Dépistage de la malnutrition maternelle et infantile en utilisant la surveillance de la nutrition nationale s'appuyant sur les sites sentinelles en Afghanistan
Par Admire Chinjekure, Dr Mohammad Qasem Shams, Dr Abdul Baseer Qureshi, Dr Shafiqullah Safi et Dr Noor Rahman Noor
Admire Chinjekure est directeur technique et chef d’équipe Nutrition pour l'Organisation mondiale de la Santé (OMS) en Afghanistan. C'est un nutritionniste qui possède une maîtrise en santé publique de la London School of Hygiene and Tropical Medicine. Il a plus de 12 ans d'expérience en matière de nutrition, santé, contrôle et évaluation, en Afghanistan et au Zimbabwe.
Le Dr Mohammed Qasem Shams est l'administrateur national en nutrition pour l'OMS en Afghanistan. Médecin diplômé d'études supérieures en nutrition et santé publique, il a plus de quinze ans d'expérience dans le domaine des programmes de nutrition, notamment dans la mise en place de systèmes routiniers de surveillance de la nutrition en Afghanistan.
Le Dr Abdul Baseer Qureshi est directeur technique Nutrition pour l'Organisation mondiale de la Santé (OMS) en Afghanistan. Médecin possédant plus de cinq ans d'expérience dans le domaine de la coordination de la nutrition et dans la mise en place de systèmes routiniers de surveillance de la nutrition en Afghanistan, il a auparavant occupé le poste de coordinateur national pour le département national de surveillance de la nutrition en Afghanistan .
Le Dr Shafiqulla Safi est le correspondant pour la gestion intégrée de l'approvisionnement d'urgence pour lutter contre la malnutrition aiguë au sein de la Direction pour la nutrition du ministère de la Santé publique de l'Afghanistan. Médecin diplômé d'études supérieures en nutrition, il a plus de neuf ans d'expérience dans le domaine de la santé publique et de la nutrition en Afghanistan.
Le Dr Noor Rahman Noor est coordinateur national pour le département national de surveillance de la nutrition au sein de la Direction pour la nutrition du ministère de la Santé publique en Afghanistan. Médecin diplômé d'études supérieures en nutrition, il a plus de cinq ans d'expérience dans le domaine de la surveillance de la nutrition et de la gestion intégrée de la malnutrition aiguë.
Les auteurs aimeraient souligner le rôle de l'OMS et de l'UNICEF comme partenaires techniques du programme national de surveillance de la nutrition en Afghanistan, financé par Global Affairs Canada. Ils aimeraient également remercier le Dr Homayoun Ludin, directeur intérimaire de la Direction pour la nutrition au sein du ministère de la santé publique en Afghanistan, qui a apporté une direction stratégique au programme de surveillance de la nutrition.
Lieu : Afghanistan
Ce que nous savons : la surveillance de la nutrition est une stratégie importante pour évaluer les tendances en matière de dénutrition. Elle permet de déterminer la réponse nutritionnelle à fournir et sert de système d'alerte précoce.
Qu’apporte cet article : un système de surveillance de la nutrition instauré dans les centres de soins (sentinelles) a été créé en Afghanistan, avec le soutien de l'Organisation mondiale de la santé et de l'UNICEF, par le ministère de la Santé publique dans le but de surveiller les tendances de nutrition et de servir de système d'alerte précoce. Les données sont recueillies dans 868 sites sentinelles communautaires et 175 établissements de soins, choisies pour des raisons de commodité dans les 34 provinces. Des données sur l'alimentation de l'enfant en bas âge et le jeune enfant (IYCF), sur l'issue des grossesses, sur le taux d’hémoglobine maternel (Hb) et d'ordre anthropométrique sont collectées parmi un échantillon aléatoire d'enfants de moins de deux ans et de leurs mères lorsqu'ils visitent les établissements de soins à différents niveaux. Les établissements reçoivent une formation, des équipements, des formulaires de rapport et une supervision de soutien. Les résultats montrent un accroissement du nombre d' enfants dépistés entre 2015 et 2017. La malnutrition aiguë est répandue chez les enfants de moins de deux ans, tout comme la malnutrition maternelle (30 % ont des niveaux faibles de Hb). Bien que très similaire, il y a eu une tendance à la baisse des taux de malnutrition aiguë globale et de malnutrition aiguë sévère dans les sites communautaires par rapport aux établissements de soin (comparaison entre 2016 et 2017). Parmi les leçons retenues, on peut dire : il faut du temps pour développer un système d'information sur la nutrition en état de marche (cinq ans ici), il est préférable d'avoir moins d'indicateurs afin de préserver la qualité des données, Les données sur plusieurs indicateurs de l'IYCF ne peuvent être recueillies lors des services de routine, les établissements de soins devraient être en contact étroit avec les sites communautaires afin de faciliter la surveillance, une surveillance exhaustive peut s’avérer préférable à l’échantillonnage afin d’éviter les biais. Des mesures sont maintenant prises pour intégrer des indicateurs nutritionnels réalistes dans le système de gestion des informations de santé, où le système sentinelle introduit les données détaillées recueillies pour les différents indicateurs.
Contexte
Le système national de surveillance de la nutrition en Afghanistan se base sur le résultat de différentes enquêtes (enquêtes nationales sur la nutrition (NNS), enquêtes démographiques et sanitaires (DHS), enquêtes sur les foyers afghans (AHS), enquêtes SMART, et enquêtes locales) et sur le système de gestion des informations de santé (HMIS). Depuis 2013, l'OMS et l'UNICEF, financés par Global Affairs Canada (GAC), ont soutenu conjointement la Direction pour la nutrition (PND) du ministère de la Santé publique (MoPH)pour la mise en place d'un système de surveillance de la nutrition au sein des établissements de soins (sentinelle), qui fournissent les données de surveillance de la communauté. Ce système répond au manque de système d'alerte précoce (EWS) pour la nutrition, et essaie de fournir les données sur la nutrition que le HMIS ne saurait recueillir. Cet article partage les leçons retenues lors du développement d'un système de surveillance de la nutrition en contexte de crise, où les besoins en données sont importants en raison de la nature dynamique de la situation humanitaire et du besoin de modélisation en temps quasi réel de la vulnérabilité, afin de cibler les interventions pour les plus nécessiteux.
Objectifs
L'objectif principal de l'intervention était de surveiller les tendances de nutrition dans le pays afin de servir de SAP. Le système a été créé expressément pour recueillir des informations concernant l’anthropométrie infantile, l'IYCF (alimentation de l'enfant en bas âge et du jeune enfant), et sur la situation en ce qui concerne la nutrition maternelle, et ce, via le système de soins existant. Cela permet aussi d’appréhender les tendances en matière de nutrition du pays et de donner l'alerte à un stade précoce pour tout problème potentiel de malnutrition nécessitant une action. Au bout du compte, l'intervention a pour but d'aider à ce que les mères et enfants reçoivent les services essentiels en matière de nutrition et ainsi contribuer à ameliorer la situation dans ce domaine.
Méthodes
Étendue du système sentinelle de surveillance de la nutrition
Le système de site sentinelle est composé de deux niveaux : (i) des centres de soin (n=175), et (ii) des sites communautaires sentinelles (n=868). Les sites ont été choisi par commodité dans les 34 provinces et grâce à une implication participative des acteurs clés. L’accessibilité a également été un élément clé en raison des risques d’insécurité, bien que les zones difficiles d’accès aient tout de même été incluses autant que possible. Les établissements de soins en Afghanistan se composent de (par ordre croissant) : postes de soins (niveau communautaire), centres sanitaires secondaires, centres de premiers soins, centres de soins complets, hôpitaux régionaux et provinciaux. Le nombre total d'établissements de soins dans le pays est d'environ 2 865. Il y a 15 855 postes de soins actifs. Tous les Centres de santé du pays dispensent des services de maternité, sauf les postes de soins. 1 454 établissements offrent actuellement ces services.
Sous le système sentinelle, les données anthropométriques sont collectées parmi un échantillon aléatoire d'enfants de moins de deux ans lorsqu'ils visitent les établissements de soins (premiers soins, soins complets, établissements régionaux ou provinciaux). Un enfant sur trois est sélectionné jusqu’à l'atteinte de l'objectif (au minimum 150 enfants par trimestre et par établissement de soin), et il est ensuite évalué selon les indices anthropométriques. Concernant les indicateurs maternels, on mesure le Hb et on prélève des échantillons sanguins à un échantillon aléatoire de femmes enceintes visitant un établissement de soin donné pour la première fois de leur grossesse (premier contact ANC). Le tableau 1 présente les données pour les indicateurs de nutrition recueillies sur l’échantillon de population. Le logiciel ENN (Évaluation nutritionnelle en situation d'urgence) est utilisé pour analyser les données des indicateurs anthropométriques par rapport aux indices. Les données sont recueillies quotidiennement jusqu’à atteindre l'objectif, après quoi elles sont envoyées afin d’être enregistrées mensuellement. Un rapport est présenté tous les trimestres.
Tableau 1. Indicateurs pour lesquels on recueille des données via le système sentinelle de surveillance de la nutrition
L'investissement dans les sites sentinelles
Avant de commencer la collecte de données, une formation destinée au personnel de l'établissement est dispensée afin de couvrir les principes de surveillance ainsi que les techniques. Une formation de deux jours, qui explique les principes de l'évaluation de la croissance, de la surveillance et du rapport, est menée pour le personnel de santé de chaque site. La formation est plus détaillée pour le personnel des établissements de soins puisqu'il réalise des évaluations plus approfondies, tandis que le personnel soignant de la communauté acquiert des compétences plus basiques pour mesurer le périmètre brachial et interpréter les résultats. Les établissements de soins sont équipés du matériel nécessaire afin de mener à bien les évaluations (balances, toises, et hemoCues pour mesurer le taux d’hémoglobine) ainsi que des formulaires de rapport tandis que les sites communautaires reçoivent des bandelettes pour le périmètre brachial et des registres. Les formulaires de rapport ont été développé en se basant sur les carnets de santé existants pour la mère et l'enfant, et modifié afin de recueillir des données supplémentaires pour la surveillance de la nutrition. Des visites régulières de soutien ainsi qu'un mentorat pendant le travail sont effectués par des agents de terrains recrutés par l'OMS ainsi que des spécialistes en nutrition recrutés par le gouvernement. Le réapprovisionnement en matériel de surveillance et en registres se fait initialement grâce à des fonds pour le projet. Il est ensuite progressivement pris en charge par les exécutants chargés de la mise en oeuvre des services de soins dans le sites sentinelle qui lui correspond.L'investissement dans les sites sentinelles
Résultats
Bien qu'il y ait un besoin constant d'améliorer la qualité des données, l'intervention de surveillance de la nutrition a servi de point de départ au renforcement du suivi de la croissance et de sa promotion. Ce sont des stratégies préventives majeures, qui servent également à identifier le plus tôt possible les cas de malnutrition aiguë sévère. Comme le montrent les schémas 1 et 2, le nombre d'enfants dépistés a progressivement augmenté, et c'est lors de ce dépistage que les services de suivi de la croissance et de promotion sont susceptibles d’être offerts par le personnel de santé. Le suivi de la croissance et sa promotion dans les sites sentinelles de santé sont comparativement meilleurs que dans les autres établissements de santé non sélectionnés pour être des sites sentinelles. Ceci s'explique par une augmentation des formations pendant le travail dans les sites sentinelles, ainsi que des formations d'appoint, des formations pratiques, de la supervision et du suivi, qui ont en conséquence augmenté le nombre de cas dépistés autant dans les établissements de soins que sur les sites communautaires. La qualité de la collecte de données est ainsi améliorée, ce qui permet un meilleure dépistage des enfants malnutris.
Graphique 1 : nombre total d'enfants dépistés en utilisant le périmètre brachial sur les sites communautaires, 2015-2017
Graphique 2 : nombre total d'enfants contrôlés dans un centre de santé sentinelle, 2014-2017
Dépistage au niveau de l'établissement et de la communauté
En 2017, une moyenne de 11 095 enfants par trimestre, issus de 868 postes de soins communautaires, ont été dépistés, soit une augmentation par rapport à 2016 (6 789) et 2015 (1 710). Il y a eu moins de rapports de la part des sites communautaires (540) lors de la phase initiale de mise en oeuvre (2015-2016), l'adoption fut un peut moins rapide au sein de la communauté comparé aux établissements de santé.
Sur les sites des établissements de soins le nombre de dépistage a atteint en moyenne 22 050 enfants par trimestre sur 175 centres en 2017, contre 18 649 en 2016, 6 718 en 2015 et 3 784 en 2014. On s'attend à un plus grand nombre de dépistage d'enfants dans les établissements de soins, vu que les enfants visitant directement les centres ainsi que ceux ayant été référés par la communauté sont inclus. Ils ne sont parfois pas originaires de la circonscription de l’établissement. Les nombres croissants observés reflètent également l'approche par phase du processus d'agrandissement : 10 provinces en 2014, 22 en 2015, et en 2016 l'ensemble des 34 provinces étaient incluses. Une analyse des données des malades hospitalisés souffrant de MAS (les cas compliqués) du système informatisé de gestion sanitaire (HMIS-DHIS2) montre une augmentation générale du nombre d'admissions au fil des ans (schéma 3). Cependant, un résultat plus nuancé a pu être observé : alors qu'en 2015 le plus fort taux d'admissions avait été atteint au 2ème trimestre, pour 2016 ce fut au 3ème trimestre, alors qu'en 2017 le plus fort taux fut rapporté au 1er trimestre.
Des niveaux généralement élevés de malnutrition aiguë sont observés chez les enfants de moins de deux ans dans la communauté comme le signale les sites sentinelles communautaires. Ceci est dû à la situation de crise prolongée en Afghanistan (schema 4). Une forte proportion de cas de malnutrition aiguë sont identifiés dans les sites de surveillance communautaires utilisant la mesure du périmètre brachial. Les cas difficiles sont orientés vers les établissements de soins pour une evaluation poussée et pour qu'ils soient traités selon le protocole IMAM. Au niveau communautaire, le personnel de santé possède les compétences basiques afin de transmettre les message promotionnels concernant la nutrition, notamment les messages concernant l'alimentation optimale des jeunes enfants.
Des niveaux généralement élevés de malnutrition aiguë ont été observés chez les enfants de moins de deux ans dans les sites sentinelles au niveau des centres de soins. Ces mêmes tendances ont été observées au niveau de la communauté (Schéma 5). Des tendances cycliques se dégagent: des niveaux importants de malnutrition aiguë sont observés au 3ème trimestre, et les plus faibles au 1er trimestres. En 2017 les niveaux de malnutrition étaient légèrement moins élevés. Les raisons pour lesquelles les enfants et leurs proches se rendent dans les établissements (et sont ensuite dépistés) sont variées: visites pour le traitement d'une maladie, vaccinations, suivi de la croissance et sa promotion, soins prénataux ou contraception. Les enfants dépistés le sont donc de manière aléatoire, avec la possibilité d'un biais non mesuré par rapport aux visites des nourrissons malades.
La prévalence des MAS au niveau communautaire était de manière générale plus faible en 2017 qu'en 2016 (schéma 6). Le pic de MAS en 2017 a été rapporté au 3ème trimestre, tandis que celui de 2016 avait eu lieu au 2ème trimestre. Avec plus de formation et de suivi, le personnel de santé peut identifier les cas de malnutrition aiguë à traiter avant qu'ils ne se détériorent de manière dramatique.
Le nombre de cas de MAS a été un peu plus élevé dans les établissements de soins en 2017 comparé à 2016. Durant les deux années, le pic de MAS a été rapporté au 3ème trimestre, tandis que le taux le plus faible a été signalé au 1er trimestre. Les évaluations et les interventions dans les établissements de soins sont plus précises. De ce fait, un plus grand nombre d'enfants mal nourris et présentant des risques sont identifiés sur place, et traités ou orientés pour un traitement plus poussé lorsque l'établissement en question ne propose pas les services adéquats comme l'hospitalisation. Il est fort probable que des enfants plus malades se présentent dans les hôpitaux, ce qui élèverait les proportions de malnutrition aiguë.
Graphique 3 : Données d'admission des patients MAS sur le système informatisé de gestion sanitaire, 2015-2017
Graphique 4 : Tendances nationales de malnutrition aiguë globale (MAG) dans les communautés, 2016-2017
Graphique 5 : Tendances nationales de malnutrition aiguë globale (MAG) dans les établissements de santé, 2016-2017
Graphique 6 : Tendances nationales de malnutrition aiguë sévère (MAS) dans les communautés, 2016-2017
Graphique 7 : Tendances nationales de malnutrition aiguë sévère (MAS) dans les établissements de santé nationaux, 2016-2017
Graphique 8 : pratiques relatives à l'alimentation des nourrissons, 2014-2017
en traduction - Version française bientôt disponible
Pratiques d'alimentation du nourrisson et du jeune enfant (IYCF)
Des données complètes concernant l'IYCF ont été recueillies dès 2014 et de manière continue jusqu'aux derniers changements effectués au 3ème trimestre 2016, lorsqu'il fut décidé de réduire le nombre d'indicateurs pour l'IYCF. La raison évoquée pour la suppression de deux indicateurs majeurs, l'allaitement exclusif et l'alimentation complémentaire appropriée, est qu'il y a un manque de données fiables en raison du temps considérable requis pour collecter ces informations dans les établissements de soins de routine. Les taux initialement rapportés d'allaitement exclusif étaient faibles (1er et 2ème trimestre 2014), augmentant au-delà de 80 % entre le 1er trimestre 2015 et le 2ème trimestre 2016, lorsque la collecte de données s'est arrêtée. La proportion d'alimentation complémentaire appropriée tournait régulièrement autour de 20 %. Des tendances relativement uniformes furent observées durant la période du rapport. La plupart des femmes déclaraient déclencher l'allaitement dans les premières 24 heures. Des fluctuations marginales furent observées, comme par exemple au 4ème trimestre 2017, 49,7 % des nourrissons furent allaités dans l'heure suivant l'accouchement, pour 52,1 % au 3ème trimestre de la même année. À part ça, le pourcentage a été plus ou moins le même entre 2016 et 2017. La proportion de nourrissons allaités durant la première heure était faible entre le 3ème trimestre 2014 et le 1er trimestre 2015, alors qu'une augmentation régulière a été enregistrée. Un total de 93,7 % des nourrissons de moins de deux ans étaient encore allaités (estimation faite selon la définition de la norme de l'OMS pour le taux d'allaitement continu des nourrissons âgés de 20 à 23 mois). Cela a été une constante durant toute la période contrôlée, du 1er trimestre 2016 au 4ème trimestre 2017. Aucunes données ne furent recueillies durant les 2ème et 3ème trimestres de 2016 concernant le démarrage de l'allaitement en raison d'une révision des outils d'evaluation. Cela a été repris au 4ème trimestre 2016, une fois décidé par consensus de garder l'indicateur.
Santé maternelle
Le statut Hb a été évalué pour toutes les femmes enceintes se rendant à leurs sites sentinelles qui fournissent des services de maternité. On a pu observer une plus grande proportion de déficience en Hb (niveau inférieur à 11g/dl) pour les grossesses avancées (supérieures ou égales à 24 semaines) que pour les moins avancées (moins de 24 semaines). La proportion de femmes enceintes avec un niveau de Hb inférieur à 11g/dl était constant durant la période étudiée, atteignant un pic de 31,1 % au 4ème trimestre 2017, et un minimum de 26 % pour les 1er et 2ème trimestres de 2016. D'autres tendances par stade de grossesse sont illustrées sur le graphique 9.
Graphique 9 : proportion de femmes enceintes avec HB<11g/dl
en traduction - Version française bientôt disponible
Graphique 10 : résultats d'accouchements par trimestre, 2016-2017
en traduction - Version française bientôt disponible
Conséquences à la naissance
Les conséquences à la naissance furent rapportées pour tous les accouchements ayant eu lieu dans les sites sentinelles offrant des services de maternité. La proportion de nourrissons nés avec un poids de naissance faible était plutôt uniforme durant la période étudiée, tournant autour de 6 % sauf pour le 4ème trimestre 2017, ou elle a légèrement augmenter à 6,5 %. Les anomalies du tube neural (ATN) étaient répandues, avec des tendances à la hausse au cours de la période observée. Un pic de 95 cas a été rapporté au 4ème trimestre 2017 (une augmentation par rapport aux 79 cas du 3ème trimestre 2017), sur un total de 33 239 naissances enregistrées dans les maternités inscrites pour la surveillance. Le nombre le plus faible de cas, 3 au 1er trimestre 2016, est dû à un manque de signalement durant la phase initiale de l'intervention, causé par des définitions de cas non-standardisées, qui ont été améliorées par la suite, au cours de la période observée. Les ATN (anomalies du tube neural, comme le spina-bifida, l’encéphalopathie ou l'anencéphalie) sont étroitement liés à la déficience en acide folique.
Exploitation des données
Les données recueillies sont destinées prioritairement aux établissements de santé et aux postes communautaires. En dehors des établissements de santé, le gouvernement central utilise les données pour pouvoir prévoir les tendances de malnutrition et initier des évaluations approfondies afin de déterminer l’étendue du problème. Les organisations non gouvernementales (ONG) peuvent utiliser ces données afin de soutenir des évaluations approfondies dans les régions identifiées, sur la base desquelles une assistance pourra éventuellement être apportée. En 2016, Action Contre la Faim (ACF) a reçu des fonds afin de mener des analyses SMART dans le but de déterminer le statut actuel de nutrition des enfants, des analyses basées sur la triangulation des tendances observées dans la région ouest ainsi que des données du système informatisé de gestion sanitaire et des données courantes d'admissions. Les données au niveau infranational ont permis une analyse, une planification et une intervention spécifique localisée, ce qui est particulièrement utile pour les établissements de soins, contrairement aux données produites au niveau de la province et utilisant des méthodes statistiques. A l'heure actuelle la base de données fournit l'ensemble des données au niveau de la province, et le suivi dans les établissements de soins est effectué pour des problèmes spécifiques ou des tendances observées qui sont inhabituelles.
Au niveau national les données NNSS sont l'une des sources utilisées dans le développement de l'Aperçu des besoins humanitaires (HNO), la fonction d'alerte précoce. Les données concernant les tendances de nutrition ont été utilisées afin d'établir un ordre dans les priorités pour développer le plan de réponse humanitaire 2017 (PRH). En 2016 les données du National Nutrition Survey concernant les tendances de nutrition infantile ont été utilisées afin de conduire des analyses approfondies de la population. Une des provinces, la province de Herat, a été examinée en priorité en raison de la triangulation des données de routine concernant la nutrition, des données du système informatisé de gestion sanitaire ainsi que celles du NNS. L'observation de niveaux élevés d'ATN et d’anémie parmi les femmes enceintes a amené le département nutrition à revoir les interventions pour les apports complémentaires en fer et acide folique, après quoi on nota que des améliorations dans la couverture ainsi que le respect des protocoles nationaux étaient nécessaires.
Discussion
Les tendances montrent, dans l'ensemble, des niveaux élevés de malnutrition sévère parmi les enfants de moins de 2 ans. On a pu observer de la même façon des niveaux élevés et généraux de malnutrition maternelle (30 % avec de faibles niveaux de Hb). Des tendances cycliques ont émergé pendant la période 2016-2017, avec des niveaux record de malnutrition sévère observés au 4ème trimestre et les niveaux les plus faibles au 1er trimestre. La saison principale de plantation du pays s’étend d'octobre à février, ce qui coïncide avec l'hiver. Ces dernières années la saison agricole hivernale a vu des précipitations de neige, des débits fluviaux et des niveaux d'eau dans les barrages faibles venir aggraver des niveaux d’humidité insuffisants. Il est possible qu'il y ait une corrélation entre les niveaux élevés de MAG et une mauvaise saison agricole, bien que des analyses plus poussées d'autres systèmes précoces d'alerte seront nécessaires pour confirmer l’étendue de cette influence.
Les tendances de MAG sont en grande partie identiques pour les établissements de soin et les sites communautaires, mais les tendances de MAG et de MAS montrent une tendance à la baisse pour les sites communautaires par rapport aux établissements de soin (comparaison entre 2016 et 2017). Il est important de souligner qu'avec un meilleur accompagnement, le personnel soignant de la communauté peut mieux identifier les cas de malnutrition et la surveillance communautaire peut ainsi identifier une proportion importante de cas de malnutrition sévère. Cependant, il est également important de souligner que les sites communautaires ne font qu'un dépistage du périmètre brachial, alors que les établissements de soins procèdent à des évaluations plus précises. La communauté est donc un premier point de contact pour l'orientation du patient. Il est fort probable que des enfants plus malades se présentent dans les hôpitaux, ce qui élèverait les proportions de malnutrition aiguë. Ces tendances, comme en témoignent les tendances similaires de MAG observées dans les établissements de soins, appellent à une détection précoce. Il est donc essentiel de renforcer les systèmes d'orientation communautaires.
Enseignements tirés
L'expérience a montré qu'il faut du temps pour mettre en place un système d'information nutritionnel entièrement fonctionnel. Il a fallu 5 ans d'investissements continus pour que l'Afghanistan commence à se rendre compte de l’utilité d'une collecte régulière des données de tendance. Une approche par étape dans la mise en oeuvre des interventions de contrôle a permis que les leçons essentielles tirées des phases préliminaires soient appliquées au cours des étapes suivantes. Le développement d'un programme à plusieurs niveaux et une implication interdépartementale augmente l'acceptation et la probabilité d'une intervention pérenne au-delà de la durée de vie du projet. Les départements de la nutrition, de la reproduction et de la santé mère/enfant sont en charge de la santé de la mère et des enfants, par conséquent tous les efforts pour améliorer la collecte de données, les systèmes d'analyse et de rapport nécessitent une implication de ces départements clés. Toute exclusion retarderait considérablement l'intervention, et son harmonisation serait peut-être irréaliste.
Trop d'indicateurs peuvent influer sur la qualité des données, il est donc préférable de privilégier la qualité sur la quantité. Certains indicateurs, comme l'évaluation détaillée de l'IYCF, peuvent nécessiter des études. En effet, il peut y avoir des erreurs de mesure et elle demande un temps considérable, ce qui peut s’avérer peu pratique dans des établissements de soins proposant des services quotidiens. Une collecte exhaustive de données pour les indicateurs dépasse la capacité et le temps que peuvent y consacrer le personnel de santé de la communauté. Le personnel de santé de la communauté fait partie intégrante du système de santé et son rôle en matière de dépistage, conseil et orientation doit être renforcé. Pour améliorer les résultats, plusieurs options (telles que les incitations monétaires ou autres) pourraient être étudiées dans différents contextes.
En sélectionnant les sites sentinelles, les établissements de soins doivent être en liaison avec les sites communautaires afin de faciliter le contrôle ainsi que la cohérence des services. Cette approche suit la logique d'évolution continue des soins selon laquelle mères et enfants sont orientés par ou vers des établissements de soins, orientations dont on peut suivre la trace et faire facilement le suivi. La qualité des données de routine est toujours un problème, en particulier dans des environnements précaires comme l'Afghanistan, où l’insécurité influe sur le maintien du personnel ainsi que sur la surveillance des sites. Il est donc essentiel de prendre en compte l'accessibilité comme un des critères clé lors de la sélection des sites sentinelles. Il s'est avéré difficile de trouver des options afin d'inclure les enfants des zones inaccessibles ou peu sûres, mais la disponibilité et l'utilisation d’équipes de soins mobiles est à l'étude au niveau national afin d'atteindre les enfants éloignés autant que cela est possible.
La sélection de sujets entrant dans les registres de surveillance devrait être exhaustive plutôt qu'un échantillon, afin de minimiser une potentielle subjectivité durant les évaluations. Ceci garantira l'enregistrement continu dans les registres et aidera à faire un suivi des cas actuels et à identifier les mères et enfants à risque qui visitent les établissements de santé.
Étapes d'intégration durable
Les données sont actuellement recueillies par les travailleurs des établissements de santé, sans rémunération supplémentaire. Des retours rapides et opportuns aux établissements de santé concernant les données est un moyen simple de garantir la qualité des données. La capacité des professionnels de la santé concernant les processus de surveillance nutritionnelle a été améliorée de manière continue tout au long de la période d'intervention. L'intégration des indicateurs clés dans le système informatisé de gestion sanitaire sera l’étape principale garantissant la continuité du système. Le système de sentinelle est une stratégie mise en place pour éviter de surcharger le système informatisé de gestion sanitaire. La collecte de trop nombreuses données relatives aux indicateurs compromet la qualité des données. Les indicateurs actuels relatifs à la nutrition et pour lesquels les données sont recueillies à travers ce système au niveau communautaire sont le nombre d'enfants dépistés et orientés en utilisant le périmètre brachial. Au niveau des établissements de santé, on réunit les informations concernant le nombre d'enfants pesés, le nombre d'enfants souffrant de malnutrition aiguë, le nombre d'enfants avec un faible poids à la naissance, et la gestion de la malnutrition aiguë (admissions, guérisons, orientations, décès et abandons du traitement). La stratégie d'intégration appliquera les enseignements tirés de la mise en oeuvre du système des sentinelles.
Le processus d'intégration a commencé et comprend des étapes visant à réviser et mettre à jour les indicateurs nutritionnels actuels dans le système informatisé de gestion sanitaire, à modifier et ajouter d'autres indicateurs clés et à maintenir un système sentinelle qui recueille des données détaillées pour ces indicateurs. Compte tenu de leur qualité et de leur fiabilité, certains indicateurs IYCF ont été proposés pour être recueillis au niveau de l'établissement de santé, à savoir l'initiation précoce à l'allaitement et l'allaitement continu. Les données détaillées pour les autres indicateurs IYCF seront recueillies lors des questionnaires périodiques. Les ATN et l’anémie durant la grossesse sont des indicateurs également proposés pour le système. Il est possible de mettre en place une base de données annexe afin de garder une trace des données détaillées pour les autres indicateurs qui ne peuvent être intégrés dans le système informatisé. Ce qui signifie que le nouveau système proposé opérera de concert avec les sites sentinelles jusqu’à la complète intégration lors de la migration à la plateforme DHIS2, un espace de stockage de données du Ministère de la santé publique (espace de gestion en ligne de l'information sur la santé) développé pour le pays. La plateforme DHIS2 est une version améliorée de l'ancien système de gestion sanitaire statique. Le nouveau système devrait avoir une plus grande capacité afin de gérer les informations sanitaires.
La valeur des données de routine résidera dans sa capacité à établir des analyses de tendances, conformes à ce qui a été observé. Pour donner une valeur ajoutée à l'investissement, les efforts doivent être dirigés vers l'amélioration de la qualité des données de routine des établissements de soins, à travers des visites de contrôle régulières, une standardisation des équipements utilisés, et une motivation des professionnels de santé recueillant ces données afin de servir d'alerte précoce pour les potentiels problèmes de santé et de nutrition au sein de la population. Le rôle du personnel soignant dans le dépistage, la consultation et les orientations doit être renforcé, puisqu'il facilite la détection de cas à un stade précoce, et conduit à de meilleurs résultats de traitement et une plus grande couverture des enfants atteint de malnutrition aiguë.
Pour de plus amples informations, veuillez contacter Admire Chinjekure.