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Renforcer les capacités nationales de préparation et d’intervention en matière de nutrition d’urgence en Asie de l’Est et dans le Pacifique

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Par Mueni Mutunga, Caroline Abla, Alexandra Rutishauser-Perera et Sri Sukotjo

Mueni Mutunga est spécialiste régionale en nutrition au Bureau régional de l’UNICEF pour l’Asie du Sud-Est et le Pacifique. Elle était auparavant directrice de la nutrition au Bureau de l’UNICEF au Soudan.

Caroline Abla est consultante et dispose de 27 ans d’expérience à l’international dans la gestion des programmes de nutrition et de santé publique en Afrique, en Asie et au Moyen-Orient, notamment dans l’élaboration de programmes d’enseignement et de formations.

Alexandra Rutishauser-Perera est responsable de la nutrition pour Action contre la faim au Royaume-Uni (ACF-UK). Elle possède 13 ans d’expérience dans le domaine de la nutrition (santé publique) en Afrique et en Asie, et plus particulièrement dans le domaine du transfert de capacités.

Sri Sukotjo est spécialiste en nutrition et travaille pour l’UNICEF en Indonésie. Elle a également apporté un soutien important au ministère indonésien de la Santé dans le cadre de la conception et de la mise en œuvre du programme de renforcement des capacités pour la nutrition en situation d’urgence dans le pays.

Les auteures souhaitent remercier UNICEF, Action contre la faim au Royaume-Uni, ainsi que les ministères de la Santé du Myanmar, d’Indonésie, des Fidji et de Kiribati pour leur précieuse collaboration dans le cadre de ce programme.

Lieu : Indonésie, Fidji et Kiribati

Ce que nous savons : Les régions de l’Asie et du Pacifique sont extrêmement vulnérables aux catastrophes naturelles et très exposées aux effets du changement climatique.

Ce que cet article nous apprend : UNICEF et Action contre la faim ont mis en place une formation sur la nutrition en situation d’urgence en Indonésie, aux Fidji et à Kiribati en 2018 et 2019 dans le cadre d’un programme régional de renforcement des capacités de préparation et d’intervention en situation d’urgence en Asie de l’Est et dans le Pacifique. Les supports pédagogiques sur la nutrition en situation d’urgence ont été adaptés à chaque contexte national avec l’appui de tous les gouvernements nationaux. En Indonésie, c’est le gouvernement lui-même qui a piloté l’élaboration d’un programme d’enseignement national, lequel a donné lieu à plusieurs formations au niveau national et infranational. Dans chaque cas, des plans d’action nationaux et infranationaux ont été élaborés pour combler les lacunes et améliorer les plans de préparation et d’intervention en matière de nutrition actuellement mis en œuvre. Parmi les enseignements tirés, citons notamment la nécessité d’adapter la formation dans le domaine de la nutrition en situation d’urgence au contexte national ; d’avoir recours à des exercices de simulation basés sur des situations réelles dans le pays concerné ; d’intégrer dans la formation des notions de coordination ; d’obtenir l’adhésion des gouvernements, des organisations non gouvernementales et du monde universitaire ; d’encourager l’organisation de formations en cascade au niveau infranational pour les différentes catégories du personnel de santé ; ou encore de prévoir du temps et un appui pour l’élaboration de plans d’action à mettre en place après les formations.

Contexte

L’Asie et le Pacifique sont des régions du monde extrêmement vulnérables aux catastrophes naturelles, aussi bien du point de vue de la fréquence de ces catastrophes que du nombre de personnes touchées (Banque asiatique de développement – BAsD, 2013). La région est en outre très exposée aux effets du changement climatique. Les événements climatiques extrêmes devraient avoir des répercussions encore plus importantes dans les années à venir sur la santé humaine, la sécurité, les moyens d’existence et la pauvreté, en accentuant les pressions sur les ressources et les lieux naturels (Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat – GIEC, 2014). Ces changements devraient entraîner l’accroissement du risque de malnutrition aiguë dans une région où la prévalence du retard de croissance est déjà extrêmement forte au sein de la population. Compte tenu de cette menace grandissante pour la nutrition, le groupe thématique sur la santé (Cluster Santé) de l’Association des nations de l’Asie du Sud-Est (ASEAN) a considéré en 2017 qu’il était urgent de renforcer les capacités de préparation et d’intervention en situation d’urgence des États membres afin d’améliorer la résilience nutritionnelle à l’échelle régionale.

Toujours en 2017, dans l’optique de guider l’élaboration d’une stratégie régionale de nutrition en situation d’urgence, l’UNICEF a également mené une analyse qualitative du niveau de préparation aux situations d’urgence nutritionnelle dans la région en se basant sur les compétences fondamentales en matière de nutrition en situation d’urgence (Meeker et al., 2014). Au regard de cette analyse, il a été recommandé d’utiliser la plateforme de l’ASEAN en vue d’accorder la priorité au domaine de la nutrition en situation d’urgence et de fournir une assistance technique aux pays membres afin de renforcer les capacités des systèmes de santé et des gouvernements locaux à se préparer et à faire face aux situations d’urgence. Quatre pays ont ainsi été jugés prioritaires dans le cadre de ce processus, au regard de leur exposition aux catastrophes naturelles (fréquence et répercussions attendues des catastrophes) et des capacités d’intervention disponibles au niveau national. Il s’agit du Myanmar, de l’Indonésie, des Fidji et de Kiribati. En 2018, l’UNICEF a lancé une initiative régionale de renforcement des capacités dans le domaine de la nutrition en situation d’urgence axée sur ces pays. Ce programme visait à constituer un groupe d’experts nationaux de la nutrition en situation d’urgence qui viendraient appuyer l’adoption de mesures de préparation et d’intervention en la matière au sein des pays concernés, mais aussi dans d’autres États membres de l’ASEAN (avec la formation d’une équipe d’intervention nationale/régionale) et deviendraient formateurs de formateurs sur les questions de nutrition en situation d’urgence. Ces experts contribueraient ainsi à renforcer les systèmes de santé et les plateformes de prestation de services existantes afin d’offrir des services courants dans le domaine de la nutrition. Dans cet article, nous nous intéressons au déploiement de ce programme sous l’angle des formations nationales et infranationales adaptées au contexte mises en œuvre en Indonésie, aux Fidji et à Kiribati, ainsi que des efforts en découlant pour élaborer et améliorer les plans de préparation nationaux.

Indonésie

L’Indonésie se trouve sur la ceinture de feu du Pacifique, une zone qui regroupe de nombreux volcans actifs. Le pays est donc fréquemment en proie à des séismes, à des éruptions volcaniques, à des tsunamis ainsi qu’à des accidents localisés, comme des glissements de terrain, des inondations ou des feux de forêt. En 2018, l’Indonésie a connu sa pire année depuis plus d’une décennie. En effet, plus de 3 000 personnes ont perdu la vie lors de tsunamis et de tremblements de terre survenus sur les îles de Sulawesi, de Lombok et de Sumatra ainsi que dans la province de Java occidental. Par la suite, en 2019, l’Agence nationale de gestion des catastrophes (BNPB) a recensé 3 622 catastrophes naturelles dans le pays.

En septembre 2018, en collaboration avec Action contre la faim au Royaume-Uni (ACF-UK), UNICEF a soutenu le ministère indonésien de la Santé dans l’organisation de la toute première formation sur la nutrition en situation d’urgence destinée aux pays de l’ASEAN. Cette formation de cinq jours a rassemblé des décideurs et des responsables politiques issus de neuf pays membres de l’ASEAN, le but étant de les encourager à adopter et à défendre des mesures visant à renforcer les capacités et les systèmes ainsi que la planification de programmes de santé publique pour répondre aux besoins en matière de nutrition en situation d’urgence dans leur pays respectif.

Le 28 septembre, soit le lendemain de la fin de la formation dispensée pour l’ASEAN, un séisme et un tsunami ont frappé la province de Sulawesi central en Indonésie, faisant apparaître au grand jour de graves lacunes concernant les capacités d’intervention dans le domaine de la nutrition en situation d’urgence. La catastrophe a en effet révélé le caractère limité des capacités en la matière au niveau national et infranational ainsi qu’un manque de directives et de procédures opératoires normalisées sur la nutrition en situation d’urgence. Même si les participants indonésiens à la formation de l’ASEAN sur la nutrition en situation d’urgence avaient acquis des connaissances de base, celles-ci étaient encore insuffisantes pour leur permettre d’assurer une intervention rapide et efficace dans ce contexte d’urgence. Dans ces circonstances, le ministère indonésien de la Santé a pris la décision de principe de renforcer les capacités nationales d’intervention en matière de nutrition en situation d’urgence, avant de lancer officiellement un programme à cette fin en novembre 2018. Cette initiative s’est en outre inspirée des conclusions d’une analyse des retours d’expérience menée après la catastrophe de la province de Sulawesi central, en avril 2019. La figure 1 présente la chronologie de ces étapes et d’autres événements importants survenus en Indonésie.

Figure 1 : Étapes clés du renforcement des capacités en matière de nutrition en situation d’urgence

Élaboration d’un programme national de formation sur la nutrition en situation d’urgence

Dans le cadre de l’initiative de renforcement des capacités du ministère de la Santé, un programme national de formation sur la nutrition en situation d’urgence a été spécialement conçu pour l’Indonésie. Le programme a été élaboré à partir des modules de formation générale sur la nutrition en situation d’urgence et des modules destinés aux pays de l’ASEAN. Les ajustements ont été effectués avec le soutien d’ACF-UK afin d’adapter la formation au contexte et aux politiques du pays, notamment les lignes directrices nationales relatives à la prise en charge intégrée de la malnutrition aiguë (PCMA) et la politique nationale en matière d’alimentation du nourrisson et du jeune enfant (ANJE). Les enseignements tirés de l’intervention nutritionnelle mise en place après le séisme et le tsunami qui ont frappé le Sulawesi central en 2018 ont permis de repérer les failles du système, telles que le manque de coordination et d’outils d’évaluation, et donc d’améliorer le programme. On a ainsi observé un manque criant de capacités au sein du personnel de santé pour permettre d’assurer des services de qualité optimale dans le domaine de l’ANJE. De fait, même après la mise en place d’espaces destinés à l’allaitement, aucun(e) conseiller/ère) compétent(e) dans ce domaine n’était disponible pour accompagner les mères allaitantes au niveau communautaire. Il s’est donc avéré nécessaire de faire venir des conseillers formés de Jakarta. On a en outre constaté que les capacités de traitement des enfants souffrant de malnutrition aiguë sévère étaient très restreintes en dépit d’une prévalence déclarée de 10,2 % en 2018. Aucun programme de traitement ambulatoire n’était alors en place, peu de médecins étaient formés à la prise en charge en hospitalisation de la malnutrition aiguë sévère, et on a également observé des manquements en matière de dépistage et de référence des cas de malnutrition aiguë sévère à l’échelle communautaire. Un soin particulier a été apporté pour intégrer ces aspects à la première mouture du programme de formation. La figure 2 présente la structure et les différents éléments de la formation. Il n’était pas possible de consacrer une séance entière à la programmation multisectorielle. Par conséquent, les interventions dans les domaines financier et alimentaire ont été incluses dans la séance sur la malnutrition aiguë modérée, et les différents aspects de la sécurité alimentaire et des moyens d’existence ont été intégrés à la séance sur l’évaluation des besoins. En outre, la coordination gouvernementale a été abordée lors de la séance sur la coordination des clusters.

Figure 2 : Contenu du cours sur la nutrition en situation d’urgence en Indonésie 

Formation nationale

La première formation nationale sur la nutrition en situation d’urgence basée sur le nouveau programme a été dispensée en avril 2019. Elle a réuni 19 participants, dont des membres du personnel du ministère de la Santé travaillant à l’échelle nationale ou régionale, des organisations non gouvernementales (ONG) locales et nationales, ainsi que des principaux établissements universitaires. Environ un tiers des participants avaient contribué à la mise en œuvre de l’intervention d’urgence lors des mois précédents en Indonésie. Une journée entière a été consacrée à un exercice de simulation d’urgence portant sur l’intervention nutritionnelle et la coordination par le Cluster. Le dernier exercice de simulation réalisé lors de la formation de l’UNICEF sur la nutrition en situation d’urgence au Liban a servi de modèle à cette formation, avec des adaptations au contexte indonésien.

La formation comprenait également un atelier d’une journée et demie assuré par le ministère de la Santé sur les prochaines étapes de la préparation et de la mise en œuvre d’actions dans le domaine de la nutrition en situation d’urgence. Cette formation a permis l’élaboration de procédures opératoires normalisées nationales dans les différents domaines de la nutrition en situation d’urgence, d’après les enseignements tirés des cours, des exercices de simulation et des longues discussions entre les participants sur les prochaines étapes à mettre en place. Les procédures opératoires normalisées ainsi élaborées ont porté sur la coordination, l’évaluation, l’ANJE, les carences en micronutriments et la PCMA. Chaque Terme de référence abordait la planification des interventions dans le domaine de la nutrition en situation d’urgence et présentait les plans de préparation aux situations d’urgence et d’après-crise.

Une fois la formation dispensée au niveau national terminée, les participants et les animateurs ont pu faire des retours sur cette expérience. Un atelier de suivi réunissant des représentants du ministère de la Santé, d’établissements universitaires et d’ONG locales a été organisé en juillet 2019 afin de revoir et d’ajuster le programme d’enseignement, mais aussi d’adapter encore davantage les supports de formation aux politiques et contexte nationaux. Un guide a aussi été élaboré à l’intention des animateurs et le programme a été traduit en indonésien. Les formateurs de formateurs ont été sélectionnés parmi les participants de la première formation nationale et ont effectué un exercice complémentaire de microenseignement. À la suite de cet exercice, le module a été mis à l’essai lors de deux formations régionales sur la nutrition en situation d’urgence.

Formation régionale

Deux formations ont été organisées à l’échelle régionale à partir du nouveau programme. Elles ont été dispensées en septembre 2019 auprès de 50 participants, issus de 12 des provinces indonésiennes les plus exposées aux catastrophes. Ces formations ont été assurées par l’équipe nationale de formateurs de formateurs, avec l’appui technique du bureau de l’UNICEF en Indonésie.

Plusieurs adaptations ont été apportées à la formation infrarégionale avec l’ajout d’une simulation de réunion d’un sous-cluster Nutrition pour mettre en avant les techniques d’animation efficaces ; de l’étude du remplissage, de l’analyse et de l’interprétation de la matrice « Qui fait Quoi Où et Quand » (en anglais, 4W – Who does What Where & When) afin d’appuyer la prise de décision des sous-cluster Nutrition ; et d’un exercice pratique sur l’utilisation des outils de collecte de données mobiles à des fins d’évaluation (KoBoToolbox1). Des études de cas ont en outre été intégrées dans le but d’aider les participants à identifier les interventions liées à la nutrition pertinentes et à mettre en évidence les liens que les clusters Nutrition peuvent établir avec d’autres secteurs dans les situations d’urgence, notamment les secteurs de la santé ; de la sécurité alimentaire et des moyens d’existence ; de l’eau, de l’assainissement et de l’hygiène (EAH) ; ou encore de la logistique.

Il a été demandé aux participants de concevoir un plan de mise en œuvre de mesures de nutrition en situation d’urgence pour leur province au début du cours, en s’appuyant sur les enseignements tirés de chaque séance. À la fin de chaque journée de formation, les participants étaient regroupés par province afin de discuter de ce qu’ils avaient appris et de la manière dont cela pourrait se traduire dans leurs plans portant sur la nutrition en situation d’urgence. À la fin de la formation, chaque province a présenté son plan à l’ensemble des participants et recueilli leurs observations à des fins d’amélioration. Après chaque formation régionale, des adaptations et des améliorations ont été apportées au programme de formation. Des efforts sont actuellement déployés pour que le programme sur la nutrition en situation d’urgence soit reconnu et dispensé dans les universités et les établissements d’enseignement technique locaux.

Depuis le lancement de cette initiative, le gouvernement indonésien a doublé les ressources allouées aux catastrophes et le ministère de la Santé a affecté un budget spécial au déploiement de la formation dans les districts de chacune des provinces formées. Qui plus est, dans le cadre du mécanisme de financement mondial visant à réduire les retards de croissance, un plan national a été adopté pour mettre à l’échelle huit interventions essentielles dans le domaine de la nutrition via le système de santé. Certaines de ces actions devraient également favoriser le déploiement des plans de préparation dans le domaine de la nutrition en situation d’urgence.

Fidji

Les Fidji sont particulièrement sensibles aux glissements de terrain, aux crues soudaines et aux ondes de tempête provoqués par certains phénomènes tropicaux, tels que les dépressions et les cyclones. En 2016, le pays a été durement frappé par le cyclone tropical Winston. Ce cyclone de catégorie 5 a détruit de nombreuses infrastructures et ravagé les moyens d’existence de près de 60 % de la population fidjienne. En septembre 2019, la responsable de la nutrition d’ACF-UK a rencontré les principales parties prenantes au plan d’intervention d’urgence aux Fidji. Cette réunion consultative de deux heures a regroupé différents services du ministère de la Santé et des ONG œuvrant dans le secteur de la nutrition afin de mieux comprendre le contexte national et de rassembler des documents pertinents. Ces échanges ont permis d’adapter la formation sur la nutrition en situation d’urgence destinée aux Fidji au contexte national et aux besoins du ministère de la Santé, mais aussi de concevoir des exercices pratiques pertinents.

Une formation sur la nutrition en situation d’urgence de cinq jours a été organisée en novembre 2019 à Nadi. Elle a réuni 25 participants du ministère de la Santé et des Services médicaux. Cette formation portait sur les concepts de la nutrition en situation d’urgence ; l’évaluation des besoins et l’analyse de la situation ; la PCMA (d’après les lignes directrices nationales sur la PCMA mises à jour, mais pas encore mises en œuvre) ; l’alimentation du nourrisson et du jeune enfant dans les situations d’urgence (comment utiliser les orientations opérationnelles sur l’alimentation du nourrisson et du jeune enfant dans les situations d’urgence ?2) ; les micronutriments ; et l’utilisation de NutVal3 afin de planifier, de calculer et de contrôler la valeur nutritionnelle de l’aide alimentaire. Les participants ont intégré des données réelles sur les Fidji dans NutVal, ce qui leur a permis de s’accorder sur une nouvelle composition des aides alimentaires distribuées dans le pays, en tenant compte de la forte prévalence des maladies non transmissibles à l’échelle nationale.

Tout au long de ce cours, les participants ont été encouragés à mettre en lumière les lacunes à corriger afin d’améliorer la préparation des Fidji. Ainsi, ils ont souligné la nécessité d’élaborer une méthode d’évaluation rapide initiale multi-clusters en vue de déterminer la prévalence de l’émaciation. Ils ont également convenu de la nécessité d’adopter une politique en matière d’alimentation du nourrisson et du jeune enfant dans les situations d’urgence. Le dernier jour, les participants ont été répartis dans quatre groupes qu’ils ont eux-mêmes choisis (évaluation, malnutrition aiguë, alimentation du nourrisson et du jeune enfant dans les situations d’urgence et micronutriments). On leur a alors demandé de concevoir des plans de préparation, en s’inspirant du plan national fidjien de gestion des catastrophes et des situations d’urgence sanitaires pour la période 2013-2017 (HEADMAP). L’objectif de cette démarche est de s’appuyer sur les plans ainsi élaborés pour intégrer le thème de la nutrition (essentiellement absent jusqu’à présent) au nouveau plan national HEADMAP, en cours de développement.

Kiribati

L’archipel des îles Kiribati est exposé à de nombreux types de catastrophes naturelles, telles que les séismes ou les tsunamis, et confronté à un risque élevé de crises et de catastrophes humanitaires4. De plus, depuis novembre 2016, le pays est de plus en plus touché par la sécheresse en raison de l’épuisement des réserves d’eau douce. Cette situation s’est en outre dégradée en raison des tempêtes fréquentes, de l’élévation du niveau de la mer et des inondations côtières, qui rendent les puits et les sources d’eau souterraine inutilisables.

Lors d’une visite organisée à Kiribati en septembre 2019, les principales parties prenantes ont pu se réunir et se rendre sur plusieurs sites. La formation sur la nutrition en situation d’urgence, adaptée pour correspondre pleinement aux spécificités et aux besoins du pays, s’est déroulée début décembre 2019. Si cette formation abordait les mêmes sujets que celle dispensée aux Fidji, à Kiribati, les 18 participants étaient issus d’horizons très différents. On comptait notamment des pédiatres, des membres des ministères du Commerce et de la Pêche, mais aussi des chefs de projets d’ONG. La formation a donné lieu à des échanges enrichissants sur la prise en charge de la malnutrition aiguë, alors que l’équipe pédiatrique de Kiribati n’a pas encore adopté les mises à jour de 2013 de la prise en charge de la malnutrition aiguë sévère de l’Organisation mondiale de la Santé5. Pendant la séance de formation sur NutVal, les participants se sont accordés sur une ration de base à recommander aux entreprises qui effectuent des dons en faveur des populations touchées par des catastrophes. Lors du dernier jour de formation, les participants ont élaboré des interventions clés à intégrer au plan provisoire de préparation aux situations d’urgence du ministère de la Santé et des Services médicaux. Parmi ces interventions figurent notamment une déclaration commune portant sur l’alimentation du nourrisson et du jeune enfant dans les situations d’urgence, des questionnaires d’évaluation ainsi qu’un plan visant à garantir un approvisionnement régulier en laits thérapeutiques F75/F100 et en poudres de micronutriments dans le cadre de la prise en charge de la malnutrition aiguë et à effectuer un pilote sur la fourniture d’aliments thérapeutiques prêts à l’emploi. Nous ne disposons pas encore de données sur la prévalence de l’émaciation, mais cela devrait bientôt être le cas.

Leçons apprises

Plusieurs enseignements peuvent être tirés des formations sur la nutrition en situation d’urgence dispensées en Indonésie, aux Fidji et à Kiribati. En les adaptant à d’autres contextes, ils peuvent être mis en pratique pour veiller à l’efficacité des formations sur la nutrition en situation d’urgence et apporter de réelles améliorations aux plans de préparation et d’intervention dans ce domaine au niveau national et infranational.

Adaptation des formations au contexte national

Le succès des formations résulte des efforts déployés pour adapter les supports au contexte national et combler les lacunes relatives à la préparation et aux interventions dans le domaine de la nutrition en situation d’urgence identifiées dans chaque pays. Pour garantir l’efficacité de cette approche, il est donc crucial que les concepteurs des séances de formation aient une bonne compréhension de la situation nutritionnelle dans un contexte donné, ainsi que des plateformes, politiques et systèmes existants, et qu’ils tiennent compte des actions mises en œuvre lors de catastrophes passées, si possible. Dans chacun des pays visés, les parties prenantes ont participé à ce processus d’apprentissage. Dans le cas de l’Indonésie, elles ont également pris part à l’élaboration du programme d’enseignement, ce qui a grandement favorisé l’appropriation du processus de renforcement des capacités à l’échelle nationale. Les supports de formation doivent être cohérents avec les politiques nationales et le contexte nutritionnel (par exemple, la prévalence de l’émaciation, du retard de croissance et des maladies non transmissibles), y compris avec la terminologie employée, pour maximiser les synergies entre les enseignements tirés et les mesures mises en œuvre après la formation. Dans le cas de l’Indonésie, l’adaptation de la formation au contexte national a permis de renforcer l’acceptation des directives générales à l’échelle locale, y compris l’utilisation de la mesure du périmètre brachial en plus de l’indice poids-pour-taille en vue de dépister les cas de malnutrition aiguë sévère et le recours à la technique de relactation pour traiter les cas compliqués d’émaciation chez les nourrissons de moins de six mois.

Exercices de simulation

Les exercices de simulation se sont révélés utiles pour mettre en pratique les connaissances acquises en classe et encourager les participants à appliquer les notions apprises dans leur contexte d’intervention. Ils ont en outre permis de repérer plus facilement les compétences que les participants devaient approfondir ainsi que les lacunes des directives locales à corriger dans les futurs plans d’action. Les exercices de simulation conçus à partir de données issues du pays concerné et de scénarios reprenant des événements réels ont été les plus efficaces. Ainsi, en Indonésie, ils ont notamment porté sur la catastrophe survenue récemment dans le Sulawesi central et dont un grand nombre de participants ont été témoins, tandis qu’aux Fidji et à Kiribati, ils ont été conçus à partir des données nationales.

Intégration des questions portant sur la coordination

La formation, l’orientation et la planification doivent comprendre des aspects relevant de la coordination afin de s’assurer que les systèmes adéquats sont en place pour soutenir les plans de préparation et d’intervention.

Implication des parties prenantes concernées

Dans les trois contextes, des efforts ont été déployés en amont des formations pour obtenir l’adhésion des gouvernements, ce qui a grandement contribué à leur réussite. En Indonésie, l’appropriation par le ministère de la Santé du processus de renforcement des capacités et le rôle de chef de file qu’il a joué en la matière ont été déterminants pour la mise en œuvre des actions définies lors de la formation, notamment l’élaboration de mandats et l’obtention de financements visant à perfectionner le programme d’enseignement et les formations infranationales. Aux Fidji et à Kiribati, les cadres du ministère de la Santé ayant participé à la formation ont déclaré qu’ils se sentaient désormais en mesure d’enseigner les bases de la nutrition, la physiopathologie de la malnutrition aiguë sévère, la mise en œuvre du Code international de commercialisation des substituts du lait maternel, ainsi que la gestion des dons. La mobilisation de diverses parties prenantes dans tous les pays en sus du ministère de la Santé, telles que des ONG locales et des établissements universitaires, a elle aussi joué un rôle clé pour former des équipes nationales sur la nutrition en situation d’urgence et déployer des programmes de formation et des plans nationaux, ainsi que pour améliorer les méthodes d’apprentissage. L’implication d’acteurs du monde universitaire en Indonésie a notamment facilité le processus visant à faire reconnaître le programme national de formation sur la nutrition en situation d’urgence et à ce que ledit programme soit enseigné dans les universités locales.

Formation en cascade à l’échelle infranationale

L’exemple de l’Indonésie montre bien la nécessité de ne pas uniquement dispenser des formations au niveau national, mais également à l’échelle des provinces et des districts afin d’apporter de réels changements et de mettre en place des mesures véritablement efficaces de préparation et d’intervention en situation d’urgence. L’exemple de Kiribati révèle quant à lui la nécessité de renforcer les capacités des agents de santé à tous les niveaux pour veiller à la mise en œuvre des plans au sein des communautés et des structures. Des efforts sont déployés pour institutionnaliser la formation en Indonésie et il faut, dans la mesure du possible, encourager cette démarche afin d’obtenir des résultats pérennes.

De l’importance de prévoir du temps et un appui pour l’élaboration des plans d’action

Les trois exemples mettent en évidence l’intérêt de laisser aux participants le temps de travailler ensemble et d’appliquer immédiatement les connaissances acquises à des plans de préparation concrets pour produire de réels changements. Dans les trois pays ciblés, les ministères de la Santé ont demandé un soutien pour renforcer la formation et les plans de préparation, ce qui témoigne de leur volonté d’intégrer les enseignements tirés aux stratégies et plans nationaux. En Indonésie, à la suite de la formation de l’ASEAN, le ministère de la Santé a lancé un programme de renforcement des capacités dans le domaine de la nutrition en situation d’urgence et un organe de coordination spécialisé en la matière a été créé. Il rassemble des représentants du gouvernement, d’ONG locales et des Nations Unies, et atteste de l’engagement à long terme du pays.

Conclusion

Les formations sur la nutrition en situation d’urgence dispensées par l’UNICEF et ACF en Indonésie, aux Fidji et à Kiribati révèlent que l’utilisation de supports pédagogiques adaptés au contexte peut s’avérer très utile pour renforcer les capacités de préparation et d’intervention des parties prenantes nationales et infranationales dans le domaine de la nutrition. Ce programme a donné lieu à la constitution d’un pool de professionnels formés à la nutrition en situation d’urgence représentant ces trois pays. Ces experts peuvent contribuer à l’élaboration de plans nationaux de préparation en matière de nutrition et être sollicités en cas de crise dans leur propre pays ou ailleurs dans le monde. En outre, les formations ont encouragé les gouvernements nationaux à pallier les lacunes dans le domaine de la nutrition en situation d’urgence au sein de leur pays et permis l’adoption de plans d’action concrets qui sont en cours de mise en œuvre dans les trois pays.

En conséquence du processus de renforcement des capacités, l’Indonésie s’est engagée à mettre au point des directives et des procédures opératoires normalisées nationales afin d’orienter les interventions nutritionnelles dans les situations d’urgence à venir et de rationaliser les mécanismes de coordination en matière de nutrition au niveau national et infranational. Ces directives et procédures visent également à renforcer les processus de gestion de l’information et à normaliser les programmes d’intervention. Les capacités des gouvernements locaux et du personnel dans les districts ont également été renforcées pour assurer la bonne mise en œuvre de ces plans. Les Fidji et Kiribati revoient actuellement la composition de leurs aides alimentaires d’urgence afin d’y inclure des aliments plus sains et de favoriser la diversité du régime alimentaire des enfants. Ces pays s’engagent en outre à améliorer leurs capacités infranationales relatives aux interventions nutritionnelles. Dans l’ensemble de la région, l’UNICEF continuera de promouvoir son approche par pays du renforcement des capacités dans le domaine de la nutrition en situation d’urgence.

 

Pour en savoir plus, veuillez contacter Alexandra Rutishauser-Perera à : a.rutishauserperera@actionagainsthunger.org.uk


1 KoBoToolbox est une plateforme en ligne d’outils de collecte de données et d’analyse qui peut être utilisée pour recueillir des données dans les zones ne disposant d’aucune couverture du réseau mobile ni Internet.

5 https://www.who.int/fr/publications/i/item/9789241506328


Références

Banque asiatique de développement (BAsD). 2013. Food Security in Asia and the Pacific. © Banque asiatique de développement. Disponible à l’adresse suivante : http://hdl.handle.net/11540/1435. Licence : CC BY 3.0 IGO.

GIEC. 2014. Changements climatiques 2014 : Incidences, adaptation et vulnérabilité. « Partie B : Aspects régionaux. » Contribution du Groupe de travail II au Cinquième rapport d’évaluation du GIEC [Barros, V.R., C.B. Field, D.J. Dokken, M.D. Mastrandrea, K.J. Mach, T.E. Bilir, M. Chatterjee, K.L. Ebi, Y.O. Estrada, R.C. Genova, B. Girma, E.S. Kissel, A.N. Levy, S. MacCracken, P.R. Mastrandrea, et L.L. White (éd.)]. Cambridge University Press, Cambridge, Royaume-Uni et New York, NY, É.-U., p. 688.

Meeker, J., Perry, A., Dolan C., Emary, C., et al. (2014). « Development of a competency framework for the nutrition in emergencies sector ». Public Health Nutrition, vol. 17, no 3, p. 689 à 699. Doi :10.1017/S1368980013002607

 

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