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Élaborer et utiliser des recettes alternatives d’aliments riches en nutriments pour le traitement de la malnutrition aiguë en Inde

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Par Praveen Kumar, Raja Sriswan Mamidi, N. Arlappa, Khyati Tiwari, Shivani Rohatgi, G. Sarika, Dripta Roy Choudhury, Jaga Jeevan Babu Geddam et R. Hemalatha

Praveen Kumar est professeur directeur de recherche au service de pédiatrie de l’hôpital pour enfants Kalawati Saran (KSCH), rattaché au Lady Hardinge Medical College, à New Delhi. Il est également coordinateur principal du Centre national d’excellence pour la prise en charge de la malnutrition aiguë sévère.

Raja Sriswan Mamidi est un médecin chercheur. Il travaille depuis dix ans dans le secteur de la nutrition infantile au sein de Conseil indien de la recherche médicale de l’Institut national de nutrition (ICMR-NIN) à Hyderabad. Il est également responsable médical du service de nutrition d’un hôpital de soins tertiaires.

Dr N. Arlappa est épidémiologiste et chercheur principal au sein de la division Nutrition et santé publique de l’ICMR-NIN.

Dr K. Tiwari est spécialiste en nutrition au bureau de l’UNICEF à Hyderabad. Elle œuvre dans les états de l’Andhra Pradesh, du Telangana et du Karnataka.

Shivani Rohatgi est titulaire d’un doctorat en alimentation et en nutrition de l’université de Delhi. Elle a précédemment travaillé en tant que consultante principale au Centre national d’excellence du KSCH.

Dr G. Sarika est une scientifique chargée de projet de l’ICMR-NIN. Elle participe au suivi du programme d’alimentation supplémentaire supervisée ainsi qu’à la formation des travailleurs de première ligne dans les districts ruraux du Telangana.

Dripta Roy Choudhury est une nutritionniste en santé publique et une ancienne scientifique chargée de projet de l’ICMR-NIN. Elle travaille actuellement en tant que consultante pour le bureau de l’UNICEF à Hyderabad.

Dr Jaga Jeevan Babu Geddam est un scientifique spécialiste de la santé publique. Il occupe le poste de responsable de la division Épidémiologie clinique de l’ICMR-NIN.

Dr R. Hemalatha est directrice de l’ICMR-NIN. Elle a notamment œuvré dans les domaines de la nutrition, de l’infectiologie et de l’immunologie.

Lieu : Inde

Ce que nous savons : Le gouvernement de l’Inde n’autorisant pas l’utilisation d’aliments thérapeutiques prêts à l’emploi (ATPE), la programmation de la prise en charge communautaire de la malnutrition aiguë doit reposer sur des produits alternatifs fabriqués localement.

Ce que cet article nous apprend : Une étude a recensé les aliments à forte teneur énergétique et riches en nutriments disponibles localement et utilisés dans le cadre du traitement de la sous-nutrition infantile en Inde. Les 42 produits alimentaires répertoriés ont été étudiés pour voir s’ils étaient appropriés sur la base de leur profil nutritionnel, de leur saveur, de leur sûreté, de leur rapport coût-efficacité, de leur durée de conservation et de la faisabilité d’une mise à l’échelle de leur production. D’après les résultats obtenus, plusieurs produits existants pourraient être enrichis, notamment avec des mélanges de vitamines et de minéraux, afin d’être employés en tant qu’aliments thérapeutiques dans le cadre de la prise en charge communautaire des cas de malnutrition aiguë sévère sans complications. Conformément à ces conclusions, un produit de fabrication locale (« Balamrutham ») a été modifié (« Balamrutham+ ») de manière à améliorer sa teneur énergétique, ainsi que sa teneur en protéines et en nutriments afin qu’il puisse servir à traiter la malnutrition aiguë sévère. Afin de soumettre Balamrutham+ à l’essai, le produit a été utilisé pour traiter des formes de malnutrition aiguë modérée ou sévère sans complications touchant des enfants de moins de cinq ans inscrits à un programme gouvernemental d’alimentation supplémentaire mené dans un district du Telangana. Les enfants n’ont toutefois pu être suivis que pendant deux semaines en raison de la pandémie de COVID-19. Après deux semaines de supplémentation, 22,3 % des enfants souffrant de malnutrition aiguë modérée ont satisfait les critères de sortie et 17,7 % de ceux précédemment atteints de malnutrition aiguë sévère ont franchi les seuils de la malnutrition aiguë modérée. Conformément à des plans préétablis, la production de Balamrutham+ a depuis été intensifiée et sert au traitement de cas de malnutrition dans l’ensemble de l’État du Telangana, le produit ayant été bien accepté par les enfants de la communauté. Les mesures d’adaptation à la pandémie de COVID-19 incluent l’emploi de protocoles de traitement reposant uniquement sur le périmètre brachial (PB) ainsi que l’élaboration d’une stratégie distincte pour l’organisation de visites de suivi dans les zones confinées en raison de la pandémie.

Introduction

Il existe en Inde une volonté croissante d’établir des protocoles nationaux de prise en charge communautaire de la malnutrition aiguë (PCMA) afin de remédier aux niveaux élevés d’émaciation, inacceptables et persistants dans de nombreux États du pays. Pour soutenir la mise en œuvre de son nouveau programme phare de lutte contre toutes les formes de sous-nutrition (POSHAN Abhiyaan), le gouvernement indien travaille actuellement à l’élaboration de protocoles de PCMA. L’objectif est de permettre la prise en charge communautaire appropriée et opportune des enfants souffrant de malnutrition aiguë sévère ainsi que d’améliorer leur suivi en cas de sortie des centres nationaux de récupération nutritionnelle après traitement pour complications. L’une des composantes fondamentales de la mise en œuvre de la PCMA est la disponibilité d’aliments thérapeutiques pouvant être employés pour traiter des cas de malnutrition aiguë sévère sans complications au sein des communautés. Bien que l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) recommande les aliments thérapeutiques prêts à l’emploi (ATPE) pour le traitement de la malnutrition aiguë sévère, le gouvernement indien a jusqu’à présent limité leur usage sur le territoire en raison de leur coût élevé, des préoccupations liées au fait qu’ils pourraient remplacer la nourriture familiale et empêcher l’adoption de pratiques de nutrition optimales. Il a en outre exprimé des doutes concernant leur acceptation par les communautés. Différents États ont étudié des produits alternatifs aux ATPE pour le traitement de la malnutrition aiguë, notamment des aliments riches en nutriments et de fabrication locale. Le pays n’est toutefois pas encore parvenu à un consensus au sujet du produit le plus adapté aux programmes de PCMA. Cet article porte sur l’élaboration d’un aliment riche en nutriments alternatif par le Conseil indien de la recherche médicale de l’Institut national de nutrition (ICMR-NIN) et le Centre national d’excellence en vue de traiter la malnutrition aiguë sévère dans le cadre d’un programme d’alimentation supplémentaire supervisée dans l’État du Telangana et sortir de l’impasse liée aux ATPE.

Étude des aliments à forte teneur énergétique et riches en nutriments disponibles localement en Inde

L’ICMR-NIN a commencé par recenser tous les aliments à forte teneur énergétique et riches en nutriments disponibles localement et utilisés dans le cadre de la prise en charge de la sous-nutrition infantile afin d’orienter l’élaboration d’un produit destiné au programme d’alimentation supplémentaire supervisée de l’État du Telangana.

Méthodologie

Les chercheurs ont compilé et étudié tout ce qui se rapportait au sujet en examinant aussi bien des articles de recherche et des directives, mais aussi des textes de la littérature grise et autres données disponibles. Ils ont répertorié les informations concernant chaque produit alimentaire, notamment ses caractéristiques générales, sa composition nutritionnelle, sa durée de conservation, son coût et les données disponibles au sujet de son impact sur le rétablissement des enfants souffrant de malnutrition. La valeur nutritive de chaque produit a ensuite été calculée au moyen de la version récemment mise à jour de la table de composition des aliments « Nutritive Value of Indian Food »1. Les chercheurs ont enfin établi différentes catégories d’aliments en fonction de leur teneur énergétique : forte teneur énergétique (valeur énergétique comprise entre 450 et 550 kcal/100 g), teneur énergétique moyenne (valeur énergétique comprise entre 350 et 450 kcal/100 g) et faible teneur énergétique (valeur énergétique inférieure à 350 kcal/100 g). La convenance des produits alimentaires pour le traitement des enfants souffrant de malnutrition aiguë sévère a été évaluée en fonction de leur teneur énergétique et leur teneur en nutriments, de leur profil nutritionnel, de leur saveur, de leur sûreté, de leur rapport coût-efficacité, de leur durée de conservation et de la faisabilité d’une mise à l’échelle de leur production, en vue de distributions de masse.

Résultats

Un total de 42 produits alimentaires ont été recensés, dont sept (17 %) à forte teneur énergétique, 14 (33 %) à teneur énergétique moyenne et 14 (33 %) à faible teneur énergétique. Aucune donnée n’est disponible concernant la composition nutritionnelle des sept produits restants. Si la teneur en protéines de la majorité des produits correspond aux exigences minimales (10 % à 12 % de l’apport énergétique), la qualité et l’indice d’acides aminés corrigé de la digestibilité des protéines contenues dans certains d’entre eux ont préoccupé les chercheurs2. Les sources de graisse employées ainsi que leur influence sur le coût et la durée de conservation des produits ont également soulevé des questions. Utilisée dans certains produits, l’huile de palme est par exemple moins onéreuse et se conserve plus longtemps que d’autres sources de graisse. La moitié des produits alimentaires étudiés (soit 21) sont enrichis avec des micronutriments, et un produit alimentaire comprend de la spiruline. Un total de 26 produits sur 42 (62 %) sont prêts à l’emploi. Les autres produits (38 %) se présentent sous forme de poudre nécessitant d’être cuisinée ou mélangée à de l’eau chaude ou à du lait avant consommation (et dont la convenance dépend donc de la qualité de l’eau ou du lait ajouté, ainsi que de la méthode de préparation). Les chercheurs ont pu collecter des données concernant la durée de conservation de huit produits (20 %) seulement, ce paramètre clé étant compris entre deux à trois jours et 180 jours3.

Discussion

En dépit des limites de l’étude, notamment l’absence de données concernant le coût, la valeur nutritive et la durée de conservation de certains produits, les résultats obtenus contribuent à démontrer les possibilités d’adapter certains produits alimentaires disponibles en Inde afin de les rendre utilisables dans le cadre de la prise en charge communautaire des enfants atteints de MAS. L’étude conclut que la qualité de certains des produits existants pourrait être améliorée, par exemple au moyen de sources de protéines de haute qualité (lait, œufs, etc.) et de mélanges de vitamines ou de minéraux, afin de les rapprocher des normes de l’OMS en matière d’alimentation thérapeutique. Les résultats de l’étude ont été communiqués aux autorités des États afin de faciliter leur examen des aliments alternatifs pouvant être employés dans le cadre de la prise en charge communautaire des enfants atteints de MAS.

Élaboration d’un aliment riche en nutriments alternatif en vue d’une utilisation dans le cadre d’un programme d’alimentation supplémentaire supervisée

En décembre 2019, le département de la femme et de l’enfance du gouvernement du Telangana a lancé un programme d’alimentation supplémentaire supervisée afin de lutter contre la malnutrition aiguë chez les enfants âgés de 6 à 59 mois de deux districts ruraux (Asifabad et Gadwal) de l’État. Le programme cible plus de 6 000 enfants souffrant de malnutrition aiguë. L’ICMR-NIN, l’hôpital pédiatrique de Kalawati Saran et les bureaux de l’UNICEF à New Delhi et Hyderabad ont collaboré à l’élaboration d’un protocole centré sur le dépistage précoce et la prise en charge communautaire des cas sans complications de MAS ou de MAM pour le programme d’alimentation supplémentaire supervisée. Le tableau 1 recense l’ensemble des activités du programme d’alimentation supplémentaire supervisée.

Tableau 1 : activités du programme d’alimentation supplémentaire supervisée de l’État du Telangana

Étape

MAS

MAM

1

Évaluation anthropométrique
(poids-pour-taille (couché) et œdème bilatéral des membres inférieurs)

Oui

Oui

2

Examen médical

Oui

Non*

3

Test de l’appétit

Oui

Non

4

Décision concernant le niveau de prise en charge requis (cas de MAS avec complications : référencement pour transfert dans un établissement sanitaire/un centre de récupération nutritionnelle pour soins ou traitements plus poussés)

Oui

Non

5

Alimentation thérapeutique (Balamrutham+ et aliments fournis aux enfants souffrant de MAS ou de MAM conformément au calendrier ; encouragement de la consommation de nourriture à haute teneur énergétique cuisinée à domicile)

Oui

Oui

6

Administration de médicaments

Oui

Non

7

Transmission de connaissances en matière de nutrition et de santé

Oui

Oui

8

Visites régulières des anganwadis par le personnel du programme d’alimentation pour suivre l’évolution de l’état de santé de l’enfant et lui fournir du Balamrutham+ en fonction de son poids

Oui (une fois par semaine le premier mois, puis toutes les deux semaines)

Oui (toutes les deux semaines)

9

Sortie une fois les critères satisfaits

Après 16 semaines ou lorsque le poids-pour-taille (couché) atteint -2 écarts types au cours de deux visites consécutives

Après 8 semaines ou lorsque le poids-pour-taille (couché) atteint  
-2 écarts types au cours de deux visites consécutives

10

Suivi après sortie du programme d’alimentation supplémentaire supervisée jusqu’à la fin des six mois

Oui

Oui

* Les antécédents de tous les enfants sont étudiés, mais seuls les enfants souffrant de MAS font l’objet d’un examen médical poussé. Si un enfant souffrant de MAM est malade, il ou elle sera transféré(e) dans le centre de soins de santé primaires le plus proche.

Élaboration du produit

En collaboration étroite avec le gouvernement du Telangana, l’ICMR-NIN a élaboré un nouvel aliment riche en nutriments susceptible d’être employé dans le cadre du programme d’alimentation supplémentaire supervisée, en vue de la prise en charge communautaire de la MAS et de la MAM. L’objectif était de concevoir un produit qui présenterait les avantages des ATPE (moyen de traitement efficace pour parvenir au rétablissement) tout en étant adapté au contexte de la malnutrition infantile en Inde et acceptable par les communautés. Il devait en outre pouvoir être fabriqué localement et donc à moindre coût.

En fonction des résultats de l’étude menée sur les produits alimentaires existants, il a été décidé d’adapter un aliment largement accepté au Telangana et déjà distribué en tant que ration à emporter à tous les enfants âgés de 6 à 36 mois bénéficiant du programme gouvernemental de services intégrés de développement de l’enfant, « Balamrutham » (qui signifie « élixir pour enfants »). L’ICMR-NIN a conçu une nouvelle version de ce produit (appelé « Balamrutham+ ») visant à améliorer sa teneur énergétique, ainsi que sa teneur en protéines et en nutriments (tableau 2). Par rapport à sa version initiale (qui est encore régulièrement distribuée en tant que ration à emporter, sauf aux enfants souffrant de MAS ou de MAM pris en charge dans le cadre de ce programme), Balamrutham+ contient des arachides et des flocons de riz destinés à améliorer son goût, une quantité réduite de blé afin de réduire sa teneur en phytates, et davantage de lait écrémé en poudre et d’huile (tableau 3). Les flocons de riz ont été incorporés afin de respecter les habitudes alimentaires de la population du Telangana et garantir ainsi l’acceptation du produit. Balamrutham+ comporte une quantité de protéines laitières inférieure aux recommandations de l’OMS en matière d’alimentation thérapeutique. Le programme d’alimentation supplémentaire supervisée procède cependant à la distribution de 200 ml de lait et d’un œuf par jour aux enfants souffrant de MAS. Associés à la ration de Balamrutham+, ces aliments permettent d’atteindre le seuil de protéines requis. Balamrutham+ et sa version initiale présentent des compositions en micronutriments largement similaires, Balamrutham étant déjà conforme aux directives gouvernementales concernant les rations à emporter. Les micronutriments devant être fournis en supplément (tels que la vitamine A et le fer) sont distribués séparément dans le cadre d’autres programmes nationaux de supplémentation alimentaire intégrés au programme d’alimentation supplémentaire supervisée. Balamrutham+ est une poudre qui nécessite d’être mélangée à une quantité équivalente d’eau tiède afin de former une pâte. Il n’y a pas d’inconvénient à ajouter de l’eau aux portions de Balamrutham+, sous réserve qu’elle provienne d’une source sûre, l’ensemble des ATPE requérant d’être accompagnés par une consommation d’eau.

Le produit a été finalisé à la suite d’une étude évaluant l’acceptation de deux versions différentes par les enfants atteints de MAM et leur mère au sein de la communauté visée. Balamrutham et Balamrutham+ sont tous deux produits par Telangana Foods, une entreprise d’État placée sous l’autorité du département de la femme et de l’enfance du gouvernement du Telangana. Le produit est distribué en paquets de 1 kg, dont l’emballage est conçu par l’UNICEF. Des directives d’utilisation claires à l’intention des agents de santé communautaire et des pourvoyeurs de soin figurent sur chaque paquet, sous la forme d’illustrations. Sa durée de conservation est de trois mois. Le coût de production du Balamrutham+ s’élève à environ 100 roupies indiennes par kilogramme de produit final (emballage compris). Il est deux fois supérieur au coût des rations à emporter fournies à tous les enfants. Son coût est néanmoins largement inférieur à celui des produits alimentaires du commerce. En effet, le Balamrutham+ n’est composé que d’ingrédients disponibles localement et de matières premières qui bénéficient de subventions gouvernementales en raison de l’intégration du produit à des programmes de protection sociale.

Conformément aux exigences relatives au régime alimentaire du programme d’alimentation supplémentaire supervisée, les rations distribuées aux enfants de moins de cinq ans sont égales à 75 kcal par kilogramme de poids corporel en cas de MAM et à 125 kcal par kilogramme de poids corporel en cas de MAS (dosage effectué au moyen de cuillères de 30 ml). Les enfants âgés de plus de 36 mois reçoivent leur ration sur place, dans les anganwadis, tandis que les enfants âgés de 6 à 35 mois se voient attribuer une ration à emporter (les enfants les plus jeunes ne fréquentant pas les anganwadis). Le tableau 4 décrit le dosage et la fréquence de distribution de Balamrutham+.

Résultats du programme

Initialement, le programme d’alimentation supplémentaire supervisée devait être lancé sur l’ensemble du territoire des districts d’Asifabad et de Gadwal, en février 2020, avant d’être potentiellement déployé dans huit districts supplémentaires. Il n’a cependant été mis en œuvre que dans une zone (sur les quatre proposées) du district de Gadwal en mars 2020 en raison de problèmes de production de Balamrutham+. Un total de 497 enfants ont été inscrits au programme, dont 153 (31 %) souffrant de MAS et 344 (69 %) de MAM. Parmi les enfants participants, 58,5 % sont des garçons. Le programme visait un taux de rétablissement (défini selon les critères de sortie présentés dans le tableau 1) de 50 % pour les cas de MAS et de MAM. Ce chiffre est basé sur les résultats d’une étude conduite par Bhandhari et al. en 2016. L’objectif initial était de suivre les enfants tout au long du programme afin de mesurer les progrès vers le taux de rétablissement visé et, par conséquent, de la pertinence du produit Balamrutham+ pour le programme d’alimentation supplémentaire supervisée. Les données de suivi n’ont cependant pu être récoltées que pendant deux semaines en raison de la pandémie de COVID-19. Après deux semaines de supplémentation, 22,3 % des enfants atteints de MAM ont satisfait les critères de sortie (score z du poids-pour-taille supérieur ou égal à -2 écarts types). Établi à 26,2 % contre 18,2 % respectivement, le taux de rétablissement constaté parmi ce groupe est plus élevé chez les enfants les plus jeunes (âgés de 6 à 35 mois) que chez les enfants les plus âgés (plus de 36 mois). Conformément aux prévisions, le taux de rétablissement après deux semaines de traitement est moins élevé chez les enfants souffrant de MAS, parmi lesquels 17,7 % ne présentaient plus qu’une MAM (score z du poids-pour-taille compris entre -2 et -3 écarts types) et aucun n’a satisfait les critères de sortie. La proportion d’enfants âgés de 6 à 35 mois à avoir franchi les seuils de la MAM est plus élevée (20,4 %) que celle d’enfants âgés de plus de 36 mois (11,4 %).

Impact de la pandémie de COVID-19 sur le programme d’alimentation supplémentaire supervisée, mesures d’adaptation prises et prochaines étapes

Les mesures de confinement imposées du fait de la pandémie de COVID-19 ont initialement entraîné la fermeture des anganwadis, bloquant l’accès aux services de suivi de la croissance et de distribution d’aliments. Les services ont repris après la réouverture des centres, mais le suivi des enfants participants et de la mise en œuvre du programme ont été moins réguliers. Pour pallier à cette situation, les protocoles du programme d’alimentation supplémentaire supervisée ont été modifiés. Il a par exemple été décidé d’adopter la mesure du périmètre brachial (PB) en tant qu’outil de suivi de la croissance et critère d’inscription au programme (admission pour traitement de la MAS en cas de PB inférieur à 11,5 cm et pour traitement de la MAM en cas de PB inférieur à 12,5 cm). De même, une stratégie distincte a été mise en œuvre dans les zones confinées afin de poursuivre les visites de suivi. Les équipes du programme utilisent actuellement des applications sur téléphone portable pour enregistrer les données de suivi, les formulaires de saisie ayant été modifiés pour permettre l’intégration du PB.

À la suite de l’étude pilote et en dépit des perturbations causées par la pandémie, le programme d’alimentation supplémentaire supervisée a été lancé dans toutes les zones initialement ciblées des districts d’Asifabad et de Gadwal. Durant le mois d’août 2020, les agents de première ligne des deux districts ont bénéficié d’activités de renforcement des capacités en ligne afin de faciliter la mise en œuvre des mesures d’adaptation du programme à la pandémie de COVID-19. Le renouvellement de l’étude dans les zones du programme, avec pour seul critère la mesure du PB, est en cours de planification, des protocoles adaptés à la pandémie de COVID-19 et un suivi tout au long de la prise en charge étant prévus. Le Balamrutham+ est désormais produit à plus grande échelle afin de répondre aux besoins des enfants souffrant de MAS ou de MAM dans l’ensemble de l’État du Telangana. Le gouvernement prévoit également d’honorer ses engagements en élargissant le programme d’alimentation supplémentaire supervisée à tous les districts de l’État.

Conclusion

L’emploi d’aliments thérapeutiques pour traiter la malnutrition aiguë a évolué au cours des dernières décennies, mais l’incertitude demeure en Inde au sujet des produits les mieux adaptés à un usage communautaire. Cette incertitude est imputable à l’absence de consensus scientifique national sur le produit le plus efficace ainsi qu’aux décisions politiques du gouvernement indien, qui découlent largement du manque de convergence entre les parties prenantes concernées. Les efforts décrits dans cet article visent à remédier à l’absence de consensus grâce à l’étude des avantages de l’adaptation de produits alimentaires existants acceptables, peu coûteux et donc durables, en vue de fournir aux communautés une alimentation thérapeutique conforme aux normes dans le cadre d’un programme fédéral d’alimentation supplémentaire supervisée. Les premières phases de la mise à l’essai d’un produit adapté dans le cadre du programme d’alimentation supplémentaire supervisée ont été sévèrement compromises par les effets de la pandémie de COVID-19. Les données disponibles témoignent toutefois de premiers résultats encourageants. Le programme d’alimentation supplémentaire supervisée a désormais été élargi conformément aux plans du gouvernement, et des mesures d’adaptation sont en cours de mise en œuvre afin de garantir la poursuite du programme dans le contexte actuel, ce qui pourrait contribuer à renforcer sa résilience face à des situations d’urgence. L’expérience décrite dans cet article peut servir à guider la future mise en place de programmes de prise en charge communautaire de la malnutrition aiguë dans d’autres États du pays, en s’appuyant sur les directives gouvernementales à venir.


1 Indian Food Composition Tables. (2017). Disponible à l’adresse suivante : www.ifct2017.com/frame.php?page=home

2 Bien que le Codex Alimentarius recommande d’évaluer la qualité des protéines au moyen de l’indice d’acides aminés indispensables digestibles ou de l’indice d’acides aminés corrigé de la digestibilité des protéines, aucune valeur de référence n’a été établie pour les ATPE en la matière (PAM et OMS, 2018).

3 Tous les résultats peuvent être consultés dans le rapport disponible à l’adresse suivante : www.nin.res.in/downloads/Mapping%20of%20Foods.pdf


Références

Bhandari N., Mohan S.B., Bose A. et al. pour le Study Group. (2016). Efficacy of three feeding regimens for home-based management of children with uncomplicated severe acute malnutrition: a randomised trial in India. BMJ Global Health 2016 ; 1 : e000144.

Kulkarni B. et Mamidi R.S. (2019). Nutrition rehabilitation of children with severe acute malnutrition: Revisiting studies undertaken by the National Institute of Nutrition. Indian J. Med. Res. 150, p. 139–152.

FAO et OMS. (2018). Joint FAO/WHO food standards programme codex committee on nutrition and foods for special dietary uses fortieth session. Berlin, Allemagne, 26-30 novembre 2018. Proposed draft guidelines for ready-to-use therapeutic foods.

OMS, UNICEF, PAM, Comité permanent de la nutrition du système des Nations Unies. (2007). Prise en charge communautaire de la malnutrition aiguë sévère : déclaration commune. Disponible à l’adresse suivante : https://www.who.int/maternal_child_adolescent/documents/a91065/fr/

Tableau 2 : Nutriments et micronutriments ajoutés pour 100 grammes de Balamrutham plus (+)

Nutriments

Quantité naturellement présente dans 100 grammes

Micronutriments ajoutés pour 100 grammes

Total

pour 100 grammes

Énergie (kcal)

460

0

460

Protéines (g)

11

0

11

Calcium (mg)

219

200

419

Fer (mg)

3,1

6,0

9,1

Vitamine A (mcg)

0,1

200,0

200,1

Vitamine B1 (mg)

0,2

0,3

0,5

Vitamine B2 (mg)

0,3

0,4

0,6

Vitamine B12 (mg)

0,1

0,6

0,7

Vitamine C (g)

0,7

15,0

15,7

Acide folique (mcg)

21,1

15,0

36,1

Niacine (mg)

1,5

4,0

5,5

Zinc (mg)

1,3

5,0

6,3

Tableau 3 : Ingrédients pour 150 et 100 grammes de Balamrutham plus (+)

Ingrédient

Quantité (g)

Quantité pour 100 grammes

Blé grillé

40

26,7

Pois chiches

5

3,3

Lait écrémé en poudre

20

13,3

Sucre

30

20,0

Huile

30

20,0

Arachides

5

3,3

Flocons de riz

20

13,3

Quantité totale

150

100,0

Tableau 4 : Nombre de paquets distribués par semaine et de cuillères par ration pour les enfants souffrant de MAS ou de MAM

Poids de l’enfant (kg)

75 kcal/kg

2 rations/jour

en cas de MAM

125 kcal/kg

4 rations/jour

en cas de MAS

Groupes

Paquets par semaine

Cuillères par ration

Paquets

Cuillères par ration

4,0 – 4,4

1

1,0

1

1,0

4,5 – 4,9

1

1,0

1

1,5

5 – 5,4

1

1,0

1

1,5

5,5 – 5,9

1

1,5

2

1,5

6 – 6,4

1

1,5

2

1,5

6,5 – 6,9

1

1,5

2

1,5

7 – 7,4

1

1,5

2

2,0

7,5 – 7,9

1

1,5

2

2,0

8 – 8,4

1

1,5

2

2,0

9 – 9,4

2

2,0

2

2,5

9,5 – 9,9

2

2,0

2

2,5

10 – 10,4

2

2,0

2

2,5

10,5 – 10,9

2

2,0

2

2,5

11 – 11,4

2

2,0

3

2,5

11,5 – 11,9

2

2,5

3

3,0

> 12

2

2,5

3

3,0

Remarque : Ce tableau s’applique aux paquets d'un kilogramme. Chaque cuillère de produit (30 g) doit être mélangée à une cuillère d’eau.

Légende : MAM = malnutrition aiguë modérée ; MAS = malnutrition aiguë sévère.

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