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Améliorer le niveau de préparation et de réaction pour l’alimentation du nourrisson et du jeune enfant en situation d’urgence en Afrique de l’Est : recensement des capacités au Kenya, en Somalie et au Soudan du Sud

Published: 

Par Patrick Codjia, Marjorie Volege, Minh Tram Le, Alison Donnelly, Fatmata Fatima Sesay, Joseph Victor Senesie et Laura KiigePar Patrick Codjia, Marjorie Volege, Minh Tram Le, Alison Donnelly, Fatmata Fatima Sesay, Joseph Victor Senesie et Laura Kiige

Read an English version of this article here

Patrick Codjia est nutritionniste travaillant pour le Bureau régional de l’UNICEF Afrique de l’Est et Afrique australe, basé au Kenya. Avant d’occuper ce poste, il a travaillé pour le compte de l’UNICEF au Malawi, en République Démocratique du Congo (RDC) et au Botswana sur des programmes de développement et de nutrition en situation d’urgence, ainsi que sur la recherche et la programmation en nutrition à l’est de la RDC, au Burkina Faso, au Canada et en France.

Marjorie Volege est nutritionniste travaillant pour le Bureau régional de l’UNICEF Afrique de l’Est et Afrique australe. Elle a plus de dix ans d’expérience dans le domaine de la nutrition en cas d’urgence et le développement des programmes pour l’UNICEF et d’autres organisations.

Minh Tram Le  est conseiller en alimentation humanitaire pour le Bureau régional de Save the Children en Afrique de l’Est et Afrique australe, avec une expérience de dix ans au sein de Save the Children et d’autres organisations dans les Balkans occidentaux, en Asie centrale et australe (Pakistan, Afghanistan, Inde) et en Afrique de l’Ouest.

Alison Donnelly est nutritionniste indépendante et travaillait comme conseillère en alimentation humanitaire pour le Bureau régional de Save the Children en Afrique de l’Est et Afrique australe entre 2013 et 2016. Elle a plus de dix ans d’expérience dans les programmes humanitaires et de développement en Afrique et en Asie.

Fatmata Fatima Sesay est nutritionniste et travaille pour UNICEF Somalie. Elle a plus de dix ans d’expérience dans le domaine de la nutrition et les programmes de santé publique en situation d’urgence et en contexte de développement avec l’UNICEF et d’autres organisations.

Joseph Victor Senesie est nutritionniste et travaille pour l’UNICEF à Djouba, au Soudan du Sud. Avant d’occuper ce poste, il a travaillé comme nutritionniste pour le bureau de pays de l’UNICEF en Sierra Leone, pour World Vision International pendant 12 ans et pour Merlin au Libéria.

Laura Kiige est une nutritionniste qui travaille pour UNICEF Kenya, dans l’appui à la nutrition des mères, des nourrissons et des jeunes enfants. Par le passé, Laura a travaillé auprès du ministère de la Santé du Kenya comme directrice du programme pour la nutrition des nourrissons et des jeunes enfants.

Lieu : Kenya, Somalie et Soudan du Sud

Ce que nous savons : il est de plus en plus nécessaire de trouver des solutions aux problèmes de l’alimentation du nourrisson et du jeune enfant (ANJE) en situation d’urgence en Afrique de l’Est et en Afrique australe.

Qu'apporte cet article : les bureaux régionaux de l’UNICEF et de Save the Children en Afrique de l’Est et en Afrique Australe ont entrepris un recensement des capacités régionales liées à l’alimentation du nourrisson et du jeune enfant (ANJE) au Kenya, en Somalie et au Soudan du Sud, avec pour objectif de disposer d’un aperçu sur la région, d’identifier les manques en capacités et d’éclairer les activités menées au niveau national (celles des gouvernements et celles des partenaires). La tâche consistait en un examen sur dossier (documentation, entretiens avec des informateurs clés) et des ateliers nationaux visant à valider les résultats. Un outil d’évaluation a été mis au point, comprenant six piliers (politique, ressources humaines, coordination, gestion des informations/connaissances, exécution et financement des programmes) et des marqueurs pour analyser les capacités de chaque pays en matière d’ANJE et d’alimentation du nourrisson et du jeune enfant en situation d’urgence (ANJE-U). Au nombre des lacunes les plus fréquentes figurent des textes de politiques et des cadres législatifs d’efficients en matière d’ANJE-U, de graves failles dans les capacités (coordination, compétences du personnel), des systèmes d’évaluation/d’information limités, entre autres en ce qui a trait à l’ANJE-U, une intégration limitée de l’ANJE dans les programmes de santé et de nutrition et le financement insuffisant. Les résultats spécifiques à chaque pays guideront les stratégies et mesures d’amélioration de l’ANJE-U, et les gouvernements nationaux, les groupes nationaux de la nutrition et les autres partenaires feront le suivi des progrès dans la mise en œuvre des points d’action sous la supervision technique des bureaux régionaux de l’UNICEF et de Save the Children. En 2018, le recensement des capacités sera étendu à d’autres pays de la région en s’appuyant sur les enseignements déjà tirés.

Contexte

La Corne de l’Afrique continue à faire face à des défis aboutissant à des urgences nutritionnelles qui affectent gravement les jeunes enfants et leurs familles. Les principaux déclencheurs sont entre autres l’insécurité alimentaire, les conflits, les épidémies et les changements climatiques. Dans ces contextes, les risques de maladies, de malnutrition aigüe et de mortalité infantile sont décuplés ; la protection et l’encouragement des pratiques nutritionnelles recommandées constituent une garantie essentielle, mais leur mise en pratique est souvent insatisfaisante. Une évaluation réalisée en 2012 par Save the Children a montré que les interventions en faveur des nourrissons et des jeunes enfants (ANJE) n’étaient pas menées à une échelle globale en période de crise aigüe ou prolongée. Les principales entraves à l’intensification de l’ANJE en situation d’urgence (ANJE-U) comprenaient des capacités techniques limitées en matière d’ANJE-U, le manque de préparation en prévision des situations d’urgence, l’absence d’organes nationaux de coordination, les contraintes pécuniaires et une faible priorisation. L’UNICEF et Save the Children ont également constaté cela dans les régions de l’Afrique de l’Est et l’Afrique Australe où l’on met plus l’accent sur le traitement de la malnutrition aigüe sévère ou modérée malgré une demande sans cesse croissante en expertise dans le domaine de l’ANJE-U dans les pays faisant face à des situations chroniques et d’extrême urgence.

Pour faire face à ces entraves, les bureaux régionaux de Save the Children et de l’UNICEF, moyennant un cadre régional de collaboration, ont convenu de se focaliser sur l’ANJE-U en tant que priorité essentielle, et particulièrement d’entreprendre un exercice de recensement des capacités régionales en matière d’ANJE-U. Les objectifs étaient de fournir un aperçu de la région en ANJE-U, d’identifier les capacités essentielles, les goulots d’étranglement et les lacunes, et d’informer les gouvernements sur leurs besoins actuels en capacité d’ANJE-U.

Méthodologie

Le recensement des capacités s’est déroulé en deux phases : phase 1 – évaluation et validation et phase 2 – validation

La phase d’évaluation (phase 1) était constituée d’un examen sur dossier et d’entretiens avec des informateurs clés sur le niveau de préparation et de réaction à l’ANJE-U, notamment l’identification des principales lacunes, des goulots d’étranglement et des bonnes pratiques au Kenya, en Somalie et au Soudan du Sud. La situation dans ces trois pays variait et comprenait des programmes de développement de la nutrition à grande échelle combinés aux situations d’urgences localisées (Kenya) et aux crises humanitaires à long terme (Soudan du Sud et Somalie). L’examen sur dossier a permis de définir des zones programmatiques importantes pour une ANJE-U efficace. On y a évalué les rapports d’évaluation internes et externes sur les programmes des organisations non gouvernementales (ONG) ainsi que les politiques, les stratégies et les plans d’action nationaux relatifs à l’ANJE et à l’ANJE-U. Les entretiens avec des informateurs clés concernaient le personnel des organisations humanitaires, du gouvernement, des organismes et des donateurs des Nations Unies (NU). Partant de cette analyse, six piliers ont été identifiés pour analyser les capacités en ANJE/ANJE-U d’un pays (voir Tableau 1). Des indicateurs et des marqueurs de programme inspirés par l’examen sur dossier de l’ANJE ont été sélectionnés pour chaque pilier et un système de notation a été mis au point pour classer chaque pays par pilier et par capacité globale en matière d’ANJE-U. Le système de notation adopté était de 0 à 5 (5 étant la note la plus élevée) et les réponses étaient présentées sous la forme d’un graphique. La note de chaque pays représente sa performance dans une zone d’action particulière de l’ANJE. La note totale possible était 145 (politiques et plans = 50 ; ressources humaines = 20 ; coordination = 15 ; système d’information = 15 ; exécution du programme = 25 ; budgétisation et financement = 20). Le pourcentage correspondant à chaque zone d’action était calculé, puis ces notes obtenues par zone d’action étaient additionnées pour obtenir la note globale du pays.

Tableau 1 : Piliers et marqueurs pour analyser les capacités en ANJE et en ANJE-U de chaque pays 

La première phase s’est principalement déroulée au cours du premier trimestre de l’année 2016. Les résultats de l’évaluation obtenus pendant cette phase ont été présentés aux autres intervenants en ANJE/ANJE-U venant du gouvernement, des Nations Unies et de la société civile de chaque pays. Les notes initiales ont été examinées et, au besoin, les acteurs justifiaient les notes. Cette phase a été rendue possible grâce au généreux soutien du DFID au Bureau régional de l’UNICEF de l’Afrique de l’Est et de l’Afrique australe.

La seconde phase portait sur la validation des résultats en consultant les acteurs à travers des ateliers organisés à l’échelle nationale, avec l’assistance de la Global Technical Rapid Response Team et l’appui financier de l’Office of US Foreign Disaster Assistance (OFDA). Les notes finales ont été validées au cours des ateliers de validation élargis à d’autres acteurs, tenus dans chaque pays en 2017 (Kenya ; Hargeisa et Mogadiscio en Somalie ; et Soudan du Sud). Certaines de ces notes finales ont été réexaminées par les participants. Les acteurs étaient basés sur un échantillonnage contrôlé, avec une volonté de couvrir le plus grand nombre de partenaires possible. Parmi ces acteurs, on avait les points focaux en matière d’ANJE des ministères de la Santé du Kenya, du Soudan du Sud et de la Somalie, mais aussi les professionnels de la nutrition et de la santé qui assurent le suivi des programmes ANJE intégrés à la nutrition et à la santé. Les encadrés 1 à 3 montrent un aperçu des résultats et des notes validées par pays.

Résultats de l’analyse régionale

Les résultats du recensement des capacités ont été validés par chaque pays et, comme l’indique la Figure 1, montrent que tous les pays avaient déjà quelques mécanismes en place en faveur de l’ANJE, tels que :

  • l’existence de programmes et directives nationaux sur l’ANJE (et des directives sur l’ANJE-U dans certains cas) ;
  • une déclaration commune ou des lois sur le Code international de commercialisation des substituts du lait maternel 1 ;
  • la disponibilité de modules de formation sur l’ANJE ou d’un mécanisme permettant d’organiser des formations sous l’impulsion des gouvernements ou des partenaires ;
  • l’utilisation de plusieurs canaux de communication pour faire passer les messages sur l’ANJE ;
  • la participation aux événements mondiaux tels que la Semaine mondiale de l’allaitement maternel ;
  • la disponibilité d’une certaine forme de suivi et d’un cadre d’évaluation (même si les rapports ne comprenaient pas toujours l’ANJE) ;
  • un groupe de la nutrition actif ou un mécanisme de coordination.

Les principaux résultats par pilier sont résumés ci-dessous.

Figure 1 : résultats validés après recensement général des capacités en ANJE-U par pilier et par pays

en traduction - Version française bientôt disponible

Niveau de la politique ANJE/ANJE-U

Une politique axée sur l’ANJE établit un cadre général pour la mise en œuvre des activités d’ANJE en période « normale », alors qu’une politique visant l’ANJE/ANJE-U prévoit des mesures de mise en œuvre de l’ANJE en contexte d’urgence. Les principaux domaines évalués étaient les suivants :

  • existence d’une politique/stratégie/directive élaborée pour l’ANJE/ANJE-U ;
  • existence de dispositions actuellement en vigueur portant sur l’ANJE et contenant des éléments particuliers aux situations d’urgence ;
  • directives récentes (au plus 5 ans) pour la planification et l’évaluation des activités d’ANJE/ANJE-U ;
  • plan d’urgence élaboré pour promouvoir, protéger et encourager l’allaitement maternel exclusif et l’alimentation complémentaire appropriée, et pour minimiser les risques liés à l’allaitement artificiel (avec des références spécifiques au Code international de commercialisation des substituts du lait maternel) ; et
  • rôle des institutions dans la mise en œuvre des programmes ANJE/ANJE-U clairement définis et opérationnalisés.

Dans les trois pays, les programmes d’ANJE/ANJE-U ont été développés comme « programmes nationaux » dirigés par le ministère de la Santé (MdS) en collaboration avec l’UNICEF, souvent orientés suivant les priorités globales et régionales. Le Kenya et la Somalie disposaient de stratégies et de politiques ayant trait à l’ANJE (indépendantes ou intégrées), alors que le Soudan du Sud utilisait le paquet communautaire de l’UNICEF pour l’ANJE afin de mener des campagnes de formation nationales sur l’ANJE (le Soudan du Sud a depuis lors élaboré et vulgarisé la stratégie nationale sur l’ANJE). Au Kenya, le Code international de commercialisation des substituts du lait maternel a été légiféré dans son entièreté ; il n’existe pas encore de mesures légales pour la Somalie et le Soudan du Sud1. L’évaluation a révélé qu’il fallait s’intéresser davantage à améliorer la connaissance et la vulgarisation du Code international de commercialisation des substituts du lait maternel et signaler les violations au Code dans les rapports des agences chargées de la mise en œuvre dans tous les pays.

En ce qui concerne l’existence d’un cadre légal favorable à l’ANJE-U, les analyses indiquent une note de 40 pour cent (20 pour cent pour le Soudan du Sud, 40 pour cent pour la Somalie et 60 pour cent pour le Kenya). Au Kenya, l’ANJE-U est comprise dans les directives opérationnelles de 2013, en plus des directives spécifiques pour la promotion et l’appui de l’alimentation des nourrissons et des jeunes enfants en situation d’urgence. En Somalie et au Soudan du Sud, une section spécifique à l’ANJE-U dans les politiques et stratégies nationales relatives à l’ANJE n’était pas encore élaborée au moment de la première phase de l’évaluation.

Capacité en ressources humaines pour l’ANJE-U

Dans tous les pays, nous avons noté l’absence d’une équipe de supervision et de soutien adéquate, compétente en matière d’ANJE-U. Le matériel essentiel à une évaluation d’ANJE-U faisait défaut, notamment les questionnaires types et les paquets d’orientation. Par ailleurs, le personnel ne disposait pas de ressources adéquates pour mettre en œuvre les programmes d’ANJE-U comprenant les séances de conseil, le soutien aux groupes d’action communautaire, la sensibilisation communautaire et l’assistance aux femmes enceintes et allaitantes, particulièrement pendant les situations d’urgence. Les expertises spécifiques à l’ANJE-U, telles que le marketing social, la responsabilisation des communautés, le plaidoyer et la communication en faveur du développement dans un cadre humanitaire, ont été jugées limitées dans les trois pays.

Mécanismes de coordination et de communication sur l’ANJE/ANJE-U

Les capacités variaient entre les trois pays, mais il y avait un besoin d’améliorer la coordination multisectorielle à l’échelle nationale, la collaboration intersectorielle et la coopération entre les différents organismes dès le déclenchement de la situation d’urgence et pendant l’évaluation des besoins. Le Soudan du Sud était le plus avancé dans la réalisation d’un plan d’action multisectoriel sur l’ANJE et la mise en place d’un comité directeur de l’ANJE-U. La Somalie disposait de plusieurs mécanismes de coordination, principalement par le truchement du Groupe somalien de la nutrition. Au Kenya, des mécanismes de coordination de l’ANJE et de l’alimentation en situation d’urgence ont été mis en place au sein du ministère de la Santé qui en assure la gestion et l’appui ; nous avons noté une excellente collaboration entre tous les partenaires. Les stratégies d’ANJE pour le Kenya et la Somalie ont été élaborées par les gouvernements en partenariat avec les organisations apparentées à l’ONU et le secteur non gouvernemental. Au moment de l’évaluation,le gouvernement du Soudan du Sud élaborait sa stratégie en matière d’ANJE avec le soutien de l’UNICEF et des partenaires du Groupe de la nutrition.

Système d’information et de gestion des connaissances sur l’ANJE-U

Cet aspect a été jugé moyen dans les trois pays. Alors que l’intégration de l’ANJE au système de santé kenyan a commencé en 2007, il y a peu de rapports sur les indicateurs nationaux relatifs à l’alimentation de la mère, du nourrisson et du jeune enfant (AMIJE) dans les contrôles et les enquêtes sur la nutrition au niveau des districts. En Somalie, dans le but de soutenir les systèmes d’information sur la nutrition humanitaire, le Groupe de la nutrition a établi un groupe de travail chargé de gérer les informations d’évaluation (Assessment Information Management Working Group) pour orienter la planification, la conception et la réalisation de l’évaluation et pour valider les évaluations et les enquêtes portant aussi sur l’ANJE. Au Soudan du Sud, le système de routine recueillant l’information pour la surveillance de la santé (Health Monitoring Information System) et comprenant les indicateurs d’ANJE est largement non opérationnel. Pour combler cette faille, le groupe de travail sur l’information en matière de nutrition du Groupe de la nutrition a mis au point un nouveau système général d’information pour les données et les informations recueillies sur le lieu de l’urgence nutritionnelle, y compris les données et informations relatives à l’ANJE-U.

Programmes de promotion de l’ANJE, de conseil et d’appui

Ces programmes existent dans les trois pays. Les activités comprenaient la revitalisation et l’adoption de politiques et directives favorables à la mère et à l’enfant, l’assistance individuelle et collective sur l’ANJE, l’établissement d’espaces adaptés à la mère et au nourrisson, des programmes d’échange de bouteilles (où des biberons sont échangés contre des gobelets) et la distribution d’aliments prêts à l’emploi pour les enfants et les femmes. L’appui à l’alimentation complémentaire comprend la promotion, l’assistance et la liaison à d’autres secteurs ; aucun programme solide sur l’alimentation complémentaire n’a été trouvé dans aucun de ces pays. S’il est vrai que les trois pays avaient une certaine forme de programme sur l’ANJE pendant les périodes stables, l’intensification de ces programmes lors des crises était rare et circonstancielle, principalement à cause du financement limité, des priorités concurrentes et de compétences limitées à les gérer.

Budgétisation et financement de l’ANJE-U

Même si les gouvernements du Kenya et du Soudan du Sud assument un leadership en ce qui a trait à l’ANJE, aucun des deux pays ne dispose de financement public indépendant dédié aux programmes y affairant. Les principales sources de financement des activités d’ANJE et d’ANJE-U proviennent des organismes apparentés à l’ONU, des donateurs et des financements propres aux organismes. Le financement constitue la principale entrave à la mise en œuvre de tous les programmes sur l’ANJE-U et il est rarement mis à disposition pour les activités exclusives à l’ANJE-U. L’ANJE-U n’est pas considérée comme « vitale », et de ce fait n’est pas classée comme une priorité ou maintenue au nombre des activités (y compris la préparation) à long terme. De plus, le financement de l’ANJE est souvent le premier à être réduit en cas de contraintes budgétaires. Même si les fonds alloués à la nutrition ont augmenté dans les trois pays, ce n’est pas le cas pour ceux destinés au programme ANJE/ANJE-U.

Défaillances fréquentes dans ces pays

Les défaillances fréquentes communes aux trois pays étaient :

  • la non-inclusion de l’ANJE-U dans les politiques nationales et les programmes de formation : les politiques et stratégies sur l’ANJE sont bien en place dans plusieurs de ces pays, mais ne comprennent pas une section spécifique aux situations d’urgence, ce qui retarderait l’inclusion de l’ANJE dans toute réponse aux situations d’urgence ;
  • le manque de sensibilisation sur les politiques nationales, la légifération limitée du Code international de commercialisation des substituts du lait maternel, etc. Dans les pays où ces stratégies existent, la diffusion des documents y relatifs à la communauté humanitaire est limitée et, de ce fait, ces stratégies ne sont ni utilisées ni adoptées ;
  • la faible intégration de l’ANJE-U dans d’autres secteurs — les secteurs autres que ceux de la santé et de la nutrition ont très peu de connaissances sur l’ANJE ;
  • l’incapacité des ONG et des professionnels de la santé de faire la différence entre l’ANJE et l’ANJE-U, ce qui conduit à une confusion sur les priorités de l’ANJE en situation d’urgence ;
  • le suivi limité ou inexistant des infractions au Code des substituts du lait maternel ;
  • la faible allocation budgétaire pour les programmes d’ANJE-U ;
  • la méconnaissance des indicateurs de l’ANJE-U à inclure dans les évaluations ;
  • l’absence d’un système de collecte de données et de suivi dédié à l’ANJE-U ;
  • L’ANJE-U n’est pas souvent prioritaire lors des réunions sectorielles ou de coordination.

Les principales raisons pour lesquelles les activités sur l’ANJE-U n’étaient pas entreprises étaient les suivantes :

  • l’ANJE n’est pas considérée comme une intervention vitale pendant les périodes d’urgence et ne constitue pas une priorité pour le personnel non technique ;
  • des priorités concurrentes, une faible sensibilisation des organismes et une absence de politique claire sur l’ANJE-U ;
  • la faible allocation budgétaire pour les programmes sur l’ANJE-U ;
  • les contraintes contextuelles dont l’insécurité, la difficulté d’accès et l’absence de leadership ou d’accompagnement gouvernemental en matière d’ANJE-U ;
  • l’insuffisance des ressources humaines ou des compétences chez le personnel local et international et l’absence d’équipes techniques sur le terrain ;
  • les capacités limitées des partenaires, des infrastructures publiques et des équipes de terrain.

Encadré 1 : résultats du recensement des capacités en ANJE-U au Kenya

Le Kenya a mis en place des mécanismes d’appui à l’ANJE-U, qui comprenaient un cadre légal et d’accompagnement sur la nutrition, des mécanismes de coordination améliorés, des systèmes d’information et un mécanisme de financement pour les activités liées à l’ANJE-U (directement ou indirectement). Après validation, la note totale du Kenya était de 60 pour cent, avec des lacunes dans la gestion de l’information et des connaissances, les ressources humaines, la budgétisation et le financement. En général, les participants à la validation ont estimé que les résultats du recensement des capacités sur l’ANJE-U reflétaient parfaitement la situation dans le pays. Les commentaires des participants ont révélé que certains indicateurs étaient surévalués (ressources humaines et systèmes d’information) ; les notes telles que validées ci-dessous témoignent de ces modifications.

en traduction - Version française bientôt disponible 

Encadré 2 : résultats du recensement des capacités en ANJE-U en Somalie

Un mécanisme de coordination (Groupe de la nutrition) solide est en place pour assurer le bon fonctionnement du service. Même si les politiques et les systèmes ont été renforcés, des déficiences demeurent dans la mise en œuvre, le suivi et l’engagement de toutes les parties prenantes. La note totale de la Somalie était de 39 pour cent après validation. Les principales entraves mises à jour étaient liées à l’exécution des services du fait des allocations budgétaires et de la forte dépendance du pays aux financements extérieurs, à une faible coordination de l’ANJE-U entre le Groupe de la nutrition et les autres parties prenantes, à une mauvaise mise en œuvre des politiques et stratégies à cause de l’absence de structures gouvernementales pleinement opérationnelle à l’échelle des districts et des collectivités et à une capacité opérationnelle du gouvernement limitée en ce qui a trait à la mise en œuvre et à l’application de la politique. 

 

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Encadré 3 : résultats du recensement des capacités en ANJE-U  au Soudan du Sud

Les capacités de mise en œuvre des activités d’ANJE-U sont limitées au Soudan du Sud. Avec l’appui des partenaires, le gouvernement a mis en place quelques mécanismes pouvant soutenir la mise en œuvre des activités. Il importe de signaler l’élaboration d'un plan stratégique sur l’ANJE, tenant compte de l’ANJE-U. Le Soudan du Sud a eu plusieurs réalisations à son actif, dont la mise à disposition d’un mécanisme de coordination, l’intégration de l’ANJE-U au mécanisme d’intervention rapide et la disponibilité des financements pour l’ANJE. La note totale du Soudan du Sud était de 41 pour cent après validation. On a trouvé que les ressources humaines en matière de santé et de nutrition constituaient les principaux obstacles. Elles se caractérisaient par : un manque de clarté dans les descriptions et les cibles des tâches ; une rémunération insuffisante et un paiement irrégulier ; l’absence, à tous les niveaux, d’une supervision positive et de mécanismes de contrôle de la qualité ; le manque d'information élémentaire sur les prestataires de services de santé du secteur privé (chiffres, nature et répartition géographique) ; une coordination insuffisante du développement des ressources humaines entre les différents secteurs du système de santé ; des possibilités limitées de perfectionnement et de développement professionnels ; ainsi qu’un recrutement défaillant et une faible capacité de rétention dans les États et les comtés.

 

en traduction - Version française bientôt disponible

Conclusions et étapes suivantes

Les résultats de l’évaluation du recensement des capacités en ANJE-U traduisent le besoin de localiser les actions et stratégies d’ANJE en Afrique de l’Est afin de cibler les lacunes fondamentales en matière de politique, de capacité, de coordination, de gestion de l’information, de programmation et de financement. La compréhension et la cohésion entre tous les acteurs et secteurs du développement et de l’action humanitaire doivent être considérablement améliorées. En Afrique de l’Est comme en Afrique australe, l’UNICEF et Save the Children constituent des partenaires importants dans le domaine de l’ANJE-U et collaborent étroitement avec les gouvernements et les ONG, occupant une position centrale et influente en tant que parties prenantes dans cette région. Les gouvernements, les donateurs, les ONG, les associations de soutien à l’allaitement et d’autres acteurs ont un rôle critique à jouer en matière de promotion et de normalisation de l’ANJE-U dans l’ensemble des secteurs, de réponse aux situations d’urgence et de mobilisation des ressources.

Les bureaux régionaux de l’UNICEF et de Save the Children ont conjointement mis au point l’outil d’évaluation du recensement des capacités d’ANJE-U. L’exercice de recensement des capacités a mis en évidence l’avantage de regrouper des professionnels de la santé et de la nutrition dans un climat de collaboration pour décider du statut et des lacunes actuels de la mise en œuvre de l’ANJE-U dans un pays particulier, et pour convenir d’un plan d’action commun impliquant tous les acteurs et les organismes clés. Pour chaque pays, l’étape suivante consiste à exploiter les conclusions du recensement des capacités afin d’élaborer des stratégies et des mesures d’amélioration de l’ANJE-U, en ciblant les principaux problèmes et obstacles cernés, ainsi qu’en effectuant le suivi des progrès réalisés. Une assistance technique supplémentaire pourra être requise par l’UNICEF, Save the Children et d’autres organismes de nutrition au niveau national. L’implication du gouvernement et des Groupes nationaux de la nutrition sera critique.

D’autres partenaires peuvent se servir du processus d’évaluation des capacités dans d’autres pays d’Afrique de l’Est et de l’Afrique australe afin d’encourager la mise au point d’un plan d’action spécifique permettant aux gouvernements et à la communauté humanitaire de mieux intégrer l’ANJE-U aux situations d’urgence.

Les bureaux régionaux de l’UNICEF et de Save the Children passeront en revue l’outil d’évaluation en s’appuyant sur les enseignements tirés du processus de validation, et le recensement des capacités sera étendu à d’autres pays de la région en 2018.

Pour plus d’informations, contactez Patrick Codjia, Marjorie Volege ou Minh Tram Le.


Footnotes

1http://www.who.int/nutrition/publications/infantfeeding/9241541601/fr/

2Commercialisation des SLM : mise en œuvre nationale du code international. Rapport de statut, 2016.


Références

Save the Children (2012) Alimentation du nourrisson et du jeune enfant en situation d’urgence : Pourquoi n’agissons-nous pas à grande échelle ? Examen des brèches au niveau global, des défis et des voies à suivre. Save the Children Royaume-Uni. 

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