Améliorer la diversification alimentaire minimum chez les enfants âgés de 6 à 23 mois lorsque le revenu des ménages est une contrainte majeure : conclusions d’une analyse des barrières et d’une analyse du coût de l’alimentation (Cost of the Diet) dans le nord-est du Bangladesh.
Par Masud Rana, Sheikh Shahed Rhaman, Al-Amin Shovan, Bazlul Kabir Joarder et Mohammad Raisul Haque
Dr Masud Rana est conseiller en nutrition pour Save the Children, notamment pour l’appui aux programmes de nutrition dans les régions d’Asie du Sud et d’Afrique de l’est. Masud a travaillé pendant plus de 10 ans dans la conception de programmes de nutrition, leur mise en œuvre et leur évaluation, mais également dans le domaine de la sécurité alimentaire et des moyens de subsistance en Asie et en Afrique.
Dr Sheikh Shahed Rhaman est responsable du programme Suchana de Save the Children International au Bangladesh. Il a travaillé dans les programmes de sécurité alimentaire et nutritionnelle dans des contextes de développement et d’urgence durant plus de 15 ans. Il est diplômé en médecine et a obtenu un master en santé publique auprès de l’université Emory aux États-Unis.
Dr Al-Amin Shovan est responsable du suivi, évaluation, responsabilité et apprentissage du programme Suchana. Il possède plus de 15 ans d’expérience en tant que spécialiste de ce domaine dans le secteur du développement au Bangladesh.
M. Bazlul Kabir Joarder est directeur technique en nutrition pour le programme Suchana de Save the Children au Bangladesh. Il a plus de 14 ans d’expérience professionnelle dans le domaine de la santé et de la nutrition dans diverses organisations non gouvernementales (ONG) au Bangladesh.
Dr Mohmmad Raisul Haque est conseiller en nutrition senior du programme Suchana de Save the Children. Il a travaillé durant plus de vingt ans pour diverses ONGs et bailleurs de fonds dans l’accès aux services de santé et la gestion de programme. Il est titulaire d’un Masters en recherche sur la population et la santé reproductive et d’un doctorat en démographie.
Les auteurs remercient les donateurs du programme Suchana, notamment l’Union européenne (UE) et le Département du Développement International Britannique (DfID). Les résultats, interprétations et conclusions de cet article n’engagent que leurs auteurs. Ils ne représentent pas nécessairement les opinions de Save the Children, de l’UE ou du DfID et ne doivent pas leur être attribués.
Lieu : Bangladesh
Ce que nous savons : Afin de prévenir le retard de croissance, des approches multidimensionnelles sont nécessaires pour parvenir à un apport alimentaire minimum acceptable pour les jeunes enfants, notamment en augmentant le revenu des ménages.
Ce que cet article nous apprend : Deux études ont été réalisées pour étayer le programme Suchana (2015-2022) qui vise à réduire la prévalence du retard de croissance dans la région de Sylhet au Bangladesh, par le biais de la communication sociale et de la communication pour le changement de comportement (CCCS), de la promotion d’une alimentation optimale du nourrisson et du jeune enfant (ANJE) et des activités de production alimentaire afin d’augmenter les revenus des ménages et la disponibilité alimentaire. Une analyse des barrières a été réalisée auprès de 106 mères provenant de 16 villages afin d’identifier les obstacles et les facteurs favorisant une diversification alimentaire minimum (MDD) chez les enfants âgés de 6 à 23 mois. Le revenu des ménages, le prix des denrées alimentaires et le fait de bien comprendre ce qu’est un régime diversifié et quels en sont ses avantages étaient des déterminants importants de la consommation d’une diversification alimentaire minimum. Le fait de ne pas se souvenir d'inclure des aliments diversifiés constituait un obstacle majeur. La composante du CCCS a été adaptée par la suite pour y remédier. Une analyse du coût de l'alimentation (Cost of the Diet, CotD) a ensuite été réalisée pour estimer le montant minimum hypothétique dont un ménage typique a besoin pour acheter des aliments afin de respecter les apports nutritionnels recommandés, analysé par rapport aux revenus, dépenses, production et consommation actuels du ménage. Les résultats montrent que tous les besoins principaux en nutriments peuvent être satisfaits en utilisant les marchés locaux et que les ménages peuvent potentiellement se permettre un régime alimentaire qui répond aux besoins en énergie, protéines, matières grasses et micronutriments et qui tient compte des habitudes alimentaires typiques dans les limites des niveaux de revenus existants, mais ceci n’est pas le cas lorsque les dépenses non alimentaires sont prises en compte. Le fait que les aliments produits à domicile sont gratuits permet dans une certaine mesure de combler les lacunes en matière d'accessibilité financière ; cependant, il faut faire davantage pour augmenter le revenu des ménages afin d'atteindre une diversification alimentaire minimum et les résultats escomptés du programme.
Introduction
Au cours des 20 dernières années, le Bangladesh a fait des progrès remarquables dans la réduction du retard de croissance et de l'émaciation chez les enfants de moins de cinq ans. Toutefois, le rythme annuel de la diminution du taux de retard de croissance a ralenti au cours de la dernière décennie et on estime que six millions d'enfants souffrent de malnutrition de manière chronique (NIPORT et ICF International, 2016). Plus d'un enfant sur trois souffre d'un retard de croissance, avec une prévalence plus élevée dans les zones rurales (37,9%, contre 30,8% dans les zones urbaines) et parmi les enfants du quintile de richesse le plus bas (49,2%, contre 19,4% dans le quintile de richesse le plus élevé). Sur le plan géographique, la division de Sylhet, dans le nord-est du pays, est la plus touchée : environ la moitié des enfants de moins de cinq ans présentent un retard de croissance modéré à sévère (NIPORT et ICF International, 2016). Bien que les facteurs de causalité soient multiples et mal compris, la recherche en a identifié plusieurs, notamment une grave insécurité alimentaire, une mauvaise nutrition maternelle, la pauvreté, de mauvaises pratiques d'assainissement et d'hygiène et une alimentation complémentaire inappropriée (Choudhury et al, 2016 ; Ahmed et al, 2016).
En réponse aux défis multidimensionnels de la malnutrition, le programme Suchana,1 financé par le ministère britannique du développement international (DfID) et l'Union européenne (UE), vise à réduire la prévalence du retard de croissance dans la division de Sylhet. Suchana est un programme de six ans (2015-2022), doté de 48 millions de livres, qui vise à atteindre plus de 220 000 ménages pauvres (représentant environ 1,1 million de personnes) en ciblant les femmes en âge de procréer et/ou les adolescentes. Le programme prévoit un ensemble d'interventions spécifiques et sensibles à la nutrition pour améliorer la nutrition et la sécurité alimentaire des ménages et les pratiques de soins dispensés aux enfants afin de rompre le cycle intergénérationnel de la sous-nutrition.2 La composante spécifique à la nutrition de Suchana comprend un ensemble complet d'interventions de communication sociale et de communication pour le changement de comportement (CCCS) promouvant une alimentation optimale des nourrissons et des jeunes enfants (ANJE) et la nutrition maternelle et infantile au cours des 1 000 premiers jours. Le volet nutritionnel favorise l'augmentation des revenus des ménages et la disponibilité des aliments grâce à des interventions de production alimentaire à domicile.
Pour s'assurer que les deux types d'interventions s'attaquent aux causes immédiates, sous-jacentes et fondamentales de la dénutrition, Suchana a effectué une analyse des barrières et une évaluation du coût de l’alimentation (CotD) dans les districts de Sylhet et Moulvibazar au sein de la division de Sylhet. Cet article partage les expériences et les résultats liés à l'amélioration de la diversification alimentaire chez les jeunes enfants qui ont été utilisés pour informer le programme afin d'améliorer encore les résultats.
Analyse des obstacles : Identification des obstacles à la réalisation d'une diversification alimentaire minimum des enfants dans les districts de Sylhet et Moulvibazar
Méthodes
En octobre 2017, Suchana a commissionné la réalisation d’une analyse des barrières afin d'identifier les obstacles et les facteurs favorisant la diversification alimentaire minimum chez les enfants âgés de 6 à 23 mois, en réponse aux multiples évaluations de suivi des programmes qui ont identifié la diversification alimentaire minimum comme l'indicateur ANJE le moins performant. L'étude de base, entreprise à la mi-2017, a révélé que seulement 14,7% des filles et 15% des garçons recevaient un régime alimentaire diversifié contenant quatre groupes alimentaires ou plus. L'étude a principalement utilisé une analyse "faiseurs/non-faiseurs" pour identifier les déterminants comportementaux (obstacles et facilitateurs) parmi ceux qui ont consommé une alimentation diversifiée ("faiseurs") et ceux qui ne l'ont pas fait ("non-faiseurs"). Elle a suivi les méthodes d'analyse des barrières spécifiées dans le "cadre de conception pour le changement de comportement" (TOPS, 2017 ; Kittle, 2013) et a utilisé une enquête transversale auprès de 106 mères d'enfants âgés de 6 à 23 mois (53 "faiseurs" et 53 "non-faiseurs") de 16 villages dans les deux districts.
Résultats
Le Tableau 1 présente un résumé des concepts d'obstacles et de facilitateurs généré à partir des données. Dans l'ensemble, une proportion écrasante de répondants des deux groupes (faiseurs et non-faiseurs) a identifié les facteurs économiques (par exemple, le revenu du ménage et le prix des denrées alimentaires) comme le principal facteur facilitant la réalisation de diversification alimentaire minimum. Comme la plupart des ménages dépendaient principalement des marchés pour l'accès à la nourriture, la distance jusqu'au marché était également un important prédicteur. L'analyse des obstacles a en outre permis d'identifier les idées fausses qui entourent la consommation d'une alimentation diversifiée (par exemple, que certains aliments peuvent provoquer des indigestions ou des problèmes respiratoires) et le manque de bonne compréhension des avantages, ainsi que la difficulté perçue à se souvenir d'inclure des aliments de différents groupes alimentaires, comme autres déterminants importants de diversification alimentaire minimum. L'approbation et le soutien des maris et des belles-mères ont été jugés nécessaires pour la pratique de ces comportements. Cependant, aucune restriction ou aucun tabou social, culturel ou religieux contre la consommation d'une alimentation diversifiée par les femmes ou les enfants n'ont été identifiés.
Tableau 1: Obstacles et facteurs favorisant une diversification alimentaire minimum chez les enfants âgés de 6 à 23 mois dans les districts de Sylhet et de Moulvibazar au Bangladesh
Mesures de suivi : sur la base des résultats de cette analyse, la stratégie CCCS existante et les opérations ont été révisées début 2018 comme suit :
- Des messages spécifiques ont été développés afin de sensibiliser à la nécessité de consommer une alimentation diversifiée pour les femmes et les enfants âgés de 6 à 23 mois, ainsi que sur les bénéfices que cela apporte. Par conséquent, toutes les directives et les documents du CCCS propres au projet ont été adaptés afin d’inclure ces messages, en utilisant plusieurs canaux de communication afin de renforcer l’impact.
- Pour accroitre le soutien des membres de la famille, les belles-mères ont été incluses dans la séance de groupe mère-enfant mensuelle et des groupes séparés d’hommes ont été créés pour informer les époux et les membres masculins du ménage. En outre, le personnel de première ligne a été formé pour faire participer les membres de la famille aux discussions lors des séances de conseil au niveau du ménage.
- Une nouvelle affiche sur la diversification alimentaire minimum a été distribuée. Elle présente visuellement différents groupes d'aliments pour aider les ménages à se souvenir de choisir des aliments de différents groupes.
- L’analyse des barrières a principalement permis de comprendre dans quelle mesure les contraintes financières influencent la consommation d’une alimentation diversifiée dans ce contexte. Elle a également permis de mettre en évidence que la composante du programme sensible à la nutrition (c'est-à-dire la génération de revenus) avait joué un rôle important dans l’amélioration de l’accessibilité financière des ménages. Une analyse du coût de l’alimentation (CotD) a ensuite été réalisée afin d'approfondir cet aspect du programme.
Analyse CotD : lorsque les moyens financiers représentent un obstacle majeur
Justification et objectifs
Alors que les données de suivi régulier du programme Suchana suggéraient une augmentation notable du revenu des ménages et une plus grande disponibilité de nourriture grâce à l'intervention de production alimentaire à domicile, l'analyse des obstacles a identifié l'accessibilité financière des aliments nutritifs comme un obstacle majeur à la diversification alimentaire. En réponse, une analyse CotD a été menée dans les districts de Sylhet et de Moulvibazar pour étudier l'ampleur de l'écart entre les revenus et les dépenses des ménages. Cette analyse permettrait d'apporter les ajustements nécessaires à la mise en œuvre du programme afin de maximiser l'impact sur la nutrition des enfants. Plus précisément, l'évaluation visait à estimer le coût minimum d'un régime alimentaire adéquat sur le plan nutritionnel et culturellement acceptable pour les ménages types et à estimer l'effet potentiel des activités génératrices de revenus (AGR) et de l'intervention de production alimentaire à domicile sur la capacité d'un ménage à accéder à un régime alimentaire nutritif.
Méthode
La méthode et le logiciel CotD3 ont été développés par Save the Children afin d'estimer le montant minimum hypothétique dont un ménage typique aurait besoin pour acheter de la nourriture afin de respecter les apports recommandés en énergie, protéines, matières grasses et micronutriments, en utilisant des aliments disponibles localement (Deptford et al, 2017). Les données sur les prix des denrées alimentaires ont été recueillies dans le cadre d'une étude de marché portant sur 16 marchés urbains, périurbains et ruraux à Sylhet et Moulvibazar. Les modes de consommation alimentaire et les pratiques culturelles locales ont été identifiés grâce à des entretiens individuels couvrant 84 personnes et 12 discussions de groupe (focus group discussion). Les données sur les revenus et les dépenses des ménages, la taille et la composition des ménages, ainsi que la production alimentaire à domicile et la consommation ont été obtenues à partir de la dernière enquête du programme.
Résultats principaux
Dans l'ensemble, l'analyse a montré que les marchés de Sylhet et de Moulvibazar offrent une gamme diversifiée de produits alimentaires et peuvent répondre à tous les besoins majeurs des ménages en macro- et micronutriments. Toutefois, le calcium s'est avéré être le plus difficile à obtenir, c'est-à-dire le facteur de coût le plus important, suivi par l'acide folique et la vitamine B12.
Le coût de quatre régimes hypothétiques a été estimé à l'aide du logiciel CotD pour un ménage type de six personnes (dont un enfant de 12 à 23 mois et une mère qui allaite) ; à savoir: (i) un régime alimentaire le moins coûteux qui ne répond qu'aux besoins énergétiques moyens recommandés (régime énergétique uniquement (EO)) ; (ii) un régime alimentaire le moins coûteux qui répond aux besoins énergétiques moyens et aux besoins recommandés en protéines et en matières grasses (régime de macronutriments (MAC)) ; (iii) un régime alimentaire le moins coûteux qui répond aux spécifications en matière d'énergie, de protéines, de matières grasses et de micronutriments mais qui ne tient pas compte des habitudes alimentaires typiques (régime nutritif à coût minimum (NUT)) ; et, (iv) un régime alimentaire le moins coûteux qui répond aux spécifications en matière d'énergie, de protéines, de matières grasses et de micronutriments et qui tient compte des habitudes alimentaires typiques et de l'acceptabilité culturelle (régime nutritif par habitude alimentaire (FHAB)).
Le coût annuel le plus faible d'un régime EO, MAC et NUT pour un ménage de six personnes était respectivement de 40 630,00 Taka bangladais (Tk), 41 523,00 Tk et 64 312,00 Tk (Figure 2). Cependant, le coût d'un régime FHAB était 67% plus élevé que celui d'un régime NUT, soit 107 459 Tk par an. Au sein du ménage (Figure 3), le coût de la couverture des besoins nutritionnels d'une femme allaitante était le plus élevé (22% du coût du régime alimentaire du ménage), suivi par l'homme adulte (21%) et les enfants de 10-11 ans (20%).
Le calcul de l'accessibilité financière (Figure 4) montre que les ménages peuvent potentiellement se permettre le régime FHAB, mais ne peuvent pas se permettre de couvrir à la fois le coût du régime et les dépenses non alimentaires supplémentaires avec leur niveau de revenu existant. L'écart d'accessibilité financière va de 193 Tk à 14 181 Tk par an, en fonction du type de bénéficiaire et de ses options de moyens de subsistance. Cependant, si l'on tient également compte de l'effet de l'élément de production alimentaire à domicile du programme, qui fournit gratuitement de la nourriture au ménage (Figure 5), le coût annuel d'un régime alimentaire FHAB a été réduit de 2,2 à 3,2% (réduction de 16 à 24% de l'écart d'accessibilité des ménages) ; cela démontre un certain gain, bien que moindre par rapport à ce que l'équipe du projet avait prévu.
Figure 1 : Pourcentage d’énergie et apports nutritionnels recommandés en micronutriments avec un régime FHAB pour toute la famille
Figure 2 : Coût annuel des différents types de régimes alimentaires pour un foyer standard composé de six membres et ayant un revenu annuel moyen
Figure 3 : Coût individuel du régime alimentaire exprimé en pourcentage du coût total du régime FHAB
Figure 4 : Accessibilité financière d’un régime EO, NUT et FHAB selon le type de bénéficiaire du programme Suchana (type et phase d’intervention de production alimentaire à domicile)
L’axe des X se réfère aux différents types de bénéficiaires du projet. Les phases 1 et 2 se réfèrent au cycle de sélection des bénéficiaires. Les activités agricoles et non agricoles sont soutenues par l’aide à l’« activité génératrice de revenus » (AGR) reçue dans le cadre du projet. Les AGR agricoles sont liées à la production de nourriture grâce à l’agriculture, à l’élevage de volaille et de bétail et à l’aquaculture. Par exemple, cela peut inclure la formation, les intrants et la fourniture de semences, d’engrais et de pesticides. Les AGR non agricoles sont des moyens de subsistance autres que l’agriculture ou la production de nourriture qui incluent la pêche, la vente de thé, le commerce de légumes, la création d’objets en bambou ou encore le commerce de service de ferry.
Figure 5 : Effet potentiel des différentes activités de production alimentaire à domicile sur le coût annuel d’un régime FHAB pour un foyer composé de six personnes, dont un enfant âgé de 12 à 23 mois
Discussion et recommandations
Il est bien connu que les interventions visant à réduire la pauvreté, c’est-à-dire visant à générer des revenus, dans le cadre d’un programme de nutrition multisectoriel ne sont pas suffisantes pour avoir un impact positif sur les résultats nutritionnels. Le revenu du ménage doit dépasser un certain seuil pour permettre aux membres du ménage d’adopter les pratiques recommandées en matière d'alimentation des enfants. Cette analyse de CotD a défini un seuil pour la composante "moyens de subsistance" du programme Suchana, à partir duquel les augmentations de revenus des ménages pourraient faire l’objet d’un suivi pour s'assurer que ces augmentations sont suffisamment importantes pour avoir un impact significatif sur la sécurité alimentaire et l'état nutritionnel des ménages. Les résultats de l'analyse indiquent que le programme devrait envisager d'identifier les ménages bénéficiaires qui se situent en dessous de ce seuil et qui ont du mal à le franchir, afin qu’ils soient prioritaires pour être mis en lien avec les programmes gouvernementaux de protection sociale existants.
Lorsque l’on compare les résultats de cette analyse CotD à ceux d’une autre analyse CotD réalisée dans la même région en 2013, il apparaît que l’insuffisance de capacité financière (de 193 Tk à 14 181 Tk par an) des foyers très pauvres bénéficiaires du programme est nettement inférieur à l’écart antérieur de 39 300 Tk par an. Bien que cette réduction ne puisse pas nécessairement être attribuée à la seule action du programme, il y a de fortes raisons de croire que les différentes composantes du programme y ont contribué de manière significative. De plus, les exercices de modélisation du CotD montrent que la production alimentaire familiale semble améliorer la disponibilité et la consommation d’aliments nutritifs des ménages.
Toutefois, les bénéfices n’ont pas été aussi importants qu’espéré, et davantage doit être fait pour augmenter la production, pour éliminer les insuffisances de capacité financière et pour améliorer la consommation d’aliments nutritifs qui permettront d’atteindre une diversification alimentaire minimum. Le programme devrait donc poursuivre l’objectif visant à augmenter le revenu des ménages et la production de nourriture, ainsi qu’à promouvoir une distribution alimentaire et une consommation équitables à l’intérieur du foyer à travers des actions de communication sociale et de la communication pour le changement de comportement. Sur base de ces résultats, le programme Suchana recommande les mesures suivantes :
- Repenser la stratégie actuelle du programme en matière de moyens de subsistance et de système de marché pour améliorer la production tout au long de l’année, en reliant les bénéficiaires aux marchés (et les actions visant à identifier les moyens potentiels) afin d’augmenter la rentabilité des investissements et le revenu des ménages.
- Renforcer les activités qui font le lien entre les ménages les plus vulnérables et le système de protection sociale du gouvernement, les services de santé et de nutrition et à les autres services.
- Réaliser une analyse coût-efficacité des interventions de jardins potagers familiaux et de production alimentaire à domicile, afin de comprendre si la production actuelle, les pertes dues au climat, l’accès au marché, le mode de consommation et la productivité sont rentables. Étudier de nouvelles possibilités d’améliorer la productivité et la consommation.
- Utiliser les coûts d’un régime FHAB comme référence pour suivre les progrès des groupes bénéficiaires dans les prochaines enquêtes et évaluations socio-économiques et observer les changements dans les insuffisances de capacité financière afin d’évaluer si ces nouvelles initiatives ont été efficaces.
- Promouvoir la consommation d’aliments riches en nutriments et peu onéreux identifiés par l’analyse CotD à travers les opérations de communication sociale et de communication pour le changement de comportement existantes.
- Intensifier les efforts pour impliquer les hommes de la famille dans les opérations de communication sociale et de communication pour le changement de comportement. Les discussions de groupes conduites lors de la collecte de données du CotD et les recherches formatives menées précédemment ont mis en évidence le rôle prépondérant des époux ou des hommes de la famille dans les dépenses du foyer, les décisions concernant l’achat des aliments, l’accès aux marchés et enfin dans la génération de revenus. Sans engager de manière significative les hommes dans le processus (pour changer les normes), les opérations de communication sociale et de communication pour le changement de comportement sont peu susceptibles d’avoir un effet notable et durable dans le changement des comportements et des pratiques.
Une évaluation indépendante sera effectuée fin 2019, après laquelle l’impact du programme Suchana sur la prévalence du retard de croissance sera communiqué.
Pour en savoir plus, veuillez contacter M. Masud Rana à M.Rana@savethechildren.org.uk
1Mot en bengali qui signifie « le commencement de quelque chose de positif ».
2Pour plus d’informations, voir : (i) https://bangladesh.savethechildren.net/sites/bangladesh.savethechildren.net/files/library/Suchana.pdf
(ii) https://devtracker.dfid.gov.uk/projects/GB-1-204131
3Plus d’informations concernant la méthode CotD sont disponibles sur www.heacod.org
Références
Ahmed, T., Hossain, M., Mahfuz, M., Choudhury, N., & Ahmed, S. (2016). Imperatives for reducing child stunting in Bangladesh. Maternal & Child Nutrition, 12, 242-245. doi : 10,1111/mcn.12284#
Choudhury, N., Raihan, M., Sultana, S., Mahmud, Z., Farzana, F., & Haque, M. et al. (2016). Determinants of age-specific undernutrition in children aged less than 2 years-the Bangladesh context. Maternal & Child Nutrition, 13(3), e12362. doi : 10,1111/mcn.12362
Deptford A., Allieri T., Childs R., Damu C., Ferguson E., Hilton J., Parham P., et al. . (2017). Cost of the Diet : A Method and Software to Calculate the Lowest Cost of Meeting Recommended Intakes of Energy and Nutrients from Local Foods. BMC Nutrition 3 1: 26.
Kittle, B. (2013). A Practical Guide to Conducting a Barrier Analysis. New York, NY: Helen Keller International. Extrait de :
https://coregroup.secure.nonprofitsoapbox.com/storage/barrier/Practical_Guide_to_Conducting_a_Barrier_Analysis_Oct_2013.pdf
NIPORT, Mitra and Associates, and ICF International. (2016). Bangladesh Demographic and Health Survey 2014. Dhaka, Bangladesh, and Rockville, Maryland, USA: National Institute of Population Research and Training (NIPORT), Mitra and Associates, and ICF International. Extrait de : http://dhsprogram.com/pubs/pdf/FR311/FR311.pdf
TOPS. (2017). Designing for Behavior Change: A Practical Field Guide. Washington, DC: The Technical and Operational Performance Support (TOPS) Program. Extrait de www.behaviourchange.net/docs/designing_for_behavior_change_a_practical_field_guide.pdf