Évaluation de l’impact d’un programme de protection sociale axé sur la nutrition dans le nord du Nigéria
Par Caroline Antoine, Stella Esedunme, Céline Sinitzky Billard, Sabi’u Suleiman Shehu et Gladys Esther Ahuwan
Caroline Antoine est référente médicale pour Action contre la faim (ACF) et responsable de l’élaboration et du déploiement de la stratégie de l’organisation en matière de santé. Elle dispose de dix années d'expérience dans le domaine de la santé dans le secteur humanitaire
Stella Esedunme est gestionnaire de projet pour Action Against Hunger (AAH) dans le cadre du programme de subventions pour le développement de l’enfance (CDGP) au Nigéria. Son expertise inclut la mobilisation communautaire, le développement, la prise en charge de la malnutrition et le renforcement des capacités des gouvernements.
Céline Sinitzky Billard est conseillère en transferts monétaires et en protection sociale pour ACF. Agronome titulaire d’un master en agroéconomie, Céline possède une vaste expérience humanitaire en Afrique, en Asie et au Moyen-Orient.
Sabi’u Suleiman Shehu était spécialiste du plaidoyer et de la communication lors de la première phase du CDGP. Il dispose de huit années d’expérience dans ce domaine, et occupe désormais le poste de responsable du plaidoyer et de la communication pour AAH au Nigéria.
Gladys Esther Ahuwan est responsable de la nutrition et de la santé pour le CDGP et a travaillé sur la mise en œuvre de la stratégie de communication pour le changement social et le changement de comportement dans l’État de Jigawa.
Les auteurs souhaitent remercier le consortium e-Pact et Oxford Policy Management, le ministère britannique du Développement international (DfID), le gouvernement de l’État de Jigawa au Nigéria et le bureau de pays de Save the Children au Nigéria pour leur contribution à l’évaluation du programme de subventions pour le développement de l’enfance (CDGP).
Cet article résume les conclusions tirées de l’évaluation finale du programme de subventions pour le développement de l’enfance (CDGP) menée par le consortium e-Pact1 et Oxford Policy Management. Il résume les informations du rapport d’évaluation rédigé par le consortium e-Pact, disponible à l’adresse suivante : www.opml.co.uk/projects/evaluation-child-development-grant-programme-cdgp
Lieu : Nord du Nigéria
Ce que nous savons : Si des données probantes attestent des effets positifs des transferts monétaires dans le domaine de la sécurité alimentaire, leur impact sur la nutrition est toutefois moins fondé.
Ce que cet article nous apprend : Le Programme de subventions pour le développement de l’enfance (CDGP) a été mis en place de 2013 à 2019 pour faire face à la pauvreté et à la sous-nutrition largement répandues dans les États de Zamfara et Jigawa au nord du Nigéria. Les femmes enceintes ont bénéficié de transferts monétaires jusqu’au deuxième anniversaire de leur enfant. L’intensité des activités de communication pour le changement social et le changement de comportement, à savoir faible ou forte, a été appliquée dans certains domaines du programme sélectionnés de manière aléatoire. Une enquête quantitative a été menée au début, à mi-parcours et à la fin du programme. Une évaluation de processus et une enquête qualitative auprès d’informateurs clés ont également été réalisées. Leurs résultats indiquent que les individus ciblés par le programme ont effectivement bénéficié des transferts monétaires et des interventions de communication pour le changement social et le changement de comportement (avec quelques retombées additionnelles). Les résultats de l’enquête finale mettent en évidence l’augmentation du recours aux services de soins prénatals et des naissances en maternité, des améliorations concernant les croyances, comportements et pratiques alimentaires relatifs aux nourrissons et aux jeunes enfants (en particulier à l’égard de l’allaitement maternel exclusif et adéquat immédiatement après l’accouchement), ainsi qu’une augmentation de la diversité alimentaire des nourrissons âgés de 6 à 23 mois. Le recours à la vaccination et la fréquence des diarrhées et des maladies sont autant d’indicateurs d’amélioration de la santé infantile liés à de meilleures pratiques en matière d’eau, d’hygiène et d’assainissement. Si la prévalence du retard de croissance chez les enfants âgés de moins de cinq ans a baissé de 5,4 % dans les zones CDGP lors de l’enquête finale, aucune amélioration n’a été enregistrée concernant les indicateurs d’émaciation ou d’insuffisance pondérale. Bien qu’il reste des défis à relever pour obtenir des résultats anthropométriques sensiblement meilleurs, les résultats montrent que l’association des transferts monétaires et des interventions de communication pour le changement social et le changement de comportement peut limiter la malnutrition et favoriser les progrès dans le domaine de la santé infantile.
Introduction
Financé par le ministère britannique du Développement international, le Programme de subventions pour le développement de l’enfance (CDGP) était un programme de six ans mis en œuvre de 2013 à 2019 au nord du Nigéria, dans l’État de Zamfara par Save the Children et dans l’État de Jigawa par Action contre la faim (voir carte figure 1). Le programme ciblait cinq collectivités locales : Anka et Tsafe dans l’État de Zamfara et Buji, Gagarawa et Kiri Kasama dans l’État de Jigawa. Le programme a été mis en œuvre en milieu rural, où l’activité agricole représente le principal moyen de subsistance de la population. Organisés autour d’un homme vivant avec une ou plusieurs femmes et leurs enfants, les ménages sont généralement composés de nombreux individus (ils comportent en moyenne neuf personnes, comme l’indiquent les résultats finaux). Avec près de 64 millions de personnes vivant dans la pauvreté extrême dans la région, les taux de pauvreté et de précarité sont élevés au nord du Nigéria2. Le poids de la pauvreté et les isuffisances liées à la prestation des services de santé ont contribué à la prévalence extrêmement élevée de la sous-nutrition. Près de 37 % des enfants nigérians âgés de moins de cinq ans souffrent d’un retard de croissance. Au nord du pays, ce sont près de la moitié des enfants de moins de cinq ans qui souffrent d’un retard de croissance, tandis qu’un tiers sont en insuffisance pondérale et un cinquième d’entre eux sont émaciés3.
Le programme avait pour objectif de faire face à la pauvreté endémique et à la sous-nutrition en accordant, sans condition, des transferts monétaires de 3500 nairas nigérians par mois (soit environ 10 dollars US) à 90 000 femmes enceintes. Le montant du transfert a été révisé à la hausse en janvier 2017 pour atteindre 4000 nairas4 afin de prendre en compte l’augmentation de 44 % des coûts d’un régime alimentaire sain et nutritif, mise en évidence en 2016 dans la zone d’activité concernée5, et aux efforts de plaidoyer mis en œuvre auprès des parties prenantes pour adapter l’aide financière en conséquence. Les transferts monétaires débutent dès la détection de la grossesse et sont versés jusqu’au deuxième anniversaire de l’enfant, ciblant ainsi les 1000 premiers jours de sa vie. Outre les transferts monétaires, les communautés intégrées au programme ont bénéficié de conseils sur l’éducation et la nutrition des enfants par l’intermédiaire d’un volet de communication pour le changement de comportement et de normes sociales (à savoir l’approche « cash+ »).
Figure 1 : Les zones de mise en œuvre du CDGP
Les programmes ont testé deux approches de la communication pour le changement social et le changement de comportement :
1. Approche de la communication pour le changement social et le changement de comportement de faible intensité, à travers des affiches, des messages diffusés à la radio, des SMS, des discussions sur la santé et des démonstrations culinaires.
2. Approche de la communication pour le changement social et le changement de comportement de forte intensité, reposant sur des groupes d’appui et un conseil individuel pour les femmes bénéficiant de transferts monétaires, en plus des composantes de l’approche de faible intensité.
L’approche « cash + » devait contribuer à améliorer la sécurité alimentaire ainsi que l’adoption de pratiques et de comportements positifs afin de renforcer la santé maternelle et infantile en suivant les profils d’évolution illustrés dans la figure 2. Le programme visait à protéger 42 000 personnes contre la faim et l’extrême pauvreté, et en particulier à réduire le taux d’émaciation chez les 94 000 enfants des foyers ciblés (avec une augmentation du score z de la taille-pour-âge de la valeur de un écart type lors de la situation finale), et à réduire de 3 à 5 % la mortalité des enfants âgés de moins de cinq ans.
Figure 2 : La théorie du changement du CDGP
Méthodologie de l’évaluation de l’impact du programme
Si des données probantes attestent des effets positifs des transferts monétaires dans le domaine de la sécurité alimentaire, leur impact sur la nutrition est toutefois moins fondé. Un volet d’évaluation et de recherche indépendantes a donc été intégré au programme afin de mettre en évidence son impact sur la nutrition à l’aide de données probantes. L’évaluation menée par Oxford Policy Management (OPM), visait à décrire l’impact du programme sur les résultats escomptés en utilisant des méthodes d’évaluation quantitatives et qualitatives et des méthodes d’évaluation de processus.
L’évaluation quantitative était basée sur une enquête menée auprès des ménages avant le lancement du programme (situation de départ : août à octobre 2014), deux années plus tard (milieu du programme : octobre à décembre 2016) et vers la fin du programme (situation finale : août à octobre 2018). Cette enquête avait pour objectif de déterminer l’effet du programme sur la nutrition de l’enfant, sur les connaissances et les pratiques relatives aux comportements sains et aux bonnes habitudes alimentaires, ainsi que sur les activités de subsistance. Ce volet a été mis en place sous la forme d’un essai contrôlé randomisé en grappes dans lequel les communautés ont été réparties de façon aléatoire dans des groupes bénéficiant soit des interventions du CDGP (groupes de traitement : les deux groupes reçoivent des transferts monétaires, et un groupe est exposé à l’approche de communication pour le changement social et le changement de comportement de faible intensité tandis que l’autre est exposé à l’approche de forte intensité), soit d’aucune intervention (groupe témoin).
Pour comprendre le fonctionnement du programme, les défis à relever pendant sa mise en œuvre ainsi que les facteurs qui influencent ses répercussions, une évaluation de processus associée à une analyse des données du programme issues des entretiens avec les responsables de son exécution et d’autres parties prenantes ont été exploitées. Une étude qualitative et longitudinale a également été entreprise ; elle consistait à effectuer le suivi d’un petit groupe de ménages ayant bénéficié du programme pendant trois cycles de collecte de données. À travers des entretiens individuels, ce volet a identifié les opinions des membres des ménages interrogés concernant le programme et son impact sur leur quotidien, y compris sur leur culture, leurs comportements et leurs rapports de force. La méthodologie détaillée des volets qualitatifs et quantitatifs de l’évaluation se trouve dans le rapport intégral.6
Principales conclusions
Intervention du programme
Le CDGP est parvenu à atteindre sa cible, à savoir les femmes enceintes, jusqu’au deuxième anniversaire de leur enfant. En effet, neuf femmes sur dix qui étaient enceintes au début du programme ont déclaré avoir bénéficié de transferts monétaires avant la situation finale. En moyenne, les bénéficiaires cessaient de recevoir des transferts monétaires lorsque leur enfant atteignait 24 mois, comme cela était prévu. Le niveau d’exposition aux canaux de communication pour le changement social et le changement de comportement était relativement élevé, la plupart des hommes et des femmes issus des communautés ciblées par le CDGP indiquant avoir été exposés à au moins un canal de faible intensité. De nombreuses personnes censées bénéficier de l’approche de faible intensité ont indiqué avoir eu accès à des canaux de forte intensité, suggérant que la différenciation entre les deux approches était ténue dans la pratique. Les canaux de communication pour le changement social et le changement de comportement auxquels les femmes sont les plus sensibles sont les affiches et les démonstrations culinaires. Leurs époux, quant à eux, étaient davantage sensibles aux messages diffusés à la radio et aux affiches.
Impact sur les connaissances, les attitudes et les pratiques relatives à la santé maternelle et infantile et à l’alimentation du nourrisson et du jeune enfant
Services de santé maternelle et de soins prénatals
Au sein des communautés ciblées, le CDPG a entraîné une augmentation considérable de l’utilisation des services de santé maternelle et de soins prénatals par les femmes enceintes à la fin du programme. Alors que 51 % des femmes enceintes issues des communautés ciblées par le CDGP affirmaient avoir eu recours à des services de santé maternelle et de soins prénatals, elles ne sont que 36 % à déclarer y avoir eu recours au sein des communautés qui n’étaient pas ciblées par le programme. Les enfants nés dans les communautés ciblées par le CDGP étaient plus susceptibles de naître dans un établissement de santé (11 points de pourcentage supplémentaires) en comparaison avec les enfants n’appartenant pas à ces communautés. Ces résultats sont similaires à ceux obtenus à mi-parcours du programme, témoignant ainsi de son efficacité à long terme. Néanmoins, seul un enfant sur quatre né après l’enquête de mi-parcours est venu au monde dans un établissement de santé. La disponibilité limitée de personnel qualifié au sein des établissements de santé dans les communautés évaluées peut être en cause, les accouchements n’étant possibles que dans près de 60 % des établissements dans les zones évaluées. L’enquête qualitative montre que les coûts d’accès aux établissements de santé (par exemple, le coût des transports) ont un impact majeur sur leur fréquentation.
Connaissances sur l’allaitement maternel sain et les pratiques relatives à l’alimentation du nourrisson et du jeune enfant
Les résultats obtenus indiquent une amélioration des croyances et des comportements à l’égard d’un large éventail de questions de santé, y compris la mise au sein précoce, l’allaitement maternel exclusif, les bienfaits du colostrum, et le fait qu’il n’est pas recommandé de donner de l’eau à un nourrisson de moins de six mois. Aussi bien chez les hommes que chez les femmes, ces améliorations ont été observées à la moitié et à la fin du programme, ce qui met en évidence un changement pérenne chez tous les membres de la famille. Les résultats attestent également des améliorations dans les pratiques d’allaitement (immédiates, exclusives et adéquates) et dans la diversité du régime alimentaire des nourrissons âgés de 6 à 23 mois (53 % des nourrissons appartenant aux zones du CDGP ont consommé des aliments provenant du nombre recommandé de familles d’aliments, contre 37 % des nourrissons en dehors de ces zones).
Tableau 1 : Pratiques relatives à l’alimentation du nourrisson et du jeune enfant à la fin du programme (né après l’étude à mi-parcours et avant la situation finale)
|
Fin du programme |
||
|
N |
Ne relevant pas du CDGP (écart type) |
Effet du CDGP (erreur type) |
Enfant déjà allaité Proportion d’enfants nés au cours des 24 derniers mois ayant déjà été allaités. |
1885 |
99,8 |
-0,06 (0,20) |
Allaitement adapté à l’âge Proportion d’enfants âgés de 0 à 23 mois étant allaités de manière adéquate. |
1883 |
68,5 |
6,15** (2,53) |
Mise au sein précoce (immédiate) Proportion d’enfants nés au cours des 24 derniers mois ayant été mis au sein dans l’heure suivant leur naissance. |
1881 |
67,2 |
20,20*** (2,70) |
Mise au sein précoce (dans un délai de 24 heures) Proportion d’enfants nés au cours des 24 derniers mois qui ont été mis au sein dans les 24 heures suivant leur naissance. |
1881 |
87,1 |
9,64*** (1,78) |
Allaitement maternel exclusif chez les enfants de moins de six mois Proportion de nourrissons âgés de 0 à 5 mois qui étaient exclusivement nourris au lait maternel. |
335 |
47,3 |
29,57*** (6,31)
|
Allaitement prédominant chez les enfants de moins de six mois. Proportion des enfants âgés de 0 à 5 mois qui étaient essentiellement allaités. |
336 |
90,9*** |
2,45 (3,21) |
Poursuite de l’allaitement après un an (entre 12 et 15 mois) Proportion des enfants âgés de 12 à 15 mois qui étaient allaités. |
500 |
97,8 |
1,29 (1,19) |
Poursuite de l’allaitement après deux ans (entre 20 et 23 mois) Proportion des enfants âgés de 20 à 23 mois qui étaient allaités. |
232 |
35,7 |
-7,59 (6,65) |
Source : Données issues d’enquêtes menées lors de la situation initiale, à mi-parcours et lors de la situation finale du programme. Remarques : 1. Les personnes interrogées étaient des femmes enceintes au moment de la situation initiale de l’enquête en 2014. Nous nous sommes entretenus avec ces femmes et avec leurs maris, et nous leur avons posé des questions sur leurs enfants. Ces mêmes personnes ont été interrogées à mi-parcours et à la fin du programme. 2. Moyenne = estimation moyenne de l’insuffisance pondérale dans le groupe de contrôle. L’écart type est uniquement précisé pour les indicateurs continus. 3. Effet = l’écart ajusté entre les moyennes des communautés ciblées par le CDGP et les communautés ne relevant pas du CDGP. 4. Différence entre la situation à mi-parcours et la situation finale = valeur-p de la différence à la moitié du programme et à la fin de celui-ci. 5. Les moyennes, effets et différences sont mesurés en points de pourcentage pour les indicateurs binaires et catégoriels. Pour les indicateurs continus, ils sont mesurés avec l’unité correspondante. 6. L’effet et la différence entre la situation à mi-parcours et la situation finale sont évalués à partir d’un modèle de régression (méthode des moindres carrés ordinaires) qui intègre la LGA et la tranche comme effet fixe, ajustés en fonction des caractéristiques de référence du foyer et de la femme. En outre, nous prenons en compte l’âge et le genre des enfants. Les erreurs types sont classées par village. Seuils de signification : * (10 %), ** (5 %), *** (1 %) |
L’étude qualitative met en évidence les facteurs qui favorisent ou entravent l’allaitement maternel exclusif. De plus en plus de femmes ont eu recours à l’allaitement maternel exclusif à mesure qu'elles voyaient d'autres femmes et membres de la communauté l’adopter, dans un contexte où cette pratique allait à l’encontre des traditions. Les personnes ne bénéficiant pas du CDGP ont, à l’instar des personnes directement impliquées dans les activités de communication pour le changement social et le changement de comportement, ressenti cet effet boule de neige. D’après les bénéficiaires et les informateurs clés, l’engagement des époux dans les canaux de communication pour le changement social et le changement de comportement représente un facteur important de la diffusion des messages. Les bénévoles communautaires du CDGP, qui ont prodigué un soutien continu, répondu aux questions et proposé aux femmes les meilleures façons d’allaiter (sans leur imposer une quelconque méthode) ont joué un rôle décisif pour de nombreuses personnes. Les croyances traditionnelles (par exemple, le colostrum considéré comme dangereux), la pratique religieuse consistant à donner le « rubutu » (eau de prière) au nouveau-né et l’opposition des personnes d’influence, en particulier les femmes plus âgées, sont autant d’obstacles au recours à l’allaitement maternel exclusif dans les communautés relevant du CDGP. Pour les surmonter, il est demandé aux accoucheuses traditionnelles, aux prêtres de sexe féminin et aux chefs religieux d’encourager les femmes à adopter des comportements orientés vers la recherche de soins de santé et de contribuer à les informer sur les pratiques relatives à l’alimentation du nourrisson et du jeune enfant. D’une manière générale, les personnes interrogées dans le cadre des recherches menées à l’échelle des communautés ont indiqué avoir adopté les pratiques d’allaitement et encouragé leur épouse à le faire, ou encore qu’elles conseilleraient l’allaitement aux femmes. En effet, elles expliquent penser qu’il s’agit d’une pratique bénéfique à la santé et à l’alimentation du nourrisson.
État nutritionnel et santé de la mère et de l’enfant
L’objectif final du CDGP était d’améliorer la santé et la nutrition de la mère et de l’enfant. Les résultats indiquent que le CDGP a favorisé des investissements en matière de santé infantile, ce qui correspond au large éventail de messages diffusés dans le cadre de la communication pour le changement social et le changement de comportement. En considérant l’échantillon d’enfants à mi-parcours (qui comprend des enfants qui auraient été directement exposés au CDGP), nous constatons que la situation finale s’inscrit dans la continuité de la situation à mi-parcours. Ainsi, pour les enfants nés entre le début et le milieu du programme, les effets ont été constatés à travers le recours à la vaccination (76 % des enfants ont été vaccinés contre la rougeole dans les zones du CDPG contre 64 % dans les zones extérieures au programme) ; à travers la réduction de la fréquence des diarrhées (22 % dans les communautés ciblées par le CDGP contre 32 % dans les communautés ne relevant pas du programme) et la réduction de la proportion d’enfants ayant récemment été malades ou blessés (61 % dans les zones du CDGP contre 73 % dans les zones extérieures au programme) ; et à travers la proportion d’enfants déparasités dans les six mois précédant l’enquête menée à la fin du programme (49 % dans les communautés ciblées par le CDGP contre 37 % dans les celles qui ne relèvent pas du programme). Des effets similaires sont également apparus chez les « enfants de la fin du programme » (nés entre le début et la moitié du programme), prouvant ainsi l’impact continu du programme dans l’augmentation du recours à la vaccination ainsi que d’autres résultats positifs pour la santé. Ainsi, ces effets montrent que les investissements en matière de santé ont été bénéfiques aux frères et sœurs cadets des enfants exposés au programme en premier lieu, même après la fin des transferts monétaires. Cela témoigne de l’impact durable du programme.
L’impact du CDGP sur la diminution de la fréquence des diarrhées coïncide avec d’autres résultats, notamment les améliorations constatées dans les ménages qui ont eu accès à une source d’eau améliorée et l’augmentation du recours à l’allaitement maternel exclusif pour les enfants de moins de six mois. Un lien de causalité entre l’allaitement maternel exclusif et la fréquence des diarrhées a également été observé dans les études qualitatives menées au début et à la fin du programme, où des épisodes diarrhéiques plus rares chez les enfants ayant été allaités ont été rapportés. L’amélioration globale des pratiques d’hygiène au sein des foyers peut également entrer en ligne de compte. Les résultats qualitatifs indiquent un recours plus important aux bonnes pratiques, y compris le lavage des mains, la protection de la nourriture, le nettoyage des ustensiles et le drainage des eaux stagnantes autour du domicile. Les personnes interrogées perçoivent ces pratiques comme des comportements durables et rentables. Cela pourrait expliquer pourquoi les résultats quantitatifs montrent une baisse de la fréquence des diarrhées chez les « enfants de la fin du programme » issus de foyers des communautés ciblées par le CDGP ne recevant plus de transferts monétaires.
En ce qui concerne l’impact du CDGP sur l’état nutritionnel des enfants, mesuré à l’aide d’indicateurs anthropométriques, les résultats quantitatifs en milieu du programme montrent l’effet positif du programme sur la taille-pour-âge. La figure 3 met en évidence les effets du programme sur ces indicateurs au moment de la situation finale pour les enfants observés à mi-parcours, âgés de 21 à 49 mois lors de l’enquête finale. Le CDGP est également parvenu à obtenir des effets positifs sur la proportion de retard de croissance observée dans ce groupe d’enfants (figure 3).
Aucun impact sur l’émaciation (poids-pour-taille) ou sur le nombre d’enfants en insuffisance pondérale (poids-pour-âge insuffisant) n’a été constaté. Cela contraste avec les résultats obtenus lors de l’évaluation menée à mi-parcours, où une légère augmentation des taux d’émaciation a été observée dans le cadre du programme. Des améliorations précoces en matière de nutrition peuvent avoir contribué à l’augmentation de la taille des enfants, mais n’étaient pas suffisantes pour contrebalancer l’absence d’un régime alimentaire adapté, même dans les communautés relevant du CDGP. En effet, il est possible que les centimètres gagnés par les enfants n’aient pas été accompagnés d’un gain de poids.
Figure 3 : Effet du CDGP sur les enfants émaciés, souffrant d’un retard de croissante et en insuffisance pondérale à mi-parcours (enfants nés entre le début et le milieu du programme)
Source : Données issues d’enquêtes menées lors de la situation initiale, à mi-parcours et lors de la situation finale du programme.
Remarques : 1. Les personnes interrogées étaient des femmes enceintes au moment de la situation initiale de l’enquête en 2014. Ces mêmes personnes ont été interrogées à mi-parcours et en situation finale.
2. Le panneau de gauche présente les estimations non pondérées des niveaux moyens dans les communautés relevant du CDGP et dans les communautés qui n’en relèvent pas, par vague. Le panneau de droite montre l’impact du CDGP, où les carrés représentent les estimations ponctuelles et les lignes les limites supérieures et inférieures d’un intervalle de confiance de 95 %. L’effet est évalué à partir d’un modèle de régression (méthode des moindres carrés ordinaires) qui intègre la LGA et la tranche comme effet fixe, ajustés en fonction des caractéristiques de référence du foyer et de la femme. En outre, nous prenons en compte le genre des enfants. Les erreurs types sont classées par village. L’impact du CDGP est statistiquement significatif au seuil de 5 % si l’intervalle de confiance ne chevauche pas la ligne verticale. La ligne indique un impact nul.
3. Les moyennes, les effets et les différences sont mesurés en points de pourcentage (PP) pour les indicateurs binaires et catégoriels. Pour les indicateurs continus, ils sont mesurés avec l’unité correspondante.
4. Tous les z scores sont calculés à l’aide des courbes de croissance de l’OMS de 2006 et actualisés conformément aux normes qui y sont décrites.
L’échantillon d’enfants observés à la fin du programme (nés entre le milieu du programme et avant la situation finale), âgés de 0 à 30 mois pendant l’enquête finale, était composé d’enfants bénéficiaires indirects, c’est-à-dire des frères et sœurs cadets des enfants directement concernés par l’intervention. Le CDGP n’a pas été explicitement conçu pour avoir un impact continu sur l’état nutritionnel des enfants qui naissent dans un même foyer une fois les transferts terminés. Il n’y a pas eu de répercussion sur les résultats anthropométriques de ce sous-échantillon concernant l’émaciation, le retard de croissance et l’insuffisance pondérale. Les résultats montrent que l’exposition directe aux transferts monétaires du CDGP peuvent être nécessaires pour obtenir des améliorations à l’échelle des mesures anthropométriques. Dans l’ensemble, il ne s’agit pas d’une surprise puisque les résultats des frères et sœurs cadets ne sont pas directement intégrés à la théorie du changement du CDGP. Il est néanmoins intéressant de noter que les améliorations considérables en matière de pratiques alimentaires du nourrisson et du jeune enfant et de comportements relatifs à la santé observées pour un échantillon d’enfants plus jeunes issus d’une même famille ne se traduisent pas par une amélioration anthropométrique.
D’une manière générale, peu d’éléments étayaient un quelconque impact du CDGP sur l’état nutritionnel des femmes, tel que mesuré par la taille, le poids, l’indice de masse corporelle et le périmètre brachial. Un tel effet n’était pas escompté puisque les objectifs principaux étaient axés sur la santé et la nutrition des enfants.
Conclusion
Dans le cadre du CDGP au Nigéria, les résultats de l’évaluation indiquent que des transferts monétaires, ciblés sur la fenêtre d’opportunité des 1000 jours, couplés à des interventions de communication pour le changement social et le changement de comportement ont eu des effets positifs sur les pratiques en matière de santé et de nutrition de la population ciblée. Cette combinaison a également eu des effets durables sur les frères et sœurs cadets des enfants ciblés, y compris après la fin du programme. Ce projet a entraîné une réduction de la proportion d’enfants émaciés, mais n’a toutefois pas eu de répercussion sur l’insuffisance pondérale et le retard de croissance. Les améliorations durables des pratiques et de la diversité alimentaires des enfants et la réduction de la prévalence des maladies infantiles devraient contribuer à améliorer la santé des enfants, même si cela ne se reflète pas dans les mesures anthropométriques. Un examen plus détaillé est nécessaire. Augmenter le montant du transfert monétaire au-delà des 10 % du salaire mensuel (vers le niveau généralement admis, compris entre 15 % et 30 %) serait susceptible d’entraîner une amélioration des résultats nutritionnels. Dans cette perspective, les modalités afférentes aux transferts monétaires pourraient être modifiées, de manière à transférer plus fréquemment des sommes moins importantes, par exemple. Il peut également être nécessaire de mettre en œuvre diverses interventions complémentaires pour parvenir à des changements anthropométriques, telles qu’un allongement du programme, le renforcement des systèmes et des interventions en matière d’eau, d’assainissement et d’hygiène. Ce programme est à présent en train d’être transféré au gouvernement pour être étendu et pérennisé.
1 Le consortium e-Pact réunit Oxford Policy Management, Itad et l’Institut d’études fiscales. Il est financé par le ministère britannique du Développement international (DfID). Pour plus d’information, veuillez consulter le site Internet d’Oxford Policy Management à l’adresse suivante : www.opml.co.uk
2 Estimation fondée sur l’Enquête sur les conditions de vie au Nigéria et sur les projections démographiques de 2010 de la Division de la population des Nations Unies.
3 Poids moyen calculé dans les zones de prévalence du nord-est et du nord-ouest à partir du programme d’enquêtes démographiques et sanitaires de 2008 et des données de recensement de 2006.
4 Sur le marché local, 4000 nairas équivalent à 10 kg de maïs (1300 nairas), 10 kg de sorgho (1200 nairas), 2 litres d’huile de palme (1000 nairas) et 1 kg de poulet (500 nairas). En outre, cette somme correspond à 10 % d’un salaire mensuel.
5 Analyse rapide du marché visant à actualiser le rapport Coût de l’alimentation (2015) réalisé par Save the Children dans le cadre du Programme de subventions pour le développement de l’enfance et financé par le ministère britannique du Développement international en septembre 2016.
6 La méthodologie détaillée de l’essai contrôlé randomisé en grappes est disponible à l’adresse suivante : www.opml.co.uk/projects/evaluation-child-development-grant-programme-cdgp