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Favoriser à la croissance saine des nourrissons des populations pauvres de Mumbai, en Inde

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Par Rupal Dalal, Shruthi Iyer, Marian Abraham et Lahari Yaddanapudi

Rupal Dalal est membre de l’Académie américaine de pédiatrie et certifiée IBCLC, est directrice médicale et membre fondatrice de la Fondation pour la santé de la mère et de l’enfant (Foundation for Mother and Child Health, FMCH). Elle est également professeure adjointe au Centre pour l’innovation technologique dans les zones rurales (Centre for Technology Alternatives for Rural Areas, CTARA) et responsable de projet pour les séminaires Spoken Tutorial sur la santé de l'Institut indien de technologie (IIT) de Bombay. Elle dispose de 14 années d’expérience dans la prévention de la malnutrition dans les bidonvilles urbains ainsi que dans les zones rurales et tribales de l’Inde.

Shruthi Iyer détient une licence en ingénierie et est la directrice générale de la FMCH. Riche de 10 ans d’expérience dans le secteur du développement, elle a travaillé dans de nombreux domaines au sein d’organisations telles que Mentor Me India, Hippocampus, Teach for Bangladesh, et Masoom and Sukhibhava. Shruthi Iyer est également membre de Teach for India et Acumen.

Marian Abraham est titulaire d’un master en philosophie. Elle est responsable adjointe de projet au CTARA de l’IIT de Bombay.      

Lahari Yaddanapudi dispose d’un master en technologie et développement du CTARA de l’IIT de Bombay. Elle occupe actuellement le poste de chargée de recherche au sein de l’IIT de Bombay et bénéficie d’un financement du Fonds des Nations Unies pour l’enfance.

Les auteures tiennent à remercier la Fondation pour la santé de la mère et de l’enfant (FMCH) pour leur avoir offert la possibilité de présenter le travail de l’organisation et de partager les données qu’elle a recueillies. Elles expriment en particulier leur reconnaissance envers Dottie Wagle qui, en tant que présidente de la FMCH depuis plus de dix ans, a œuvré en faveur de milliers d’enfants défavorisés à Mumbai dans le cadre des activités du projet. Les auteures souhaitent également remercier le docteur Manish Fancy, responsable de district en matière de santé, qui a notamment formé des médecins et des fonctionnaires de terrain à l’aide des séminaires Spoken Tutorial sur la santé, et communiqué les données relatives au gain de poids des nourrissons une fois la formation terminée. Elles expriment enfin leur reconnaissance envers le professeur Kannan Moudgalya, qui participe au projet Spoken Tutorial de l’IIT de Bombay, pour avoir mis au point la plateforme utilisée pour le renforcement des capacités des travailleurs de la santé ainsi que les vidéos accessibles en ligne et en plusieurs langues.

Lieu : Mumbai, Inde.

Ce que nous savons : La sous-nutrition des mères, une insuffisance pondérale à la naissance ainsi qu’un déficit de croissance survenu durant la petite enfance augmentent le risque d’émaciation, de retard de croissance et d’insuffisance pondérale.

Ce que cet article nous apprend : La Fondation pour la santé de la mère et de l’enfant (FMCH) est une organisation locale œuvrant dans les bidonvilles de Mumbai. L’initiative « 1000 jours » a consisté à fournir des ressources destinées aux femmes enceintes, aux nourrissons et aux jeunes enfants (âgés jusqu’à trois ans). Les activités programmées comprenaient un suivi actif de la croissance effectué dès la naissance, accompagné d’interventions intensives menées tôt à l’aide d’outils de conseils en matière de nutrition et d’allaitement adaptés au contexte (dont un ensemble de 45 conseils soulignant l’importance de la position de la « madone inversée »). Un suivi en clinique, des visites à domicile ainsi que des séances de soutien communautaire ou de soutien en groupes de pairs ont également été mis en place. L’initiative a recouru à des technologies innovantes, facilitant la surveillance du poids au moyen de logiciels et la fourniture de conseils ainsi que la formation d’agents de santé au moyen de vidéos accessibles en ligne. L’analyse des données recueillies au sujet d’un ensemble de 286 enfants suivis entre 2013 et 2016 révèle qu’entre le début du programme (âge moyen de 2,2 mois) et sa fin (âge moyen de 13,9 mois), la prévalence de l’insuffisance pondérale a chuté de 47,5 % , celle du retard de croissance de 18,7 % et celle de l’émaciation de 16,7 % (67,7 % pour l’émaciation sévère). Les résultats du suivi de 80 enfants jusqu’à leurs 25,9 mois (en moyenne) indiquent une réduction de la prévalence de l’insuffisance pondérale (33 %), du retard de croissance (28,1 %) et de l’émaciation sévère (40 %), mais révèlent une augmentation de 33,3 % du taux d’émaciation. Un petit groupe d’enfants (soit 51) ont reçu le soutien d’agents de santé gouvernementaux nouvellement formés et ont été suivis de leur naissance jusqu’à leur quatrième semaine de vie. Les données les concernant témoignent d’un bon taux moyen de prise de poids (37 g/kg/jour). Cette expérience suggère que fournir des conseils adaptés au contexte, ciblés et de qualité aux moments clés du cycle de développement est nécessaire et efficace. Instaurer un suivi rigoureux dès la naissance joue un rôle essentiel dans le suivi des progrès obtenus et l’orientation d’interventions rapides. Former et superviser les agents de santé existants afin d’améliorer la qualité des services est également possible et nécessaire dans les contextes difficiles, lorsque les ressources sont limitées.

Contexte

Malgré les réductions significatives constatées au fil des années, l’Inde enregistre encore des taux élevés de sous-nutrition chez les enfants âgés de moins de cinq ans, dont 38,4 % souffrent d’un retard de croissance, 21,0 % d’émaciation et 35,8 % d’insuffisance pondérale (Institut international des sciences de la population ou IIPS, 2016a). Il est également estimé que 18,2 % des enfants présentent une insuffisance pondérale à la naissance (IIPS, 2016b). Comme l’illustre la figure 1, bien que la prévalence du retard de croissance et de l’insuffisance pondérale augmente avec l’âge en Inde (atteignant son plus haut niveau en fin de petite enfance et chez les jeunes enfants), les cas d’émaciation sont les plus nombreux chez les nourrissons âgés de 0 à 2 mois (IIPS, 2016b). Cette tendance met en lumière les causes préalables à la naissance de la sous-nutrition infantile propres à ce contexte. Elle révèle également l’importance fondamentale des interventions visant à améliorer l’état nutritionnel des mères au cours de la grossesse ainsi qu’à prévenir le déficit et à combler le retard de croissance chez les nourrissons.

Figure 1 : État nutritionnel par âge (en mois) – quatrième enquête nationale sur la santé des familles (NFHS 4), 2015-2016

Située sur la côte ouest de l’Inde, Mumbai est la capitale de l’État du Maharashtra et la ville la plus étendue et la plus densément peuplée du pays. L’évaluation de l’état nutritionnel des nourrissons en fonction de la richesse des ménages à Mumbai met en évidence la corrélation étroite entre les troubles de la sous-nutrition et un statut socioéconomique défavorisé (pauvreté), en particulier concernant l’insuffisance pondérale et le retard de croissance (figure 2). La prévalence de l’insuffisance pondérale à la naissance est également très élevée parmi les ménages les plus pauvres de Mumbai (figure 3). Ce constat met en évidence les origines in utero de la sous-nutrition ainsi que le besoin d’accorder la priorité à un apport nutritionnel optimal au cours de la grossesse au sein de cette population vulnérable.

Figure 2 : État nutritionnel par niveau de richesse à Mumbai

Source : Rapport de l’initiative HUNGaMA, 2014.

Figure 3 : Prévalence de l’insuffisance pondérale à la naissance (< 2,5 kg) dans la zone urbaine du Maharashtra et le district de Mumbai

Source : NFHS 4

L’initiative « 1000 jours » de la Fondation pour la santé de la mère et de l’enfant

La Fondation pour la santé de la mère et de l’enfant (FMCH) est une organisation locale fondée en 2006 pour améliorer l’accès aux interventions sanitaires et nutritionnelles des communautés vulnérables du quartier de Dhobi Ghat à Mumbai. Dhobi Ghat est un quartier à faible revenu dont la population est estimée à 50 000 individus. Il se caractérise en outre par la présence de communautés informelles vivant dans des abris de fortune (« bidonvilles »). Dans le cadre de son programme d’enseignement préscolaire, la FMCH a instauré un suivi mensuel de l’état nutritionnel et de santé des enfants participants, ainsi que des sessions de vaccination de rattrapage, y compris pour leurs frères et sœurs cadets. L’organisation a également mis en place des services de conseils en matière de nutrition ainsi que des cours de cuisine à l’intention des pourvoyeurs de soin. Au fil du temps, la programmation des activités liées à la santé et à la nutrition a privilégié les 1000 premiers jours de vie plus un an (soit jusqu’au troisième anniversaire de l’enfant) plutôt que la prise en charge de tous les enfants de moins de six ans. Il s’agit en effet, pour les programmes disposant de ressources limitées, de la période la plus susceptible de récompenser les efforts visant à prévenir le déficit de croissance et à contrer les premiers effets de la sous-nutrition sur le retard de croissance. Dans cette perspective, une série d’activités clés (présentées dans la figure 4 et décrites ci-dessous) ont été mises en œuvre dans les quartiers de Ganesh Nagar, Ramdev Nagar et Sukhawani.

Figure 4 : Principales activités mises en œuvre par la FMCH à Ganesh Nagar, Ramdev Nagar et Sukhawani

Les mères ou les pourvoyeurs de soin ont emmené leurs nourrissons et leurs enfants âgés de moins de trois ans dans des cliniques (tous les mois si la prise de poids est adéquate, plus fréquemment dans le cas contraire) afin de participer à des séances de consultation avec des travailleurs de la santé formés tels que des agents de terrain, des travailleurs sociaux, des infirmiers, des nutritionnistes et un médecin. Au cours de chaque visite, les enfants et les pourvoyeurs de soin ont bénéficié de divers services :

Suivi de la croissance 
Deux agents de terrain formés mesuraient le poids ainsi que la longueur ou la taille des nourrissons à l’aide d’instruments calibrés (un troisième agent vérifiant qu’il n’y avait pas d’erreur). Les données ainsi obtenues étaient saisies dans un logiciel personnalisé et hébergé sur serveur afin de calculer les valeurs de z score définies par l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) et de générer automatiquement des courbes de percentile représentant le poids-pour-âge, la longueur-pour-âge et le poids-pour-taille. Les résultats étaient ensuite communiqués à la mère ou au pourvoyeur de soin. Les enfants chez qui les agents détectaient des complications médicales ou un retard de développement faisaient l’objet d’une prise en charge dans le centre de réhabilitation nutritionnelle ou de l’hôpital pédiatrique le plus proche.

Conseils et soutien en matière d’allaitement pour les mères de nourrissons et de jeunes enfants 
L’examen des mères allaitantes et de leurs nourrissons était conduit à l’aide de formulaires numériques d’évaluation relatifs à l’allaitement maternel conçus par l’OMS. Les conseils en matière d’allaitement étaient prodigués à l’aide du document 45 conseils pour un allaitement efficace, élaboré au fil des enseignements tirés durant les années de mise en œuvre du programme (encadré 1). Le gain de poids minimal visé était de 30 grammes par jour pour les nourrissons de moins de trois mois, et de 20 grammes par jour pour les nourrissons âgés de quatre à six mois. Lorsque l’objectif de prise de poids visé n’était pas atteint, les mères bénéficiaient de conseils supplémentaires sur l’allaitement et d’une séance de suivi 48 heures plus tard, à leur domicile ou en clinique. Une fois la mère à l’aise et le poids cible du nourrisson atteint (ce résultat doit être confirmé lors de deux visites consécutives, effectuées à 48 heures d’intervalle), l’enfant faisait l’objet d’un suivi mensuel. Des suppléments vitaminiques étaient également distribués aux mères et aux nourrissons au cours de leurs visites. Des conseils étaient prodigués aux mères concernant la sécurité des nourrissons, l’augmentation des taux de vitamine D par l’exposition au soleil, les activités favorisant le développement, les remèdes artisanaux ainsi que les protocoles d’utilisation des antibiotiques (afin d’éviter le recours à des antibiotiques en vente libre pour traiter des infections virales). Une dose prophylactique de fer était en outre administrée aux nourrissons âgés de quatre mois ou plus afin de prévenir les cas d’anémie. Bien que les cliniques aient accueilli peu d’enfants non allaités, les mères de ces derniers ont bénéficié d’un soutien pour favoriser la reprise de l’allaitement.

Encadré 1 : Extrait des 45 conseils pour un allaitement efficace1– La mise au sein du nourrisson

  • Pour qu’il ouvre grand la bouche, la mère doit porter son mamelon à la lèvre supérieure du nourrisson (image 17)
  • Lorsque le bébé ouvre grand la bouche, elle doit y introduire le sein (cette étape peut prendre quelques minutes, mais il est impératif d’attendre patiemment que le nourrisson ouvre ainsi la bouche)
  • Mise au sein en deux étapes : joindre d’abord la lèvre inférieure, puis la lèvre supérieure. La lèvre supérieure doit être positionnée juste au-dessus du mamelon. La lèvre inférieure, quant à elle, doit être située à la limite entre l’aréole et le sein (images 18 et 19)

  • Lèvre inférieure tournée vers l’extérieur (image 20)
  • Si le sein est de grande taille ou si la prise semble correcte, soulever le sein près de la lèvre inférieure pour vérifier que la majorité de la partie inférieure de l’aréole se trouve dans la bouche du nourrisson (image 21)
  • Le menton doit épouser le sein (image 22)

Soutien en matière d’alimentation de complément 
Les mères de nourrissons âgés de plus de six mois ont participé à des séances de consultation sur l’alimentation de complément. Les informations, outils de sensibilisation et moyens de communication utilisés étaient conçus pour les pourvoyeurs de soin ainsi que les femmes enceintes et allaitantes. Les nourrissons âgés de six à huit mois ont bénéficié d’un suivi rigoureux effectué toutes les deux semaines. Une fois constaté que les mères respectaient les normes minimales conseillées pour un régime alimentaire adéquat et que le nourrisson montrait des signes de croissance adéquate, les enfants faisaient l’objet d’un suivi mensuel jusqu’à leurs trois ans. Des suppléments en fer et des suppléments vitaminiques ont également été administrés aux enfants de ce groupe d’âge. Au cours des premières années de mise en œuvre du programme, l’équipe a remarqué que la croissance des enfants en âge d’être introduits à des aliments de complément (c’est-à-dire les enfants âgés de plus de six mois) atteignait souvent un plafond, en particulier au sein des ménages végétariens. Afin que les nourrissons continuent à grandir et prendre du poids et ne souffrent pas d’un déficit de croissance, il a été conseillé aux mères végétariennes de préparer chez elles des poudres à haute teneur en nutriments à base de cacahuètes, de sésame, d’amylase, de légumineuses ou de graines germées ou torréfiées afin de compléter l’alimentation de leurs enfants. Les mères non végétariennes ont été incitées à incorporer des œufs, du poisson, du poulet, du foie et de la viande rouge dans l’alimentation de leur nourrisson à partir de ses six mois. Une fois ces conseils prodigués, l’équipe du programme a constaté que les enfants de plus de six mois continuaient de grandir correctement, et que ceux souffrant d’un déficit de croissance se rétablissaient rapidement. Outre les conseils prodigués, les mères de nourrissons âgés des six, huit et douze mois se voyaient remettre un livret de recettes rédigées en langue locale et adaptées à la tranche d’âge pertinente.

Des cours de cuisine hebdomadaires ont été organisés pour les mères de nourrissons en âge de recevoir une alimentation de complément, ainsi que pour les femmes enceintes. Les recettes étaient basées sur des ingrédients riches en nutriments et disponibles localement à moindre coût. Les repas préparés étaient distribués aux enfants. Au cours des séances de consultation, les sujets tels que : les interactions lors de l’alimentation, la régularité des repas, la diversité du régime alimentaire et les pratiques d’hygiène étaient également abordés. Les nourrissons âgés d’un an bénéficiaient d’un dépistage de l’anémie effectué à l’aide de dispositifs portables HemoCue (prévus pour mener des analyses hématologiques sur les lieux de soin). Les nourrissons anémiques recevaient ensuite une dose thérapeutique de fer. Les enfants âgés d’un an et plus recevaient également des vermifuges deux fois par an.

Conseils et soutien prodigués aux femmes enceintes 
Les femmes enceintes se rendaient régulièrement dans les cliniques afin de suivre l’évolution de leur poids et participer à des séances de consultation sur les régimes alimentaires nutritifs. Une fois par semaine, elles recevaient des barres nutritives élaborées par la clinique ainsi que des suppléments en fer et en calcium. Elles étaient également invitées à rejoindre des groupes de discussion à l’intention des femmes enceintes afin d’échanger sur des sujets liés à la grossesse, tels que la nutrition, l’allaitement et les soins à apporter au nouveau-né. Une fois l’enfant né, des agents de terrain rendaient visite aux mères inscrites dans les hôpitaux afin de les guider à travers les premières étapes de l’allaitement, du positionnement du nourrisson et de la mise au sein. À leur sortie, les mères recevaient un soutien à l’allaitement au moyen de séances ponctuelles organisées à domicile ou en clinique.

Visites à domicile 
Partie intégrante du programme, les visites à domicile consistaient en des séances de consultation, au cours desquels des membres de l’équipe de la FMCH prodiguaient des conseils aux femmes enceintes et aux pourvoyeurs de soins. Ces séances portaient sur les pratiques d’hygiène applicables à l’alimentation de la mère, du nourrisson et du jeune enfant, et pouvaient servir à aider les familles à accéder à des services de soutien supplémentaires, au besoin. Les couples mère-nourrisson étaient également encouragés à participer à des formations « maman et moi » avec leur nourrisson. Ces formations, axées sur le développement des nourrissons et des enfants, portaient notamment sur la communication, les massages et le jeu.

Élaboration d’outils 
La FMCH a récemment commencé à utiliser des outils technologiques, de communication et d’information avancés tels que les séminaires Spoken Tutorial sur la santé mis au point dans le cadre du projet Spoken Tutorial de l’IIT, qui s’appuient sur les expériences du personnel du programme de la FMCH. Le portail de contenu pédagogique Spoken Tutorial2 et sa chaîne YouTube « Health Spoken Tutorial » proposent des guides multilingues concernant les pratiques d’allaitement, l’alimentation de complément, la nutrition des mères et des adolescents ou encore les soins aux nourrissons. Ce format permet aux femmes enceintes et aux pourvoyeurs de soin de parcourir les guides à leur rythme. Les femmes qui ont accès à des smartphones peuvent regarder les vidéos chez elles ou dans les cliniques. Les femmes reçues dans les cliniques de la FMCH ont réservé un bon accueil aux vidéos, effectuant des retours positifs sur leur contribution à l’adoption de techniques d’allaitement appropriées.

Suivi et leçons apprises

Les protocoles s’appuyaient sur des programmes informatiques personnalisés et hébergés sur serveur. Ces derniers comportaient l’ensemble des formulaires pertinents, y compris ceux de l’OMS relatifs à l’évaluation du statut d’allaitement, à la santé des enfants, au régime alimentaire, à la prise en charge de la malnutrition aiguë sévère et modérée, aux visites à domicile et aux activités. Un logiciel servait également à calculer les valeurs de z score définies par l’OMS et à établir des courbes de croissance par percentile. Ces outils ont permis une collecte efficace de données pertinentes pour assurer le suivi des patients et du programme. Le logiciel personnalisé étant hébergé sur serveur, l’équipe et un médecin de la clinique ont pu analyser les données en temps réel afin de s’assurer que chaque enfant bénéficiait d’un suivi approprié et que les cas de déficit de croissance étaient dépistés et pris en charge. Les cas complexes étaient immédiatement signalés au médecin et au nutritionniste de l’équipe afin de mettre en place une intervention appropriée et immédiate.

L’analyse des données a révélé de nombreux problèmes communément rencontrés par les mères, tels qu’une position d’allaitement inadéquate, une mauvaise prise au sein et un manque de régularité des tétées. Ces informations détaillées ont permis à l’équipe d’étoffer le document 45 conseils pour un allaitement efficace afin de remédier aux difficultés les plus courantes et éclairer la prise de décisions.

Impact du programme

Entre 2013 et 2016, les situations initiale et finale de tous les enfants de moins de six mois ayant participé au programme au moins jusqu’à leur premier anniversaire (soit 286 enfants, dont 153 garçons et 133 filles) ont été analysées en fonction d’indicateurs relatifs à la malnutrition. Ces enfants ont été sélectionnés à partir des critères suivants : l’âge au moment de leur inscription au programme (moins de six mois) ; le statut d’allaitement (allaitement maternel exclusif) ; la possibilité de recueillir des données de suivi entre le douzième et le vingt-quatrième mois du nourrisson. Les valeurs des z scores de la longueur-pour-âge, du poids-pour-âge et du poids-pour-taille ont été calculées lors de ses six premiers mois (situation initiale) et entre son douzième et son vingt-quatrième mois (situation finale). La prévalence des troubles de la nutrition a également été analysée (figure 5). L’âge moyen des enfants était de 2,2 mois lors de la situation initiale, et de 13,9 mois lors de la situation finale.

Figure 5 : État nutritionnel, en situation initiale et situation finale, d’un sous-échantillon de 286 enfants enregistrés auprès de la FMCH dans les quartiers de Ganesh Nagar, Ramdev Nagar et Sukhawani

Au sein de la cohorte, les prévalences de l’émaciation, de l’insuffisance pondérale et du retard de croissance ont diminué entre les situations initiales et finales. En comparaison avec le retard de croissance (baisse de 18,7 % d’après les mesures de la taille-pour-âge) et l’émaciation (baisse de 16,7 % d’après les mesures du poids-pour-taille), la baisse observée est particulièrement importante pour les cas d’insuffisance pondérale (baisse de 47,5 % d’après les mesures du poids-pour-âge). La prévalence de l’émaciation sévère a chuté de 67,7 %, celle de l’insuffisance pondérale sévère de 67,4 % et celle du retard de croissance sévère de 32,7 %. Le retard de croissance (baisse de 6,3 points de pourcentage) et l’insuffisance pondérale (baisse de 16,1 points de pourcentage) sont les troubles de la nutrition pour lesquels d’importants progrès ont été obtenus sur cette courte période (un an à un an et demi). En raison de l’absence de groupe témoin (les données ne faisant pas partie d’un projet de recherche), les données de la NFHS 4 (2015-2016)3 ont contribué à l’analyse contextuelle des résultats. Une comparaison, qu’il convient d’interpréter avec prudence, suggère que la prévalence des troubles de la nutrition est bien plus faible chez les enfants du groupe ayant fait l’objet d’une intervention qu’au sein d’un groupe d’âge similaire (13 à 24 mois) appartenant au quintile le plus pauvre de l’échantillon de population urbaine du niveau administratif de l’État : 27,3 % contre 42,6 % pour la prévalence du retard de croissance, 17,8 % contre 35,4 % pour celle de l’insuffisance pondérale et 10,5 % contre 26,5 % pour celle de l’émaciation entre 13 et 24 mois.

Des données ont été collectées pour un sous-échantillon de 80 enfants de la même cohorte pour lesquels les données étaient disponibles à partir de 24 mois et ont été étudiées afin de comprendre l’impact à long terme du programme sur ses bénéficiaires. Les données ont servi à comparer la prévalence du retard de croissance, de l’insuffisance pondérale et de l’émaciation entre une situation initiale (nourrisson âgé de 0 à 6 mois) et une situation finale (nourrisson âgé de 24 à 35 mois). Les enfants de ce sous-échantillon étaient en moyenne âgés de 25,9 mois lors de la situation finale. L’analyse des données a révélé une baisse de la prévalence de l’ordre de 28,1 % pour le retard de croissance, 50 % pour le retard de croissance sévère, 33,3 % pour l’insuffisance pondérale, 46,2 % pour l’insuffisance pondérale sévère et 40 % pour l’émaciation sévère (figure 7). La prévalence de l’émaciation a cependant augmenté de 33,3 %. De même, la prévalence de la sous-nutrition était bien plus faible parmi les enfants de ce sous-échantillon lorsqu’elle est comparée à la prévalence constatée chez les enfants d’un âge similaire (25 à 36 mois) appartenant au quintile le plus pauvre de l’échantillon de population urbaine constitué pour l’État (28,8 % contre 39,9 % pour le retard de croissance, 27,5 % contre 42,2 % pour l’insuffisance pondérale et 15 % contre 23,6 % pour l’émaciation) (NFHS 4, 2015-2016).

Figure 7 : État nutritionnel, en situation initiale et situation finale, d’un sous-échantillon de 80 enfants enregistrés auprès de la FMCH dans les quartiers de Ganesh Nagar, Ramdev Nagar et Sukhawani, sur une période de trois ans

Encadré 2 : Étude de cas 1

Les deux premières courbes de croissance ci-dessous sont celles de sœurs jumelles ayant été traitées en clinique alors qu’elles étaient âgées de deux mois environ. Comme le montre leur courbe de croissance par percentile, réalisée conformément aux normes de l’OMS, les deux filles souffraient d’un retard de croissance sévère au moment de leur admission (valeur de z score de la taille-pour-âge presque égale à -6 écarts types). Leur mère a reçu des conseils en matière d’allaitement et d’alimentation de complément pour les nourrissons âgés de six mois et plus. Bien qu’il ait fallu plus de temps qu’avec d’autres enfants pour constater des progrès, les deux filles ont progressivement enregistré un lent mais constant gain de taille et ne présentaient plus de retard de croissance une fois âgées de 27 mois.

18-month-old twin girls who were admitted to the programme at two months of age and who had reversal of stunting by 27 months of age

Sœurs jumelles incluses dans le programme à leurs deux mois et ayant cessé de souffrir d’un retard de croissance à leurs 27 mois, ici âgées de 18 mois.

 

Encadré 3 : Étude de cas 2

Une petite fille âgée de deux semaines a été intégrée au programme. Elle souffrait alors d’insuffisance pondérale et d’un retard de croissance sévère. Sa mère a reçu des conseils en matière d’allaitement et d’alimentation de complément pour les nourrissons âgés de six mois et plus. D’après la courbe de percentiles mesurant le poids-pour-âge, conforme aux normes de l’OMS, l’enfant était âgée d’environ sept mois lorsque son poids a atteint le cinquantième percentile. Comme le démontre la deuxième courbe ci-dessous, qui détaille la taille-pour-âge de la petite fille, sa croissance a suivi un redressement régulier jusqu’à ses deux ans.

Renforcer les capacités du personnel de santé gouvernemental

Le personnel de santé du Département de la santé et du Département du développement de la femme et de l’enfant œuvrant dans les zones tribales de Melghat, dans l’État du Maharashtra, ont récemment suivi des formations sur l’alimentation de la mère, du nourrisson et du jeune enfant. Les séminaires en ligne Spoken Tutorial sur la santé ont servi à former des médecins, des responsables d’anganwadis, des conseillers et des médiateurs de blocs sur une variété de sujets (encadré 4). Le personnel formé a acquis la capacité de transmettre ses connaissances à d’autres agents de santé gouvernementaux chargés de conseiller les mères. Une fois la formation terminée, les participants ont passé un examen écrit, pris part à un atelier pratique incluant des démonstrations effectuées à l’aide d’une poupée et d’un modèle de sein, et suivi un entraînement pratique dispensé par un superviseur. Les participants se sont vu confier la responsabilité de suivre dix bébés pendant un mois, et ont pu bénéficier d’un soutien à distance par WhatsApp ainsi que de la possibilité de transférer les cas ne présentant aucun progrès à un médecin. Fondées sur des outils en ligne accessibles gratuitement ainsi que sur des séances pratiques utilisant des accessoires peu onéreux, les formations ont eu un coût minimal.

Encadré 4 : Questions abordées dans le cadre de la formation du personnel de santé gouvernemental 
1. Connaissances en matière d’allaitement et raisonnement scientifique sous-jacent (3 heures)
2. Nutriments de types 1 et 2 et 1000 premiers jours de vie (2 heures)
3. Régime alimentaire devant être suivi par la mère préalablement à la grossesse et après la naissance pour réduire la prévalence de l’insuffisance pondérale à la naissance et courbes de suivi de la grossesse (1 heure)
4. Alimentation de complément (2 heures)
5. Courbes de croissance/outil de suivi de la croissance de l’enfant (2 heures)
6. Instinct de recherche du sein et soins mère kangourou (2 heures)
7. Expression et stockage du lait maternel ; allaitement par lait maternel extrait (2 heures)
8. Troubles du mamelon et de l’allaitement ; méthodes physiques d’augmentation de la quantité de lait (2 heures)
9. Atelier pratique
 
L’analyse des données relatives aux enfants suivis et aux mères conseillées par les travailleurs de la santé nouvellement formés du département de la santé du district de Banaskantha de l’État du Gujarat (médecins, infirmières sages-femmes auxiliaires et agents sanitaires et sociaux agréés) révèlent des premiers résultats encourageants pour le programme. De nombreux nourrissons auraient en effet pris plus de 40 grammes par jour. La figure 8 présente les données de 51 enfants du district de Banaskantha (âgés de 26 à 31 jours au moment de la dernière visite) dont la mère a reçu les conseils de travailleurs de la santé nouvellement formés et qui ont bénéficié d’au moins quatre séances hebdomadaires de suivi. Les données indiquent qu’entre leur naissance et la date de la dernière séance de suivi, plus de 62 % de ces enfants ont pris au moins 30 grammes par jour, tandis que près de 8 % ont pris 60 grammes ou plus par jour. Le gain de poids moyen constaté est de 37 grammes par jour.

Figure 8 : Évolution de 51 nourrissons en fonction du poids pris entre la naissance et la dernière séance de suivi, effectuée entre leurs 26e et 31e jour (%)

Un ensemble de 154 nourrissons entamant leur quatrième semaine de vie (c’est-à-dire âgés de plus de 21 jours), au sujet desquels des données avaient été collectées, ont également été étudiés. Parmi ces enfants, 17,5 % (soit 27) présentaient un poids inférieur à 2,5 kilogrammes à leur naissance. Les 40 enfants suivis dès leur première semaine de vie ont enregistré un gain de poids moyen négatif de l’ordre de -7,7 grammes par jour. Ce gain s’élève à 22,3 grammes par jour pour les 106 enfants suivis au cours de leur deuxième semaine de vie, à 40,5 grammes par jour pour les 101 suivis au cours de leur troisième semaine et à 42,6 grammes par jour pour les 107 suivis au cours de leur quatrième semaine (figure 9). Les résultats obtenus mettent en lumière l’importance de fournir des conseils efficaces en matière d’allaitement.

Figure 9 : Gain de poids moyen par semaine d’un ensemble de 154 enfants âgés de moins de 21 jours (grammes par jour)

Remarque : si plusieurs visites ont été effectuées au cours d’une semaine, les données retenues sont celles de la première visite.

Discussion

Prodiguer des conseils adaptés au contexte, ciblés et de qualité aux moments clés du cycle de développement est nécessaire et efficace. Le programme de la FMCH a intégré l’élaboration d’une série de protocoles et d’outils connexes adaptés aux besoins des pourvoyeurs de soin et aux difficultés qu’ils rencontrent dans ce contexte. Les vidéos réalisées et mises en ligne par l’IIT de Bombay ont notamment servi à prodiguer des conseils centrés sur des aspects clés du cycle de vie (la grossesse, l’allaitement maternel exclusif des nourrissons de moins de six mois et l’introduction des nourrissons et des enfants à une alimentation de complément). La promotion de la position de la madone inversé et l’utilisation du document 45 conseils pour un allaitement efficace se sont avérés essentiels à la réussite du programme. Cette expérience souligne l’importance de posséder une compréhension approfondie des problèmes propres à un contexte et de mettre en place des protocoles et des outils visant à les résoudre. Elle met également en évidence l’importance d’informer les femmes enceintes et allaitantes ainsi que les pourvoyeurs de soin, de façon à ce qu’ils comprennent quelles mesures sont nécessaires pour garantir la bonne croissance de leur enfant, ainsi que les motifs qui les justifient.

Mesurer l’évolution du poids avec précision joue un rôle essentiel dans le suivi des progrès obtenus et l’orientation d’interventions rapides. Le programme de la FMCH met en avant la nécessité d’effectuer un suivi régulier et précis du poids des nourrissons afin que les nourrissons présentant un déficit de croissance soient rapidement identifiés et pris en charge, et ce avant qu’ils ne commencent à souffrir d’émaciation. Dans le cadre de ce programme, le suivi du poids a été réalisé avec succès à partir d’un logiciel hébergé sur serveur (Veracross). Ce logiciel s’appuyait sur les modèles de l’OMS pour générer des courbes de croissance par percentile en plus de calculer les valeurs de z score des nourrissons. Cette méthode a permis de gagner de temps, d’éviter des erreurs humaines et d’identifier immédiatement et à distance les nourrissons présentant un déficit de croissance afin que des interventions puissent rapidement être menées. La mise en place de visites régulières dans les foyers a également contribué au suivi actif de la prise de poids des jeunes nourrissons.

Les outils technologiques peuvent faciliter la réalisation des activités de programmation et de suivi. Ils ont d’ailleurs été mis à profit dans le cadre des séances de consultation, des évaluations du statut d’allaitement, de la collecte de données sur l’alimentation de complément et du suivi de la prise de poids. C’est ainsi que les tendances propres au contexte et les problèmes couramment rencontrés ont pu être identifiés et les protocoles ajustés en conséquence. L’utilisation de vidéos accessibles en ligne afin de former les mères et les travailleurs de la santé s’est également avérée être un moyen très efficace de fournir un soutien peu coûteux à de nombreuses personnes, et ce en un bref laps de temps.

La formation et la supervision des travailleurs de la santé sont essentielles à l’amélioration de la qualité des services. Une formation et une supervision de qualité du personnel de santé, assorties de mécanismes de référencement en cas d'absence de résultats, ont été essentielles au succès du programme de la FMCH, et ont permis de garantir la cohérence des informations transmises aux mères. Cette expérience démontre également que, grâce aux outils en ligne, la formation des travailleurs de la santé gouvernementaux n’entraîne pas nécessairement de coûts élevés et peut être mise en œuvre dans le cadre du système de santé actuel de l’Inde.

Prochaines étapes

Il existe des indications encourageantes indiquant que le programme de la FMCH a eu un impact positif en un temps relativement court sur la prévention du retard de croissance et de l’émaciation parmi les enfants bénéficiaires. Pour ce faire, le programme a associé un suivi intensif de la prise de poids à la fourniture de conseils ciblés et contextualisé aux femmes enceintes et allaitantes et aux pourvoyeurs de soin. Le programme de la FMCH est reproduit avec succès dans les zones rurales de Shrirampur, dans l’État du Maharashtra depuis 2013, et depuis 2017 dans la périphérie de Mumbai, par la mise en place, au sein des anganwadis, de services gouvernementaux intégrés consacrés au développement de l’enfance. Ces itérations démontrent qu’il est possible d’intégrer les protocoles de la FMCH aux services de santé courants en s’appuyant sur le personnel existant, en lui ayant dispensé au préalable une formation peu coûteuse reposant sur des outils gratuits et accessibles en ligne. Ce type de mesure pourrait aider le gouvernement indien à atteindre ses objectifs en matière de réduction de l’émaciation et du retard de croissance. La FMCH espère que d’autres organisations et des gouvernements du monde entier recourront au programme et à la méthodologie élaborés par l’équipe de Spoken Tutorial de l’IIT de Bombay, en plus de partager leurs ressources et les enseignements qu’ils auront tirés.

Pour en savoir plus, veuillez contacter Rupal Dalal à l’adresse dalal_rupal@yahoo.com.


1 La version intégrale des 45 conseils pour un allaitement efficace peut être consultée dans la version en ligne de cet article, disponible à l’adresse suivante : www.ennonline.net/fex/63

3 La NFHS 4 a servi d’outil de comparaison car ses données ont été recueillies entre 2014 et 2015, ce qui coïncide avec la période de collecte d’informations du programme d’intervention.


Références

Institut indien de technologie (IIT) de Bombay (n.d.) Séminaires Spoken Tutorial sur la santé et la nutrition. Disponibles à l’adresse suivante :https://spoken-tutorial.org/series_tutorial-search/?search_otherfoss=Health+and+Nutrition

Institut international des sciences de la population (IIPS), 2016a.Enquête nationale sur la santé des familles (NFHS 4) 2015-2016 : Inde. Ministère de la Santé et du bien-être familial.

Institut international des sciences de la population (IIPS), 2016b.Enquête démographique et de santé en Inde, 2015-2016 (DHS VII). Programme DHS.

Urban HUNGaMA, rapport de l’enquête HUNGaMA, 2014. Disponible à l’adresse suivante : www.naandi.org/wp-content/uploads/Urban-HUNGAMA-Final-Report-1.pdf

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