Analyse du coût de l’alimentation (Cost of the Diet) à Bria, République centrafricaine
Par Esther Busquet
Esther Busquet est conseillère en nutrition chez International Medical Corps (IMC), et s'occupe actuellement des programmes de nutrition en Afrique de l'Ouest, en Afrique centrale, et en Afrique australe, tout en assurant une assistance au niveau global. Avant d'être recrutée par IMC, elle a travaillé avec la branche britannique de Save the Children, et a été responsable de l'outil de calcul du coût de l’alimentation (Cost of the Diet, CotD) pendant plus de deux ans.
L'auteure tient à remercier Marius Rodrigue Koyangbanda Gomassili, l'agent MEAL de République centrafricaine (RCA), Yewoinshet Adane Berihun, le coordinateur nutrition de IMC RCA, Christian Muamba, directeur pays de IMC RCA, l'équipe IMC RCA de Bria pour toutes leurs contributions et leur soutien, et tous les agents de collecte des données et les participants de cette étude CotD pour leur participation active.
Ces activités ont été rendues possibles grâce à une subvention du Bureau d'assistance aux catastrophes à l'étranger (OFDA) de l'Agence des États-Unis pour le développement international (USAID).
Lieu : République centrafricaine (RCA)
Ce que nous savons: Les habitudes alimentaires et le coût de la nourriture sont des éléments clés qui déterminent la capacité d'un ménage à répondre à ses besoins énergétiques et nutritionnels.
Ce que cet article nous apprend : Une étude sur le coût de l'alimentation (Cost of the Diet, CotD) a été menée auprès des personnes déplacées à l'intérieur du pays (IDPs) et des communautés d'accueil de la ville de Bria et du camp de PK3 pour IDPs dans la région de Haute Kotto en RCA en novembre 2018 afin de déterminer si les communautés pouvaient satisfaire les besoins en énergie et en nutriments grâce à une assistance alimentaire (ration de 20 jours) et à l'achat d'aliments disponibles localement. Les résultats montrent que pour une famille type de neuf personnes, un « régime alimentaire nutritif » et un « régime alimentaire nutritif adapté aux les habitudes alimentaires » (qui répond aux besoins énergétiques et nutritionnels et qui est satisfaisant) sont tous deux accessibles pendant la saison des pluies. Cependant, les familles pauvres et très pauvres ne peuvent même pas se permettre de répondre à leurs besoins énergétiques minimum. Étendre les rations de nourriture à 30 jours et assurer la fourniture de légumes gratuits (avec des potagers ou par d'autres moyens) permettrait de rendre tous les régimes alimentaires accessibles à tous les groupes de richesse. Une collaboration multi-sectorielle et un travail de plaidoyer, incluant un appui militaire pour accéder aux zones peu sûres, est nécessaire pour permettre cela.
Contexte
En République centrafricaine (RCA), on estime que 2,9 millions de personnes sur une population totale de 4,6 millions nécessitent actuellement une aide humanitaire. Les résultats d'une enquête SMART de 2018 décrivent un taux global de malnutrition aiguë globale (MAG) de 7,5% et un taux de malnutrition aiguë sévère (MAS) de 2,7% dans la région de Haute-Kotto. Des facteurs aggravants incluent l'insécurité, l'insécurité alimentaire, un grand nombre de personnes déplacées à l'intérieur du pays (IDPs) dans les camps et les communautés d'accueil, et de mauvaises pratiques d'alimentation du nourrisson et du jeune enfant (ANJE). Sur les sites qui comportent un grand nombre de IDPs (Alindao, Bambari, Bria, Kaga Bandoro, Batangafo), la plupart des ménages ont un accès limité à la terre cultivable et dépendent de l'assistance alimentaire d’urgence et des achats sur les marchés. L’assistance alimentaire et nutritionnelle sont accessibles mais ne sont pas régulières à cause de l'insécurité et des difficultés de transport vers les zones touchées. L’assistance alimentaire d’urgence reste inconsistante et sous-financée.1 Par conséquent, la consommation alimentaire est insuffisante et la mauvaise nutrition pour les IDPs, les rapatriés et les communautés d'accueil est courante. La situation actuelle de sécurité alimentaire a été classée niveau 3 (crise) par le système intégré de classification par phases (IPC).
Bria est la capitale de la région de Haute-Kotto et le centre du commerce du diamant pour l'est de la RCA. Une série de violentes altercations a eu lieu à Bria en mai 2017 entre le FRPC2 (connu sous le nom d'ex-Séléka) et la milice anti-balaka (connue sous le nom de milice chrétienne), avec pour résultat un déplacement de la majorité de la population résidente au camp de déplacés PK3,3 en bordure de la ville. Les communautés d'accueil et les IDPs, résidant à Bria ou au camp de déplacés PK3, reçoivent maintenant les distributions générales de vivres. Les rations fournies sont de 20 jours par mois par personne, et proviennent du Programme Alimentaire Mondial (PAM). L'insécurité fait que la quantité de nourriture à pouvoir être acheminée dans la région est limitée, ce qui empêche l'approvisionnement d'une ration complète de 30 jours. Selon les résultats de l’évaluation rapide réalisée par International Medical Corps en mai 2017, pour tous les sites visités, les principales sources de nourriture étaient les distributions générales de vivres et les marchés locaux, qui sont accessibles la plupart du temps. Culturellement, il est considéré de la responsabilité du chef de famille de pourvoir aux besoins en nourriture de sa famille. Les groupes de discussion thématiques de l’évaluation rapide ont révélé que les ménages n'ont pas accès à leur terre cultivable pour faire pousser les aliments typiquement récoltés avant la crise (manioc, riz et haricots), et par conséquent, ils ne stockent plus de nourriture. Cela a été exacerbé par l'augmentation pendant la crise des prix des denrées alimentaires vendues sur le marché, et certains produits, comme le sucre, l'huile et le savon, sont maintenant très chers. Tubercules, légumineuses, produits laitiers, viande et poisson, fruits riches en vitamine A et autres légumes étaient disponibles sur les marchés dans l'ensemble des sites visités pendant l'étude des besoins. Cependant, les produits laitiers, la viande et le poisson, et les fruits riches en vitamine A étaient chers et probablement non abordables pour la plupart des ménages.
L'IMC gère les soins de santé primaires, la prise en charge communautaire de la malnutrition aiguë (PCMA), l’ANJE, et les programmes de protection à Bria et au camp PK3. En s'appuyant sur les résultats ci-dessus, et afin d'éclairer de potentielles futures opérations de sécurité alimentaire, l'IMC a conduit une étude du coût de l’alimentation (CotD) pour comprendre si les IDPs et les communautés d'accueil peuvent répondre à leurs besoins énergétiques et nutritionnels, et si oui, comment. L'objectif final de l'étude était d'apporter un éclairage sur la planification des programmes de nutrition et de sécurité alimentaire dans la région, et d'influencer les processus politiques et de plaidoyer dans ce contexte et dans d'autres contextes similaires. Depuis octobre 2018, les résidents de la ville et du camp ont accès aux mêmes marchés, alors que par le passé les IDPs avaient seulement accès à un marché plus réduit situé sur le camp, avec moins d'aliments disponibles et à des prix plus élevés. Par conséquent, l'étude CotD incluait les deux groupes.
Objectifs de l'étude
Une étude CotD cherche à évaluer le coût minimum, la quantité, et la synergie d'aliments locaux nécessaires pour approvisionner une famille type en aliments qui répondent à ses besoins moyens en énergie et qui fournissent les apports recommandés en protéines, matières grasses, et micronutriments. Les objectifs spécifiques de cette étude CotD étaient : (1) comprendre à quel point la pauvreté économique et les habitudes alimentaires types empêchent les ménages et les individus vulnérables d'avoir une alimentation nutritive à Bria et sur le camp de déplacés PK3 ; et (2) comprendre si des IDPs comme ceux de Bria et du camp PK3 peuvent répondre à leurs besoins énergétiques et nutritifs en mangeant des aliments disponibles localement, et si oui, comment.
Méthodologie
La formation CotD a été organisée pour les managers MEAL4 et nutrition. Elle couvrait la méthodologie CotD et l'utilisation du logiciel (18 - 26 octobre 2018). A Bira, les agents de collecte de données ont reçu une formation du 31 octobre au 2 novembre 2018 et la collecte des données a eu lieu entre le 3 et le 9 novembre 2018. L'étude a inclus une enquête de marché, des entretiens individuels et des discussions de groupe thématiques. L'enquête de marché a collecté des données sur tous les aliments disponibles sur les marchés de la ville, ainsi que sur les aliments produits par les résidents, et les aliments sauvages. Le prix pour 100 grammes de chaque aliment a été déterminé (en fonction du coût de la plus petite quantité disponible pour chaque aliment). Pour les aliments sauvages, qui ne coûtent en général rien à récolter, et les aliments issus de la production à domicile, le prix du marché a été donné si l'aliment était vendu sur le marché, et aucun prix n'a été donné si l'aliment n'était pas vendu sur les marchés. La composition de plusieurs aliments sauvages (en majorité des fruits) était inconnue et par conséquent ces aliments n'ont pas été inclus dans l'analyse CotD ; cependant, aucun de ces aliments n'était disponible au moment de l'enquête. Des entretiens individuels ont été conduits avec 24 femmes issues de différentes parties de la ville et du camp pour déterminer la fréquence minimum et maximum avec laquelle chacun de ces aliments était consommé par semaine. Des groupes de discussion thématiques avec les mêmes femmes ont permis d'obtenir une meilleure compréhension des habitudes alimentaires à Bria et au camp de déplacés PK3. Trois groupes de huit femmes chacun ont participé aux entretiens et aux groupes de discussion ; un groupe d'Amameu (camp PK3), un groupe du Bornou et un groupe de Lasmie (Centre de Bria). Tel que recommandé par l'Analyse de l'Économie des Ménages (AEM) d'Oxfam (Garba, 2015), les groupes étaient composés de femmes adultes de différents groupes de richesse responsables de la maison et de la préparation des repas.
Les informations recueillies ont permis de calculer différents régimes alimentaires à l'aide du logiciel CotD, comme suit :
- Régime uniquement énergétique : régime alimentaire qui répond seulement aux besoins énergétiques et ne répond pas (ou ne cherche pas à répondre) aux besoins nutritionnels. Utilisé comme base de comparaison avec certains programmes de distribution de nourriture et de sécurité alimentaire ;
- Régime nutritif : régime alimentaire qui répond aux besoins en énergie, en macro et micronutriments, mais ne prend pas en compte les habitudes alimentaires ;
- Régime nutritif adapté aux habitudes alimentaires : régime alimentaire qui répond aux besoins en énergie, en macro et micronutriments, et prend en compte les habitudes alimentaires.
En fonction des informations données par l'AEM d'Oxfam et les groupes de discussion thématiques qui incluaient les agents de collecte des données et les femmes dans leurs entretiens, la composition typique d'un ménage, le pourcentage de la population par catégorie socio-économique et le revenu moyen à Bria et au camp PK3 (Tableau 1) ont été estimés. L'étude a montré qu'une famille type de Bria compte en moyenne neuf personnes. Cette estimation a été utilisée à des fins pratiques, dans le but de comparer divers régimes alimentaires. Une famille type compte en moyenne neuf membres, comme suit :
- 1 enfant (fille ou garçon), 12 - 23 mois ;
- 1 enfant (fille ou garçon), 3 - 4 ans ;
- 1 enfant (fille ou garçon), 7 - 8 ans ;
- 1 enfant (fille ou garçon), 9 - 10 ans ;
- 1 fille, 13 - 14 ans ;
- 1 femme, 18 - 29 ans, 60 kg, modérément active, au 2ème trimestre de grossesse ;
- 1 femme, 30 - 59 ans, 60 kg, modérément active, allaitante 7 - 12 mois ;
- 1 femme, > 60 ans, 55 kg, modérément active ;
- 1 homme, 30 - 59 ans, 65 kg, modérément actif.
Tableau 1 : Pourcentage de la population de Bria par catégorie socio-économique et taille de la famille dans la ville de Bria et au camp PK3 par catégorie socio-économique
*Le pourcentage de chaque catégorie socio-économique pour la population du camp est inconnu, mais il est probablement très proche du pourcentage de la population de la ville, car la plupart des IDPs sont originaires de Bria
Une estimation approximative du revenu de chaque groupe socio-économique a été effectuée par l'équipe de collecte de données et confirmée par les groupes de discussion thématique, sans fournir de détails sur la valeur des revenus. En vue d'en savoir davantage sur le niveau de vie des ménages, une nouvelle Analyse Économique des Ménages s'impose, celle conduite en 2015 par Oxfam ayant été jugée trop obsolète pour être prise en compte dans cette étude. Par conséquent, les résultats ont été comparés au revenu moyen de chaque groupe socio-économique sans consacrer un pourcentage des revenus dédiés à l'alimentation.
Résultats
Pour une famille type de neuf personnes, un ‘régime nutritif’ et un ‘régime nutritif adapté aux habitudes alimentaires’ sont tous deux accessibles pendant la saison des pluies (de mai/juin à octobre). Néanmoins, les familles pauvres et très pauvres à Bria et dans le camp PK3 (70% de la population urbaine, la majorité de la population du camp), aucun des régimes alimentaires n’est abordable (Figure 1 et Tableau 2) ; même en utilisant l’intégralité de leur revenu, elles ne parviennent pas à accéder à un ‘régime nutritif’.
Figure 1 : Coût de l’alimentation en fonction du revenu mensuel d'une famille de neuf personnes à Bria en saison des pluies
Tableau 2 : Informations sur le Régime nutritif et d'un Régime nutritif adapté aux habitudes alimentaires les moins chers pour une famille de neuf personnes à Bria et au camp de personnes déplacés PK3, en saison des pluies
Modélisation conditionnelle
Le logiciel CotD peut aider à modéliser certaines interventions pour voir comment le fossé entre les revenus et les coûts d'une alimentation nutritive pourrait être comblé. Il peut également tenir compte d'un panier alimentaire existant, comme c'est le cas aussi bien à Bria que dans le camp de personnes déplacées PK3. Les modèles suivants présentent la situation effective à Bria ainsi que des modèles pouvant permettre de réduire l'écart entre besoin en nutriments et les revenus.
Modèle pour un panier alimentaire mensuel de 20 ou de 30 jours
La distribution alimentaire actuelle à Bria et dans le camp PK3 comporte une ration de 20 jours par personne et par mois (Tableau 3). La couche très pauvre de la population (40% de la population) n'est pas en mesure de faire face à ses besoins énergétiques sur l'ensemble du mois ; la couche pauvre de la population (30%) peut combler ses besoins énergétiques mais est dans l'incapacité d'accéder à un régime nutritif ou à une alimentation stable et équilibrée (Figure 2). Si la distribution alimentaire passait à un panier de 30 jours, la couche très pauvre de la population ne parviendrait toujours pas à combler ses besoins énergétiques, tandis que la couche pauvre de la population serait en mesure d'atteindre un régime énergétique et nutritif, quand bien même les habitudes alimentaires ne pourraient toujours pas être accessibles (Figure 3).
Tableau 3 : Rations alimentaires fournies par le PAM à la population du camp PK3 et à la ville de Bria
Figure 2 : Coût du régime alimentaire si un panier alimentaire de 20 jours est distribué chaque mois à Bria et dans le camp PK3 en saison des pluies (saison actuelle)
Figure 3 : Coût du régime alimentaire si un panier alimentaire de 30 jours est distribué chaque mois à Bria et dans le camp PK3, en saison des pluies
Modèle pour les cas où les légumes sont gratuits, grâce à des jardins potagers par exemple
Si les légumes étaient disponibles gratuitement (provenant d'un jardin potager par exemple) et qu’il n’y avait pas de distribution de panier alimentaire, le coût de tous les régimes s'en verrait réduit de façon considérable, mais ces régimes resteraient néanmoins inaccessibles pour les très pauvres. Pour les ménages pauvres, un régime uniquement énergétique pourrait être accessible si tous les revenus étaient dédiés à l'alimentation (ce qui n’est pas réaliste dans la mesure où les besoins sanitaires, vestimentaires et autres ne sont pas considérés). Même si tous les revenus sont utilisés pour la nourriture, le régime nutritif adapté aux habitudes alimentaires reste inabordable pour les pauvres (Figure 4). Dans les camps, il n'y a pas d'espace nécessaire pour développer un jardin potager ; il convient de mener une étude pour évaluer la possibilité de développer des micro-jardins.
Figure 4 : Coût des différents régimes alimentaires en fonction des revenus mensuels quand l’apport en légumes est assuré par les jardins potagers pour une famille de neuf personnes à Bria, en saison des pluies
Modèle pour les cas où un panier alimentaire est fourni et que les légumes sont gratuits
Si un panier alimentaire de 20 jours était fourni et que les légumes étaient gratuits, par exemple dans le cadre d'un projet de jardins potagers, un régime uniquement énergétique et un régime nutritif seraient abordables pour les très pauvres, et tous les régimes alimentaires seraient abordables pour les pauvres (Figure 5). Si un panier alimentaire de 30 jours était fourni et que les légumes étaient gratuits, tous les régimes seraient abordables pour tous les groupes de richesse, ce qui fait de cette combinaison d'interventions le meilleur modèle dans la situation actuelle (Figure 6).
Figure 5 : Coût des différents régimes alimentaires en fonction des revenus mensuels quand un panier alimentaire de 20 jours est fourni et que les légumes sont gratuits, pour une famille de neuf personnes à Bria et sur le camp PK3, en saison des pluies
Figure 6 : Coût des différents régimes alimentaires en fonction des revenus mensuels quand un panier alimentaire de 30 jours est fourni et que les légumes sont gratuits, pour une famille de neuf personnes à Bria et sur le camp PK3, en saison des pluies
D’autres modèles ont été testés, comme : la distribution de micronutriments en poudre destinés aux enfants de 6 à 59 mois et aux femmes enceintes et allaitantes, le cas de familles moins nombreuses, la distribution de volailles permettant la production d’œufs pour la consommation ou pour la vente, et une réduction de 25% du coût de toutes les denrées alimentaires. Cela n'a cependant pas eu d'effet significatif sur les coûts.
Limites de l’étude
Les limites de l'étude sont que le choix de la famille standard/typique est basé sur l'expérience des participants au CotD, mais la réalité pourrait être légèrement différente. Les informations collectées sont uniquement applicables et relatives à la saison des pluies, aucune information sur les prix et différents articles alimentaires n'a été recueillie pour la saison hivernale. Les revenus mensuels ont été estimés par les agents de collecte de données et validés par les groupes de discussion thématique, la vérification n’a cependant pas été approfondie et aucun élément n'a été collecté à propos des articles non alimentaires comme les vêtements, les soins de santé et frais de scolarité au sein des foyers. L'AEM menée par Oxfam a fourni certaines informations, mais la situation en 2015 était très différente de la situation actuelle, de sorte qu'il n'était pas possible d'utiliser toutes les données de l'AEM, comme par exemple les données sur les revenu.
Discussion
La situation que nous décrivons pour la ville de Bria et pour le camp PK3 est très préoccupante car la majorité des familles sont incapables de combler leurs besoins énergétiques, quand bien même un panier alimentaire de 20 jours est fourni à l'ensemble du ménage. Les chiffres sont encore plus inquiétants lorsque l’on regarde les personnes qui n'ont pas les moyens de s'offrir un régime nutritif ou un régime qui reflète leurs préférences alimentaires. L'expérience des programmes sur le terrain suggère que la situation semble sous-représentée dans la plupart des enquêtes SMART conduites par le Ministère de la Santé et UNICEF (septembre 2018), qui a révélé une prévalence de 7,5% de MAG et une prévalence de 2,7% de MAS dans la région de la Haute Kotto. La complexité de Bria en matière de sécurité alimentaire établit qu'aucune action isolée ne pourrait enrayer la situation et assurer un régime alimentaire nutritif aux familles. Un ensemble de mesures globales et multi-sectorielles s'avèrent indispensables. Les conclusions seront exposées au Ministère de la Santé, aux agences des Nations unies compétentes ainsi qu'aux différents acteurs impliqués dans la région.
Recommandations
Tenant compte de ces résultats, plusieurs recommandations se dégagent :
- Étudier avec le PAM dans quelle mesure une extension du panier alimentaire de 20 à 30 jours serait possible au profit des populations les plus démunies de la ville de Bria et des personnes déplacées du camp PK3.
- Soutenir les efforts relatifs au respect des accords de maintien de la paix notamment en ce qui concerne un meilleur accès aux routes et aux marchés.
- Soutenir la disponibilité de légumes gratuits en aidant les familles de la ville de Bria qui souhaitent créer un jardin potager ; militer pour la conduite d'études destinées à la prospection en faveur de potagers à petite échelle à l'intérieur du camp en vue de pallier l'incapacité des ménages à accéder à leur propres terres ; explorer les possibilités pour les populations des camps d'obtenir des fruits et légumes (à travers la distribution de fruits et légumes par exemple) ou des fonds nécessaires en vue de s'en procurer (tout en s'assurant de la capacité des marchés à s'approvisionner de façon continue à l'intérieur de la RCA).
- Militer au sein du Cluster Nutrition et des autres secteurs tels que Sécurité Alimentaire et Moyens d'existence ; Eau Assainissement et Hygiène (WASH) ; Agriculture pour élaborer une stratégie globale et obtenir un engagement multisectoriel afin d'aborder les multiples problèmes qui affectent la situation nutritionnelle à Bria.
- Veiller à ce que des activités visant à modifier les comportements afin d'améliorer l’ANJE et les autres pratiques nutritionnelles clés soient incluses dans tous les programmes de nutrition.
- Conduire une étude de marché et une nouvelle enquête sur le coût d'un régime alimentaire en saison sèche afin d'avoir une idée globale de la situation sur l'ensemble des deux saisons.
- Envisager une nouvelle AEM destinée à l'actualisation des données relatives aux revenus et dépenses des foyers dans la ville de Bria sur le camp PK3 et mettre l'accent sur la capacité de production alimentaire des familles.
Pour en savoir plus, veuillez contacter Esther Busquet à ebusquet@InternationalMedicalCorps.org
1 FEWSNET CAR https://fews.net/west-africa/central-african-republic
2 FRPC = Front Populaire pour la Renaissance de la Centrafrique.
3 Le camp de personnes déplacées PK3 est géré par l'Organisation Non-Gouvernementale Italienne INTERSOS, avec l'appui financier du Haut-Commissariat des Nations-Unies pour les Réfugiés (HCR).
4 MEAL= Cadre du suivi, de l'évaluation, de la responsabilité et de la formation
Références
F Garba (2015). Profil des Moyens d’Existence, Zone péri-urbaine de Bria. Oxfam Mission en République Centrafricaine.