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Concordance entre le score z du rapport poids-pour-taille (score z du PT) et le périmètre brachial (PB) pour la détection de l’émaciation chez les enfants dans les communautés d’accueil du Bangladesh

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Par Dr Lalan Miah, Dr Khalilur Rahman, Dr Abdul Alim et Bijoy Sarker

Dr Lalan Miah est docteur en médecine et responsable de la surveillance nutritionnelle pour Action contre la Faim au Bangladesh, dont il dirige depuis sept ans le projet de surveillance nutritionnelle dans les communautés d’accueil et les camps de réfugiés. Il pilote également le Groupe de travail technique sur l’évaluation du secteur de la nutrition.

Dr Khalilur Rahman est directeur général du Conseil national de la nutrition du Bangladesh, où il appuie l’élaboration des politiques et des programmes nutritionnels nationaux en collaboration avec de nombreux partenaires gouvernementaux et non gouvernementaux. Docteur en médecine, il possède plus de 25 ans d’expérience professionnelle dans le système de santé publique.

Dr Abdul Alim est professeur auxiliaire et responsable de programme adjoint au sein des Services nationaux de nutrition de l’Institut de santé publique et de nutrition à Dacca, domaines dans lesquels il travaille depuis 2010.

Bijoy Sarker est nutritionniste en santé publique. Il exerce actuellement les fonctions de conseiller régional SMART pour l’Asie aux côtés d’Action contre la Faim au Canada. Il possède une dizaine d’années d’expérience dans les domaines de la nutrition et du suivi en situation d’urgence, dans de nombreux pays d’Afrique et d’Asie du Sud.

Les auteurs tiennent à remercier les personnes et les organismes suivants pour leur collaboration et leur soutien technique dans le cadre de ce projet, notamment les Services nationaux de nutrition, l’Institut de santé publique et de nutrition, le ministère de la Santé et du Bien-être familial du Bangladesh, le Conseil national de la nutrition du Bangladesh (BNNC), la Mission d’Action contre la Faim au Bangladesh (Jogie Abucejo Agbogan, Fitsum Tesfaye, Dr Abul Hasan, Dr Saiful Islam Talukder et G.M. Mosharaf Hossain), le siège d’Action contre la Faim en France (Clémence Malet et Benjamin Guesdon), la Technical Rapid Response Team (Alexandra Humphreys), ainsi que Global SMART Initiative et Action contre la Faim au Canada (Jana Daher et Hassan Ali Ahmed).

Lieu : Bangladesh

Ce que nous savons : Il existe un faible recoupement entre les enfants identifiés comme souffrant d’émaciation en utilisant le score z du poids-pour-taille (score z du PT) et ceux identifiés comme tels à travers la mesure du périmètre brachial (PB). Au Bangladesh, les directives relatives à la prise en charge communautaire de la malnutrition aiguë recommandent la mise en œuvre de programmes de dépistage exclusivement basés sur la mesure du PB.

Ce que cet article nous apprend : Une analyse des données secondaires a permis d’étudier la concordance entre le score z du PT et la mesure du PB dans le dépistage de l’émaciation réalisé dans 12 districts du Bangladesh. L’analyse a également porté sur l’impact du recours à différents seuils de PB sur l’identification des enfants dotés d’un score z du PT peu élevé. Cette analyse a révélé une correspondance faible et variable entre les deux indicateurs, le score z du PT se révélant plus sensible pour détecter l’émaciation. L’augmentation des seuils de PB a amélioré la proportion de cas d’émaciation sévère ou modérée dépistés, mais également entraîné une hausse du nombre de « faux positifs » (enfants ne remplissant aucun critère de score z du PT ou de PB défini pour l’émaciation). L’augmentation du seuil de PB à 115 mm a conduit au classement erroné d’une partie des cas de malnutrition aiguë sévère (MAS) (avec un score z du PT inférieur à - 3 écarts types) comme éligibles à un traitement modéré. Cela influe sur les capacités et les ressources des programmes existants et soulève à nouveau des questions quant au sort des enfants dotés d’un faible score z du PT se retrouvant exclus ou privés d’un traitement adéquat dans les programmes basés uniquement sur le PB.

Contexte

Le score z du PT et le périmètre brachial (PB) sont tous deux recommandés par l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) comme indicateurs indépendants de l’émaciation chez les enfants (OMS 2009 ; OMS 2013). En pratique, le PB est de plus en plus utilisé comme seul critère anthropométrique1, notamment dans les dépistages communautaires, ceux réalisés dans des centres de santé isolés ne disposant pas toujours de toises et de pèse-personnes et dans le cadre de l’adaptation provisoire des programmes à la COVID-19, lorsque les mesures de prévention et de contrôle des infections ne peuvent être appliquées (UNICEF, OMS 2020). Bien souvent, le PB et le score z du PT n’aboutissent pas au recensement des mêmes enfants, et le degré de recoupement varie considérablement en fonction du contexte (Grellety et al., 2016). Si le PB a longtemps été considéré comme un meilleur indicateur du risque de mortalité que le score z du PT (Briend et al., 2016), des analyses récentes laissent entendre que les enfants dont le score z du PT ou le PB sont bas ont un risque de mortalité identique (Schwinger et al., 2019 ; Grellety et Golden, 2018a et 2018b). Par conséquent, des questions subsistent quant au fait que les enfants dotés d’un faible score z du PT ne sont pas recensés par les stratégies s’appuyant exclusivement sur la mesure du PB, en particulier dans les contextes où la concordance entre ces deux indicateurs est peu élevée, et quant au moyen de remédier à ce problème, par exemple en augmentant le seuil de PB afin de prendre en compte les enfants présentant un faible score z du PT.

Le Bangladesh compte deux types de directives nationales pour la prise en charge des enfants atteints d’émaciation : i) celles concernant la prise en charge hospitalière des enfants souffrant de MAS2 et ii) celles concernant la prise en charge communautaire de la malnutrition aiguë (PCMA). Les directives relatives à la prise en charge hospitalière de la MAS recommandent l’admission des enfants émaciés et la délivrance d’un traitement à ces derniers en fonction du score z du PT ou du poids-pour-taille couché et/ou du PB, tels que définis par les lignes directrices de l’OMS (score z du PT ou du PT couché < - 3 écarts types et/ou PB < 115 mm et/ou œdème bilatéral en godet avec complications médicales) (Institut de la santé publique et de la nutrition, ministère de la Santé et du Bien-être familial, 2017). Les directives nationales relatives à la PCMA, couvrant la prise en charge de la MAS sans complications, de la malnutrition aiguë modérée (MAM) et de la malnutrition aiguë chez les femmes enceintes et allaitantes, recommandent l’admission dans un programme et la délivrance d’un traitement sur le critère du PB seul (Institut de la santé publique et de la nutrition, ministère de la Santé et du Bien-être familial, 2017).

Compte tenu de ces éléments, Action contre la Faim (ACF) a réalisé une analyse approfondie des données anthropométriques issues de nombreuses enquêtes menées dans différentes régions du Bangladesh, en vue d’examiner la concordance entre le score z du PT et le PB dans le dépistage de l’émaciation, afin de faciliter la prise de décisions concernant les programmes de PCMA dans le contexte national du Bangladesh.

Objectifs de la recherche

Après la récente publication d’une analyse semblable s’appuyant sur un large éventail d’enquêtes menées dans de nombreux pays, notamment le Bangladesh (Guesdon et al., 2020)3, le principal objectif de la présente étude était d’examiner la concordance entre le score z du PT et le PB dans le dépistage de l’émaciation chez les enfants bangladais, en vue d’éclairer les décisions politiques et les programmes. En outre, les auteurs ont étudié l’effet de l’augmentation des seuils de PB pour le référencement et l’admission sur la concordance entre un PB et un score z du PT ou du PT couché bas. Ils ont également examiné les conséquences sur le nombre d’admissions attendues dans les programmes de traitement ambulatoire (PTA) pour les cas d’émaciation sévère sans complications médicales, ou dans les programmes d’alimentation supplémentaire ciblés (PASC) pour les cas d’émaciation modérée.

Figure 1 : Répartition des enquêtes SMART menées au Bangladesh, par district

Méthodologie

Les données ont été extraites d’enquêtes SMART représentatives de la population menées par ACF au Bangladesh entre 2009 et 2020, portant sur l’état nutritionnel des enfants bangladais âgés de 6 à 59 mois. Un nombre total de 34 enquêtes SMART réalisées dans 12 districts du pays (figure 1), dont la qualité a été jugée « excellente » ou « bonne » et adoptant un écart type acceptable pour le score z du PT (compris entre 0,80 et 1,20)4, ont été retenues pour l’analyse. Deux enquêtes SMART dont le score de plausibilité fourni par le logiciel ENA (Emergency Nutrition Assessment) était « acceptable » ont été exclues de l’analyse. Ont également été exclus les jeux de données (au nombre de n = 342) relatifs à chaque enfant pour lesquels il manquait le PB, le score z du PT ou l’indication de la présence d’œdème, et ceux présentant des valeurs aberrantes de score z du PT en regard des indicateurs de l’OMS (± 5 écarts types, n = 10), des valeurs extrêmes de PB (n = 3) ou indiquant la présence d’un œdème bilatéral en godet (n = 1)5. Au total, l’échantillon groupé faisant l’objet de l’analyse se composait de 16 519 enfants âgés de 6 à 59 mois

L’étude s’est trouvée limitée par le fait que les données provenaient d’un nombre restreint de districts, et que les enquêtes, souvent menées à petite échelle et à différentes saisons de l’année, étaient rarement représentatives de ces districts dans leur intégralité. En outre, l’échantillon final n’ayant pas été pondéré, les échantillons plus importants ont davantage influé sur les résultats groupés.

Résultats

Les analyses finales ont porté sur 16 519 enfants âgés de 6 à 59 mois, parmi lesquels 2349 cas d’émaciation (1996 de MAM et 353 de MAS) ont été détectés par le score z du PT et/ou la mesure du PB6. Le tableau 1 montre la concordance existant dans la prévalence de l’émaciation selon qu’elle est dépistée par score z du PT seul, par PB seul, ou à l’aide des deux méthodes.

D’après l’analyse groupée portant sur l’ensemble des districts (figures 2 et 3), on estime globalement que 63,5 % des cas de malnutrition aiguë globale (MAG) et 65,4 % des cas de MAS ont été dépistés par score z du PT seul ; que 15,1 % des cas de MAG et 19,3 % des cas de MAS ont été dépistés par PB seul ; et que 21,4 % des cas de MAG et 15,3 % des cas de MAS ont été dépistés à l’aide des deux méthodes.

Figure 2 : Concordance entre le score z du PT et le PB dans le dépistage des cas de MAG

Figure 3 : Concordance entre le score z du PT et le PB dans le dépistage des cas de MAS

Tableau 1 : Nombre d’enquêtes et d’enfants pris en compte par district et concordance dans le dépistage des cas d’émaciation (MAG et MAS), selon qu’il est effectué par score z du PT seul, par PB seul ou à l’aide des deux méthodes

* Ces données ne sont pas représentatives de l’ensemble du district.

Parmi tous les districts ayant fait l’objet d’une enquête (tableau 1), la plus forte concordance entre les méthodes de dépistage de la MAG a été observée dans ceux d’Habiganj (27,0 %) et de Cox’s Bazar (25,6 %). La plus faible concordance a été constatée dans les districts de Sirajganj (6,7 %) et Satkhira (8,4 %). La plus forte concordance entre les méthodes de dépistage de la MAS a été observée dans les districts de Sunamganj (20,0 %) et de Cox’s Bazar (19,8 %). Dans trois districts échantillons, tous les cas de MAS ont été dépistés soit par le score z du PT, soit par la mesure du PB (mais aucun par la combinaison des deux méthodes). Dans trois districts échantillons, tous les cas de MAS ont été dépistés uniquement par le score z du PT. Ces résultats indiquent une concordance faible et variable entre les deux indicateurs, la majorité des enfants émaciés ayant été recensés par le score z du PT.

Une analyse plus approfondie des données a été réalisée afin d’envisager différents scénarios de dépistage des cas de MAS et de MAM (figures 4 et 5) et d’éligibilité à l’admission dans les programmes PTA et PASC (figure 6), selon différents seuils de PB. La figure 4 montre que, d’après les critères de référence mondiaux définis pour la MAS (score z du PT < - 3 écarts types et/ou PB < 115 mm) et la MAM (- 3 écarts types ≤ score z du PT < - 2 écarts types et/ou 115 mm ≤ PB < 125 mm), un seuil de référence unique de PB inférieur à 115 mm utilisé seul permettrait de dépister 34,6 % de la totalité des cas de MAS (détectés à l’aide des deux indicateurs). Un seuil de référence unique de PB inférieur à 125 mm utilisé seul ne permettrait de dépister que 32,1 % de la totalité des cas de MAM (détectés à l’aide des deux indicateurs) présents dans l’échantillon regroupant l’ensemble des districts. L’augmentation des seuils de référence uniques de PB utilisé seul améliore encore le dépistage des cas de MAS et de MAM (détectés à l’aide des deux indicateurs). Ainsi, un seuil de PB inférieur à 140 mm permettrait de recenser 83,7 % des cas de MAM (dépistés par mesure du PB et/ou par score z du PT selon les critères fixés pour la MAM).

Figure 4 : Projection du dépistage des cas de MAS selon différents seuils de référence du PB

« L’ensemble des cas de MAS détectés » désigne tous les cas de MAS dépistés par le score z du PT (< - 3 écarts types) et/ou par mesure du PB (< 115 mm). « L’ensemble des cas de MAS non détectés » désigne les enfants dont la MAS (score z du PT < - 3 écarts types) a été dépistée par le score z du PT, dont le PB est supérieur au seuil utilisé pour le dépistage.

Figure 5 : Projection du dépistage des cas de MAM selon différents seuils de référence du PB

« L’ensemble des cas de MAM détectés » désigne tous les cas de MAM dépistés par le score z du PT (≥ - 3 écarts types et < - 2 écarts types) et/ou par mesure du PB (≥ 115 mm et < 125 mm), et qui ne sont pas MAS selon les indicateurs. « L’ensemble des cas de MAM non détectés » désigne les enfants dont la MAM (- 3 écarts types ≤ score z du PT < - 2 écarts types) a été dépistée par le score z du PT, dont le PB est supérieur au seuil utilisé pour le dépistage.

L’objectif de l’augmentation des seuils étant de faire en sorte de recenser les enfants dotés d’un faible score z du PT non dépistés par les seuils standard du PB, nous avons qualifié les cas remplissant les critères de PB élargis, mais ne répondant pas à ceux du score z du PT de « faux positifs ». L’existence de ces faux positifs a des conséquences concrètes. Des enfants peuvent être référencés par la communauté à la suite d’un dépistage s’appuyant sur la mesure du PB, puis être considérés comme bien nourris par un centre nutritionnel après une nouvelle évaluation au moyen du score z du PT et renvoyés chez eux. La stratégie de dépistage peut s’en trouver compromise. En l’absence de contrôle du score z du PT par les établissements de santé, l’état nutritionnel des enfants référencés après mesure du PB n’est pas vérifié et ceux-ci sont donc admis pour traitement. Cette situation peut avoir de lourdes incidences sur les capacités et les ressources du programme.

La figure 6 montre la proportion d’enfants éligibles aux programmes de prise en charge de la MAS et de la MAM, y compris les faux positifs, selon différents seuils de référence du PB. Parmi tous les cas référencés avec un seuil de PB élargi inférieur à 120 mm, 55 % des enfants remplissaient les critères d’éligibilité à l’admission dans les programmes de prise en charge de la MAS, et 45 % dans les programmes de prise en charge de la MAM, conformément aux seuils fixés au niveau mondial pour le PB et le score z du PT. Toutefois, les auteurs de l’étude estiment que l’augmentation des seuils de référence du PB de < 125 mm à < 130 mm, par exemple, conduirait à 36 % de faux positifs (enfants dont le PB serait ≥ 125 mm et le score z du PT ≥ - 2 écarts types), lesquels ne rempliraient pas les critères d’éligibilité à l’admission dans les programmes de prise en charge de la MAS et de la MAM. Le pourcentage de faux positifs atteindrait 70 % avec une augmentation du seuil de référence du PB à < 140 mm (figure 6).

Figure 6 : Proportion d’enfants éligibles aux programmes de prise en charge de la MAS et de la MAM, y compris les faux positifs, selon différents seuils de référence du PB (d’après l’éligibilité au traitement déterminée à la fois par le PB et le score z du PT, telle que définie par le protocole mondial)

*Les faux positifs désignent les enfants dont le PB est supérieur ou égal à 125 mm et le score z du PT supérieur ou égal à - 2 écarts types, d’après les seuils fixés au niveau mondial pour le dépistage de l’émaciation.

Les critères d’admission par PB seul élargi ont également été appliqués à différents scénarios, en vue de comprendre leurs incidences programmatiques (figures 7 et 8). Les programmes de dépistage par PB seul élargi ont pour effet le classement erroné d’un certain nombre de cas de MAM comme éligibles à l’admission dans un programme PTA. Dans la figure 7, le scénario 2 montre que des critères d’admission par PB seul élargi, dont le seuil est augmenté à < 120 mm, donneront lieu à l’admission dans un programme PTA de 45 % des enfants atteints de MAM (115 mm ≤ PB < 120 mm et/ou - 3 écarts types ≤ score z du PT < - 2 écarts types). Un seuil de PB élargi à < 125 mm pour l’admission dans un programme PTA entraînera une charge de cas correspondant à 75 % des enfants atteints de MAM (115 mm ≤ PB < 125 mm et/ou - 3 écarts types ≤ score z du PT < - 2 écarts types).

Figure 7 : Proportion d’enfants atteints de MAS et de MAM ciblés par le programme PTA, selon différents critères d’admission par PB seul élargi

En ce qui concerne les PASC, l’admission sur le seul critère du PB élargi a également des incidences programmatiques, qui se manifestent par le classement erroné d’un certain nombre de cas de MAS (enfants dont le score z du PT est inférieur à - 3 écarts types et le PB supérieur ou égal à 115 mm) comme éligibles aux programmes PASC, et par une forte proportion de faux positifs pris en compte lorsque le seuil d’admission est supérieur à 125 mm (figure 8). Si les critères d’admission sont fondés sur un PB élargi, de nombreux enfants bien nourris se trouveront inscrits dans le programme PASC, ce qui augmentera encore la charge de cas.

Figure 8 : Diagrammes circulaires montrant la proportion d’enfants atteints de MAS, de MAM ou ne souffrant pas de malnutrition aiguë, ciblés par le programme PASC, selon différents critères d’admission par PB seul élargi

Discussion et conclusion

La discordance existant dans la prévalence de l’émaciation chez les enfants de 6 à 59 mois, selon qu’elle est dépistée par le score z du PT ou par la mesure du PB, est largement documentée dans les publications spécialisées (Grellety, 2016 et Bilukha, 2018). Elle est confirmée par la présente analyse réalisée sur 12 districts du Bangladesh, dans lesquels la majorité des enfants émaciés ont été identifiés par le seul score z du PT, et non par le PB seul ou la combinaison des deux méthodes. Le recours à un indicateur unique (PB ou score z du PT exclusivement) pour le diagnostic et le traitement de l’émaciation se traduira par la non-détection d’un nombre important d’enfants malnutris et leur exclusion des traitements. En ce qui concerne le Bangladesh, la présente analyse indique que plus de 60 % des cas d’émaciation (63,5 % pour la MAG et 65,4 % pour la MAS, dépistées par le score z du PT seul) ne seraient pas détectés dans le cadre d’un programme de PCMA utilisant le PB seul comme critère de diagnostic. En d’autres termes, plus de trois cas d’émaciation sur cinq n’ont pas été détectés lorsque le score z du PT n’a pas été pris en compte comme critère de diagnostic.

Dans les pays où le dépistage de l’émaciation et l’admission au traitement reposent exclusivement sur la mesure du PB, et où la concordance entre celle-ci et le score z du PT est faible, le seuil globalement fixé pour le référencement a parfois été augmenté, en vue de recenser un plus grand nombre de cas de MAG avérés par le score z du PT. La présente étude démontre que plus l’augmentation d’un seuil de PB est importante, plus le nombre de cas d’émaciation confirmés par le score z du PT sera élevé. Cependant, cette solution a pour effet indésirable d’intégrer des enfants non émaciés et des enfants atteints de MAM dans les programmes de traitement de la MAS. Ces référencements accrus sont susceptibles de surcharger les centres de traitement et d’accroître le coût d’opportunité en matière de disponibilité des ressources, du fait de la délivrance d’un traitement contre la MAS à des enfants atteints de MAM.

Les auteurs de la présente étude ont examiné différents scénarios afin de comprendre les dynamiques d’admission des cas de MAS et de MAM dans les programmes PTA et PASC résultant d’un dépistage réalisé par PB seul élargi, dans lequel le score z du PT n’est pas évalué (en raison du protocole national) ou ne peut être évalué (comme dans le contexte de la pandémie de COVID-19, lorsque les normes de prévention et de contrôle des infections ne peuvent être respectées). Si un seuil de PB élargi est appliqué lors du dépistage, il doit être soigneusement choisi, en examinant la proportion de classements erronés et de faux positifs induite par l’utilisation exclusive de seuils de PB élargis. Cette démarche exige une consultation approfondie et une évaluation des lacunes en matière de capacités au niveau national, ainsi qu’une prise de décision éclairée prenant en compte les capacités des centres de services de santé et de nutrition (personnel, fournitures et autres ressources), afin de s’assurer qu’ils ne soient pas saturés. L’absence de recours au score z du PT en tant que méthode de dépistage et de vérification exclut une grande proportion d’enfants émaciés d’un accès au traitement. Elle risque par ailleurs d’entraîner une surcharge des capacités de traitement en raison du pourcentage important de faux positifs en cas de recours à des seuils de PB plus élevés. Cet aspect soulève à nouveau des questions quant au sort des enfants dotés d’un faible score z du PT se retrouvant exclus par les programmes de dépistage s’appuyant sur le PB seul.

Au Bangladesh, les directives nationales relatives à la PCMA recommandent l’utilisation du PB comme critère anthropométrique unique pour le dépistage de la MAS et l’admission dans les centres de traitement ambulatoire du pays. Ce choix reflète probablement les avantages pratiques que présente le PB en matière de dépistage communautaire, ainsi qu’un manque de données sur la discordance entre le score z du PT et le PB au moment de l’élaboration des directives nationales en 2017. De ce fait, nous espérons que la présente analyse permettra de fournir des informations actualisées et de mieux comprendre les problématiques techniques entourant la faible concordance entre le score z du PT et le PB, en particulier au Bangladesh.

Pour en savoir plus, veuillez contacter Dr Lalan Miah à l’adresse surveymgr@bd-actionagainsthunger.org


1 Ainsi que la présence d’un œdème bilatéral des membres inférieurs.

2 Dans le présent article, les termes « malnutrition aiguë » et « émaciation » sont utilisés indifféremment, conformément à la terminologie utilisée au niveau national.

4 Conformément au score de plausibilité fourni par le logiciel ENA (Emergency Nutrition Assessment).

5 En raison des effets physiologiques de l’œdème, qui provoque une rétention de liquide dans l’organisme, les données relatives au poids n’ont pas été prises en compte chez les enfants souffrant d’un œdème nutritionnel.

6 Étant donné qu’il s’agit d’une analyse groupée couvrant plusieurs années, la prévalence n’a pas pu être calculée.


Références

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