour en laisser l'accès aux poissons. Quand le niveau de l'eau baisse, les poissons restent dans les fossés entourant les rizières. Le bassin est utilisé pour arroser les légumes poussant sur les digues environnantes (Tableau 1).

Tableau 1 : Types de projets dans un système d'agriculture intégrée, selon les trois principales saisons de culture de la ceinture côtière

Implémentation

Les équipes de SI ont élaboré des plans d'activité avec les agriculteurs bénéficiaires et ont accordé des subventions destinées aux projets agricoles durables. Le tableau 2 décrit un plan typique de répartition et d'utilisation d'une subvention. 

Tableau 2 : Exemple de subvention accordée par SI à un agriculteur bénéficiaire en 2016 

Des parcelles de démonstration ont été créées comme modèles permettant d'enseigner les technologies et de démontrer les différences entre les techniques traditionnelles et celles dites « modernes ». Ces parcelles ont attiré l'attention de la population locale et ont contribué à l'acceptation et à l'adoption de ces nouvelles techniques et semences. Les bénéficiaires dont les parcelles se trouvaient sur leurs terres ont été chargés du partage d'informations avec les non-bénéficiaires afin d'encourager une transmission plus large des informations. Aucun soutien n'a été mobilisé pour l'accès aux marchés car on a considéré qu'il existait déjà une demande suffisante pour le produit. 

Impact de l'intervention

Des observations directes et des entretiens individuels, de même qu'une analyse des journaux tenus par les bénéficiaires sur le rendement de leurs cultures, ont révélé que l'intervention a contribué à assurer la subsistance des agriculteurs vulnérables et de leurs familles dans la région ciblée. Plus précisément, ces activités ont entraîné les résultats suivants :

Répartition des risques grâce à la diversification de sources de revenus résilientes

Une caractéristique clé de la résilience des moyens de subsistance est la répartition des risques de bouleversements et effets de saisonnalité sur plusieurs sources de revenus. En préparant la révision de ce projet, les auteurs n'ont pas pu évaluer l'impact concret de la répartition des risques car aucun événement ni catastrophe climatique majeur ne s'est produit. Cependant, l'efficacité de la diversification comme stratégie de réduction des risques est évidente et a été démontrée par de nombreuses études (Gil et al, 2017). Si l'une des sources de revenus est défaillante, les autres peuvent compenser et permettre ainsi au ménage de s'en sortir. Ce projet a tenté d'atteindre cet objectif de différentes manières.

Tout d'abord, la diversification a limité la monoculture en rizière. Les agriculteurs ont immédiatement été encouragés à multiplier le nombre de variétés cultivées sur leurs terres. Les légumes produits comprenaient tomates, aubergines, courges, différents types de calebasses, gombos, doliques-asperges, épinards de Malabar et amarante. Ensuite, de meilleures connaissances et un meilleur accès aux semences améliorées ont assuré des sources de revenus plus résilientes. Les variétés de riz T-Aman promues au cours des formations sont plus résistantes à l'engorgement des sols et à la salinité, et ont un meilleur rendement. Le rendement moyen des semences hybrides telles que la BR-10 et la BRRI dhan 49 est de 5,5 tonnes par hectare, au lieu de 2,07 tonnes pour le riz traditionnel Jamaibabu. De même, la culture de légumes résistants à la salinité sur toute l'année a assuré de meilleurs rendements et par conséquent des surplus réguliers plus importants à vendre sur les marchés. Enfin, la diversification des risques a été encore davantage développée par certains agriculteurs par le biais de cultures commerciales résilientes avec valeur ajoutée potentielle. Exemples de cultures commerciales : le mele (une variété de roseau originaire de la mangrove des Sundarbans, située le long de la baie du Bengale, qui pousse dans les eaux saumâtres (eau dont la salinité est plus élevée que celle de l'eau douce mais moins élevée que celle de l'eau de mer) et peut survivre sur des terres et dans de l'eau d'un niveau de salinité moyen (EC 4 à 8 ds/m)) et/ou le jute . Ces deux plantes sont extrêmement rentables. Dans le cas du mele, les agriculteurs ont reçu du soutien pour le traiter et le transformer en nattes et générer de la valeur ajoutée et des revenus. Le tissage de nattes peut se faire tout au long de l'année, en particulier pendant la saison des pluies, quand les autres activités agricoles ralentissent. Voir le tableau 3 (calendrier saisonnier).

Table 3: Calendrier saisonnier pour Satkira

Ceci est uniquement disponible en anglais - désolé pour tout inconvénient causé

Des entretiens avec les agriculteurs ont montré que ces trois composants généraient des revenus plus importants et plus réguliers à partir de plusieurs sources (voir quelques études de cas dans la case 1). Le revenu moyen par bénéficiaire en agriculture intégrée était de 122 068 BDT, au lieu de 61 363 BDT pour la même période de l'année précédente. Les trois quarts (74 pour cent) des bénéficiaires ont déclaré avoir de meilleurs revenus que l'année précédente. Elargir leur portfolio d'activités agricoles et autres accroît leur capacité à amortir un problème dans l'une de ces activités. Combinée à l'utilisation de variétés de riz et de légumes plus résistantes, la diversité des cultures et des produits assure des revenus plus durables et résilients. 

Case 2 : Etudes de cas de diversification des sources de revenus 

Nirod et sa femme Sobita-Rani ont étendu leur production de mele grâce à une partie de la subvention qu'ils ont reçue. En 2015, ils ont cultivé du mele sur la parcelle de 0,13 hectares de terres dont ils sont propriétaires. En 2016, ils ont loué 0,27 hectares de terres afin d'augmenter leur production, générant ainsi un revenu de presque 60 000 BDT (plus de 600 €) sur deux récoltes de mele. Presque la moitié de ce revenu provient de la vente de mele brut, tandis que la seconde moitié provient du tissage de nattes.

Chanchala et son mari ont cultivé 480 kg de riz Aman BR-11 sur 0,48 hectares de terres en 2015. En 2016, ils ont commencé à opérer en agriculture intégrée et sont passés aux variétés BR-10 et BRRI dhan 49 ; leur rendement a été de 780 kg pour la même surface.

Avant 2015, Parimal produisait du riz et du poisson séparément pour un total de 69 300 BDT (presque 700 €). Grâce au projet, il a commencé à produire des légumes sur les digues entourant son bassin et sa rizière ; il a récolté 4 590 kg de concombres, aubergines, papayes, haricots, tomates, bananes, gombos, épinards de Malabar et courges amères. Il en a vendu 3 860 kg à différentes périodes de l'année pour un total de 80 950 BDT (800 €).  

Prise de conscience de l'importance des pratiques agricoles durables

Les ressources naturelles de la ceinture côtière sont fragiles et doivent donc être exploitées de manière durable et raisonnée afin que les agriculteurs puissent maintenir leurs moyens de subsistance en zone rurale aujourd'hui et dans les années à venir. Les interventions pour une agriculture résiliente ont été conçues dans un objectif de durabilité, et les formations ont transmis des principes respectueux de l'environnement. L'agriculture intégrée est une activité viable, à bas coût et durable, qui améliore les processus biologiques naturels et réduit la dégradation de la qualité des sols, fournissant un résultat maximal pour un apport minimal. Elle est meilleure que la monoculture du riz en termes d'utilisation des ressources, de diversité et de productivité. L'optimisation des terres contribue aussi à réduire les niveaux de salinité ; quand les terres restent en jachère, l'humidité du sol s'évapore et entraîne une augmentation de la concentration de sel.

Les engrais et pesticides naturels sont aussi encouragés lors des formations. Cela comprend l'utilisation de compost biologique ou de bouse de vache, la technique de l'oiseau perché, les pièges à phéromones sexuelles, les filets pour capturer les insectes, les pièges lumineux, les feuilles de neem et le contrôle manuel des insectes. Les agriculteurs ont également appris à minimiser les conséquences des catastrophes en préparant et gérant leurs champs avec plus de soin. Des exemples de retours de participants sont inclus dans la case 3.

Case 3 : Retours des participants  

« Nous n'avions jusque-là aucune notion en gestion de la salinité. Maintenant, nous savons comment cultiver la terre dans un environnement salin. Par exemple, nous cultivons régulièrement de façon à ce que le sel ne sorte pas. Si nous laissions la terre se reposer, elle serait plus saline. »

« La formation que nous avons reçue nous a aidés à améliorer la gestion de nos terres de façon à avoir de meilleurs rendements sans les abîmer. Maintenant, nous transplantons le riz par rangées. Nous pouvons garder le contrôle des mauvaises herbes et nous utilisons des pesticides biologiques. Nous visitons nos champs plus souvent et surveillons nos cultures plus fréquemment, donc nous contrôlons mieux nos champs. Nous utilisons aussi de la bouse de vache comme engrais pour le riz. Cela a doublé notre production ; avant, nous produisions quatre à cinq sacs de riz pas an, et maintenant nous en produisons 11 à 12. »

Réduction de l'insécurité alimentaire et amélioration du régime alimentaire

La diversification des cultures et l'accroissement de la production ont produit des bienfaits en termes de nutrition et ont offert une solution importante à l'insécurité alimentaire dans le district de Satkhira. Une production régulière plus importante des cultures permet un accès continu à la nourriture et la diversification des cultures offre un éventail plus large de denrées alimentaires telles que les céréales, les légumes et le poisson, ce qui à son tour entraîne un régime alimentaire plus varié.  Des entretiens avec les agriculteurs bénéficiaires confirment cela (voir la case 4). De plus, puisqu'ils consomment de plus grandes quantités de produits de leur ferme, les ménages réduisent la part de dépenses alimentaires de leur budget. Aucune donnée relative à la diversité alimentaire, à la sécurité alimentaire ou aux dépenses des ménages n'était disponible pour cette période afin d'en fournir les preuves. 

Case 4 : Retours des participants

« Avant, nous ne pouvions prendre que deux repas par jour, et parfois nous avions faim. Mais depuis que nous avons commencé à cultiver des légumes, nous pouvons manger trois repas par jour et nous n'avons pas à dépenser autant d'argent en nourriture. »

« L'agriculture intégrée fournit des légumes, du riz et du poisson, et cela en quantité suffisante pour nous permettre de bien manger et de vendre les surplus. » 

Enseignements

La rédaction de cet article a permis aux auteurs de réfléchir sur ce programme et de tirer des enseignements de l'intervention dans le district de Satkhira dans le domaine des pratiques d'agriculture résiliente utilisées pour améliorer les moyens de subsistance. Plusieurs leçons ont pu être tirées, et des recommandations ont pu être suggérées pour l'amélioration des interventions futures :

La collaboration étroite avec les AEO chargés de la mise en œuvre des directives du MdA a été importante pour assurer le succès du programme, en particulier en ce qui concerne la création de capacités techniques et la communication à long terme entre les autorités gouvernementales agricoles et les agriculteurs. Cette relation peut aussi permettre de favoriser le développement de marchés pour les produits transformés, et de nouveaux canaux de marketing.

L'accès aux apports doit être planifié avec soin pour assurer la durabilité ; les agriculteurs doivent être formés au stockage des semences et aux traitements simples, préventifs et curatifs « faits maison » contre les maladies et les parasites. Des banques de semences résilientes peuvent également jouer un rôle clé en cas de situations d'urgence (si, par exemple, les cultures sont détruites par des inondations) et doivent être mises en place en collaboration étroite avec les autorités locales et le MdA.

Les parcelles de démonstration se sont révélées être une méthode très efficace pour promouvoir de bonnes pratiques.

La transformation des produits agricoles devrait être prise en compte pour répartir encore davantage les risques de défaillance des cultures et pour générer plus de revenus en ajoutant de la valeur au produit brut.

Le partage d'informations et la communication avec les agriculteurs est d'une importance majeure dans un tel contexte ; les agriculteurs doivent continuellement renouveler leurs techniques pour s'adapter à des risques et catastrophes changeants et s'aggravants.

SI espère mener une analyse d'impact de suivi en 2018/19 ; cependant, pour cause de manque de financement, la poursuite de ce programme par SI n'a pas été possible. De manière plus générale, le financement des programmes de résilience et moyens de subsistance a diminué en raison de la réponse à la crise actuelle des Rohingya, qui est devenue une priorité et domine les actions de réponse de l'agence.

Conclusions

Les activités agricoles décrites ici étaient consacrées directement aux vulnérabilités des moyens de subsistance des communautés du district de Satkhira touchées par les catastrophes naturelles. Des agriculteurs en marge ont reçu de l'aide dans l'adoption de techniques agricoles résilientes et ont acquis des réflexes et des pratiques leur permettant de réduire les risques associés à la saisonnalité et d'être plus autonomes et résilients. Les semences améliorées qui ont été distribuées peuvent être utilisées sur plusieurs saisons et le revenu créé devrait permettre aux agriculteurs de renouveler leur stock de semence, d'acheter ou de louer des équipements, et d'engager de la main d'œuvre pour la préparation des terres.

Ce type d'intervention est précieux dans un contexte de salinité élevée et d'engorgement des sols. Il faut cependant noter que les conséquences du changement climatique et la fréquence des risques et catastrophes s'aggraveront probablement dans les décennies à venir. Si la fréquence et l'intensité de ces catastrophes dépasse ce que les pratiques de résilience et les variétés peuvent apporter comme solution, d'autres options que celles liées à l'agriculture doivent être examinées. Selon les chercheurs de l'université de Khulna (Zahangir et Salauddin, 2015), les variétés résistantes au stress ont leurs limites : il est possible qu'elles s'adaptent à des conditions plus difficiles, mais les rendements seront réduits et par conséquent, les revenus diminueront. Pendant combien de temps l'agriculture résiliente restera donc une solution durable pour assurer des moyens de subsistance aux agriculteurs vulnérables des côtes du Bangladesh ?

Pour plus d'informations, contactez Emmanuelle Maisonnave et Julie Mayans

Une étude de cas détaillée de l'expérience décrite dans cet article est disponible en anglais. Better farming practices for resilient livelihoods in saline and flood-prone Bangladesh. The experience of SOLIDARITÉS INTERNATIONAL in Satkhira district. Mai 2017. www.solidarites.org/wp-content/uploads/2017/06/Better-farming-practices-for-resilient-livelihoods-in-saline-and-flood-prone-Bangladesh-1.pdf


Footnotes

1Plus précisément, ces deux projets ont été mis en œuvre : dans les unions de Dhandia et Nagarghata dans l'upazila de Tala en 2015, et dans les unions de Borodal et Khajra dans l'upazila d'Assasuni en 2016.

2SI interdit l’utilisation d’organismes génétiquement modifiés ; les semences ont été contrôlées et validées avant d'être distribuées.


Références

Bangladesh Bureau of Statistics, Ministry of Planning, 2015 (Institut des statistiques du Bangladesh, Ministère de la planification, 2015).

Gil JDB et al. (2017) The resilience of integrated agricultural systems to climate change. Wiley Inderdisciplinary Reviews: Climate Change, vol. 8, no. 4, doi:10/1002/wcc.461.

Zahangir H et Salauddin S. Impact of adaptive agriculture and aquaculture in waterlogged and saline areas of Bangladesh: a case study on Satkhira district. Khulna: Khulna University, 2015.

Published 

About This Article

Article type: 
Original articles

Download & Citation

Recommended Citation
Citation Tools