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Expérimentation d’un protocole modifié pour le traitement de la malnutrition aiguë sévère en Somalie

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Résumé d’un projet de recherche1

Par Naoko Kozuki, Jama Mohamud Ahmed, Mukhtar Sirat et Muna Abdirizak Jama

Naoko Kozuki est conseillère en recherche en santé pour International Rescue Committee (IRC), où elle supervise le portefeuille de projets de recherche en santé. Ses recherches portent sur la santé et la nutrition maternelles et infantiles, ainsi que sur les systèmes de santé communautaire.

Jama Mohamud Ahmed est agent de recherche en nutrition de IRC en Somalie, responsable de la coordination, du soutien et de la supervision des programmes de recherche.

Mukhtar Sirat est le responsable de la nutrition pour IRC en Somalie. Son rôle est de planifier, coordonner et mettre en œuvre des programmes de nutrition, en mettant l’accent sur les interventions curatives et préventives.

Muna Abdirizak Jama est la responsable de la santé pour IRC en Somalie. Elle est médecin de formation et supervise les programmes de santé, de nutrition et de développement communautaire.  

Ce projet est financé par le programme R2HC (Research for Health in Humanitarian Crises) d’Elrha, qui vise à améliorer les résultats en matière de santé en renforçant la base de données probantes pour les interventions de santé publique lors de crises humanitaires. Le programme R2HC est financé à parts égales par le Wellcome Trust et le Département du développement international britannique (DfID). Pour plus d’information, consultez le site Web www.elrha.org/r2hc.

Lieu : Somalie

Ce que nous savons : Certaines approches pour le traitement de la malnutrition aiguë sévère (MAS) présentent des inefficacités potentielles, telles qu’une mauvaise continuité des soins entre les phases de traitement de la MAS et de la malnutrition aiguë modérée (MAM), un dosage plus élevé que nécessaire d’aliments thérapeutiques prêts à l’emploi (ATPE) et la gestion de deux chaînes d’approvisionnement pour les ATPE et les aliments supplémentaires prêts à l’emploi (ASPE).

Qu'apporte cet article : International Rescue Committee (IRC) a mené une étude de cohorte prospective visant à tester un protocole modifié pour le traitement de la MAS à Mogadiscio (Somalie) à l’aide d’une dose réduite d’ATPE (deux sachets par jour, une fois par semaine, pour la phase MAS ; un sachet par jour, aux deux semaines, pour la phase MAM). Il n’y avait pas de groupe témoin. Au total, 727 enfants atteints de MAS sans complications ont été recrutés. Le nombre médian de semaines jusqu’à la guérison était de 14 ; le taux de guérison était de 98% (1% d’abandon et 1% de référence) ; le taux de non-réponse et de mortalité étaient de 0%. La bonne observance du traitement dans le cadre de l’étude a probablement été favorisée par la grande proximité des services avec les bénéficiaires. D’autres recherches sont nécessaires sur la manière de permettre aux bénéficiaires d’aller au bout du traitement – jusqu’à guérison complète et sur l’impact que pourrait avoir l’admission directe des cas de MAM.

Contexte

International Rescue Committee (IRC) a mené une étude de cohorte prospective visant à tester un protocole modifié pour le traitement de la malnutrition aigüe sévère (MAS) en ambulatoire dans le cadre du programme thérapeutique ambulatoire (PTA) de la clinique Karaan, Mogadiscio, du district Benadir (Somalie), afin d’améliorer la continuité des soins aux enfants souffrant de malnutrition aiguë sévère (MAS). Le protocole modifié a traité les enfants souffrant de MAS jusqu’à la guérison complète suivant un dosage simplifié. Le traitement était administré sous forme d’aliments thérapeutiques prêts à l’emploi (ATPE) aux enfants des « phases » de malnutrition sévère et modérée, les enfants de la phase sévère recevant un traitement chaque semaine à raison de deux sachets d’ATPE par jour, et, une fois dans la zone modérée, un traitement toutes les 2 semaines à raison d’un sachet d’ATPE par jour. Deux références ont été utilisées : la mesure du périmètre brachial (PB) et le rapport poids-pour-taille en score z (P/T) ont tous deux été utilisés comme critères d’admission. Il n’y avait pas de groupe témoin.

Cet article fait état des principales conclusions et de certaines expériences de mises en œuvre ; les résultats complets seront soumis pour publication dans une revue scientifique à comité de lecture en 2019.

Méthodes

Entre janvier et mars 2018, l’étude a recruté des enfants souffrant de MAS, âgés de 6 à 59 mois, se présentant sans complications médicales et avec un périmètre brachial (PB) compris entre 90 et <115 mm ou un P/T <-3 dans le PTA de la clinique Karaan. Les enfants étaient traités chaque semaine dans la même clinique avec un total de 14 sachets d’ATPE (deux par jour), et rentraient chez eux avec la personne qui en était en charge, jusqu’à ce qu’ils aient obtenu, lors de deux visites consécutives, un PB ≥115 mm (pour les enfants admis sur base du PB) ou P/T ≥-3 (pour les enfants admis sur base du P/T, selon la taille prise par mois). Une fois le seuil anthropométrique atteint, les enfants étaient traités une fois toutes les deux semaines, avec un total de 14 sachets d’ATPE (un par jour) et rentraient chez eux avec la personne qui en était en charge. Les enfants étaient considérés comme guéris lorsque, après deux visites consécutives, ils obtenaient un PB ≥125mm (pour les enfants admis sur base du PB) ou un P/T ≥ -2 (pour les enfants admis sur base du P/T). Les enfants ont été maintenus dans le PTA pendant toute la durée de leur traitement. Des données qualitatives ont été recueillies auprès du personnel de santé de la clinique et des personnes ayant la charge des enfants.

Résultats

L’étude a recruté 727 enfants souffrant de malnutrition aigüe sévère sans complications. Au total, 700 (96%) avaient des résultats éligibles, parmi lesquels 640 (échantillon analytique) ont été traités dans le strict respect du protocole. Dans l’échantillon analytique, l’âge médian de recrutement était de huit mois (variant de 6 à 42 mois), avec 41% de garçons et 59% de filles. Les personnes ayant la charge des enfants ont déclaré qu’il leur fallait un temps médian de 21 minutes pour se rendre à l’établissement de soin, 72% d’entre eux s’y rendant à pied. L’anthropométrie au moment du recrutement est décrite dans le tableau 1 ; les résultats du traitement sont décrits dans le tableau 2. Le nombre médian de semaines jusqu’à la guérison était de 14 semaines (Ecart interquartile (EI) : 12-16, Etendue : 7 à 27 semaines). Les données complètes seront publiées ailleurs.

Tableau 1 : Anthropométrie lors du recrutement


Tableau 2 : Résultats du traitement et nombre de semaines jusqu’à la sortie

Abandon : trois visites consécutives manquées. Non-réponse : aucun rétablissement après 28 semaines (sur la base de 12 semaines de traitement en PTA et 16 semaines en programmes d’alimentation complémentaire ciblés PACC). 

Discussion

L’étude ne comportait pas de groupe de contrôle ; il n’a donc pas été possible d’établir des comparaisons définitives avec un programme standard de prise en charge communautaire de la malnutrition aigüe (PCMA). Cependant, les observations suivantes ont été faites : 

Continuité des soins

Le protocole national pour la PCMA en Somalie recommande le traitement jusqu’au rétablissement complet des cas de MAS ne présentant pas de complications (PB ≥125 mm ou P/T ≥ -2). En pratique, lorsqu’il existe un programme d’alimentation complémentaire ciblé (PACC), certains PTA déchargent les enfants souffrant de MAS en cours de traitement et ayant un PB ≥ 115 mm et un P/T ≥ -3 et les réfèrent vers le PACC pour l’achèvement du traitement. Telle était la situation dans la zone du programme d’IRC. Les données qualitatives recueillies auprès du personnel de santé de la clinique et des personnes ayant la charge des enfants ont révélé une mauvaise continuité des soins entre les PTA et les PACC dans le cadre de cette pratique ; il semble que peu de personnes ayant la charge des enfants ont été orientés vers l’un de ces PACC. Au moment de l’étude, alors que les PTA et les PACC étaient tous deux disponibles dans le district de Benadir, ils n’étaient pas installés dans les mêmes locaux et étaient soutenus par des partenaires de mise en œuvre différents. Les données sur les taux de référence réussies entre les PTA et les PACC n’étaient pas disponibles avant que le projet de recherche ne soit mis en place.

Le personnel de santé a trouvé que le taux de guérison de la MAS dans le protocole expérimental s’était considérablement amélioré par rapport à la pratique antérieure. Cela ne signifie pas nécessairement que la localisation du traitement dans un lieu unique pour les cas de MAS et de MAM est suffisante en soi pour assurer la continuité des soins dans tous les sites ; l’expérience programmatique dans d’autres contextes a montré que le traitement n’a pas été observé jusqu’à la guérison malgré la localisation unique des services de traitement pour les cas de MAS et de MAM. Dans cette étude, la proximité physique des bénéficiaires par rapport à la clinique a probablement contribué à une forte adhésion au traitement et à l’atteinte d’une guérison complète. Dans les régions où l’accès est moins facile, il est nécessaire d’avoir une meilleure compréhension des infrastructures et des comportements pour pouvoir déterminer la meilleure façon d’aider les personnes en ayant la charge à poursuivre le traitement de leur enfant jusqu’à son rétablissement complet.

Nous considérons que les cas de MAM qui ont été transférés depuis un traitement de la MAS sont plus à risque que les enfants qui se présentent directement avec un état de MAM. Conformément aux directives nationales somaliennes et aux directives de l’OMS relatives à la MAS (2013), le protocole expérimental facilite le traitement jusqu’à guérison complète et améliore la continuité des soins pour les cas de MAS.

Considérations relatives au nombre de cas attendus

La conception que se fait IRC d’un protocole de traitement combiné suppose le traitement des cas de MAS et de MAM au même endroit et prévoit l’admission directe des cas de MAM.2 Toutefois, cette étude n’a recruté que des cas de MAS. En effet, lors de la phase de conception de la recherche, le personnel de santé de la clinique, le personnel de la nutrition de IRC Somalie et l’investigateur principal ont conclu qu’en l’absence de ressources financières et humaines supplémentaires suffisantes pour absorber à la fois les cas de MAS et MAM, le centre de santé serait injustement surchargé si des admissions directes de MAM étaient incluses. Cela risquait de compromettre le succès potentiel du protocole combiné pour des raisons logistiques plutôt que pour l’efficacité et l’efficience du protocole lui-même. Par conséquent, l’étude s’est limitée au recrutement des seuls cas de MAS. Cette décision a été justifiée quelques mois après la fin de l’étude, lorsque les PACC ont été ouverts dans des locaux du PTA dans le district de Benadir, notamment dans la clinique de Karaan où l’étude a eu lieu. Aucune ressource humaine ou financière supplémentaire n’a été fournie à la clinique Karaan pour absorber l’afflux, ce qui a entraîné des heures de travail déraisonnablement longues pour le personnel, une réduction de la fonctionnalité du PTA et un espace physique insuffisant pour absorber les enfants supplémentaires souffrant de MAM. Cette expérience montre que toute ambition d’élargir les PTA et les PACC actuellement disponibles pour y inclure des catégories plus larges d’enfants doit tenir compte des inévitables difficultés initiales de l’expansion et des implications à long terme pour la pérennisation en fournissant des ressources suffisantes. 

Conclusion

Cette étude montre que les enfants souffrant de MAS sans complications peuvent être traités avec succès selon un protocole dans lequel les dosages sont simplifiés pour assurer la continuité du traitement ; le protocole était conforme aux directives nationales qui prévoient le traitement des enfants jusqu’à une guérison complète. Nous estimons que le protocole simplifié qui a été expérimenté pourrait alléger les contraintes logistiques (utilisation de quantités moindres d’un produit unique, simplification du calcul de la posologie pour le personnel de la clinique, etc.), de la prestation des services, particulièrement lors des situations d’urgence ou dans des endroits très difficiles d’accès. Il est nécessaire d’étudier davantage la posologie/le dosage, le calendrier et la communication pour le changement de comportement avec les personnes ayant la charge des enfants afin d’optimiser les taux de guérison et la durée de traitement jusqu’à guérison. Il est aussi important de tenir compte des implications en ce qui concerne les ressources humaines et les coûts, notamment pour inclure l’admission directe des cas de MAM dans les programmes qui ne traitent actuellement que les cas de MAS. 

Pour en savoir plus, veuillez contacter Naoko Kozuki.


Footnotes

1Les résultats complets de cette étude seront publiés dans une prochaine publication dans une revue scientifique à comité de lecture et partagée dans Field Exchange.

2www.ennonline.net/fex/53/thecompasstudy

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