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Analyse des goulots d'étranglement dans la prise en charge intégrée de la malnutrition aiguë en Somalie

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Par John Ntambi, Madina Ali Abdirahman, Dorothy Nabiwemba, Pramila Ghimire, Sayed Ezatullah Majeed, Kheyriya Mohamed, Samson Desie, Rufaro Musvaire et Marjorie Volege

John Ntambi est responsable de la nutrition pour l'UNICEF en Somalie. Médecin titulaire d'une maîtrise en santé publique et nutrition, il a plus de quinze ans d'expérience dans les programmes de santé et de nutrition à travers l'Afrique.

Madina Ali Abdirahman est chargé de la nutrition pour l'UNICEF en Somalie et a plus de 15 ans d'expérience dans le domaine de la nutrition auprès de l'UNICEF et d'ONG en Somalie.

Dorothy Nabiwemba est chargée de la nutrition pour l'UNICEF en Somalie. Elle a plusieurs années d'expérience dans les programmes alimentaires, notamment avec le Programme Alimentaire Mondial (PAM) au Soudan du Sud.

Pramila Ghimire est directrice de la nutrition et des cantines scolaires pour le PAM en Somalie. Pramila est titulaire de maîtrises en santé publique et nutrition, en sociologie et en administration des affaires. Elle a plus de 18 ans d’expérience dans les domaines de la sécurité alimentaire et de la nutrition.

Sayed Ezatullah Majeed est chef de bureau terrain pour l'UNICEF en Somalie. Médecin, il a plus de neuf ans d'expérience auprès de l'UNICEF dans plusieurs pays et auprès du Ministère de la Santé en Afghanistan.

Kheyriya Mohamed Mohamud est chef de l'Unité Nutrition du département de la Santé publique en Somalie. Kheyriya est spécialiste en santé publique, titulaire d'une maîtrise en santé publique et d'un diplôme de troisième cycle en nutrition humaine et en diététique.

Samson Desie est coordonnateur du Cluster Nutrition pour l'UNICEF en Somalie. Il a plus de 10 ans d’expérience dans la gestion de programmes complexes et sur le terrain, au niveau local, national et international, notamment au Soudan du Sud et au Soudan.

Rufaro Musvaire est nutritionnistepour les situations d'urgence auprès du bureau régional du PAM en Afrique Australe. Rufaro a été chargée de la nutrition pour l'UNICEF en Somalie de 2015 à 2017 où elle a apporté son soutien à la mise en œuvre de l'analyse des goulots d'étranglement décrite ici. 

Marjorie Volege est spécialiste en nutrition dans les situations d'urgence pour le bureau régional de l'UNICEF en Afrique de l'Est et Afrique Australe. Elle a plus de 12 ans d'expérience dans le domaine de la nutrition dans plusieurs pays auprès de l'UNICEF et d'autres organisations.

Les résultats, interprétations et conclusions de cet article n'engagent que leurs auteurs. Ils ne représentent pas nécessairement les vues de l'UNICEF, de ses directeurs exécutifs ou des pays qu'ils représentent et ne devraient pas être attribués à ceux-ci.

Les auteurs souhaitent remercier les donateurs pour leur soutien à ce programme, notamment la Direction générale de la protection civile et des opérations d'aide humanitaire européennes (ECHO), le Bureau d'assistance des États-Unis en cas de catastrophe à l'étranger (OFDA), Food for Peace, et le Département du Développement International Britannique (DfID).

Lieu : Somalie

Ce que nous savons : Les actions visant à améliorer la couverture effective des services de malnutrition aiguë doivent tenir compte des obstacles spécifiques au contexte qui entravent la performance et l'échelle des programmes.

Qu'apporte cet article : Une analyse participative des goulots d'étranglement a été entreprise pour identifier les causes profondes du rendement sous-optimal dans les programmes de prise en charge intégrée de la malnutrition aiguë (PECIMA) en Somalie. Elle a été menée conjointement par l'UNICEF, le PAM et le Cluster Nutrition de Somalie en collaboration avec les autorités sanitaires du Gouvernement Fédéral Somalien, du Puntland et du Somaliland. Les obstacles identifiés au continuum de services MAS/MAM intégrés incluent le manque d'une définition commune et de normes pour l’intégration, l'absence d'un système harmonisé de chaîne d'approvisionnement, des difficultés à recruter et à déployer des ressources humaines pour la nutrition, une couverture géographique limitée des services PACIMA et un engagement insuffisant de la part de la communauté. Le contexte géopolitique et un paysage humanitaire complexe ont contribué aux défis. Depuis, suite aux recommandations, les progrès réalisés ont renforcé l'intégration des services de nutrition au sein des services de santé et l'élaboration d'une stratégie de renforcement des capacités en ressources humaines. Moins de progrès ont été fait dans l'intégration de l'approvisionnement en intrants de nutrition au sein des systèmes de gestion d'information de logistique. Les processus de stratégie, de politique et de plaidoyer en cours en Somalie devraient bénéficier des recommandations issues du rapport.

Contexte

Réduire la malnutrition aiguë (émaciation) fait partie intégrante de la stratégie de réduction de la mortalité infantile et de la réalisation des objectifs de développement durable. Cependant, malgré un investissement considérable pour assurer le passage à l’échelle de la prise en charge intégrée de la malnutrition aiguë (PECIMA), l'émaciation demeure élevée en Somalie. Aussi, réaliser l'objectif mondial qui est de réduire la prévalence de l'émaciation à moins de 5% d'ici 2030 va exiger une stratégie globale pour pouvoir faire face aux causes multidimensionnelles de la malnutrition. Une analyse des goulots d'étranglement (BNA, Bottleneck analysis en anglais) pour la PECIMA en Somalie a été entreprise, conformément aux directives de passage à l’échelle de l'UNICEF, et basée sur le modèle de Tanahashi consistant à évaluer l'efficacité de la couverture des prestations de services de santé publique (Tanahashi, 1978). L’analyse des goulots d’étranglement a permis d’identifier les facteurs déterminants d'une couverture effective des services de PECIMA, y compris l'approvisionnement, les ressources humaines, la couverture géographique, l'utilisation initiale et continue, et la qualité, dans l'objectif d'identifier les causes profondes des performances sous-optimales du programme PECIMA.

Contexte du programme

Les directives somaliennes pour la PECIMA s'inspirent du modèle de prise en charge communautaire de la malnutrition aiguë développé par Valid International et approuvé par l'OMS et l'UNICEF. Les directives PECIMA sont conçues pour contribuer à la stratégie globale pour la réduction de la morbidité et de la mortalité infantile en Somalie. Le programme PECIMA est dirigé par le Ministère de la Santé avec l'appui de partenaires tels que le Cluster Nutrition, les agences des Nations Unies (UNICEF et le Programme Alimentaire Mondial (PAM)) et les organisations non gouvernementales (ONG) locales et internationales. Le programme est composé de quatre piliers :

1. Recherche active des cas : par le biais de volontaires issus de la communauté qui dépistent et contrôlent régulièrement les jeunes enfants afin que les cas de malnutrition soient identifiés tôt et traités immédiatement.

2. Dépistage et triage : les enfants souffrant de malnutrition aiguë modérée (MAM) et de malnutrition aiguë sévère (MAS) sans complications sont traités à domicile, tandis que ceux présentant des conditions médicales graves sont orientés vers les centres de stabilisation situés dans les hôpitaux du district. Lorsqu’ils sortent des centres de stabilisation, les enfants sont renvoyés dans leur communauté où ils seront suivis dans des infrastructures communautaires.

3. Infrastructures communautaires : prestations de soins et de traitements aux enfants et à leurs responsables proche de leur propre communauté par le biais d'un réseau de programmes thérapeutiques ambulatoires (PTA) et de programmes d'alimentation complémentaire ciblés (PACC) en fonction de critères établis.1 Le premier dispense des soins et des traitements aux cas MAS simples, le second traite les cas MAM. Les enfants sortant d'un programme PTA sont envoyés dans un programme PACC où leur statut nutritionnel sera consolidé afin d'éviter une rechute. Au cas où aucun programme PACC n'est disponible, il est conseillé au responsable de l’enfant de le ramener vers un programme PTA si son statut se détériore.

4. Renforcer les capacités et la résilience de la communauté : le programme PECIMA travaille avec les communautés par le biais d’agents de santé communautaires (ASC) formés pour identifier et prévenir la malnutrition aiguë. Ceci contribue à renforcer la participation et l'appropriation du programme.

Méthodes

L’analyse des goulots d’étranglement a consisté en un processus consultatif et participatif conforme à l'objectif de promotion et de renforcement des capacités du gouvernement et des partenaires dans le cadre du passage à l’échelle du traitement de malnutrition aiguë. Ce processus a été mené conjointement par l'UNICEF, le PAM et le Cluster Nutrition de Somalie en collaboration avec les autorités sanitaires du Gouvernement fédéral somalien, du Puntland et du Somaliland. Il a consisté en quatre étapes distinctes (Graphique 1) sur une période de 16 mois (de juin 2016 à octobre 2017).

Graphique 1 : Processus de l'analyse des goulots d'étranglement (BNA)

Définition des standards

Les déterminants de l’offre de service ont été définis comme les intrants nécessaires à la prestation des services PECIMA, subdivisés comme suit : i) disponibilité des intrants (utilisation des intrants traceurs : aliments supplémentaires prêts à l'emploi (ASPE), et aliments thérapeutiques prêts à l'emploi (ATPE) 2 ; ii) ressources humaines (agents de santé basés dans les formations sanitaires) ; et iii) accès géographique et approche communautaire (volontaires communautaires formés). Du point de vue de la demande de services, les facteurs déterminants ont été subdivisés comme suit : a) utilisation ; b) utilisation continue ; et c) couverture effective (qualité) (Tableaux 1, 2 et 3). Alors que les standards Sphere sont calculés à l'aide du dénominateur du nombre réel d'enfants inscrits dans les programmes, les indicateurs d’analyse des goulots d’étranglement sont calculés en fonction du nombre de cas estimés. Cet élément se base sur le principe d'équité, c'est-à-dire que tous les enfants dans le besoin (nombre de cas estimés) devraient recevoir un traitement.

Tableau 1 : Indicateurs et sources des données pour les déterminants de l'offre


Analyse de causalité

Une fois l'analyse initiale établie, trois ateliers de validation de cinq jours ont été organisés au Somaliland, au Puntland et à Mogadiscio. Ces ateliers de validation ont donné lieu à une vérification des goulots d'étranglement au moyen d'une analyse systématique des déterminants de couverture effective.

Tableau 2 : Indicateurs et sources de données pour les déterminants de la demande

Après la phase d'analyse de causalité a eu lieu la mise en place de plans d'action visant à intervenir sur les causes identifiées des goulots d'étranglement. Ainsi, le résultat majeur des ateliers d'analyse de causalité s'est traduit par le développement de plans d'action spécifiques par zones posant des objectifs réalistes et proposant des indicateurs de suivi de l'avancement.

Tableau 3 : Seuils des indicateurs de performance (établis en consultation avec le Ministère de la Santé et les partenaires)  

Résultats principaux et actions clés

À des fins géopolitiques, l'analyse a été basée sur les trois entités administratives du Somaliland, du Puntland et du Gouvernement Fédéral de Somalie. Les graphiques 2, 3 et 4 rapportent les données telles que définies dans les tableaux 1, 2 et 3. Les pourcentages se réfèrent aux indicateurs tels que calculés sur la base des tableaux 1 et 2 ; le code couleur indique les seuils décrits dans le tableau 3.

Somaliland

Concernant la demande, la couverture effective a été jugée médiocre pour la MAM parce que, malgré une bonne utilisation initiale (83,7%), la couverture est passée à 59,8%, soit 23,9 points de plus que le seuil acceptable de < 3% (Graphique 2). Pour la MAS, la couverture effective était modérée, comprise entre 3et 8 points de pourcentage de plus par rapport à l'utilisation initiale. De manière générale, du côté de la demande, le programme PECIMA au Somaliland a une bonne portée et une bonne rétention d'enfants atteints de MAM, avec 83,7% du nombre de cas estimé qui sont admis dans les programmes et 81,3% qui terminent leur traitement. Le programme MAS a une faible couverture, avec seulement 18,7% du nombre de cas estimés qui sont admis pour traitement. L'utilisation continue (rétention dans le programme) était un goulot d'étranglement majeur pour la MAS, comme en témoigne les 18,1% du nombre de cas estimés ayant terminé leur traitement.

Graphique 2 : Goulots d’étranglements de la PECIMA au Somaliland (du 1er septembre 2015 au 31 août 2016)

en traduction - Version française bientôt disponible

Pendant la période de référence, 62% des PTA et 35% des PACC n'ont pas subi de rupture de stock pour les ATPE et les ASPE. Néanmoins, en ce qui concerne les seuils BNA, l'indicateur pour les ASPE était médiocre comparé aux > 80% souhaités d'établissements de santé n'ayant pas connu de rupture de stock. Le même indicateur, cette fois pour les ATPE, était modéré, avec 62% des établissements de santé n'ayant pas subi de rupture de stock par rapport au seuil souhaité de > 80%.

Le manque de prestataires de service formés aux directives PECIMA est un autre problème commun et a été qualifié de médiocre, avec seulement 15% et 36% des ressources humaines formés à la prise en charge de la MAM et de la MAS, par rapport au standard national de > 80%.

La couverture géographique a été jugée bonne et au-dessus des standards nationaux de > 70% pour les services MAM et MAS. Ce niveau de couverture géographique (71% pour la MAM et 79% pour la MAS au Somaliland) peut s'expliquer par l'intégration efficace des deux programmes et par la situation sécuritaire relativement meilleure, permettant ainsi à l'aide humanitaire d'accéder à cette zone. Toutefois, l'utilisation initiale (18,7%) reflète le taux d'accès médiocre de la population aux services de traitement de la MAS.

En matière d’accès décentralisé, seulement 44 %des volontaires sont formés sur la PECIMA. Mais bien que le niveau d’accès décentralisé soit sous-optimal par rapport au seuil (70%), il donne une bonne indication de l'intégration des deux programmes, puisque le même pourcentage de bénévoles a été formé au diagnostic de la MAM et de la MAS.

Actions clés : De manière générale, les parties prenantes ont accepté de développer des plans d'action visant à augmenter la proportion de prestataires de services et d'ASC formés à la PECIMA. Pour ce faire, les causes sous-jacentes du problème sur lesquelles il faut agir comprennent la chaîne logistique médiocre pour les intrants, l'intégration inappropriée des formations MAM et MAS, les rotations élevées du personnel de santé, la supervision inadéquate des volontaires et enfin, la répartition disproportionnée du personnel de santé entre les zones urbaines et les zones rurales difficiles d'accès.

Puntland

La couverture pour le traitement de la MAM et de la MAS a été jugée modérée, puisqu'elle est comprise entre 3 et 8 points de plus par rapport à l'utilisation initiale (Graphique 3). L'utilisation initiale et l'utilisation continue pour la MAM ont toutes deux été jugées bonnes, avec respectivement 87,9% et 86,9%. Pour la MAS, l'utilisation initiale était modérée, avec 41,1%, et l'utilisation continue (rétention dans le programme) était modérée, avec 38,4%.

Du côté de l'offre, les ruptures de stock d’intrants ont souvent été identifiées comme obstacle commun des composantes des deux programmes. Seulement 12% et 49% des PACC et des PTA n'ont pas subi de rupture de stock d’intrants PECIMA. La disponibilité du personnel de santé formés à la PECIMA a été jugée médiocre pour la MAM (17,5%) et modérée pour la MAS (57,7%). L'indicateur d’accès décentralisé pour la MAM et la MAS a été jugé bon, avec 87,5%, démontrant un bon niveau de formation des ASC. Alors que la couverture géographique pour la MAS était modérée avec 67%, le même indicateur pour la MAM était médiocre, avec 46%. La faible augmentation de la couverture géographique peut refléter le dépistage et le suivi inadéquats par les ASC ainsi que la communication inefficace entre le personnel de santé des formations sanitaires et les ASC.

Actions clés : le groupe de travail pour le Puntland a développé un plan d'action pour agir sur les causes profondes, comme l'amélioration de la capacité des prestataires de santé pour gérer la chaîne logistique, la planification, la quantification, le suivi et l’élaboration de rapports. Plus précisément, il est nécessaire d'harmoniser les outils de gestion de la chaîne logistique afin que la nutrition soit intégrée dans le système d'information sur la gestion logistique qui est en cours de développement avec la collaboration du Fonds Mondial. La création d'une base de données visant à identifier et suivre la formation des prestataires de santé et leur répartition adéquate en zones urbaines et en zones rurales a été définie comme priorité. Afin d'améliorer la couverture géographique, le groupe de travail a élaboré un plan visant à intégrer à la fois les cas de MAM et de MAS dans les établissements de santé maternelle et infantile fonctionnels comme priorité immédiate.

Graphique 3 : Analyse des goulots d'étranglement pour la PECIMA au Puntland (du 1er juillet 2015 au 30 juin 2016)

en traduction - Version française bientôt disponible

Gouvernement fédéral de Somalie (FGS)

Du point de vue de la demande, la couverture effective pour le FGS concernant la MAM était médiocre, avec une baisse de plus de 8 points de pourcentage par rapport à l'utilisation initiale (Graphique 4). Le même indicateur pour la MAS a été jugé modéré avec une baisse de 6,7 points par rapport à l'utilisation initiale. L'utilisation initiale et continue pour la MAM dépassait les seuils standards, à 91,6% et 90,3% respectivement. Concernant la MAS, l'utilisation initiale (admissions dans le programme) était modérée à 48,3%, alors que l'utilisation continue (rétention dans le programme) était de 46%.

Du point de vue de l'approvisionnement, les ruptures de stock d’intrants étaient modérées tant pour la MAS que pour la MAM, avec près de 67% de PACC et 56% de PTA n'ayant pas souffert de rupture de stock d'ASPE et d'ATPE respectivement. La disponibilité du personnel de santé formés à la PECIMA et la couverture géographique des services ont constitué un goulot d'étranglement majeur pour la MAM à 19,9% et 43,3% respectivement. Concernant la MAS, la disponibilité du personnel de santé qualifié et la couverture géographique ont été jugées bonnes à 84,7% et 74,9% respectivement.

Bien que l’accès décentralisé pour  la MAS dépassait le seuil national à 80,3%, les admissions dans les programmes des enfants MAS (utilisation initiale) est restée passable à 48,3% comparé aux ≥50% recommandés du nombre de cas de MAS attendus. En comparaison, alors que l’accès décentralisé pour la MAM était jugée modérée à 79,6%, les admissions (utilisation initiale) au programme des enfants concernés était bonne (91,6 %).

Actions clés : Les mesures prioritaires pour remédier aux goulots d'étranglement identifiés comprenaient le renforcement du système de gestion logistique pour prévenir les ruptures de stock d’intrants dans les zones difficiles d'accès. Cela implique d'accroître les capacités des prestataires de service en matière de planification, de quantification, de capacité de stockage et de régulation de stocks. D'autres mesures impliquent d’examiner la couverture actuelle des traitements MAS et MAM en termes d'accès géographique, de développer des plans de services pour toutes les zones accessibles, d'intégrer les traitements MAS et MAM au sein des services sanitaires, et de renforcer l'intégration des formations sur la MAS et sur la MAM.

Graphique 4 : Analyse des goulots d'étranglement PECIMA pour les régions Centre-Sud du FGS (du 1er juillet 2015 au 30 juin 2016)

en traduction - Version française bientôt disponible

Leçons apprises

Leçons apprises en matière de stratégie

Malgré un paysage géographique complexe, la Somalie a réussi à collaborer afin de mener à bien cette analyse des goulots d’étranglement. Tous les intervenants ont accepté d'intégrer des activités spécifiques dans leurs plans de travail afin d'agir sur les causes profondes identifiées.

Alors que le traitement de la malnutrition aiguë est fondé sur l'intégration tout au long du continuum de soins MAM et MAS, les résultats de la l’analyse ont montré une couverture et une intégration sous-optimales des deux composantes du programme. Ceci est illustré par les utilisations différentes des services de MAS et de MAM : si les deux programmes étaient bien intégrés, ils parviendraient aux mêmes résultats. Les principales causes profondes comprennent mais ne se limitent pas à : i) un manque de définition commune et de standards en matière d'intégration, ii) l'absence d'un système harmonisé de gestion logistique pour les intrant de PECIMA, iii) un manque de système centralisé visant à recruter et à suivre le déploiement de ressources humaines pour la nutrition, iv) une couverture géographique limitée des services PECIMA, et v) un engagement communautaire insuffisant dans la PECIMA. Par conséquent, l’analyse des goulots d’étranglement recommande l'élaboration d'une stratégie globale de nutrition3 permettant d'agir sur les causes profondes identifiées.

Contexte géopolitique

Pour surmonter les problèmes inhérents aux sensibilités géopolitiques, l’analyse des goulots d’étranglement a été menée et présentée dans trois zones distinctes : le Somaliland, le Puntland et le Gouvernement Fédéral de Somaie. Bien que cette approche se soit avérée effective à court terme, elle a présenté nombre de défis en matière de logistique et de ressources. Premièrement, l'organisation d'ateliers de lancement et de formation, de diffusion et d'analyse de causalité ont entraîné une surcharge en temps et en coûts. Deuxièmement, l’analyse n'est pas parvenue à atteindre un consensus commun sur la période de référence pour la collecte de données. Alors que le Puntland et le FGS ont convenu d'une période de référence du 1er juillet 2015 au 30 juin 2016, le Somaliland a opté pour une période allant du 1er septembre 2015 au 31 août 2016. Troisièmement, la collecte et l'analyse des données pour les régions divisées entre le Puntland et le Somaliland (régions de Sool et de Sanaag) se sont avérées être un goulot d'étranglement majeur, car les données des districts situés dans ces régions ont été rapportées à la fois par le Puntland et le Somaliland.

Situation humanitaire

Dans l'ensemble, la prestation des services PECIMA en Somalie est confrontée à plusieurs facteurs, notamment le paysage humanitaire complexe, la dynamique des conflits, les sensibilités géopolitiques, les compétences, l'accès aux communautés dans des zones difficilement accessibles, l'évolution démographique, les déplacements de population et la tendance à l'urbanisation. Les situations de conflit et d'insécurité sont plus accentuées dans la région du Centre-Sud, ce qui compromet l'accès humanitaire et, par conséquent, a une incidence négative sur la qualité et la couverture des prestations de services, comme le fait observer cette analyse. En raison d'un accès humanitaire relativement plus aisé au Somaliland et au Puntland, les résultats de l’analyse des goulots d’étranglement ont montré une intégration et un accès géographique relativement meilleurs dans les deux régions en comparaison avec la région Centre-Sud.

Base nationale des données de la PECIMA du Cluster Nutrition

La disponibilité d'une base de données du Cluster Nutrition intégrée pour la MAS et la MAM a permis d'économiser du temps et de l'argent en collectant les données nécessaires à l'analyse. Le mécanisme de coordination performant qui a été mis en place par le Cluster Nutrition a permis la bonne collaboration des partenaires pour collecter et fournir les données manquantes qui n'étaient pas disponibles dans la base de données du groupe. La création de groupes de travail régionaux, chargés de vérifier et de valider les données avant de les remettre au consultant pour être analysées, a renforcé l'appropriation locale du processus et des résultats.

Participation multidisciplinaire

Les facteurs déterminants de la couverture effective de PECIMA touchent un large éventail de disciplines et d'intervenants clés, y compris le Système d'informations sanitaires (SNIS), l'Alimentation du nourrisson et du jeune enfant (ANJE), les donateurs, le Système de gestion logistique et d'information (LMIS), la Communication pour le développement (C4D), les volontaires des collectivités et les représentants des bénéficiaires des programmes. Cette analyse des goulots d’étranglement n'a pas tiré pleinement parti de cette vaste gamme de compétences dans les disciplines inhérentes, car certains des experts n'ont pas pu s'engager à participer aux différents ateliers de zone. Les analyses des goulots d’étranglement futures doivent s'efforcer de faire participer l'équipe pluridisciplinaire pertinente, rassemblant des connaissances techniques diverses en parallèle avec les facteurs déterminants d'une couverture effective : environnement favorable, offre et demande.

Identification des causes profondes des goulots d'étranglement

L’analyse des goulots d’étranglement recommande l'utilisation d'un diagramme de causes à effets (méthode Ishikawa) et de son concept des 5M pour explorer davantage les causes des goulots d'étranglement4. Cependant, en Somalie, cette méthode ne s'est pas avérée très efficace lorsqu'il s'agissait d'encourager les participants à réfléchir différemment. Des défis similaires relatifs à la méthode des 5M ont été signalés dans l’analyse des goulots d’étranglement au Malawi (2014). En raison de la nature critique de cette étape, c'est la méthode de brainstorming (remue-méninges) qui a été utilisée à la place afin de tirer meilleur parti des participants. À l'aide de cartes autocollantes, les participants, groupés par goulot d'étranglement, devaient, individuellement et en fonction de leur expérience, noter une cause fondamentale par carte, jusqu'à cinq causes différentes, inhérentes à un goulot d'étranglement spécifique. Les participants ont réussi à mieux articuler leurs pensées et leurs idées et à participer plus activement lorsqu'ils étaient encouragés à écrire et à s'exprimer en langue somali. Au cours des sessions plénières, les cartes ont été accrochées au mur puis regroupées par thèmes communs traduits en anglais avec l'aide d'un animateur qualifié.

Recommandations

Stratégie de passage à l’échelle de la PECIMA et plan d'action opérationnel chiffré

Cette analyse des goulots d’étranglement fait partie d'une stratégie plus large en Somalie visant à passer à l’échelle les programmes de PECIMA, qui comprend l'ONA5 (le tableau de bord numérique du système de gestion de l'information), le plan de rationalisation III, la stratégie du Développement des capacités des ressources humaines et la géolocalisation. La stratégie de passage à l’échelle des programmes de PECIMA et le plan opérationnel chiffré correspondant devraient définir les actions spécifiques nécessaires pour résoudre les goulots d'étranglement liés aux ruptures de stock fréquentes (une analyse de la chaîne logistique et un plan ont été initiés), au nombre insuffisant de prestataires de services qualifiés, au faible  accès géographique aux services, et à la demande et l'utilisation sous-optimales des services.

Objectifs à court terme

Tandis que la stratégie de passage à l’échelle et les plans opérationnels chiffrés sont en cours de développement, le Ministère de la Santé et les partenaires peuvent mettre en place des actions pour lever les goulots d’étranglement identifiés afin d'obtenir des résultats rapides, notamment l'amélioration et l'intégration des données nécessaires dans les systèmes institutionnels existants, y compris les bases de données SNIS et LMIS. De plus, le développement d'un tableau de bord pour les ressources humaines est essentiel pour assurer le déploiement et le suivi pour une répartition équitable des équipes qualifiées. Le déploiement du DHIS-2 en Somalie donne l'opportunité d'atteindre cet objectif.

Situation des ressources humaines pour la nutrition

Les effectifs actuels de personnels de nutrition sont largement utilisés par les acteurs humanitaires, dont la capacité à attirer et recruter du personnel qualifié dépend en grande partie des financements par les bailleurs de fonds. Même si ce problème peut être résolu à court terme par des formations régulières, l'important turn-over des équipes des ONG, due aux fluctuations de ces financements, limite considérablement la mise en place d'une solution durable. Une stratégie de renforcement des capacités des ressources humaines à long terme est donc essentielle, comprenant l'intégration de la PECIMA dans le curriculum de formation initiale ainsi qu'un système de recrutement, de rétention et de suivi du déploiement équitable des personnels formés, tant en zones urbaines qu'en zones rurales. Afin de garantir une formation continue et un renforcement des capacités durables, l’analyse des goulots d’étranglement recommande la création de centres d'excellence dans le domaine de la PECIMA, en collaboration avec les institutions académiques.

Le concept d'intégration de la PACC et de la PTA

Idéalement, le traitement de la MAM et de la MAS devrait avoir lieu dans un continuum de soins, garantissant donc le transfert simple et efficace des patients à travers les différentes composantes du programme. Cependant, il n’existe pas de directive standard sur ce qu’implique l'intégration. Ce manque d'intégration a conduit au développement et à la recommandation de standards minimums pour la fourniture de services intégrés (voir Graphique 5).

Graphique 5 : Exigences minimales pour l'intégration de la MAM et la MAS

en traduction - Version française bientôt disponible

Conclusions

Depuis que cette analyse a été conduite, les progrès sur les recommandations ont été plus lents que prévu à cause de la réponse à la situation de pré-famine de 2017-2018, qui a été traitée en priorité par rapport à d'autres activités prévues. Néanmoins, même au cours de cette phase, de nets progrès ont été enregistrés quant à l'intégration des traitements de la MAM et de la MAS, puisqu'en 2019, une majorité de sites de nutrition proposait les deux interventions, avec au moins un partenaire (bien que, dans certains cas, cette action était menée dans des établissements adjacents). L'intégration des services de nutrition dans les services de santé a elle aussi nettement progressé, garantissant une efficacité plus grande. Par exemple, dans le projet conjoint PAM/UNICEF au sud, appuyé par le KfW (fonds allemand de développement), tous les PACC et PTA ont été intégrés et gérés par le partenaire. Au nord, environ 75% des établissements PECIMA ont été intégrés.

De plus, une stratégie pour un développement des ressources humaines à long terme a été finalisée (bien que la dépendance des ONG soit plus élevée que jamais, à cause des budgets limités attribués par le Ministère Fédéral de la Santé pour soutenir la mise en place de la stratégie). Le concept d’un centre d'excellence pour la formation reste une piste très intéressante pour le Gouvernement Fédéral de Somalie, avec le soutien du mouvement SUN basé dans le cabinet du Premier ministre. Un business plan chiffré pour ces centres d’excellence est en cours de rédaction ; bien que la mise en place sera sans aucun doute à nouveau retardée par le manque de ressources durables et fiables. La formation reste la compétence des agences des Nations Unies, tant sur le plan financier qu'opérationnel, même si elle est sous le leadership du Ministère Fédéral de la Santé.

L'intégration des données de nutrition dans la base DHIS-2 a récemment enregistré de nets progrès, sous la direction du Gouvernement fédéral de Somalie. Les parties prenantes dans le secteur de la nutrition ont organisé des ateliers détaillés de révision des données actuelles de nutrition pour pouvoir éventuellement les intégrer au système DHIS-2, alignant ainsi leur travail avec les activités du secteur de la santé, qui organise lui aussi des activités de révision. L'intégration totale de l'ONA dans le système DHIS-2 est prévue au plus tard pour le quatrième trimestre de 2019.

Des progrès moins nets ont été enregistrés sur l'intégration de l'approvisionnement nutritionnel dans le Système de gestion logistique et d'information (LMIS), bien que, une fois encore, le secteur de la nutrition peut tirer profit du travail du secteur de la santé en s'alignant sur son budget et son agenda.

De manière générale, cet exercice a montré qu'il était tout à fait possible de mettre en place des analyses des goulots d’étranglement tant pour la MAM que pour la MAS en situations humanitaires. Les partenaires sont invités à intégrer leurs recommandations de ce rapport à leurs plans d'action respectifs. Les stratégie, politique et processus de plaidoyer ci-après devraient également tirer parti des recommandations de ce rapport : (i) un cadre de réhabilitation et de résilience multisectoriel comprenant des sources de financement ; (ii) un plan national de développement ; (iii) un cadre commun de résultats pour le mouvement SUN ; (iv) une stratégie commune pour les chaînes logistiques de santé et de nutrition ; (v) des directives PECIMA ; et (vi) le développement d'une stratégie de nutrition pour la Somalie.

Pour en savoir plus, veuillez contacter John Ntambi.


Footnotes 

1Critère d'admission PTA : Œdème bilatéral + OR ++ et/ou mesure du périmètre brachial (PB) < 115 mm et/ou score z du rapport poids-taille (P/T) <-3 et réussite du test d'appétit et absence de complications médicales. Critère de décharge PTA : P/T > -2 ; PB > 125 mm et absence d'œdèmes lors de deux visites consécutives (= soigné) ; absence pour trois visites consécutives (= abandon). Critère d'admission PACC : Absence d'œdème bilatéral ; PB ≥ 115 mm - <125 mm; P/T ≥ -3 - < -2. Critère de décharge PACC : P/T -2 ; et PB > 125 mm pour deux visites consécutives (= soigné) ; absence pour trois visites consécutives (= abandon).

2Le lait thérapeutique n'est pas compris dans l'analyse ; le consensus visait à se concentrer uniquement sur les ATPE et les ASPE comme intrants de référence.

3Lors de la rédaction de ces lignes, la stratégie a commencé à être développée, la procédure ayant été ralentie à cause de la priorité donnée à la réponse de pré-famine en Somalie.

4Il s'agit d'un outil BNA utilisé dans l'analyse des causes des problèmes de santé publique : www.cms.gov/medicare/provider-enrollment-and-certification/qapi/downloads/fishbonerevised.pdf

5ONA est une marque pour le système en ligne de reporting des Clusters


Références

Tanahashi, T. (1978) Health service coverage and its evaluation. Bull World Health Organ. 1978;56(2):295-303.

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