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Mécanisme mondial d'assistance technique pour la nutrition (GTAM en anglais) : le chemin parcouru jusqu’à présent

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Par Isabelle Modigell et Tanya Khara

Isabelle Modigell est chef de projet en gestion des connaissances du Mécanisme mondial d'assistance technique pour la nutrition (Global Technical Assistance Mechanism for Nutrition, GTAM) pour Emergency Nutrition Network (ENN). Consultante en santé publique, elle dispose d’une expérience de plus de six ans dans diverses situations de crises humanitaires et a été confrontée à toutes les étapes d’intervention d’urgence.

Tanya Khara est directrice technique pour ENN. Nutritionniste en santé publique, elle a 20 ans d’expérience dans l'humanitaire ainsi que dans les domaines de la recherche, des politiques publiques et des programmes de développement. Tanya est chef de file, pour ENN qui a le rôle de partenaire de gestion des connaissances pour le GTAM.

Les auteures de cet article tiennent à remercier chaleureusement toutes les personnes qui leur ont accordé un entretien, notamment Josephine Ippe (Global Nutrition Cluster – GNC) et les anciens membres de la Task force technique de GNC Nutrition in Emergencies (NiE), Leisel Talley (Centers for Disease Control and Prevention), Erin Boyd (United States Office for Disaster Assistance), Carmel Dolan (ENN), Megan Gayford (Save the Children), Colleen Emary (World Vision International), Ruth Situma (UNICEF), Zita Weise Prinzo (Organisation mondiale de la santé) et Britta Schumacher (Programme alimentaire mondial). Elles adressent également leurs remerciements à Colleen Emary, Diane Holland (UNICEF) et Andi Kendle (équipe de réponse rapide technique), qui ont révisé cet article.

Cet article fait part des conclusions de plusieurs études et rapports (cités ici) et s'articule autour d'entretiens réalisés par ENN afin de rendre compte des enseignements dont nous disposons à ce jour à propos du processus de développement du GTAM. Les opinions exprimées dans cet article sont celles des auteures et ne représentent pas nécessairement les positions de l'UNICEF ou d'autres organisations.

Lieu : Global

Ce que nous savons : Il existe une demande de longue date pour une assistance technique prévisible et accessible sur la nutrition dans les situations d'urgence (NiE) pour les praticiens des pays.

Ce que cet article nous apprend : Le Mécanisme mondial d'assistance technique pour la nutrition (GTAM) est un mécanisme international soutenu par plus de 40 partenaires du Cluster Nutrition Global (GNC). Sa mise sur pied vise à faciliter l'apport en temps opportun d'une assistance technique en matière de nutrition dans les situations d'urgence au niveau des pays. L'équipe principale du GTAM (GTAM-CT) se compose de l'UNICEF (lead), World Vision International (co-lead), l’équipe de réponse rapide technique (Tech RRT), l’équipe de coordination du GNC, le service d’assistance technique du GNC et ENN (gestion des connaissances). Tout en cherchant à exploiter les acquis dans la mesure du possible, les efforts visent à combler les lacunes existantes selon trois « piliers » : (1) la fourniture de conseils techniques pour aider à mettre en œuvre des orientations normatives (en collaboration avec la plate-forme en ligne de l'ENN, en-net) ; (2) l’élaboration de directives provisoires obtenus par consensus en l'absence de tout autre élément d'orientation (par l'intermédiaire de groupes internationaux de travail thématique et de l'Organisation mondiale de la santé) ; (3) la fourniture d'une expertise technique de pointe aux pays (en collaboration avec la Tech RRT en place). De nombreux processus et discussions ont influencé la conceptualisation et la mise en place du mécanisme durant plusieurs années, permettant une large participation et la responsabilisation collective du GNC. Les priorités actuelles sont les suivantes : la finalisation des détails pratiques pour la phase de mise en œuvre ; l’élaboration d’une stratégie pour appuyer l'initiative ; et la formalisation des liens et des méthodes de travail avec les organismes en place.

Le Mécanisme mondial d'assistance technique pour la nutrition (GTAM) est un mécanisme commun mondial soutenu par plus de 40 partenaires du Cluster Nutrition Global (GNC).1 Il vise à apporter une assistance technique systématique, prévisible, opportune et coordonnée en matière de nutrition afin de répondre aux droits et besoins nutritionnels des personnes en situation d'urgence. Suite au lancement du GTAM cette année, nous avons voulu nous pencher sur les raisons ayant justifié sa création et sur les méthodes qui ont permis de lui donner vie. Cet article a été rédigé avec l'aide des personnes qui sont aux avant-postes du projet.

Origines du GTAM

L'idée de créer le GTAM date de la réunion annuelle du GNC de 2015. Lors de cette réunion, les discussions avaient mis en exergue les problèmes relatifs aux « zones grises » (questions techniques en matière de nutrition dans les situations d'urgence pour lesquelles il n’y a pas d’orientation normative) et aux limites affectant la capacité opérationnelle technique dans les situations d'urgence, comme cela avait été le cas à l'époque aux Philippines, en Ukraine et en Syrie. La décision de réévaluer et de redéfinir le rôle technique du GNC avait alors été prise. Un espace existait auparavant au niveau mondial pour identifier et traiter les questions techniques sous la forme du groupe de travail NiE du Comité permanent des Nations unies sur la nutrition (UNSCN). Toutefois, ce groupe avait cessé d'exister en 2008 et, même si le GNC est devenu opérationnel à ce moment-là, le rôle technique du GNC était mal défini en comparaison avec son mandat de coordination et de gestion des informations. À ses débuts, le GNC fournissait un support technique, en particulier par l'intermédiaire de groupes de travail techniques, et militait pour le rétablissement d'un espace technique, sans succès. Mais en 2013, suite à un examen de sa gouvernance, il a été demandé au GNC de se concentrer sur ses fonctions centrales, à savoir la coordination et la gestion des informations (Gostelow, 2013). Josephine Ippe, ancienne coordinatrice pour le GNC, a déclaré lors d'un entretien,

« Même à l'époque, je savais que lorsque l'examen de la gouvernance évoquait le GNC, il faisait référence à l'équipe en charge de la coordination (GNC-CT), pas au collectif. Le collectif doit jouer un rôle technique ; si ce que vous essayez de mettre en place est technique, c'est indispensable ! »

Aussi, est-il peu surprenant que deux ans plus tard il ait été majoritairement convenu que, bien que la fourniture d'un support technique était hors du champ d'application du GNC-CT, le GNC en tant que collectif avait un rôle à jouer en matière de support technique et qu'il était nécessaire de définir ensemble ce que ce rôle devait être. Par la suite, le GNC-CT a demandé la rédaction de deux articles (Le Cuziat et Frize, 2015 ; Richardson et Ververs, 2015) pour évaluer le support fourni par le GNC aux plate-formes de coordination nationales, le rôle collectif joué par le GNC en matière de support technique et les meilleurs moyens de soutenir ce rôle. Des lacunes plus spécifiques ont été mises en évidence dans ces deux articles. L'une d'entre elles a conclu que :

« Il manque au secteur de la nutrition dans les situations d’urgence une plate-forme technique centrale capable de fournir une orientation stratégique sur la manière de prioriser et résoudre les lacunes relatives à la capacité technique dans chaque pays. » (Le Cuziat et Frize, 2015).

Les lacunes spécifiques identifiées dans ces articles et les discussions qui ont suivi avec les partenaires du GNC ont porté sur le manque d'expertise pour que les conseils prodigués soient mis en pratique, le manque de processus prévisibles pour répondre aux besoins techniques en l'absence d'orientations normatives  et l'absence de leadership et de coordination pour la fourniture aux pays d'une expertise technique en matière de nutrition dans les situations d’urgence.

Les membres du GNC ont reconnu que, dans un environnement actuel de l’humanitaire en pleine mutation, les équipes d'urgence doivent de plus en plus souvent faire face à des problèmes nouveaux pour lesquels aucune orientation normative n'existe ou pour lesquels les orientations normatives doivent être adaptées au nouveau contexte. Étant donné la complexité grandissante des situations d'urgence, il faut faire preuve de clarté et de cohérence. Britta Schumacher, du Programme alimentaire mondial (PAM) et ancienne membre de la Task force, estime :

« Les circonstances exceptionnelles soulèvent de nombreuses questions, notamment lorsque les professionnels ne savent pas quoi faire, lorsque qu’il n’y a ni évidences, ni expérience et que des directives sont nécessaires. »

Le sentiment de frustration que ressentent les professionnels en manque de conseils sur le terrain a souvent été évoqué lors des conversations et réunions du GNC. Par exemple, lors de l'épidémie de maladie à virus Ebola de 2014, des orientations auraient été les bienvenues quant aux soins à prodiguer aux patients infectés2 ainsi qu'aux mères allaitantes,3 et le forum en-net d'Emergency Nutrition Network (ENN) a d'ailleurs insisté là-dessus. Même si, lors de cette épidémie très médiatisée, plusieurs partenaires se sont rapidement portés volontaires (Organisation mondiale de la santé (OMS), ENN, UNICEF, etc.) pour fournir des orientations (qui ont servi de fondation aux normes de l'OMS), il manquait un mécanisme systématique qui aurait permis de suivre et de s'attaquer aux problèmes techniques nouveaux et non résolus. Les partenaires du GNC estimaient que la création d'un mécanisme central éliminerait la nécessité de créer des structures nouvelles pour faire face aux problèmes émergents et renforcerait la confiance dans des solutions élaborées dans le cadre d'un processus clair, transparent et prévisible.

Les partenaires ont également admis que même si la communauté internationale n'avait de cesse d'aborder nombre de préoccupations de longue date, celles-ci n'étaient toujours pas résolues (le débat opposant la mesure du périmètre brachial (PB) à la mesure du poids-pour- taille en est un exemple évocateur). Tous estimaient que la création d'un mécanisme central aiderait les professionnels, les bailleurs de fonds, les universitaires et les autres parties prenantes clés à parvenir à un consensus dont le bien-fondé serait incontestable. Les parties prenantes ont également fait remarquer la nécessité d'obtenir de l'aide aux fins de la diffusion et communication des nouvelles consignes. Britta Schumacher a fait part de son expérience concernant la prise en charge communautaire de la malnutrition aigue (PCMA) dans des circonstances exceptionnelles :

« Nous ne savions pas exactement comment nous allions diffuser et partager ces consignes, si elles allaient être adoptées ni comment faire pour qu'elles soient validées. Le GTAM aurait pu élaborer et communiquer ces directives à titre provisoire mais aussi mener les débats sur la manière de le faire. »

Autre problème identifié par les partenaires : les documents techniques et de référence sont actuellement dispersés parmi différents partenaires, sans qu'il soit possible à chacun d'y accéder de façon simple. Ceci a résulté dans la duplication des directives, un manque d’efficience (en terme de temps et de ressources), une portée limitée, un manque de cohérence technique, et au final un impact insuffisant. Comme l'explique un ancien membre de la Task force : « Nous avons tous perdu beaucoup de temps à rechercher les bons outils ou à réécrire les choses. » Les parties prenantes ont également pointé du doigt l'absence d'un archivage commun regroupant les conseils et documents techniques. D'après elles, un tel archivage commun, doté d'un mécanisme de gestion des connaissances, aurait permis de mettre en lumière les incohérences et d'orienter les personnes vers les différentes ressources disponibles.

Dès 2015, la nature ad-hoc des initiatives proposant un support technique s'était traduite par une fragmentation des ressources, des processus peu clairs, des efforts en doublon, une dépendance excessive aux réseaux personnels (plutôt qu'un accès direct à l'expert le plus à même de mener à bien une tâche spécifique) et (pour finir) une réponse inadéquate aux besoins des pays. « Plusieurs initiatives faisaient un excellent travail, mais nous savions que les rapprocher nous permettrait d'être plus efficace encore », a expliqué Colleen Emary.4

En réponse à la nécessité d'une expertise technique, un groupe de partenaires du GNC a mis sur pied l'équipe technique d'intervention rapide (Tech RRT) en 2015. L'objectif était d'améliorer la disponibilité globale des spécialistes de la nutrition dans les situations d'urgence de grande ampleur en déployant des conseillers techniques qualifiés, recrutés centralement en réponse aux demandes des pays. En juin 2019, la Tech RRT avait fourni une capacité technique d'appoint de 50 déploiements en réponse à 61 demandes.5 L'adoption de la Tech RRT met en évidence la demande d'une expertise technique spécialisée sur le terrain. Ces chiffres sous-estiment probablement le besoin réel, étant donné que les parties prenantes sur le terrain connaissent peu le service, que celui-ci ne concerne qu'un certain nombre de domaines techniques et que l'équipe Tech RRT est en sous-effectif et doit faire face à un agenda surchargé. 

Mise sur pied du GTAM

Les recommandations prodiguées dans les articles parus en 2015 ont contribué à la mise sur pied de la Task Force technique du GNC en matière de nutrition dans les situations d'urgence.6 Présidée par l'UNICEF et le Centre pour le contrôle et la prévention des maladies (Centers for Disease Control and Prevention, CDC), elle a été chargée d'identifier les moyens qui allaient permettre aux partenaires du GNC de s'organiser afin de combler les lacunes opérationnelles et techniques. De 2015 à 2018, la Task Force a dirigé les processus qui allaient donner naissance au GTAM (Figure 1).

Figure 1 : Principaux processus et jalons dans le développement du GTAMGTAM7 

La Task Force a d'abord dû cerner et définir le problème qu'elle avait été chargée de résoudre. Elle a alors défini les rôles techniques et les définitions proposées ont été avalisées par les partenaires en 2017. Elle a procédé à une analyse des modèles (basée sur une évaluation des expériences d'autres groupes), qui a ensuite été avalisée par le GNC. Il a alors été convenu que le mécanisme technique aurait pour tâche de fournir des conseils techniques, des orientations fondées sur un consensus et une expertise technique spécialisée. Aujourd’hui, ce sont les « trois piliers du GTAM » (Figure 2). Par la suite, ces décisions ont éclairé l'opérationalisation du mécanisme, y compris les décisions relatives aux parties à impliquer.

Figure 2 : Les trois piliers du GTAM 

Plusieurs conversations majeures ont eu une influence sur la conceptualisation du GTAM. La gouvernance et le leadership du mécanisme furent longuement débattus, notamment eu égard à la nécessité de parvenir à un équilibre adéquat entre la provision d'un leadership et le maintien d'un climat de collaboration pour tirer parti de l'expertise collective élargie du GNC. En 2018, la mise en place du Mécanisme a été confiée à une équipe restreinte du GTAM (GTAM-CT).8 En réponse aux préoccupations des partenaires selon lesquelles le processus semblait parfois trop « centré sur les Nations Unies (ONU) » et sur la base des expériences positives passées de modèles de leadership partagé, il a été décidé qu'une organisation non gouvernementale (ONG) désignée codirige le GTAM avec l'agence des Nations Unies désignée. Après avoir examiné les candidature selon des critères établis par le Groupe consultatif stratégique du GNC, World Vision International (WVI) a été choisi comme ONG co-lead pour un mandat de deux ans. L'UNICEF a été désigné pour continuer en tant que co-lead des Nations Unies, conformément à ses responsabilités en sa qualité d'institution chef de file au niveau du Cluster.9 En réponse à un appel des partenaires à engager les fournisseurs de services existants, ENN a été intégré au GTAM-CT avec pour mission de superviser la gestion des connaissances ainsi que le suivi du écanisme. La Tech-RRT, en sa qualité de fournisseur existant d'expertise technique et en-net, la plate-forme en ligne de ENN pour le support technique (www.en-net.org), ont été intégrés au GTAM. Compte tenu des réalisations démontrées de la Tech RRT,10 il existait un désir de s'appuyer sur son expérience en matière de fourniture d'expertise technique, tout en surmontant certaines de ses limites de capacité antérieures. En réunissant de nombreux autres partenaires du GNC dans le cadre d'une approche commune, on s'attend à ce que les besoins des pays soient mieux adaptés aux capacités disponibles. Zita Weise-Prinzo, OMS et ancienne membre de la Task Force :

 « L'important était que les initiatives existantes soient impliquées dès le début et que l'on voie comment leur valeur ajoutée pourrait être apportée dans ce travail. Je pense que ça a été fait dans le bon sens. »

Des groupes de travail thématiques mondiaux (Global Thematic Working Groups, GTWG) ont été (ou sont en train d'être) mis en place, en utilisant si possible des groupes multi-agences existants (tels que le groupe restreint sur l'alimentation du nourrisson dans les situations d'urgence (IFE Core Group)11), visant à réunir des experts dans certains domaines pour répondre aux questions techniques et donner des réponses par consensus lorsque les directives sont insuffisantes ou trop vagues (directives intermédiaires). Cette approche devrait permettre la mise en place d'un processus transparent et consultatif, ce qui se traduira par un appui technique de grande qualité et impartial qui aura un poids suffisant. Il sera adapté aux besoins du secteur dans son ensemble, plutôt qu'aux priorités de chaque agence. Toutefois, comme le GTAM n'est pas une agence normative, il a été reconnu que, lorsque de nouvelles recommandations sont nécessaires (plutôt que des orientations sur la mise en œuvre ou l'adaptation), un processus d'orientation plus formel, provisoire ou complet, pourrait être nécessaire. Un ‘protocole de triage’ a donc été mis au point pour aider à décider où les questions en suspens seraient le mieux traitées (GTAM ou OMS (Organisation mondiale de la santé)), qui sera testé au cas par cas. Zita Wise-Prinzo de l'OMS a déclaré :

« Bien qu'il reste des questions, il est plus important de lancer ce processus et d'apprendre en faisant pour améliorer le mécanisme. »

Tout a été fait pour s'assurer que le GTAM et les GTWG ne fassent pas double emploi avec les structures internationales existantes et que les activités du GTAM ne sapent ni n'empiètent sur les capacités et responsabilités nationales et régionales. Cet objectif a été atteint grâce à la collaboration avec les groupes d'experts existants, à l'élaboration d'un mandat clair pour le GTAM et ses GTWG ainsi qu'à l'identification de points de contact appropriés pour les utilisateurs du GTAM (en-net, Siège de l’UNICEF, service technique du GNC, Tech-RRT et WVI), afin de permettre un flux approprié des informations et d'éviter de filtre. Zita Wise Prinzo a affirmé :

 « Je pense que c'est la première fois que l'on tente d'officialiser le processus et de l'examiner d'une manière plus globale ; non seulement les lacunes techniques, mais aussi la manière de fournir une assistance technique. C'est plus pratique, plus stratégique et plus systématique. »

Les atouts et défis du processus

Le travail s'est également déroulé en coulisse pour susciter l'adhésion des partenaires du GNC et d'autres partenaires. Les personnes interrogées ont identifié que l’UNICEF avait démontré de manière concrète son engagement – en temps consacrés par le personnel et en financement – ainsi  que le processus participatif et inclusif, comme des facteurs clés d'adhésion. Les partenaires du groupe ont été inclus dans les discussions à chaque étape et les préoccupations, besoins et réactions ont été activement recherchés et entendus. D'autres commentaires, cependant, suggèrent que la cartographie des parties prenantes a été une étape manquée dans le processus, ce qui a limité la composition du groupe de travail aux personnes qui ont assisté à la réunion du GNC de 2015. Du fait qu’elle est basée sur le volontariat, il a aussi été estimé que la Task Force était biaisée en faveur de ceux qui avaient suffisamment de flexibilité et d'intérêt pour jouer ce rôle. Megan Gayford, Save the Children et ancienne membre de la Task Force, a dit :

« Si le processus avait bénéficié d'un financement optimal dès le début, une base de recouvrement des coûts pour le temps des membres du groupe de travail – lorsque leurs organisations l'exigeaient – aurait peut-être facilité une représentation plus holistique et plus diversifiée. »

Le manque de clarté initial quant à la portée du produit final et l'ampleur du travail préparatoire nécessaire avant le lancement du mécanisme ont également rendu difficile la gestion des attentes et le maintien de la confiance dans ce qui semblait souvent être un processus lent. Ruth Situma, ancienne membre de de la Task Force et co-lead du GTAM jusqu'en 2019, a déclaré :

« Parce que vous construisez au fur et à mesure, il y a de l'incertitude. Comment cela fonctionnera-t-il ? Quelles en seront les conséquences pour moi, mon institution, mes donateurs et nos activités ? Certains veulent des certitudes avant de s’engager. »

Comprendre les besoins et les préoccupations, obtenir les contributions de ceux qui travaillent dans les situations d'urgence, instaurer la confiance et l'adhésion et conceptualiser collectivement une entité de cette ampleur demande du temps. Néanmoins, il se peut que le processus ait été ralenti par un manque de ressources dédiées pendant plusieurs années. L'allocation de fonds (résultant de l'inclusion du GTAM dans le Plan stratégique 2018-2021 de l'UNICEF) et le temps du personnel de l'UNICEF pour diriger le développement du GTAM ont été identifiés lors des entretiens comme des accélérateurs critiques pour les progrès du GTAM à partir de 2018. Toutefois, d'autres personnes interrogées ont considéré que la longue période de temps nécessaire à l'engagement de ce financement constituait une contrainte qui ralentissait encore davantage le processus et ont remis en question l'utilité de tenter continuer à avancer avant que les ressources de base ne soient sécurisées – ressources qui auraient pu inclure le temps du personnel d'un éventail plus vaste d'agences. Un autre obstacle a été identifié : la dépendance excessive à l'égard des réunions peu fréquentes du GNC pour faire avancer les discussions et parvenir à un consensus, l'évolution de la composition des participants au fil des ans nécessitant que les décisions et les discussions antérieures soient réexaminées.

Malgré ces défis, les présentations faites à l'assemblée annuelle du GNC de 2019 ont révélé les progrès importants qui ont été réalisés. Bien que beaucoup identifient Ruth Situma comme la force motrice de ces progrès, elle reconnaît qu'une grande partie de la situation actuelle du GTAM est due aux contributions des équipes de coordination nationales et des partenaires techniques au cours des six réunions annuelles du GNC. Comme elle l'a déclaré : « Nous sommes allés si loin grâce à l'appui de différentes parties prenantes aux niveaux national, régional et mondial. »

Les priorités actuelles

Le GTAM se trouve maintenant dans la phase critique de finalisation des détails pratiques du mécanisme et du passage à la phase de mise en œuvre, pour le rendre pleinement opérationnel et conforme aux principes directeurs du GTAM, tels que conçus et approuvés collectivement par le collectif GNC (voir encadré 2). Une stratégie visant à assurer la pérennité du GTAM, tant en termes d'engagements des agences que des ressources financières, est en cours de définition. Il s'agit notamment d'élaborer une stratégie commune de mobilisation des ressources pour sécuriser le financement de plusieurs organismes et permettre le recouvrement des coûts pour d'autres, sur la base des enseignements tirés de l'expérience des années précédentes. Les efforts se poursuivent pour renforcer les liens avec les GTWG existants en dehors du GTAM et les liens formels avec les agences clés des Nations Unies. Nicolas Joannic, du PAM, a déclaré dans une interview : « Je vois que le PAM aurait un grand rôle à jouer dans les GTWG sur la PCMA (prise en charge communautaire de la malnutrition aiguë), l'IFE, les évaluations et la programmation sensible à la nutrition. » 

Encadré 2 : Les principes directeurs du GTAM

  • Optimiser les ressources techniques existantes aux niveaux national, régional et mondial, et prévenir les doubles emplois.
  • Servir aussi bien le secteur de la nutrition dans son ensemble que les agences individuelles, avec le meilleur intérêt pour la population affectée au cœur du travail, indépendamment des motivations des agences.
  • S'attaquer aux problèmes techniques d'une manière opportune, coordonnée et collaborative afin de faciliter une riposte nutritionnelle de qualité et efficace en cas de crise humanitaire.
  • Favoriser le consensus sur les directives/meilleures pratiques en matière de nutrition dans les situations d'urgence et faire en sorte que les réseaux mondiaux qui soutiennent les pays parlent d'une 'seule voix' afin d'éviter toute confusion chez les praticiens.
  • Combler les lacunes techniques en matière de nutrition qui sont les plus importantes et les plus susceptibles d'être comblées pour que le GTAM ait un impact.
  • Agir pour favoriser, coordonner et catalyser le comblement des lacunes en matière d'orientation technique, mais non pour exécuter l'élaboration de l'orientation elle-même.
  • Veiller à ce que les directives officielles soient fondées sur des données probantes, et toutes les autres directives (ex : directives provisoires) peuvent être fondées sur les meilleures pratiques et sur l'expérience.

Les perspectives

Nous avons demandé aux personnes interrogées de nous donner une vue d'ensemble de la situation à laquelle on s'efforce d'arriver. Erin Boyd, Office for Disaster Assistance (OFDA) des États-Unis et ancienne membre de la Task Force, a expliqué :

« Le GTAM est une plate-forme par laquelle les gens peuvent accéder à différents types de capacités techniques, qu'il s'agisse de directives, de politiques, de compréhension de données récentes ou de soutien pratique réel dont ils ont besoin. »

Leisel Talley du CDC et un ancien membre de la Task Force a ajouté :

« Il s'agit d'un consortium de partenaires qui peut fournir diverses formes d'assistance à d'autres partenaires ou entités. C'est un lieu consolidé pour demander de l'assistance et aborder les questions techniques plus larges. »

Ruth Situma a décrit le GTAM comme suit :

« Un bien public disponible pour répondre aux besoins des pays. »

Les visionnaires du GTAM tiennent également à souligner que le GTAM a l'ambition de servir. Megan Gayford a affirmé :

« C'est un mécanisme de service mondial. Nous avons un problème clair dans la complexité du système dans lequel nous travaillons, le GTAM devrait donc chercher à résoudre ce problème en rendant ce qui est nécessaire accessible et ce processus efficace. »

Colleen Emary a ajouté :

« C'est un mécanisme qui répondra aux besoins de l'utilisateur [...] nous travaillons dans l'esprit que nous sommes des fournisseurs de services et que ceux qui demandent des services sont des clients. »

Et l'essentiel ? Erin Boyd a répondu :

« Je le considère comme une plate-forme qui aura un rôle concret à jouer afin d'aider les agences à mieux programmer la Nutrition dans les situations d’urgence. Il est maintenant plus facile pour les coordinateurs du Cluster Nutrition de contacter le Helpdesk du GNC et de savoir ce qu'ils peuvent faire, j'espère que cela deviendra également plus facile pour les praticiens. »

Colleen Emary a conclu que le GTAM « a le potentiel de rassembler la communauté d'intervention d'urgence et d'améliorer notre façon de travailler. » 

Pour en savoir plus, contactez Juliane Gross à juliane.gross@wveu.org 

 

Lisez un résumé d'une page sur GTAM à l'adresse https://www.ennonline.net/resource/gtamfornutrition


1 Le Global Nutrition Cluster (GNC) est un partenariat d'organisations non gouvernementales (ONGs) internationales, du Mouvement de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge, d'organisations des Nations Unies (ONU), de donateurs et de particuliers (collectivement appelés le « collectif ») qui vise à soutenir les clusters nationaux dans leurs interventions en matière de nutrition, à la fois en situation de crise prolongée et dans des circonstances exceptionnelles de crise. Elle est coordonnée au niveau mondial par une équipe de coordination (GNC-CT) et les directives stratégiques sont fournies par un groupe consultatif stratégique (SAG).

4 L'ancien membre de l'Équipe spéciale et membre actuel de GTAM-CT, World Vision International.

5 Lisez une série d'articles de terrain sur les expériences du Tech-RRT le numéro spécial Field Exchange 56 sur la coordination du Global Nutrition Cluster. Téléchargez-le depuis le site : www.ennonline.net/fex/56/en 

6 L'Équipe spéciale était coprésidée par l'UNICEF (Diane Holland, puis Ruth Situma) et le CDC (Leisel Talley.) Parmi les membres figuraient la GNC (Josephine Ippe), World Vision (Colleen Emary), ACF (Jose Luis Alvarez, Anne Dominique Israel et Danka Pantchova), Tech RRT / IMC (Geraldine Le Cuziat), HCR (Caroline Wilkinson), Save the Children (Nicki Connell et Megan Gayford), HelpAge (Juma Khudonazarov), Samaritans Purse (Julie Tanaka) et OFDA (Erin Boyd).

7 Le Rapport d'évaluation des besoins de 2019 : www.ennonline.net/resource/baselinetechnicalneeds2019

8 L'équipe centrale du GTAM est codirigée par l'UNICEF (Ruth Situma) et World Vision (Juliane Gross et Colleen Emary). L'équipe de coordination du GNC (Josephine Ippe et Anna Ziolkovska), le service d'assistance technique du GNC (Yara Sfeir), le Tech RRT (Andi Kendle) et le ENN (Tanya Khara et Isabelle Modigell) en font partie.

9 UNICEF (2014), l'Évaluation du rôle de chef de file Cluster de l'UNICEF dans l'action humanitaire (CLARE).

10 Allen, B. (2018), l'Évaluation externe de l'équipe technique d'intervention rapide. Tech RRT, USAID et le numéro 56 de l'Échange de terrain sur la coordination du Nutrition Cluster pages 62-75.

11 Le groupe restreint chargé de l'alimentation du nourrisson dans les situations d'urgence (IFE) www.ennonline.net/ifecoregroup 


Références

Gostelow, L. (2013) Le Rapport sur l'examen de la gouvernance de Global Nutrition Cluster. GNC.

Le Cuziat, G. et Frize, J. (2015) La position de la GNC sur l'appui technique aux Clusters de pays. Save the Children USA, GNC et UNICEF.

Richardson, L. et Ververs, M. (2015) L'Évaluation de l'appui apporté par la GNC aux plate-formes de Coordination nationales. GNC et UNICEF.

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