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Revue des discussions techniques sur en-net : questions récurrentes et principaux défis rencontrées par les gestionnaires de programmes

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Par Scott Logue, Michele Goergen, Isabelle Modigell, Andi Kendle, Tamsin Walters et Marie McGrath

Scott Logue est conseiller en évaluation de l’Équipe technique d’intervention rapide (Tech RRT) depuis 2015. Il a été déployé dans de multiples contextes humanitaires pour soutenir les Clusters/secteurs de la nutrition et les groupes de travail d'évaluation et a fourni un soutien à distance sur l'évaluation de la nutrition à des organisations individuelles et à des mécanismes de coordination.

Michele Goergen est diététicienne et titulaire d’un Master en Nutrition clinique de l’Université de New York. Elle a plus de huit ans d'expérience dans le domaine des programmes de nutrition. Auparavant, Michele a été conseillère du Tech RRT pour la prise en charge communautaire de la malnutrition aiguë et pour l'alimentation du nourrisson dans les situations d'urgence.

Isabelle Modigell est consultante en santé publique, avec plus de six ans d'expérience dans divers contextes humanitaires à tous les stades d'interventions d'urgence. Elle travaille actuellement pour Emergency Nutrition Network (ENN) où elle est chef de projet en charge de la gestion des connaissances pour le Mécanisme Mondial d'Assistance Technique (GTAM).

Andi Kendle est directrice du programme Tech RRT depuis septembre 2016. Elle possède plus de 15 ans d’expérience dans les domaines de l’assistance humanitaire et de l’aide au développement en ce qui concerne la nutrition, la sécurité alimentaire, les moyens d’existence et la protection de l’enfance.

Tamsin Walter est la modératrice de en-net (forum technique en ligne de ENN) depuis sa création en 2009.

Marie McGrath est directrice technique de ENN et supervise la plate-forme en-net.

Les auteurs reconnaissent la contribution et l’aide apportée par Ruth Situma du Fonds des Nations unies pour l’enfance (UNICEF) et de Tanya Khara, directrice technique de ENN (responsable de la gestion des connaissances du GTAM) pour cette la réalisation de cette revue.

Lieu : Global

Ce que nous savons : Dans les pays en situation de crise, il existe de la demande pour obtenir un support technique rapide et systématique. En-net est une plate-forme technique en ligne, gérée par un modérateur, créée en 2009 pour aider à répondre à cette demande.

Ce que cet article nous apprend : La mise en place d’un Mécanisme Mondial d'Assistance Technique à la Nutrition (GTAM en anglais) est prévue pour 2019 afin de répondre aux besoins techniques dans les pays, en optimisant, quand cela est possible, le support technique déjà existant. Les problématiques abordées par quatre des rubriques de en-net (alimentation du nourrisson et du jeune enfant, prévention et traitement de la malnutrition aiguë sévère (MAS), prévention et traitement de la malnutrition aiguë modérée (MAM), évaluation et surveillance1) ont été synthétisées et analysées pour identifier les thèmes et les lacunes qui aideront à définir les priorités et les méthodes de travail du GTAM. La thématique la plus populaire était celle concernant l’évaluation et la surveillance, celle qui a suscité le moins d’intérêt était la MAM. Un grand nombre de défis ont été identifiés pour chaque rubrique du forum de discussion, ce qui reflète soit des lacunes en matière d’évidences ou de directives, soit une mauvaise connaissance, application ou accessibilité de ce qui est disponible. Les conversations techniques sur le forum en-net constituent une grande richesse pour alimenter le GTAM en continu. Les recommandations soutiennent l'intégration prévue d'en-net au sein du mécanisme et conseillent la future collaboration en-net/GTAM pour mieux traiter les questions techniques non résolues et les désaccords techniques, pour renforcer la gestion des connaissances et pour accroître l'engagement des pays pour fournir des réponses.

Contexte

Depuis plusieurs années, les partenaires du Cluster Nutrition Global (GNC en anglais) cherchent une solution pour combler le manque de soutien technique, rapide et systématique, dans les pays en situation de crise. Un comité de réflexion du GNC a été formé en 2016 dans le but résoudre ce problème, ce qui a conduit à la création du Mécanisme mondial d'assistance technique pour la nutrition (GTAM en anglais). Celui-ci a été approuvé lors d’une réunion du GNC en 2017 et a été lancé en 2019. Le GTAM propose principalement de fournir des conseils techniques, de faciliter l’élaboration de directives techniques fondées sur le consensus et d’améliorer l’accès à l’expertise technique pour traiter les questions techniques non résolues une fois que les capacités nationales et régionales sont épuisées. Dans la mesure du possible, ce mécanisme fait appel à l’optimisation des systèmes de soutiens techniques déjà existants.

Pour examiner les problèmes rencontrés le plus couramment par les praticiens travaillant en situation de crise humanitaire et afin d’informer le GTAM des questions techniques prioritaires, une revue des quatre rubriques de discussion les plus utilisées sur en-net, le forum technique de Emergency Nutrition Network (ENN)2, a été réalisé par l’Équipe technique d’intervention rapide (Tech RRT3) entre juin et octobre 2018, sous la supervision de ENN et de UNICEF. Il s’agit de l’une des revues effectuée par le GTAM dans le cadre de la préparation de son lancement (GTAM, 2019). Cet article offre un aperçu des résultats de cette revue.

Objectifs et méthodologie

L’objectif de cette étude était de synthétiser les différentes discussions du site en-net pour déterminer les principaux apprentissages et lacunes en matière de directives et d’évidences/recherches, du point de vue des programmes. Les objectifs spécifiques abordés étaient :

  1. Faire une revue et une classification du contenu des rubriques de en-net par thématique technique ;
  2. Analyser le contenu des échanges sur en-net, regrouper les discussions les unes avec les autres, et trouver un thème commun pour créer un corpus de données autour d’un même sujet ;
  3. Déterminer dans quelle mesure les questions techniques ont été traitées/résolues.

Quatre domaines thématiques ont été analysés : les interventions d’alimentation du nourrisson et du jeune enfant (ANJE), la prévention et le traitement de la malnutrition aiguë modérée (MAM), la prévention et le traitement de la malnutrition aiguë sévère (MAS), et l’évaluation et la surveillance. Les questions postées sur le forum depuis 2009 ont été exportées dans un document Excel, triées par sous-thème et par type de commentaires, puis analysées par rapport au nombre de réponses, selon qu’il y avait une réponse définitive ou non (classées comme « complète » ou « partielle ») et selon qu’il y avait eu consensus ou désaccord. Étant donné que la revue couvre une période d’environ neuf ans, certaines lacunes apparentes des publications précédents peuvent avoir été résolues depuis que la question avait été postée. L’approche utilisée pour analyser les données a été adaptée à chaque thème étant donné la diversité dans la nature des questions et des réponses selon les rubriques du forum. Les différentes rubriques ont été examinées pendant le temps de présence au bureau (hors déploiement) de la Tech RRT.

Résultats  

Au total, 984 questions ont été analysées. Cela a généré 3 939 réponses et 2 570 220 vues entre 2009 et 2018. L'activité globale est résumée dans le Tableau 1. La rubrique « évaluation et surveillance » a été la plus utilisée (40% des publications entre 2009 et 2018, 42 publications par an), suivie par la rubrique « prévention et traitement de la MAS » (37% des publications, 34 par an) ; voir Figure 1. Comme montré dans la Figure 2, les questions relatives à l’évaluation et à la surveillance ont augmenté avec le temps (de 26 en 2010 à 40 en 2017), avec un pic en 2012 (57) et 2015 (59). Le pic de 2012 a concerné de nombreuses questions au sujet de la mesure du périmètre brachial (PB), ce qui coïncide avec le lancement en 2012 du site web SMART.4 Les questions à propos de la MAS sont passées de 17 en 2010 à 35 en 2017. Les questions sur la MAM ont atteint leur maximum (26) en 2011, ce qui coïncide avec l’introduction du super-céréales en 2010 (Annan, Web et Brown, 2014) et, en 2011, environ la moitié des questions sur le forum MAM portaient sur le traitement. Ce nombre a ensuite diminué peu à peu, jusqu’à 11 questions en 2017. Le nombre de questions à propos de l’ANJE est resté relativement bas entre 2010 et 2014, mais a augmenté en 2014, notamment avec la crise des réfugiés qui a touché l’Europe (une forte activité a aussi été remarquée concernant Ebola en Afrique de l’Ouest à cette période, mais cela n’a généré que deux questions). Bien que les forums sur l’ANJE et la MAM aient généré un nombre similaire de questions et de réponses, le forum de l’ANJE a attiré beaucoup plus de « vues ». Même si l’on remarque que moins de questions ont été posées ces derniers mois, ceci n’indique pas un manque d’activité puisqu’en effet les débats actifs sont souvent sous forme de réponses à des questions posées. Les « anciennes » discussions continuent d’attirer du monde.

Figure 1 : Pourcentage des questions postées entre 2010 et 2018 par rubrique

Figure 2 : Nombre de nouvelles questions postées entre 2010 et 2018 par rubrique

Tableau 1 : Activité de en-net par rubrique

Interventions d’alimentation du nourrisson et du jeune enfant

La rubrique sur l’ANJE a été très utilisée et la plupart des questions ont été résolues (74% entièrement et 6% partiellement). Les questions récurrentes étaient : problèmes d’allaitement, prise en charge des nourrissons non allaités au lait maternel, soutien aux mères, suivi et évaluation des interventions d’ANJE, interventions efficaces pour résoudre ou prévenir les retards de croissance, diversification alimentaire, et pratiques d’alimentation de complément. Une discussion sur l’ANJE dans le contexte du virus Ebola en 20145 a généré 78 réponses et 18 225 vues, ce qui a rapidement suscité l’élaboration de directives intérimaires, fondées sur un consensus, puis des directives subséquentes de l’Organisation mondiale de la santé (OMS, 2016). Plusieurs commentaires (n = 6) ont révélé des pratiques potentiellement dangereuses, dans les médias ou dans des rapports partenaires, en ce qui concerne l’ANJE. Lorsque ces révélations impliquaient des organisations non gouvernementales (ONG) ou des agences des Nations Unies, la communauté des praticiens de l'ANJE les a directement contactées pour résoudre le problème. Il semble que les principaux médias et organes d'information n'aient pas été contactés directement. Les principaux défis de programmation de l’ANJE reflétés dans les discussions en-net sont résumés dans le Tableau 2.

Tableau 2 : Principaux défis en matière de programmation abordés sur le forum en-net à propos des interventions d’ANJE

Soutien à l’allaitement maternel : Un sujet récurrent (20% des questions) concernait le besoin de conseils adéquats pour les femmes dont la production de lait maternel était insuffisante, au-delà du conseil sur les « tétées trop rapprochées ». Alors qu’il existe une grande quantité de connaissances et de conseils, celles-ci n’ont pas été adaptées aux réalités des situations d’urgence (ressources limitées, accès aux services et capacités des conseillers). Il y a aussi eu des discussions concernant le recours à une nourrice et la relactation dans les situations d’urgence, pour lesquelles il manque de directives opérationnelles ainsi que de suggestions pratiques pour la conception d’interventions et la mise en œuvre de protocoles.

Soutien pour les nourrissons non allaités au sein : Plusieurs questions ont été posées à propos de la provenance et de la gestion des stocks de lait maternisés prêts à l’emploi, afin de respecter le Code international de commercialisation des substituts du lait maternel (le Code)6 lors de l’approvisionnement en substituts du lait maternel (SLM) et de savoir comment gérer les donations interceptées ou les produits périmés. Les discussions portant sur l'aide aux nourrissons non-allaités indique un manque de clarté quant à la mise en pratique, dans des situations ou contextes particuliers, des recommandations issues des Directives opérationnelles sur l'Alimentation du nourrisson et du jeune enfant en situation d'urgence.7

Surveiller et signaler les violations du code en cas d'urgence : Les discussions ont fait apparaître, sur le plan international, le manque de canaux clairement identifiés pour signaler les violations du Code dans les situations d'urgence, ainsi qu'un manque de clarté sur les mesures spécifiques à prendre dans les pays pour prévenir et traiter les violations du Code.

Pratiques d’allaitement inadéquates dues à des raisons/barrières culturelles — comment y remédier en situation d’urgence : Il semble également qu'il y ait un manque de connaissances sur le sujet. Il semble manquer des preuves et d’études de cas qui relient l’ANJE au changement de comportement et qui examinent ce qu'il est possible de réaliser aux différentes étapes d'une intervention d'urgence.

Différence entre les « coins ANJE » et les « espaces mère-bébé/espaces amis des bébés » : Il existe plusieurs documents d'orientation sur les espaces mère-bébé, mais ils sont basés sur la conception des programmes de chaque organisme et l'harmonisation fait défaut. Il existe une certaine confusion en ce qui concerne les différences de terminologie, de fonctions et d'exigences minimales.

Groupes de soutien mère-mère et modèles de groupes de soins : Bien qu’il existe des orientations générales sur la mise en œuvre de ces modèles, des questions subsistent quant aux différences entre eux et à la manière de mener efficacement les discussions de groupes de soutien au-delà de la simple transmission de messages.

Suivi et évaluation des programmes d’Alimentation du nourrisson et du jeune enfant en situation d’urgence (ANJE-U) : L’évaluation des résultats, de l’impact des interventions d’ANJE-U (outils, indicateurs, pertinence des méthodologies d’enquête) et de la formation constituait un défi continu. Cf. Tableau 5 qui rapporte les questions portant sur l’ANJE-U dans la rubrique « évaluation ».

Alimentation de complément : Les questions évoquées sur en-net (à propos des démonstrations culinaires et de l’impact des jardins potagers) ont été traitées, mais il semble que les preuves et les expériences disponibles ne soient pas consolidées pour s’y référer de manière simple.

Impact direct des interventions d’ANJE sur la réduction du retard de croissance et de l'émaciation : Les questions portant sur l’impact sont restées sans réponses. Cela peut être dû soit à un manque de preuves existantes soit à une difficulté de rassembler facilement les évidences.

Prévention et traitement de la MAM

Les questions de la rubrique MAM concernaient généralement des questions spécifiques sur le traitement/approche (29%) (par exemple : « Le Plumpy'Sup peut-il être utilisé pour le programme d’alimentation supplémentaire général [PASG] en l’absence de Plumpy'Doz » ?) ou constituaient une requête pour un document ou une directive précise (28%). Les discussions relatives aux critères d’admission et de sortie dans des circonstances spéciales étaient aussi fréquentes (17%), elles concernaient par exemple l’utilisation du PB comme seul critère d’admission et de sortie (voir Figure 3). La majorité des questions ont reçue une réponse satisfaisante (72,4%), alors que 17,3% des questions sont restées sans réponses, et 10,4% n’ont reçu qu’une réponse partielle. Un désaccord a été observé pour 6% des questions (n = 7). Les lacunes techniques concernaient le plus souvent les sous-rubriques « admission » (n = 7) et « traitement spécifique/cas spéciaux » (n = 6). Les principaux défis de programmation abordés sont résumés dans le Tableau 3.

Figure 3 : Thèmes des questions abordées dans la rubrique « MAM » du forum en-net

Tableau 3 : Principaux défis en matière de programmation abordés dans la rubrique « MAM » du forum en-net

Nombre de cas attendus pour les programmes d’alimentation complémentaire ciblé (PACC) : Les discussions ont révélé qu’il était nécessaire d’avoir un modèle standardisé qui puisse prendre en compte des facteurs tels que l’évolution estimée de la population, la couverture et la prévalence afin de déterminer le nombre de cas attendus et de faire des prévisions sur les besoins en approvisionnement.

Catégories de sorties : Des désaccords ont été constatés concernant la définition et le délai pour les différentes catégories de sortie du programme MAM.

Utilisation des produits nutritionnels pour prévenir la MAM : Le débat était se savoir si les produits nutritionnels avaient une place dans la prévention de la MAM et, si oui, comment, pendant combien de temps et s’ils devraient être réservés aux interventions humanitaires et/ou à des groupes spécifiques de personnes vulnérables. Les discussions ont fait apparaître la nécessité de disposer de plus de preuves et d'orientations claires.

Evolution du PB pendant l’alimentation supplémentaire : Dans le cas d’admissions sur le critère du PB seul, des questions portaient sur la manière dont le PB évoluait au cours du traitement de la MAM afin de permettre de mesurer les améliorations et le rétablissement des enfants.

Admission des femmes enceintes et allaitantes (FEA) avec MAM : Les discussions ont mis en évidence que les femmes enceintes souffrant de MAM ne sont souvent pas admises dans les programmes de traitement pendant leur premier trimestre de grossesse, une phase critique du développement du fœtus.

Prévention et traitement de la MAS

Les questions les plus populaires portaient sur la mise en œuvre et le suivi des programmes (38%) et sur les produits utilisés pour le traitement de la MAS (23%). Parmi ces thèmes, les questions les plus fréquentes concernaient le PB (seuils, admission et décharge sur base du PB seul) et l’incompatibilité entre les programmes MAS et MAM (comme le fait que les programmes MAS et MAM ne sont pas localisés au même endroit, ou que le système de référence entre les programmes est inefficace). Un certain nombre de questions portaient également sur l’approvisionnement et les ruptures de stocks. Les questions cliniques sur les spécificités des protocoles de traitement, les questions sur les méthodologies de recherche et les demandes d’informations générales pour éclaircir des questions de recherche constituaient respectivement 11% et 5% des questions techniques. Les questions concernant la prise en charge communautaire des nourrissons de moins de six mois ont entrainé le développement d’une rubrique dans le forum en-net dédiée à la gestion des mères à risque et des nourrissons de moins de six mois (MAMI). Les principales questions soulevées dans la rubrique MAS du forum sont rapportées dans le Tableau 4.

Tableau 4 : Principaux défis en matière de programmation abordés dans la rubrique « MAS » du forum en-net

PB : Les sujets concernant la mesure du PB étaient fréquents, notamment concernant la définition des seuils et l’admission et la décharge sur base du PB seul. Des appels ont été faits pour que les expériences et les évidences soient mieux partagées et pour souligner la nécessité d’avoir des directives claires sur les protocoles de prise en charge utilisant le PB seul.

Programmation quand le traitement de la MAS et de la MAM ne sont pas disponibles au même endroit : Les discussions comprenaient l’utilisation de critères étendus pour le traitement thérapeutique lors des situations d’urgence et pour l’utilisation de protocoles combinés tels que la prise en charge de la MAM et de la MAS à l’aide d’un protocole unique et d’un produit unique. Les utilisateurs recherchaient des recommandations pratiques sur ces nouvelles approches et protocoles pour les cas où les traitements contre la MAM et la MAS ne sont pas disponibles.8

Couverture : Les professionnels font régulièrement part des difficultés à atteindre des niveaux de couverture en accord avec les standards Sphère, ce qui soulève des problèmes liés à la qualité du programme et à sa mise en œuvre.

Ruptures de stocks de produits thérapeutiques : Les questions concernant les réponses adaptées aux ruptures de stock dans les centres de stabilisation (CS), les programmes thérapeutiques ambulatoires (PTA) et les programmes d’alimentation complémentaire (PAC) ainsi que les questions sur les protocoles de traitement modifiés, les rations et le reporting étaient fréquentes. Des questions spécifiques concernaient la manière de traiter les femmes enceintes malnutries en l’absence de farines mélangées maïs soja (CSB), la marche à suivre en l’absence de laits thérapeutiques (centres de stabilisation) et les directives pour permettre d’approvisionner pour plus longtemps les aliments thérapeutiques prêts à l’emploi (ATPE) dans des régions difficiles d’accès.

Approvisionnement en produits thérapeutiques basés sur des estimations du nombre de cas attendus : Bien que que les outils utilisés pour l’approvisionnement pour divers pays et programmes aient été partagés sur en-net, de nombreuses questions subsistaient quant à la méthode de calcul du nombre de personnes touchées par la malnutrition permettant de planifier les programmes. La nécessité d’un outil global pour l’approvisionnement de tous les produits a également été soulevée.

Stratégies de transition de la prise en charge communautaire de la malnutrition aiguë (PCMA) : Il y a eu un désaccord dans les discussions sur la manière de gérer la fermeture des programmes de PCMA soutenus par les ONG (stratégies de sortie).

Production locale de produits thérapeutiques à utiliser en soins ambulatoires : Plusieurs publications relatives à ce thème ont été publiées, comprenant le partage d’exemples et de recettes provenant d’Inde et du Bangladesh. Il n’existe cependant aucune directive internationale sur la production locale d’ATPE.

Directives pour le traitement de la MAS chez les patient souffrant de choléra : Bien qu'il s'agisse d'un domaine d'attention et d'élaboration de directives, les soins nutritionnels appropriés aux patients atteints de choléra qui souffrent de malnutrition aiguë continuent de présenter des défis importants pour les praticiens.

Évaluation et surveillance

La rubrique évaluation et surveillance était celle qui a été la plus régulièrement utilisée, avec plusieurs publications générant beaucoup de débats. La moitié des discussions étaient spécifiques à des enquêtes et à la manière de mettre en pratique les recommandations. Environ un tiers des questions (29,2% ; n = 110) étaient des questions ou discussions générales relatives aux évaluations, tandis que 20,7% (n = 78) étaient des questions générales relatives aux enquêtes (voir Figure 4).

Les sujets les plus fréquemment discutés étaient les indicateurs anthropométriques (42,4%), les méthodologies d’évaluation/le type d’évaluation (35%) et les tests, formules, données et seuils statistiques (27,9%). Des discussions majeures et récurrentes portaient sur le quand et le comment utiliser et interpréter les différents indicateurs anthropométriques (PB, score z du poids pour la taille [P/T (Poids-pour-taille en score z)], score z du poids pour l’âge [WAZ] et PB pour l’âge) ; les avantages et les inconvénients des enquêtes sur les connaissances, attitudes et pratiques (CAP) ; la manière d’obtenir un échantillon assez grand pour être en mesure d’étudier les indicateurs d’ANJE lors de la conduite d’une enquête nutrition/enquête SMART ; et la manière d’évaluer l’impact d’un programme (voir Tableau 5). Les autres questions comprenaient celles portant sur l’analyse des données avec l’utilisation d’un logiciel, les évaluations dans les populations pastorales, les milieux urbains, la surveillance nutritionnelle et les évaluations des adultes et personnes âgées.

La grande majorité des questions (88%) a bénéficié d’une réponse satisfaisante ; 7% n’ont pas eu de réponses satisfaisantes et 5% n’ont eu qu’une réponse partielle. Les lacunes dans les connaissances ou les directives les plus fréquemment identifiées étaient celles appartenant aux thèmes « différents types/méthodologies d’évaluation » (n = 14) et « organisation, échantillonnage, questionnaire/indicateurs et analyse » (n = 12).

Figure 4 : Questions complexes posées dans la rubrique « évaluation et surveillance »

Tableau 5 : Principaux défis en matière de programmation abordés dans la rubrique « Evaluation et surveillance » du forum en-net

Détermination des mesures ou combinaison de mesures (PB et P/T (Poids-pour-taille en score z)) à utiliser pour l’admission et la sortie d’un programme : De nombreuses questions sur en-net concernaient la meilleure méthode permettant de déterminer la présence de malnutrition aigue et en particulier l’influence possible de la morphologie sur ces mesures.

Inclusion des nourrissons de 0 à 5 mois dans les enquêtes nutritionnelles : Il y a un manque de clarté pour savoir quand inclure les nourrissons âgés de 0 à 5 mois dans les enquêtes et quelles en sont les conséquences méthodologiques et pratiques.

Évaluation de l’état nutritionnel des préadolescents et adolescents : Les discussions montraient un manque de consensus sur les indicateurs anthropométriques les plus adaptés pour apprécier l’état nutritionnel des enfants en âge scolaire et des adolescents.

Évaluation de l’état nutritionnel des FEA : Des discussions portaient sur l’approche la plus adaptée pour apprécier l’état nutritionnel et pour admettre les FEA dans les programmes de traitement. Les méthodes de mesures et de leur interprétation sont en effet divergentes (différents pays utilisent différentes limites de PB par exemple).

Inclusion des indicateurs d’ANJE dans les enquêtes SMART : Les professionnels ayant conduit les enquêtes SMART ont eu des difficultés à déterminer quels indicateurs supplémentaires d’ANJE pouvaient être inclus tout en maintenant un degré de précision suffisamment élevé pour permettre d’éclairer les décisions programmatiques.

Enquêtes CAP : Dix discussions sont apparues sur ce sujet et en particulier sur le besoin de clarté en ce qui concerne le moment approprié pour conduire une enquête CAP (objectifs) et de quelle manière la réaliser (questions sur les calculs de taille de l’échantillon [n = 4] et sur la manière de les associer avec la méthodologie SMART). Cela indique que les directives disponibles ne sont potentiellement pas suffisamment détaillées ou réalisables et qu’un besoin d’indicateurs et de questions homogénéisées existe dans de nombreux secteurs.

Analyses avancées des données d’enquêtes nutritionnelles : Les questions comprenaient par exemple les difficultés relatives à la stratification des grappes, aux tableaux croisés lors de l’analyse des données d’enquêtes nutritionnelles et à la façon d’utiliser la pondération pour les résultats d’enquêtes. Des demandes fréquentes de formation aux méthodes d’enquête SMART ont aussi été enregistrées.

Base de sondage lorsque les informations sur la taille de la population sont indisponibles : Bien que la méthodologie SMART fournisse des instructions, de nombreuses questions portaient sur l’échantillonnage et sur la détermination de la taille de la population dans les cas où les données de population ne sont pas fiables.

Flags (valeurs extrêmes) : Les discussions reflétaient un manque de consensus sur l’utilisation des « flags » à utiliser pour les données de PB, étant donné qu’il n’y pas de population de référence pour le PB.

Prise en compte du sexe dans la mesure de la malnutrition : Un débat persiste sur en-net à propos de l’apparente prévalence de malnutrition plus élevée chez les garçons, y compris de savoir  si les normes de croissance de l’enfant établies par l’OMS identifient elles-mêmes de préférence les garçons.

Mesure des pratiques alimentaires et de la qualité des régimes alimentaires chez les enfants de plus de deux ans : Des questions subsistent quant aux indicateurs adaptés (et dans quels contextes) à l'évaluation des pratiques alimentaires et de la qualité des régimes alimentaires chez les enfants de plus de deux ans (l’indicateur de régime alimentaire minimum acceptable (MAD) se réfère aux  enfants de moins de deux ans).

Recommandations et liens potentiels avec le GTAM

Cette analyse fournit un aperçu utile des défis techniques auxquels sont confrontés les praticiens dans les programmes de nutrition de première ligne. Les questions posées sur en-net font souvent référence à des questions pour lesquelles il n’y a pas de directives fermes, pour lesquelles une assistance est nécessaire pour interpréter ou adapter des directives déjà existantes à la pratique ou à un contexte spécifique, ou pour lesquelles il y a un manque de connaissances des directives qui existent déjà au niveau mondial/national. Les réponses des utilisateurs/modérateurs peuvent fournir des exemples concrets de ce qui se passe ailleurs ou fournir une conduite à tenir d’après les connaissances des répondants ou sur l’opinion de l’expert technique qui assure la modération du forum.9 Il n'est pas du ressort de cette revue de déterminer de manière exhaustive quelles questions marquantes/récurrentes sur en-net résultent vraiment des manque de preuves ou de directives et lesquelles reflètent une faible conscience/mise en pratique/accessibilité de ce qui est disponible. Cependant, les résultats ont permis d'identifier des domaines techniques clés qui méritent un examen plus approfondi et des idées pour les futures méthodes de travail pour en-net et le GTAM.

Gestion des questions techniques non résolues

Un défi majeur identifié dans cette revue est de savoir comment gérer les questions techniques non résolues, à la fois au travers de en-net et, par anticipation, par le biais de GTAM. Sur en-net, les questions ne sont remontées aux modérateurs techniques que lorsqu'il y a un désaccord ou un manque de solution ou si la question est grave ou urgente. Le but est d’obtenir le maximum du temps limité dont disposent ces personnes dévouées. En général, les questions restent sans réponses ou sont non résolues car elles sont mal formulées, parce qu'il n'y a pas de modérateur disponible, parce que les utilisateurs/modérateurs sont dans l'incapacité de répondre, parce que la question n'est pas pertinente pour les autres utilisateurs, parce qu'il n'y a pas besoin de réponse (par exemple dans le cas d'une annonce), ou parce que les utilisateurs ne souhaitent pas répondre à des utilisateurs anonymes (41 % des questions sur le forum MAM). Il peut aussi y avoir des raisons plus larges. Par exemple, le forum de prévention et traitement de la MAM était l'espace thématique le moins utilisé sur en-net et 17 % des publications sont restées sans réponses. Cela peut refléter le manque d'attention et de preuves pour la programmation de la MAM dans le domaine de la nutrition de manière plus générale (Shoham and McGrath, 2019), ou un manque de capacité du modérateur sur ce forum en particulier.

Pour aller de l’avant, nous proposons donc que les questions restées sans réponses pendant une période déterminée sur en-net soient systématiquement signalées aux modérateurs techniques afin qu'ils les relisent et y répondent. Si les modérateurs ou la communauté en-net sont dans l'incapacité de répondre (de manière définitive ou non) ou si les modérateurs considèrent qu'une consultation plus approfondie et une réunion au vu d'un consensus seraient bénéfiques, le GTAM pourrait permettre de formuler une réponse grâce à son interaction avec des groupes de travail thématiques globaux. L’expérience de l'ANJE dans le contexte Ébola partagée précédemment est un bon exemple de modèle de travail pour faire remonter des questions afin de développer une directive par consensus en coopérant avec un groupe d'experts et des parties prenantes nationales.

Bien que les débats techniques sur en-net, ainsi que les expériences et connaissances des modérateurs du forum soient très appréciées, les désaccords techniques ou les incertitudes peuvent être déroutants et ne pas être utiles aux besoins concrets et immédiats des gestionnaires de programmes. Pour résoudre ce problème, nous conseillons à ENN et au GTAM de coopérer afin de synthétiser les discussions délicates, d'identifier les lacunes dans les connaissances et les directives et de fournir une directive provisoire aux gestionnaires de programmes si besoin est.

Gestion des connaissances

Une multitude de conseils, de connaissances et d’expériences sont partagés sur en-net. Les utilisateurs se servent généralement de la fonction recherche pour trouver des discussions plus anciennes se rapportant aux problèmes techniques qu'ils recherchent. Lors de sa création, il était prévu que les questions ayant une réponse soient « fermées » ; en pratique, les sujets restent souvent d'actualité et sont revisités. Ainsi, tous les fils de discussions restent « actifs ». Le GTAM pourrait se servir d'en-net de manière continue comme d’une ressource libre afin de déterminer les problèmes techniques majeurs que rencontrent les gestionnaires de programme et d’en synthétiser les leçons apprises. Le GTAM pourrait également utiliser en-net afin de déterminer de potentielles études de cas des pays afin d’examiner les défis techniques plus en détails et de faciliter l'apprentissage entre pays.

Renforcement des réseaux et connections nationaux

Les pays ne devraient avoir recours au GTAM qu’une fois les capacités nationales et régionales épuisées. En-net est un moyen de localiser les ressources propres à chaque pays. Par exemple, plusieurs documents francophones et propres à chaque pays ont été fournis en réponse à une demande de documents de formation provenant de la République démocratique du Congo.10 Le GTAM a un rôle potentiel à jouer dans le renforcement de cette mise en réseau inter- et intra-pays en faisant suivre les questions spécifiques aux pays vers les contacts appropriés dans les pays. Cela devrait permettre d'élargir la base d'utilisateur en-net et la répartition géographiques de ces utilisateurs. Dans d'autres cas, les questions propres à chaque pays sont publiées spécifiquement sur en-net parce qu'elles restaient sans réponses au sein du pays. Ceci peut être illustré par exemple par une demande d'aide pour interpréter le Code international de commercialisation des substituts du lait maternel (le Code) au Bangladesh, où les définitions ne correspondent pas aux standards mondiaux. Dans ces cas-là, le GTAM pourrait simplifier le partage d'avis techniques et d'expertise en faisant remonter le problème aux experts du Code (par exemple). La manière de déterminer si un pays ou une instance régionale a été consultée et s’il existe des lacunes dans l’aide technique disponible à cette échelle, qu'elles soient imputables à un manque de preuves ou à des capacités régionales/nationales insuffisantes, représentera un domaine important que le GTAM devra examiner en continu. Cela soulève la question plus importante du rôle du GTAM et des mécanismes existants pour compenser le manque de capacité, dans l'immédiat et sur le long terme.

Étapes suivantes

En-net est une ressource couramment utilisée et est devenu le site de référence sur lequel se rendre pour une aide rapide, pratique et technique. Ces résultats justifient la décision d'intégrer en-net dans la plate-forme de services GTAM. Les auteurs recommandent donc au GTAM de continuer à surveiller en-net afin de déterminer les lacunes et les incohérences potentielles en matière de connaissances et de directives et afin de permettre de déterminer les défis majeurs auxquels sont confrontés les gestionnaires de programmes.

Il serait souhaitable de trianguler les résultats de cette revue avec d'autres revues techniques, et avec les connaissances et directives existantes afin de confirmer si une lacune technique existe réellement et de contribuer à définir les priorités initiales tandis que le GTAM se prépare à commencer à fournir des conseils techniques, à générer des directives par consensus et à mettre en relation les experts avec les agents de mise en œuvre pour s’assurer que les lacunes majeures sont comblées.

Pour en savoir plus, veuillez contacter Tamsin Walters, modérateur en-net, à tamsin@ennonline.net


1 L'espace thématique « évaluation » sur en-net a depuis été renommé « évaluation et surveillance »

3 La Tech RRT est un mécanisme d'intervention d'urgence créé en 2015 sous le leadership de International Medical Corps dans un consortium avec Save the Children et Action contre la Faim qui a pour but d'améliorer la qualité et l’ampleur des interventions humanitaires de nutrition. Elle est financée par USAID/OFDA, Irish Aid et ASDI, en collaboration avec le GNC et l'UNICEF (Division des Programmes) et fait partie du GTAM.

7 Depuis la réalisation de la revue de en-net, un article a été publié « Considerations regarding the use of infant formula products in IFE programmes (Gribble & Fernandes, 2018) » et pourrait être utilisé comme point de départ.

8 Un forum dédié aux approches simplifiées de la malnutrition aiguë comprenant les méthodes de traitement combinées MAS/MAM a été lancé sur en-net en juillet 2019.

9 Il est important de noter que les questions plus directes sur en-net sont gérées « hors-ligne » par le modérateur en-net afin de centrer le forum en ligne sur les échanges concernant les problèmes tirant profit des contributions des utilisateurs et des experts techniques.


Références

Annan, A. ; Web, Et Brown, R. (2014) CGMA forum brief on MAM. www.ennonline.net/attachments/2289/MAM-management-CMAM-Forum-Technical-Brief-Sept-2014.pdf  

GTAM (2019) Baseline Technical Needs Assessment Report www.ennonline.net/resource/baselinetechnicalneeds2019

Shoham, J. Et McGrath, M. (2019) Editorial perspective on the continuum of care for children with acute malnutrition. Field exchange numéro 60, juillet 2019. p 2. https://www.ennonline.net/fex/60/extendededitorial

Organisation mondiale de la santé (2016) Clinical care for survivors of Ebola virus disease. Directives temporaires. OMS (ORGANISATION MONDIALE DE LA SANTÉ). 11 avril 2016. https://www.who.int/csr/resources/publications/ebola/guidance-survivors/en/

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