Expériences du HCR pour faciliter la continuité de la prise en charge de la malnutrition aiguë dans la région de l'Afrique de l'Est, la Corne de l'Afrique et les Grands Lacs
Par Naser Mohmand
Naser Mohmand est actuellement Responsable régional au HCR pour la nutrition et la sécurité alimentaire dans la région de l'Afrique de l'Est, la Corne de l'Afrique et les Grands lacs (EHAGL). Spécialiste en nutrition, Naser est titulaire d'une maîtrise en santé publique (Nutrition) et compte 23 ans d'expérience dans des postes techniques et d'encadrement dans des situations d'urgence et post-urgence auprès de plusieurs organisations humanitaires internationales en Asie et en Afrique, ainsi qu'au siège du HCR à Genève.
Le Centre de services régional du HCR tient à saluer son partenariat et à sa collaboration avec les autres agences des Nations Unies et les ONG nationales et internationales, ainsi qu'avec les gouvernements et les communautés dans la région qui ont si généreusement accueilli les réfugiés.
Lieu : Région de Afrique de l'Est, la Corne de l'Afrique et les Grands Lacs (EHAGL)
Ce que nous savons : Le traitement de la malnutrition aiguë est une composante fondamentale de la stratégie mondiale du HCR en matière de santé publique et, plus largement, un élément essentiel de son mandat de protection.
Qu'apporte cet article : On estime à 5,21 millions le nombre de réfugiés et de demandeurs d'asile dans la région EHAGL. La prévalence de la malnutrition aiguë globale (GAM) demeure élevée ; 20 % des camps de réfugiés dépassent le seuil d'urgence (>15%). La gestion en matière de malnutrition aiguë du HCR consiste en une prise en charge à base communautaire de la malnutrition aiguë (PCMA), la protection, la promotion et le soutien de l'alimentation du nourrisson et du jeune enfant (ANJE), ainsi que des activités multisectorielles. Ceci implique une collaboration étroite avec les programmes de santé publique et de nutrition existants dans les communautés accueillant les réfugiés, les organismes des Nations Unies et les partenaires d'exécution. Par le biais d'accords nationaux et internationaux, l'UNICEF approvisionne les programmes de traitement de la malnutrition aiguë sévère (MAS), et le Programme Alimentaire Mondial (PAM) soutient et approvisionne les programmes d'alimentation complémentaires ciblés et généraux. Dans les camps de réfugiés, la plupart des services pour le traitement de la malnutrition aiguë sévère (MAS) et modérée (MAM) sont mis en place de manière conjointe avec un seul partenaire d'exécution. La continuité des traitements se heurte à des ruptures dans les chaines d'approvisionnement d'aliments nutritionnels (compensés par les stocks de contingence du HCR), à la faible capacité des systèmes de santé locaux, au manque de programmes MAM nationaux, et aux insuffisances de l’assistance alimentaire et non-alimentaire. Un financement approprié, un approvisionnement régulier et un soutien technique continu au moyen d'une approche inter-institutions collaborative sont essentiels pour répondre aux besoins complexes et persistants dans la région.
Contexte
Le déplacement est un choc majeur qui entraine souvent une perte de moyens de subsistance, de droits, une insécurité alimentaire, une alimentation du nourrisson et du jeune enfant (ANJE) sous-optimale et la morbidité liée à des problèmes d'environnement, d'hygiène et de logement. Par conséquent, la sous-nutrition sous toutes ses formes, y compris l’émaciation, le retard de croissance et les carences en micronutriments, est très répandue parmi les populations de réfugiées. Maintenir une alimentation adéquate et lutter contre la malnutrition font partie intégrante du mandat du HCR en matière de protection, concernant notamment les réfugiés femmes et enfants qui constituent la majorité (81%) de la population de réfugiés. Concernant la nutrition et la sécurité alimentaire, et conformément à sa stratégie mondiale en matière de santé publique, le HCR s'efforce de lutter contre la malnutrition et les carences en micronutriments, de traiter la malnutrition et de fournir des informations de sécurité alimentaire et de nutrition à jour afin d’effectuer une programmation efficace.
La Déclaration de New York pour les réfugiés et les migrants a été adoptée en 2016, réaffirmant l'importance du régime international de protection des réfugiés. Elle contient un large éventail d'engagements émanant d'États membres venus renforcer et améliorer les mécanismes de protection envers les populations déplacées. C'est sur cette base que le Cadre d'action globale pour les réfugiés (CRRF en anglais)1 a été lancé pour forger une réponse plus forte et plus juste aux grands mouvements de réfugies et aux situations de déplacements prolongés. Le Pacte mondial sur les réfugiés (GCR en anglais) et le CRRF ont pour principe fondamental de reconnaître l'importance du soutien aux communautés accueillant un grand nombre de réfugiés et d'encourager l'inclusion et l'intégration des réfugiés dans les systèmes nationaux. Ceci exige l'engagement des acteurs de développement dès le début de l'intervention, en réunissant les autorités nationales et locales avec les acteurs internationaux, du secteur privé et de la société civile afin de générer une approche intégrée de la réponse aux réfugiés pour l'ensemble de la société. A ce jour, six pays de la région (Djibouti, Éthiopie, Kenya, Somalie, Ouganda et Rwanda) ont appliqué le principe du CRRF.
Le HCR travaille en collaboration avec les ministères nationaux concernés (tels que les départements d'affaires relatives aux réfugiés, les ministères de la santé et de l'éducation), d'autres organismes des Nations Unies (tels que le Programme Alimentaire Mondial (PAM), l'Organisation mondiale de la santé (OMS), l'UNICEF, l'Organisation pour l'alimentation et l'agriculture (FAO), le Bureau de la coordination des affaires humanitaires (OCHA) et le Fonds des Nations Unies pour la population (FNUAP)), et les organisations non-gouvernementales nationales et internationales (ONG). Le HCR travaille également en partenariat avec d'autres organismes afin d'assurer la disponibilité, l'accès, l'intégration et la durabilité de services de qualité dans les domaines de la santé publique et de la nutrition pour les réfugiés et les personnes concernées. Les mémorandums et les lettres d'accord régissent et informent les modalités convenues avec les autres agences des Nations Unies, les partenaires coopérants et les gouvernements, le cas échéant, pour fournir des services aux personnes relevant de la protection du HCR.
Opérations relatives aux réfugiés dans la région de l'Afrique de l'Est, la Corne de l'Afrique et les Grands Lacs (EHAGL)
Exacerbés par l'insécurité alimentaire, les conflits en cours ont entraîné des déplacements en masse dans la région EHAGL, avec 5,21 millions de réfugiés et de demandeurs d'asile dans la région, dont environ 81% sont des femmes et des enfants. La plupart des réfugiés dans la région sont originaires du Soudan du Sud d'où ont fui environ 2,3 millions de personnes, avec de nouveaux afflux continus vers les pays voisins. Des afflux massifs de réfugiés proviennent de la République Démocratique du Congo (RDC), de Somalie, du Burundi, de la République Centrafricaine, du Soudan, de l'Érythrée et du Rwanda. En outre, la région accueille environ 12,4 millions de personnes déplacées à l'intérieur de leur propre pays.
La nutrition et l'insécurité alimentaire demeurent des préoccupations majeures dans la région en raison de conflits et de l'insécurité actuels, de la sécheresse prolongée et de l'augmentation des prix des denrées alimentaires. Des situations d'autant plus exacerbées quand les populations sont forcées de fuir leur foyer soit à l'intérieur du pays soit en traversant les frontières. Le HCR mène régulièrement des enquêtes étendues standardisées sur la nutrition (SENS en anglais)2 à travers la région. Les niveaux de malnutrition aiguë globale (MAG) parmi les populations de réfugiés dans la région sont généralement élevés. En 2017/18, environ 46 camps sur 74 (62%) étaient conformes aux normes du HCR (GAM <10%), alors que 15 sur 74 (20%) étaient au-dessus du seuil d'urgence (≥15%). Cependant, les enquêtes du HCR dans 10 pays (Burundi, Djibouti, Érythrée, Éthiopie, Kenya, Soudan, Soudan du Sud, Tanzanie, Rwanda et Ouganda) en 2017/18 révèlent des améliorations considérables des principaux indicateurs de nutrition (y compris le retard de croissance chez les enfants et l'anémie chez les enfants et les femmes en âge de procréer) comparé à 2015/16 (Tableau 1). Les améliorations sont dues au renforcement du dépistage nutritionnel (recherche active de cas parmi les réfugiés nouvellement arrivés) ; l'amélioration du suivi et de l'évaluation de la nutrition ; l’élaboration et la mise en œuvre du cadre d'action plurisectoriel du HCR pour l'ANJE (2017/18) ; la formation et le renforcement des capacités du HCR et de ses partenaires en matière de prévention et de gestion de la malnutrition ; le renforcement des interventions de prévention ; et le renforcement du partenariat et de la collaboration aux niveaux régionaux et nationaux entre le PAM, l’UNICEF, l’OMS et la FAO, notamment un programme régional de travail des HCR/PAM et un cadre régional de collaboration entre le HCR et l’UNICEF.
Tableau 1: Pourcentage de sites de réfugiés du HCR atteignant les objectifs et les seuils définis dans la région de l'EHAGL 2015/2016 par rapport à 2017/2018
Approche du HCR en matière de gestion de la malnutrition aiguë
La prévention, la détection, le référencement et le traitement de la malnutrition aiguë sont des éléments clefs du programme mondial de nutrition pour la santé publique du HCR. Cela implique une prise en charge communautaire de la malnutrition aiguë (PCMA) ; la protection, la promotion et le soutien de l'ANJE (encadré 1) ; et les activités multisectorielles (encadré 2 et graphique 2). Des liens étroits et des mécanismes de référencement existent entre chaque élément de la PCMA, ainsi qu’avec d’autres interventions (soins de santé, soins prénatals, soins postnatals et programme élargi de vaccination, avec référencement vers les hôpitaux de district et régionaux si nécessaire).
Le HCR travaille en étroite collaboration avec les programmes nationaux de santé et de nutrition existants dans les communautés qui accueillent des réfugiés dans la région. Pour traiter la malnutrition, le HCR fournit des services dans les camps de réfugiés ou par le biais de programmes nationaux, en fonction du contexte ; toujours selon les principes de la PCMA et conformément aux directives nationales pertinentes ou, en leur absence, aux directives de l'OMS.
Figure 1 : Réfugiés et demandeurs d'asile dans la région EHAGL (Données HCR, Mars 2019)
Ceci est uniquement disponible en anglais - désolé pour tout inconvénient causé
Figure 2 : Organigramme du programme de nutrition de l'opération d'aide aux réfugiés dans la région EHAGL
Le HCR collabore étroitement avec d'autres agences des Nations Unies. La collaboration avec le PAM s’inscrit dans le cadre d’un mémorandum d'accord global signé en 2011. Dans les camps de réfugiés, le PAM soutient l’assistance alimentaire générale, les programmes d’alimentation complémentaire ciblés (PACC) pour le traitement de la malnutrition aiguë modérée (MAM) en fournissant des aliments supplémentaire prêts à l’emploi (ASPE) ou des Super Cereals ++ et des programmes d’appui nutritionnel supplémentaire général (PASG ou BSFP en anglais) pour les enfants âgés de 6 à 23 mois ou de 6 à 59 mois ainsi que les femmes enceintes ou allaitantes, en fonction des besoins locaux et des ressources disponibles. Le partenariat avec l'UNICEF s'inscrit dans le cadre d'une lettre d'entente globale signée en 2015, d'un cadre de collaboration régionale (2018/19) et de lettres d'entente à l'échelle nationale pour la fourniture de services. L’UNICEF fournit les produits d’alimentation thérapeutique (aliments thérapeutiques prêts à l’emploi, ATPE) et des laits thérapeutiques (F75 et F100) pour le traitement de la malnutrition aiguë sévère (MAS) chez les patients hospitalisés (centres de stabilisation, CS) et en ambulatoire (programmes thérapeutiques ambulatoires, PTA). Le HCR fournit les médicaments nécessaires (vitamine A, acide folique, vermifuge et amoxicilline) pour le traitement systématique des cas de MAS et de MAM dans les PACC et les PTA.
En partenariat avec l'UNICEF, le PAM, l'OMS et le Ministère de la santé national, le HCR organise régulièrement des sessions de formation technique et de coaching pour renforcer les capacités du personnel de santé et de nutrition dans le système de santé national et de ses partenaires. La formation inclut généralement la nutrition dans les situations d'urgence, l'ANJE en situation d'urgence, le cadre d'action multisectoriel de l'ANJE et la PCMA. Une supervision conjointe (HCR/UNICEF/PAM/partenaires d’exécution et Ministère de la santé) est menée dans la région dans le cadre de plusieurs opérations en faveur des réfugiés (notamment en Ouganda, en Éthiopie et au Kenya).
Tous les programmes de nutrition et santé publique appuyés par le HCR sont planifiés, évalués, suivis et analysés à l'aide de données de qualité sur la santé et la nutrition, collectées et interprétées conformément aux directives du HCR.3 Le système d’information de santé du HCR est actuellement disponible en deux versions : une pour les camps et l’autre pour les zones extérieures aux camps (urbaines et rurales). Le système d'information de santé est utilisé pour collecter des informations sanitaires normalisées auprès des partenaires et pour compiler des données sur la mortalité afin de contribuer à la conception, au suivi et à l'évaluation de programmes dans le but de fournir des informations fiables pour le suivi de programmes et l'élaboration des politiques.
Encadré 1: Cadre d’action multisectoriel pour l’ANJE auprès des populations réfugiées
Le « Cadre d’action multisectoriel du HCR pour l’ANJE auprès des populations réfugiées », déployé dans la région en décembre 2018 dans les pays prioritaires (Ouganda, Kenya, Soudan et Éthiopie), fournit des orientations aux responsables et aux personnels techniques de tous les secteurs sur les éléments à prendre en compte pour créer un « environnement ami des nourrissons et des jeunes enfants » et permettre une ANJE optimale pour les réfugiés. Le cadre encourage spécifiquement la protection des femmes enceintes et allaitantes (FEA), des nourrissons et des jeunes enfants grâce à l'intégration multisectorielle d'activités relatives à l'ANJE en tirant parti de tous les points de contact avec les FEA, les jeunes enfants et les personnes qui s'occupent d'enfants.
Encadré 2: Interventions du programme de nutrition du HCR
Interventions préventives :
- Un programme à base communautaire par le biais d’un réseau d’agents de proximité et de volontaires, comprenant : le dépistage, la détection et le référencement nutritionnels (« recherche active de cas ») ; la sensibilisation de la communauté sur la prévention de toutes les formes de malnutrition ; la protection, promotion et soutien des pratiques ANJE par le biais de groupes de sensibilisation et de soutien de mère à mère, de démonstrations culinaires et le suivi des cas MAS, MAM et FEA au niveau communautaire.
- Le suivi et la promotion de la croissance dans certaines opérations pour réfugiés (en fonction de la structure et de la disponibilité des ressources).
- Les PASG préventifs pour les enfants de 6 à 23 mois ou de 6 à 59 mois et FEA (en fonction du contexte et des ressources disponibles)
- Le suivi des cas guéris sortis des PTA et la fourniture d'un soutien nutritionnel pour éviter les rechutes.
- Un soutien nutritionnel aux cas de VIH et de tuberculose (selon le contexte et les ressources disponibles).
- Un programme de jardinage à domicile à petite échelle pour les familles (selon le contexte et les ressources disponibles).
Interventions curatives :
- Le PACC pour la gestion des cas de MAM en utilisant des rations sèches à emporter.
- Le PTA pour la gestion des cas de MAS sans complications médicales.
- Les programmes thérapeutiques en hospitalisation (Centre de stabilisation dans des formations sanitaires) pour la prise en charge des cas de MAS avec complications médicales.
Continuum des soins de la malnutrition aiguë
Prestation de services
Le HCR cherche à assurer la continuité des soins destinés aux enfants souffrant de malnutrition aiguë. Cela comprend la garantie d’une localisation unique du Centre de stabilisation, du PTA, du PACC et du PANS, ainsi que l’harmonisation des systèmes pour maximiser leur efficacité autant pour les prestataires de services que pour les bénéficiaires. Le tableau 2 montre la localisation unique des services telle que réalisée dans les camps de réfugiés de la région. Le HCR sélectionne des partenaires nationaux et internationaux réputés pour mettre en œuvre des interventions nutritionnelles préventives et curatives dans le cadre d'accords de partenariat. La sélection de partenaires tient compte de l'expertise du secteur, de l'expérience du programme, des connaissances locales, des bonnes relations avec les communautés et des antécédents de mise en œuvre efficiente et efficace. Dans presque toutes les opérations à destination de réfugiés dans cette région, la gestion des cas de MAS et de MAM est sous la responsabilité d’un seul partenaire de projet. Cependant, si plusieurs partenaires sont impliqués, le HCR veille à mettre en place des liens solides et des mécanismes de référencement efficaces.
Conformément au CRRF, le HCR intègre autant que possible les programmes de nutrition et de santé destinés à la population de réfugiés dans les programmes de santé et de nutrition existants au préalable dans les pays qui accueillent des réfugiés. L’Ouganda en constitue un exemple, avec un plan national d’intervention sanitaire pour les réfugiés et les communautés d’accueil qui a été élaboré et mis en œuvre de manière intégrée.
Continuité de l'approvisionnement
Étant donné les urgences en cours et les nouveaux afflux de réfugiés dans la région, la planification des mesures d’urgence est un élément essentiel des opérations du HCR et des plans régionaux d’aide aux réfugiés (RRRP en anglais). Dans le cadre de la planification des mesures d’urgence et pour faire face aux ruptures d’approvisionnement et les situations d’urgence soudaines, le HCR s’approvisionne également directement en stocks d’urgence de produits nutritionnels (ASPE, ATPE) dans le cadre d’opérations en faveur des réfugiés (par exemple, à Dollo Ado et Gambella en Éthiopie, à Kakuma et à Dadaab au Kenya et en Ouganda) et dispose de stocks tampons à certains endroits. En outre, le HCR s’approvisionne parfois en produits nutritionnels spéciaux (tels que des ASPE et des poudres de micronutriments) afin de réduire les carences en micronutriments et la malnutrition chez les populations de réfugiés (en fonction du contexte et des fonds disponibles). La présence de RRRP, la planification d'urgence au niveau des pays et une coordination renforcée entre les partenaires ont empêché des ruptures de stocks majeures dans l'approvisionnement d'ASPE et d'ATPE lors des opérations en faveur des réfugiés.
La gestion de l'information
Le HCR a récemment révisé et mis à niveau son système d’information sanitaire en « Système intégré d’information sur la santé des réfugiés » (iRHIS) afin d’harmoniser la collecte et l’analyse de données pour tous les programmes sectoriels (santé, nutrition, VIH, santé reproductive, programme élargi de vaccination). Pour les programmes de nutrition, des informations sont désormais collectées sur chaque composante, notamment le dépistage par le périmètre brachial, le suivi de la croissance, les programmes dans les centres de stabilisation, PTA, PACC et PASG, à l'aide de feuilles de pointage hebdomadaires et de rapports mensuels. Les indicateurs de performance comprennent des données ventilées par sexe et par groupe d’âge : nombre d’enfants dépistés, nombre de cas de MAS et de MAM identifiés et référés, nouvelles admissions de cas de MAS et de MAM, cas de rechute, cas de guérison, abandons, décès, transferts, durée du séjour et gain de poids pour les cas de SAM et de MAM. En partenariat avec ses partenaires dans la région, le HCR prévoit de tester un projet de numérisation des dossiers de nutrition individuels afin de permettre de suivre les dossiers et les enfants dans le cadre des différentes composantes d'un programme de nutrition (dépistage, orientation / admission / entrée ou sortie d'un PTA, d'un centre de stabilisation, de PACC et PASG).
Tableau 2: Cartographie par le HCR des services de traitement des MAS et des MAM dans des opérations avec des réfugiés 2017-2018
Défis et contraintes
Insuffisances de l’assistance alimentaire et non-alimentaire
La sécurité alimentaire des ménages est essentielle pour prévenir la malnutrition et assurer le rétablissement durable des cas traités. Le nombre croissant de réfugiés dans le besoin et les ressources disponibles limitées pour faire face aux besoins alimentaires et non-alimentaires constituent un défi majeur pour les opérations d’assistance aux réfugiés dans la zone couvrant la corne de l'Afrique et la région des Grands Lacs. En raison de l'insuffisance des fonds en 2018, le HCR et le PAM n'ont pas été en mesure de fournir l'aide alimentaire recommandée (2 100 kcal/p/j) aux réfugiés et une assistance non-alimentaire adéquate dans la région, ce qui a entraîné de sérieuses réductions des rations alimentaires des réfugiés dans différents pays de la zone. Le panier alimentaire quotidien a été réduit de 20 à 40% en Éthiopie ; 50% pour les anciens réfugiés en Ouganda ; 25% au Rwanda ; 27% en Tanzanie ; 10-20% à Djibouti ; 30% au Soudan du Sud et 30% au Kenya. Il y a eu également des interruptions dans la distribution de nourriture au Soudan. Cependant, à la suite d'un plaidoyer commun en 2019 et à la réponse des donateurs, l'aide alimentaire a été rétablie à 100% en Ouganda, en Tanzanie et au Rwanda. Comme le montrent les enquêtes SENS, les restrictions alimentaires ont eu un impact négatif sur la sécurité alimentaire et la nutrition des réfugiés, les forçant à utiliser à court-terme, pour satisfaire leurs besoins essentiels, des stratégies d'adaptation négatives, tels que sauter des repas ou réduire la taille des portions lors des repas ; vendre des biens ; contracter des emprunts avec intérêts ; faire travailler des enfants et participer à des activités dangereuses et nuisibles. En outre, le HCR n’a pas été en mesure de fournir une assistance suffisante en produits non-alimentaires, ce qui a entraîné une pénurie de bois de chauffe pour la cuisine, de citernes d’eau et de savon ; un accès réduit aux latrines pour tous les ménages et des abris inadéquats dans certains des sites de réfugiés de la région. Ces facteurs augmentent le risque de problèmes liés à la protection chez les femmes et les enfants réfugiés. Une assistance insuffisante prolongée contribuera probablement à une augmentation de la prévalence de la malnutrition aiguë et des carences en micronutriments parmi les populations de réfugiés.
Produits pour le traitement de la malnutrition aiguë
Les problèmes dans la chaîne d'approvisionnement peuvent compromettre le continuum du traitement de la malnutrition aiguë. L'approvisionnement en produits de nutrition pour le traitement de la MAS et de la MAM et la prévention grâce au PASG dans les programmes à destination des réfugiés ont rencontré des difficultés. Par exemple, en raison de l'insécurité et de l'accès limité à certains sites de réfugiés au Soudan du Sud, l'approvisionnement et la livraison de produits nutritionnels ont pris du retard. Dans certains pays de la région, les capacités limitées de la chaîne d'approvisionnement du programme national de nutrition ont entraîné des retards dans la livraison des produits nutritionnels, nécessitant de ce fait l'intervention du HCR (par exemple, en Éthiopie, le HCR est intervenu pour recevoir des fournitures d'aliments thérapeutiques à Addis-Abeba et organiser le transport sur les sites de Gambella, Dollo Ado et d’autres lieux). Des problèmes similaires ont été rencontrés à Djibouti, en Érythrée, au Soudan, au Soudan du Sud, au Rwanda et en Ouganda. Dans certains cas, cela est dû à la demande tardive et inadéquate des produits de nutrition du programme de nutrition du district et du sous-district au programme national de nutrition au niveau de la capitale. Les déficits de financement aux niveaux mondial et régional ont également compromis l'offre et la livraison adéquates de produits nutritionnels pour le traitement des MAS et des MAM et pour la prévention grâce au PASG au sein de la population de réfugiés et des communautés hôtes en 2019.
Système de santé et capacité des partenaires
L'assurance d'un continuum de traitement est compromise lorsque le système de santé existant est inadéquat, généralement en raison de ressources humaines, de capacités, de stocks de médicaments essentiels, de supervision et de suivi limités. Le HCR est confronté à des difficultés persistantes en matière de capacité des systèmes de santé dans la région, tant dans le pays d’origine des réfugiés (Soudan du Sud, Somalie, RDC, Burundi, Soudan, Érythrée et Rwanda) que dans les pays d’asile (Ouganda, Éthiopie, Kenya, Tanzanie et Djibouti). Dans certains contextes où la présence d'organisations non gouvernementales internationales, telles que l'Érythrée, est limitée ou nulle, il est difficile de trouver un partenaire local doté de bonnes capacités et de bonnes ressources.
La survenue d’épidémies rappelle le besoin que les services de santé et de nutrition soient intégrés ou étroitement harmonisés. Les réfugiés sont vulnérables au choléra et à la diarrhée sanguinolente dans les situations d'extrême urgence. Les épidémies exercent une pression supplémentaire sur les interventions en cours dans les domaines de la santé et de la nutrition dans les camps de réfugiés et les communautés d’accueil de réfugiés car le nombre de cas de morbidité augmente, ce qui complique la gestion de la malnutrition aiguë.
Accès limité aux programmes de nutrition nationaux
Des problèmes se posent pour les réfugiés qui n'ont pas accès aux programmes nationaux disponibles sur place, et pour les ressortissants là où les services dans les communautés d'accueil sont inexistants. Dans certaines situations, le pays d'accueil peut ne pas autoriser l'accès ou l'intégration des réfugiés dans le système national. En ce qui concerne les ressortissants, les cas de MAS dans les communautés d'accueil entourant les camps de réfugiés peuvent facilement avoir accès aux services du centre de stabilisation et de PTA au sein des camps. Cependant, il n'existe peu ou pas de possibilité pour le référencement ultérieur et de suivi pour les cas de MAS qui sont déchargés vers la communauté d'accueil. Dans la plupart des communautés accueillant des réfugiés, il n'existe peu ou pas de programme de traitement pour les cas de MAM. Un défi connexe est le dépistage nutritionnel limité pour la recherche active et le référencement de cas de malnutrition aiguë au niveau communautaire dans les communautés accueillant les réfugiés.
Divergence des directives nationales pour les critères d'admission et décharge
Le HCR et ses partenaires de mise en œuvre appliquent les directives standard de nutrition pour le dépistage, le référencements et le traitement des cas de MAS et de MAM, y compris l'utilisation du rapport poids-taille (Z-score du P/T < -2SD) et du PB (<125mm) comme critères d'admission indépendants. Les conclusions des enquêtes régionales étendues standardisées sur la nutrition (SENS) du HCR en 2017 (selon les critères standards) indiquaient que, dans environ 84% des camps de réfugiés, la prévalence de malnutrition aiguë était deux à quatre fois plus élevée sur la base des critères P/T (<-2SD) par rapport à l’utilisation du PB (<125mm) ; le contraire était le cas dans 16% des enquêtes. Ces conclusions indiquent qu’une proportion et un nombre considérables d'enfants répondant au critère du P/T éligibles pour un traitement seraient exclus si seul le critère du PB était utilisé. Pour cette raison, le HCR préconise et continue d'utiliser le P/T et le PB comme critères indépendants pour le dépistage, le référencement et le traitement de la malnutrition aiguë et la planification de programmes dans les camps de réfugiés. Cependant, dans la plupart des pays de la région, seul le PB est recommandé pour le dépistage et l'orientation, conformément aux directives nationales en matière de nutrition. Ceci réduit les couvertures d'admission des cas de MAS et de MAM dans les programmes alimentaires et suscite des inquiétudes pour la majorité des cas identifiés via le P/T seulement et qui ne reçoivent pas de traitement.
Débat et conclusions
L'expérience du HCR dans la région témoigne d'un impact positif considérable des interventions inter-institutions et multisectorielles en matière de nutrition sur l'état de santé général et le bien-être nutritionnel des réfugiés et des autres personnes concernées. Cependant, compte-tenu du contexte très difficile de cette région, avec des urgences humanitaires aiguës et chroniques, les besoins restent énormes en matière de continuité et d’augmentation des financements, de soutien technique et de partenariat, afin de garantir la sécurité alimentaire pour les réfugiés et la communauté d'accueil. Des interventions alimentaires renforcées, élargies, préventives et curatives, intégrées et alignées sur les systèmes nationaux dans la mesure du possible, sont essentielles. L'expérience du HCR souligne l'importance d'une approche multisectorielle avec une attention particulière à la protection, la promotion et le soutien des pratiques d’ANJE et sur le traitement de la malnutrition aiguë et des carences en micronutriments. Le HCR accueille les opportunités crées par le CRRF et le GCR dans le monde et dans la région et cherche à élargir les collaborations pour travailler collectivement afin d'accroître l'inclusion des réfugiés dans les systèmes nationaux de protection sociale et de développer l'autonomie des réfugiés.
Notre expérience indique que les principaux facteurs permettant un continuum de soins pour un traitement de la malnutrition aiguë sont les suivants :
- Coordination et collaboration entre les organismes clés des Nations Unies dans le domaine de la nutrition et de la sécurité alimentaire pour une évaluation conjointe, la conception/planification/mise en œuvre des interventions et contrôle et suivi et évaluation, avec la participation active des Ministères de la santé et des programmes de nutrition nationaux.
- Un partenaire unique de mise en œuvre exécutant l'ensemble de la programmation du traitement de la malnutrition aiguë.
- Les liens, les mécanismes de référencement et l'intégration du programme de nutrition avec le programme de santé existant devraient être pris en compte dès le début de la conception du programme et être appliqués durant toutes les phases de mise en œuvre du programme.
- Le soutien pour la formation, le renforcement des capacités et l'encadrement du personnel de nutrition et de santé sur la prise en charge de toutes formes de malnutrition dans les communautés accueillant les réfugiés.
- Une gestion harmonisée des données pour permettre de suivre les enfants à travers les services.
- Impliquer et consulter les bénéficiaires dans toutes les phases de mise en œuvre pour garantir adhésion et durabilité.
Plusieurs domaines d'actions sont nécessaires pour améliorer la continuité du traitement de la malnutrition aiguë, y compris :
- La fourniture et l'approvisionnement appropriés et rapides de produits alimentaires destinés à la prévention par le biais de PASG et au traitement par le biais de PACC, PTA et de centres de stabilisation, restent un objectif à atteindre et nécessitent attention et priorisation. Le HCR pourrait ne pas être en mesure de poursuivre l'approvisionnement direct d'aliments nutritionnels comme mesure d'urgence pour parer aux ruptures de stocks dans l'approvisionnement et la livraison ; ce qui nécessite, par conséquent, la contribution d'un partenaire.
- Compte-tenu de la dépendance des réfugiés vis-à-vis de l'aide alimentaire et des opportunités limitées de subsistance et d'agriculture, il est impératif de continuer à fournir une aide alimentaire adéquate aux réfugiés tout en œuvrant à de meilleurs programmes agricoles et de subsistance. Dans les situations où les ressources sont limitées, il faut donner priorité aux réfugiés en fonction des ressources, et cibler l'aide alimentaire en fonction des besoins.
- Il est impératif de poursuivre les efforts inter-institutions visant à renforcer les capacités et les systèmes nationaux en matière de santé et de nutrition dans les pays de cette région (à la fois dans les pays d'origine et dans les pays d'accueil).
- Renforcer la surveillance et le contrôle réguliers et conjoints des interventions de nutrition dans les camps de réfugiés/les communautés accueillant les réfugiés.
- La normalisation et l'harmonisation des protocoles en matière de nutrition dans les différents pays de la région est essentiel pour s'aligner sur les directives standard de l'OMS relatives à la prise en charge de la malnutrition aiguë (utilisation du P/T et du PB comme critères indépendants).
- Interventions locales ciblées sur la nutrition dans d'autres secteurs (santé, WASH, moyens de subsistance/agriculture, éducation, protection de l'enfance et services communautaires) pour aider à prévenir la malnutrition, accroître l'autonomie et réduire la dépendance à l’assistance en nature.
Pour en savoir plus, veuillez contacter Naser Mohmand.
Endnotes
1https://intranet.unhcr.org/en/about/new-york-declaration.html
2www.sens.unhcr.org fournit des outils standards. SENS comprend des données anthropométriques ainsi que des informations sur la santé, l'anémie, ANJE, la sécurité alimentaire, WASH et l'utilisation de moustiquaires.
3Stratégie mondiale du HCR pour la santé publique/système d'information sur la santé.
Références
La Déclaration de New York : le CRRF et le Pacte mondial sur les réfugiés www.unhcr.org/the-global-compact-on-refugees.html
Stratégie mondiale du HCR pour la santé publique : www.unhcr.org/protection/health/530f12d26/global-strategy-public-health-unhcr-strategy-2014-2018-public-health-hiv.html
Directives d'alimentation sélective du HCR : www.unhcr.org/publications/operations/4b7421fd20/guidelines-selective-feeding-management-malnutrition-emergencies.html
Directives de l'enquête étendue standardisée sur la nutrition du HCR (SENS) pour les populations de réfugiés : http://sens.unhcr.org/
Cadre d'action ANJE du HCR : www.unhcr.org/5c0643d74.pdf