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Le cadre du Plan d’action mondial des Nations Unies pour la lutte contre l’émaciation chez les enfants et la région Asie et Pacifique

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Par Harriet Torlesse, Roland Kupka, Warren T. K. Lee, Britta Schumacher et Angela de Silva

Harriet Torlesse est conseillère régionale en nutrition au Bureau régional pour l’Asie du Sud du Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF).

Roland Kupka est conseiller régional en nutrition au Bureau régional de l’UNICEF pour l’Asie de l’Est et le Pacifique.

Warren T. K. Lee est chargé des questions liées à la nutrition et aux systèmes alimentaires senior au Bureau régional pour l’Asie et le Pacifique de l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO).

Britta Schumacher est conseillère senior régionale en nutrition au Bureau régional pour l’Asie et le Pacifique du Programme alimentaire mondial (PAM).

Dr Angela de Silva est conseillère régionale nutrition et santé pour le développement au Bureau régional pour l’Asie du Sud-Est de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS).

Contexte mondial et régional de l’émaciation

L’émaciation des enfants, au cours des premières années de leur vie, nuit à leur croissance et à leur développement, et augmente les risques de mortalité en l’absence de traitement1. C’est la raison pour laquelle les objectifs de développement durable (ODD) ont intégré la cible définie par l’Assemblée mondiale de la Santé, consistant à réduire la prévalence de l’émaciation pour qu’elle soit inférieure à 5 % d’ici à 2025, échéance étendue ensuite à 2030 avec un pourcentage inférieur à 3 %2. Cependant, les progrès ont été lents à l’échelle mondiale et seule une légère réduction de la prévalence de l’émaciation a été observée entre 2015 (7,4 %)3 et 2019 (6,9 %)4.

Les deux tiers (66 %) des enfants émaciés dans le monde, soit quelque 30,8 millions d’individus, vivent dans la région Asie et Pacifique5. S’ils se concentrent pour la plupart dans huit pays de l’Asie du Sud (25,1 millions), le nombre de cas en Asie de l’Est et dans le Pacifique est loin d’être négligeable (5,7 millions). De fait, dans 70 % des pays d’Asie et du Pacifique, la prévalence de l’émaciation est supérieure au seuil à partir duquel elle devient un problème de santé publique (> 5 %)6.

La communauté mondiale des acteurs de la nutrition reconnaît que les interventions de lutte contre l’émaciation ont été inadaptées. En Asie et dans le Pacifique, une attention insuffisante a été accordée aux actions à mener pour remédier, de manière exhaustive et coordonnée, aux facteurs déterminants de l’émaciation, afin d’empêcher qu’elle ne touche les enfants. Dans certains pays, les mesures prises ont été principalement axées sur le traitement, souvent dans le contexte de crises humanitaires. Pourtant, la couverture de celui-ci est elle aussi demeurée bien trop faible dans tous les pays où l’émaciation est un problème de santé publique.

Afin d’accélérer l’atteinte des cibles des ODD relatives à l’émaciation, il est indispensable d’élaborer et de déployer des solutions nettement plus efficaces visant à remédier aux facteurs sous-jacents de l’émaciation, tout en veillant à la disponibilité des traitements pour tous les enfants qui en ont besoin. Seule la combinaison de systèmes alimentaires durables et résilients garantissant l’accès à une alimentation saine, de services de santé offrant une couverture sanitaire universelle de qualité incluant les actions essentielles de nutrition et de santé pour les enfants et les femmes, et de mécanismes de protection sociale protégeant les plus vulnérables, pourra produire un impact à long terme sur ces facteurs déterminants. Or, à ce jour, les interventions des parties prenantes, notamment du système des Nations Unies, ont été trop cloisonnées et fragmentées.

Dans le contexte de la pandémie de COVID-19, il est plus important que jamais d’éliminer les obstacles et les goulots d’étranglement qui retardent les progrès. En l’absence d’une action efficace, il est probable que le nombre d’enfants émaciés dans la région augmentera, en raison des effets secondaires de la pandémie sur l’accès aux aliments nutritifs et aux services de santé et de nutrition, ainsi que sur la prestation et l’utilisation de ces services, dont la mission est de prévenir et de traiter l’émaciation.

Le Plan d’action mondial des Nations Unies pour la lutte contre l’émaciation

En mars 2020, cinq organismes des Nations Unies (la FAO, le HCR, l’UNICEF, le PAM et l’OMS) ont publié le cadre d’action du Plan d’action mondial pour la lutte contre l’émaciation (ci-après désigné « cadre du GAP » pour Global Action Plan), visant à accélérer les progrès en matière de prévention et de prise en charge de l’émaciation chez les enfants7.

Le cadre du GAP définit quatre résultats à obtenir afin d’atteindre les cibles des ODD relatives à l’émaciation chez les enfants et d’améliorer la détection et le traitement précoce pour ceux qui en ont besoin : 1) réduire le taux d’incidence du faible poids de naissance ; 2) améliorer la santé des enfants ; 3) améliorer l’alimentation du nourrisson et du jeune enfant ; et 4) améliorer le traitement de l’émaciation chez les enfants. Pour chacun de ces résultats, le cadre du GAP décrit des processus éprouvés permettant d’accélérer la mise en œuvre de mesures essentielles et de créer un environnement plus favorable à leur réussite.

Le cadre logique du GAP vise à aider les pays à hiérarchiser et à coordonner la réalisation d’actions de prévention et de traitement dans quatre systèmes clés : l’alimentation, la santé, la protection sociale et l’eau, l’assainissement et l’hygiène. Conçu pour s’adapter à toutes les populations touchées par l’émaciation, notamment dans les contextes de développement et d’intervention humanitaire, ainsi qu’aux groupes marginalisés, il tient compte de la nécessité de mobiliser et d’autonomiser les communautés. Il sera assorti d’une feuille de route qui viendra compléter le Plan d’action mondial des Nations Unies pour la lutte contre l’émaciation chez les enfants.

Le Plan d’action régional pour l’Asie et le Pacifique

Durant l’élaboration du cadre logique du GAP, les bureaux régionaux de quatre organismes des Nations Unies (FAO, PAM, OMS et UNICEF) ont examiné la manière dont les Nations Unies pouvaient collectivement appuyer les efforts déployés à l’échelle régionale et nationale pour prévenir et traiter l’émaciation dans la région Asie et Pacifique. Organisées au sein du Réseau des Nations Unies pour le Mouvement SUN en Asie (AUNNS), ces consultations régionales ont contribué à la conception du cadre logique du GAP, de sorte qu’il reflète les priorités politiques et programmatiques de la région.

À partir de ces consultations, l’AUNNS a élaboré un plan d’action préliminaire pour la région Asie en novembre 2019. Le cadre logique du GAP a été publié en mars 2020, quelques semaines après le début de la pandémie de COVID-19. En septembre 2020, les membres de l’AUNNS se sont de nouveau réunis pour revoir et actualiser le plan régional préliminaire, afin de :

  1. s’assurer de l’alignement entre celui-ci et le cadre logique global du GAP ;
  2. prendre en compte l’impact de la pandémie de COVID-19 sur l’émaciation et sur les services de prévention et de traitement de l’émaciation ;
  3. définir des actions régionales en matière de plaidoyer et de création de plateformes, de soutien technique, de production de données probantes et de partage des connaissances, de mobilisation des ressources, d’appui à la mise en œuvre du cadre logique du GAP au niveau national et de suivi des progrès ; et
  4. prévoir des jalons intermédiaires dans chaque domaine d’intervention, avec des organismes chefs de file.

Grâce aux mécanismes de coordination régionaux des Nations Unies déjà en place en Asie et Pacifique, ce plan régional, une fois finalisé, permettra d’assurer que l’AUNNS concentre ses efforts sur un noyau d’actions catalytiques, avec des responsabilités clairement définies pour chaque organisme, en vue d’aider les pays prioritaires à accélérer les efforts nationaux déployés pour prévenir et traiter l’émaciation.

Mise en œuvre du cadre logique du GAP au niveau des pays

Au cours des prochains mois, les organismes des Nations Unies œuvrant aux niveaux régional et national appuieront les pays enregistrant un nombre élevé de cas d’émaciation dans l’élaboration d’une feuille de route relative aux actions à mener, sous la direction des gouvernements nationaux. Cette feuille de route définira un ensemble d’actions prioritaires indispensables pour accélérer les progrès en matière de prévention et de traitement de l’émaciation, lesquelles pourront ensuite être intégrées dans le cadre de politiques, de stratégies et de plan nationaux plus larges. Les pays seront encouragés à suivre une approche intégrée pour l’élaboration de cette feuille de route, afin qu’elle mobilise les acteurs de plusieurs secteurs (santé, alimentation, protection sociale et eau, assainissement et hygiène) et différentes parties prenantes (partenaires du développement et de l’action humanitaire, organisations bilatérales et multilatérales, société civile et secteur privé).

L’émaciation chez les enfants s’inscrit dans le cadre d’une crise nutritionnelle plus vaste frappant l’Asie et le Pacifique, qui se manifeste par le retard de croissance, le surpoids et les carences en micronutriments. Ces formes de malnutrition touchent les mêmes pays, les mêmes communautés et souvent les mêmes enfants. Elles ont également en commun des facteurs de risque tels qu’une nutrition maternelle inappropriée, des pratiques et des régimes alimentaires inadaptés et le dénuement socioéconomique. C’est la raison pour laquelle nous considérons qu’il est crucial d’intégrer des actions de prévention et de traitement de l’émaciation dans les futurs plans et stratégies multisectoriels nationaux, et nous réaffirmons notre engagement à appuyer les gouvernements dans la lutte contre la malnutrition maternelle et infantile sous toutes ses formes.


1 OMS, UNICEF et PAM (2014). Cibles mondiales de nutrition 2025 : Notes d’orientation sur l’émaciation. Disponible à l’adresse suivante : https://www.who.int/nutrition/publications/globaltargets2025_policybrief_wasting/fr/

2 OMS et UNICEF (2018). Extension des cibles de nutrition chez la mère, le nourrisson et le jeune enfant 2025 à 2030. Document de réflexion (en anglais).

3 UNICEF, OMS et le Groupe de la Banque mondiale (2016). Niveaux et tendances de la malnutrition chez l’enfant. Estimations conjointes de la malnutrition chez l’enfant. Principaux résultats de l’édition 2016 (en anglais).

UNICEF, OMS et le Groupe de la Banque mondiale (2020). Niveaux et tendances de la malnutrition chez l’enfant. Estimations conjointes de la malnutrition chez l’enfant. Principaux résultats de l’édition 2020 (en anglais).

5 UNICEF, OMS et le Groupe Banque mondiale (2020). Niveaux et tendances de la malnutrition chez l’enfant. Estimations conjointes de la malnutrition chez l’enfant. Principaux résultats de l’édition 2020 (en anglais).

6 FAO, PAM, OMS et UNICEF (2019). Asie et Pacifique, aperçu régional de l’état de la sécurité alimentaire et de la nutrition (en anglais).

7 Plan d’action mondial pour la lutte contre l’émaciation : un cadre d’action pour accélérer les progrès en matière de prévention et de prise en charge de l’émaciation chez les enfants et la réalisation des objectifs de développement durable. Disponible à l’adresse suivante : https://www.who.int/publications/m/item/global-action-plan-on-child-wasting-a-framework-for-action (en anglais)

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