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Programmes de nutrition au Kenya : transition de l’aide humanitaire au renforcement du système de santé

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Par Peter Hailey, Brenda Akwanyi, Emiliana Mbelenga et Tamsin Walters

Peter Hailey est le directeur du Centre for Humanitarian Change à Nairobi. Nutritionniste humanitaire, il vit et travaille dans des contextes d’urgence et des zones fragiles en Europe centrale et en Afrique depuis plus de 25 ans.

Brenda Akwanyi est consultante indépendante et travaille pour le programme MQSUN+ (« Maximising the Quality of Scaling Up Nutrition Plus »)a depuis 2015. Elle a près de vingt ans d’expérience en Afrique de l’Est, centrale et australe ainsi qu’en Asie du Sud-Est et dans les Caraïbes au service de diverses organisations non gouvernementales (ONG) internationales.

Emiliana Mbelenga travaille également comme consultante auprès du Centre for Humanitarian Change, en tant que spécialiste des questions de santé mentale et de nutrition.

Tamsin Walters est un partenaire du réseau NutritionWorks et travaille au sein du consortium MQSUN+ depuis plus de huit ans. Elle a plus de vingt ans d’expérience d’appui à la programmation nutritionnelle et au développement de stratégies de nutrition en Afrique, en Asie du Sud-Est et en Asie centrale.

Les auteurs représentent une équipe de NutritionWorks qui a fourni une assistance technique en matière de nutrition au bureau britannique des Affaires étrangères, du Commonwealth et du Développement au Kenya entre 2018 et 2020, par le biais du consortium MQSUN+.

Les auteurs remercient très chaleureusement l’équipe de nutrition et de diététique humaines du ministère de la Santé du Kenya, l’équipe nutrition du Fonds des Nations unies pour l’enfance (UNICEF) au Kenya, ainsi que le bureau britannique des Affaires étrangères, du Commonwealth et du Développement pour leurs contributions au présent article et leur révision de son contenu. Nous remercions également la communauté des acteurs de la nutrition au Kenya, notamment Save the Children, World Vision, le Programme alimentaire mondial, Concern, l’International Rescue Committee, Terre des Hommes, Action contre la Faim et la société de la Croix-Rouge au Kenya, pour leur partage d’apprentissages.

Cet article a été produit par l’initiative MQSUN+ avec le soutien de UK Aid et du gouvernement britannique. Néanmoins, les opinions qui y sont exprimées ne reflètent pas forcément les politiques officielles du gouvernement britannique. MQSUN+ ne peut être tenu responsable des erreurs ou des conséquences découlant de l’utilisation des informations contenues dans cet article.

Lieu : Kenya

Ce que nous savons : Les terres arides et semi-arides du Kenya sont depuis 25 ans le théâtre de situations d’urgence répétées liées à la sécheresse. Ces zones sont dépendantes de l’aide humanitaire pour répondre aux urgences nutritionnelles.

Ce que cet article nous apprend : Depuis 2006, les acteurs de la nutrition ont combiné leurs efforts pour que cette dépendance à l’aide d’urgence laisse place à une programmation nutritionnelle dirigée, gérée et financée par le gouvernement kényan. D’impressionnants progrès ont été atteints grâce au fort leadership du gouvernement central, guidé par une approche de renforcement du système de santé. Cette transition est le fruit de la décentralisation, de l’augmentation des investissements publics au niveau des comtés, ainsi que de l’obligation de renforcer la résilience des terres arides et semi-arides. Parmi les facteurs de réussite figurent l’élaboration d’une vision commune de la nutrition, une communication et une coordination inclusives faisant le lien entre humanitaire et développement, le recrutement de ressources humaines suffisantes, l’intégration de l’assistance technique dans les ministères, l’amélioration des systèmes d’information sur la nutrition, la garantie de financements à long terme et le renforcement des chaînes d’approvisionnement. La stratégie « Surge » de renfort en matière de prise en charge communautaire de la malnutrition aiguë (PCMA), l’une des approches innovantes adoptées dans le cadre de cette transition, a permis d’accroître de manière significative l’utilisation et la couverture des services. Un paquet minimum de services nutritionnels de qualité est désormais fourni de manière quotidienne dans les centres de santé. Certains défis, tels que la dépendance à l’égard de l’assistance technique extérieure et les difficultés à garantir des financements pérennes, subsistent néanmoins. Une vision, des critères clairs et un cadre formalisé sont désormais nécessaires pour que le financement de la nutrition dans le système de santé ne relève plus de l’aide d’urgence mais devienne une question de développement.

Contexte

De juin 2018 à avril 2020, le programme « Maximising the Quality of Scaling Up Nutrition Plus » (MQSUN+) a fourni un soutien technique au bureau britannique des Affaires étrangères, du Commonwealth et du Développement (anciennement connu sous le nom de ministère du Développement international ou DFID) et au Fonds des Nations unies pour l’enfance (UNICEF) au Kenya afin d’analyser les progrès réalisés dans la mise en œuvre du programme de transition du soutien nutritionnel au Kenya et d’étudier les prochaines étapes à suivre après la fin du programme en mars 2020. Les activités menées comprenaient des visites sur le terrain, des consultations avec les parties prenantes et une contribution technique aux propositions, aux cadres logiques et aux plans de suivi et d’évaluation. Cet article revient sur les accomplissements atteints au cours des 14 dernières années et sur les défis restants pour réussir la transition d’un modèle dépendant de l’aide d’urgence vers un modèle axé sur des services de nutrition dirigés, gérés et financés par le gouvernement au sein du système de santé.

Depuis 1984, de graves urgences liées à la sécheresse ont affecté à plusieurs reprises des parties ou la totalité des terres arides et semi-arides du Kenya. Les évaluations réalisées à la suite des interventions liées aux sécheresses de 2005-2006, 2008-2009 et 2011 ont mis en évidence des problèmes récurrents de retards, de doublons et de manque de coordination des interventions. En outre, le fait d’associer les programmes de nutrition aux interventions liées à la sécheresse a contribué à conférer aux financements et aux programmes un caractère ponctuel et irrégulier. Il s’avérait donc nécessaire d’identifier des solutions qui permettraient aux acteurs de la nutrition d’intervenir plus vite, d’intégrer leurs interventions liées à la nutrition dans les systèmes gouvernementaux, et de trouver des approches permettant d’améliorer la coordination de leurs interventions nutritionnelles. Les expériences ultérieures ont montré que la mise en place de services de nutrition liés à la santé dirigés par le gouvernement permettrait une intervention mieux coordonnée et plus rapide dans les terres arides et semi-arides.

Les acteurs de la nutrition ont donc lancé à partir de 2006 une série de stratégies et d’innovations qui se sont accélérées entre 2012 et 2019, couvrant les six piliers du renforcement du système de santé (RSS) définis par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) : direction et gouvernance, prestation de services, personnel de santé, systèmes d’information, chaîne d’approvisionnement et utilisation stratégique des financements (OMS, 2010).

Le passage à une approche de renforcement du système de santé

Trois autres évolutions importantes concernant l’environnement favorable ont également favorisé cette transition. Tout d’abord, le processus de décentralisation de 2013 a transféré la responsabilité des services de santé au nouvel échelon administratif du comté, ce qui, associé à l’augmentation des investissements du gouvernement dans les comtés les plus défavorisés du Kenya, a eu pour effet de considérablement améliorer le fonctionnement du système de santé dans les terres arides et semi-arides. Le nombre de personnels de santé du secteur public travaillant spécifiquement sur des questions de nutrition a augmenté, et les projets liés à la santé sont devenus de plus en plus axés sur l’amélioration de l’infrastructure des services. Deuxièmement, le reclassement du Kenya en 2014 de pays à revenu faible à pays à revenu intermédiaire de la tranche inférieure a conduit les donateurs à réorienter leurs financements, délaissant les subventions destinées à soutenir la prestation de services au profit d’une approche d’assistance technique en faveur du renforcement du système de santé. Troisièmement, en 2014-2015, l’adoption d’un Cadre programmatique commun pour mettre fin aux urgences liées à la sécheresse a obligé le gouvernement et ses partenaires à briser le cycle d’interventions liées à la sécheresse et à construire des systèmes plus résilients dans les terres arides et semi-arides, ce qui a donné une impulsion pour que le système de santé assume désormais un rôle moteur dans la gestion des situations de sécheresse.

Cet article examine les facteurs clés qui ont permis la réussite de cette transition à ce jour, grâce au fort leadership du gouvernement central et à l’engagement des principaux partenaires (l’UNICEF, le bureau britannique des Affaires étrangères, du Commonwealth et du Développement et d’autres donateurs) en faveur d’une approche systémique.

Une vision commune de la nutrition

Avant 2006, les services de nutrition au Kenya étaient essentiellement fournis par des organisations non gouvernementales (ONG). Après l’urgence de 2006, les acteurs de la nutrition ont commencé à travailler main dans la main avec les services de santé publics. En 2008, un protocole d’entente formel a été signé entre l’UNICEF et ses ONG partenaires pour clarifier les rôles et responsabilités de chacun. Ce protocole a été renforcé en 2009 par un cadre de partenariat entre le ministère de la Santé, l’UNICEF, le Programme alimentaire mondial (PAM) et leurs ONG partenaires. Au-delà de formaliser une vision commune pour les services de nutrition, ce qui était en projet depuis 2007, ce cadre a permis de formaliser la remise du pilotage et de la gouvernance des opérations de nutrition entre les mains du ministère de la Santé, et d’instituer la gestion d’un paquet de services de nutrition « de routine » et « d’urgence » intégrés aux services de santé existants. En 2008-2009, avec le soutien de l’UNICEF et d’autres parties prenantes, le gouvernement a adopté les protocoles de prise en charge communautaire de la malnutrition aiguë. En 2010, il avait institutionnalisé un paquet de 11 interventions nutritionnelles à fort impactb, établissant ainsi les services de nutrition comme partie intégrante du système de santé de routine.

Au moment de la sécheresse de 2011, l’intervention nutritionnelle d’urgence a été pilotée par le gouvernement, et mise en œuvre à travers les services publics et les fonctionnaires. Si les évaluations ont révélé de nombreuses améliorations, plusieurs faiblesses subsistent néanmoins, notamment en ce qui concerne la capacité du système de santé à faire face aux urgences nutritionnelles. Ce constat a mis en évidence la nécessité de renforcer les services de nutrition dirigés, gérés et intégrés par le gouvernement et de clarifier le leadership du gouvernement dans la fourniture de services de nutrition en réponse aux situations d’urgence.

D’importants documents de politique et de stratégie ont rapidement été élaborés après la sécheresse de 2011, notamment la Politique nationale de sécurité alimentaire et nutritionnelle ainsi que les Plans d’action nationaux pour la nutrition de 2012-2017 et 2018-2022, ce qui a facilité l’intégration de la budgétisation de la nutrition dans les plans de développement nationaux. Des plans d’action pour la nutrition et des programmes d’activité à l’année ont ensuite été élaborés à l’échelle des comtés.

Des progrès croissants ont été accomplis par de multiples voies en vue de l’atteinte de la vision commune, en utilisant une approche axée sur les systèmes de santé (décrite ci-après). Les principales questions encore en suspens concernent l’absence d’une stratégie claire sur la manière de réussir la transition en ce qui concerne le leadership du gouvernement et le financement des services de nutrition, ainsi que les interventions nutritionnelles dans les situations d’urgence (voir conclusions).

Assurer une coordination et une communication continues et inclusives

Un document de synthèse rédigé à la suite de la sécheresse de 2005-2006 avait souligné la fragmentation des mécanismes de coordination, la gestion des interventions d’urgence liées à la sécheresse et celle des problématiques de développement à long terme étant assurées par des instances distinctes. Ce document recommandait la mise en place d’un mécanisme de coordination qui encadrerait à la fois l’aide d’urgence et l’aide au développement (Longley et Wekesa, 2009). La mise en place d’un forum technique sur la nutrition (dirigé par le ministère de la Santé) et de groupes de travail, qui ont régulièrement rassemblé tous les acteurs de la nutrition, au niveau national dans un premier temps, puis au niveau des comtés (bien que dans une moindre mesure), a représenté une avancée majeure pour le renforcement de la coordination des actions menées et l’amélioration de la communication dans le domaine de la nutrition. Ces groupes experts comprenaient un groupe de travail technique sur l’information nutritionnelle, un groupe de travail sur les capacités en nutrition, un groupe de travail technique sur la nutrition de la mère, du nourrisson et du jeune enfant, ainsi que des groupes de travail sur la nutrition à l’échelle des comtés (figure 1). Le Comité interorganisations de coordination de la nutrition (Nutrition Interagency Coordinating Committee ou NICC)c a joué un rôle essentiel pour assurer l’alignement des donateurs sur les priorités gouvernementales, et compte également désormais parmi les parties prenantes du mouvement SUN. Le Groupe consultatif pour la réponse nutritionnelle (Nutrition Response Advisory Group), renommé en 2014 Comité consultatif pour les situations d’urgence nutritionnelle (Emergency Nutrition Advisory Committee), a également joué un rôle de premier plan en matière de préparation et de réponse aux situations de sécheresse, tant au niveau national qu’au niveau des comtés.

Figure 1 : Les groupes de travail techniques impliqués dans la coordination en matière de nutrition au Kenya

Source : adapté du Plan d’action national pour la nutrition 2018-2022

De récentes évaluations de la réponse nutritionnelle à la sécheresse de 2017 et à la crise alimentaire de 2019 ont montré que ce système de coordination avait permis de considérablement améliorer la communication entre les parties prenantes, érigeant le secteur de la nutrition en modèle pour les autres interventions sectorielles. Cette réussite est d’ailleurs soulignée dans le Rapport sur la nutrition mondiale 2018, qui indique que : « l’approche du gouvernement du Kenya offre un exemple d’approche de renforcement de la résilience dirigée par un pays. Elle démontre qu’une approche davantage tournée vers le développement peut permettre de réduire la charge qui pèse sur les interventions humanitaires traditionnelles, tout en profitant aux populations exposées aux crises » (Development Initiatives, 2018).

Ressources humaines en nutrition : personnel d’appui à la nutrition et assistance technique intégrée

Depuis 2013, le recrutement de nutritionnistes a connu une hausse progressive dans la plupart des comtés. Depuis mai 2010, des personnels d’appui à la nutritiond recrutés grâce aux financements de donateurs ont été intégrés dans les instances du ministère de la Santé au niveau national et au niveau des comtés des terres arides et semi-arides. L’assistance technique fournie par les personnels d’appui à la nutrition aux coordinateurs de la nutrition des comtés a grandement contribué à appuyer les efforts du gouvernement. En 2017, ce mécanisme a permis le détachement de personnels d’appui à la nutrition auprès de l’Autorité nationale de gestion de la sécheresse (National Drought Management Authority - NDMA). Des évaluations menées en 2013 et en 2017 ont mis en avant l’importance des personnels d’appui à la nutrition ainsi que leur contribution à l’instauration de relations, de systèmes et de processus efficaces aux niveaux national et infranational, tout en soulignant leur influence en matière d’affectation des ressources pour une intervention efficace. Au vu de l’incontestable importance de leur rôle, les modalités de leur disparition progressive au profit d’un autre modèle plus durable restent encore à définir.

Amélioration des systèmes d’information sur la nutrition

Les systèmes d’information sur la nutrition n’assurent plus seulement la collecte et de l’analyse de données avant et pendant les urgences liées à la sécheresse, mais servent désormais de base à la gestion de tous les services de nutrition du système de santé. À partir de 2006, les systèmes de rapportage et les enquêtes nutritionnelles parallèles des ONG et de l’Organisation des Nations unies (ONU) ont été progressivement intégrés sous la direction de l’UNICEF et ont été formalisés dans le protocole d’entente de 2008 et l’accord-cadre de 2009.

Au début de la transition, les difficultés rencontrées concernaient l’utilisation d’indicateurs non standards, la duplication et l’incohérence des mécanismes de collecte de données, ainsi que l’incohérence des résultats (Maina-Gathigi et al. 2017). Par la suite, une évaluation des systèmes d’information sur la nutrition réalisée en 2013 a fourni des recommandations qui ont permis la rationalisation des indicateurs et des processus utilisés au niveau des districts/sous-comtés, l’alignement des données anthropométriques sur les normes mondiales, ainsi que le renforcement généralisé des capacités des systèmes d’information sur la nutrition et liés à la nutrition, notamment le système d’alerte précoce de l’Autorité nationale de gestion de la sécheresse. Ces améliorations des systèmes d’information sur la nutrition ont été attribuées au « fort leadership du gouvernement et [à] l’engagement de toutes les parties prenantes en faveur du développement de capacités et d’instances institutionnelles » (Maina-Gathigi et al. 2017).

Le renforcement des capacités s’est opéré au travers d’investissements dans le recrutement de davantage de personnel spécialisé dans les systèmes d’information sur la nutrition à l’UNICEF et au ministère de la Santé, ainsi que dans une assistance technique intégrée au niveau du ministère de la Santé. Des opérations d’appui régulières à la gestion des données, dirigées par le ministère de la Santé et organisées via le Centre pour le contrôle et la prévention des maladies (CDC), ont également été menées, en accordant une attention particulière à la formation pratique du personnel des établissements de santé, des sous-comtés, des comtés et d’autres entités, généralement avec l’appui d’ONG.

La valeur d’un système global renforcé d’information sur la nutrition est apparue clairement lors de l’intervention nutritionnelle d’urgence liée à la sécheresse de 2016-2017. À la suite de rapports d’alerte précoce en juillet 2016 (Famine Early Warning Systems Network, 2016) signalant une récolte attendue inférieure aux prévisions, le ministère de la Santé et les acteurs du secteur de la nutrition ont commencé à adapter certaines activités pour intervenir, et de nouveaux fonds ont été affectés à la programmation nutritionnelle (Centre for Humanitarian Change and the Global Emergency Group, 2018). Cette intervention nutritionnelle a ainsi pu démarrer avec six mois d’avance sur les autres secteurs.

Le suivi régulier du programme a également permis de constater des améliorations significatives en matière de ponctualité, d’exhaustivité et de qualité des rapports. L’accent est désormais mis sur le renforcement des capacités du système d’information sanitaire de district 2 (DHIS2) dans une optique de nutrition.

Financement à long terme

Lors de la sécheresse de 2011, il est apparu qu’un financement pluriannuel était nécessaire pour mieux programmer les interventions liées à ce type d’urgence ainsi que pour assurer le maintien de services de qualité avant, pendant et après une sécheresse. Depuis 2012, les donateurs financent les programmes pluriannuels de nutrition maternelle et infantile de l’UNICEF via un mélange de fonds pluriannuels humanitaires et de développement. L’augmentation proportionnelle progressive de l’enveloppe dédiée au développement permet de disposer de fonds d’urgence supplémentaires pendant les années de sécheresse. Cette vision à plus long terme a permis aux programmes de renforcer les services de nutrition liés au système de santé. Les plans de travail annuels du ministère de la Santé au niveau des comtés intègrent de plus en plus de dispositions pour le financement de services de nutrition liés au système de santé. À la fin de l’année 2019, l’UNICEF rapportait que quatre des treize comtés prioritaires avaient augmenté leurs enveloppes allouées à la nutrition au cours de l’exercice, et que deux autres comtés y avaient affecté des fonds pour la première fois. Malgré cela, de nombreux progrès restent à accomplir pour atteindre les objectifs de financement de la vision commune, notamment l’intégration du financement de la nutrition dans les plans de développement intégrés des comtés, le financement des fournitures nutritionnelles, ou encore l’implication du ministère de la Santé dans les mécanismes émergents de financement des risques de catastrophe et dans la budgétisation des urgences au niveau des comtés.

L’Autorité nationale de gestion de la sécheresse a également mis en place un fonds de réserve pour les sécheresses. Ce fonds, géré par le gouvernement, a été utilisé pour la première fois en juillet 2014. En octobre 2016, les services de santé et de nutrition avaient également bénéficié de ce fonds. Cependant, les systèmes publics de financement des interventions liées à la sécheresse demeurent insuffisamment réactifs et peu efficaces dans l’identification des zones les plus durement touchées, en particulier sur les questions de santé. En 2019, des fonds nationaux du gouvernement pour les interventions d’urgence ont été alloués aux services de nutrition. Dans certains comtés, les fonds de réserve récemment mis en place au niveau des comtés ont également permis d’allouer des fonds aux services de nutrition dans le cadre de l’intervention d’urgence, bien qu’il existe peu de transparence quant aux montants affectés et aux dépenses réalisées (Fortnam et al. 2020).

Renforcement de la chaîne d’approvisionnement

Depuis 2011, les fournitures de prise en charge communautaire de la malnutrition aiguë figurent dans la liste des médicaments essentiels, ce qui en facilite l’approvisionnement, la gestion et le suivi par le gouvernement. Par la suite, les aspects liés à la qualité et à la gestion de la chaîne d’approvisionnement ont également été intégrés dans le plan d’action national pour la nutrition 2012-2017. Des procédures opérationnelles standard ont été élaborées pour améliorer la coordination, ce qui a accru la transparence et permis de réagir plus rapidement aux fluctuations de l’offre et de la demande. Le comité de pilotage des produits de base dirigé par le gouvernement a veillé à l’engagement et à la participation des parties prenantes.

En 2017, les acteurs de la nutrition ont davantage mis l’accent sur le renforcement des systèmes d’approvisionnement, en développant les capacités des équipes dans les comtés à déployer le système d’information logistique, ce qui a conduit à des améliorations mesurables en matière de gestion et de rapports. L’UNICEF a rapporté une diminution des ruptures de stock, dont le pourcentage estimé est passé de 25 % en janvier 2017 à 8 % fin 2017e. Les approvisionnements en aliments thérapeutiques prêts à l’emploi restent largement tributaires des financements des donateurs. La priorité la plus urgente est donc de garantir un financement durable de ces approvisionnements dans le cadre de la vision commune.

Le ministère de la Santé, l’UNICEF et la Kenya Medical Supplies Authority (KEMSA) suivent conjointement les progrès réalisés et valident à chaque trimestre un ensemble défini d’indicateurs clés de performance.

Innovations dans les systèmes de santé en matière de nutrition

L’approche « Surge » de prise en charge communautaire de la malnutrition aiguë

Le nord-ouest et le nord-est du Kenya sont des régions particulièrement vulnérables à la sécheresse. Un système de santé résilient est donc essentiel. L’approche « Surge » de prise en charge intégrée de la malnutrition aiguë, élaborée par Concern Worldwide et ses partenaires, aide le système de santé à se préparer, à détecter et à répondre aux pics de demande de services de nutrition, en fixant des seuils de nombre limite de cas ciblés selon les capacités des établissements de santé à fournir des services de nutrition de qualité, en surveillant le respect de ces seuils et en déclenchant une aide d’urgence lorsque ceux-ci sont atteints. Le gouvernement a adopté cette stratégie en 2016 et en a lancé le déploiement dans les comtés des terres arides et semi-arides. L’analyse de l’intervention liée à la sécheresse de 2019 montre que l’approche adoptée a contribué à la rapidité de l’intervention, puisque 63 % des établissements de santé dans dix comtés proposant une prise en charge communautaire de la malnutrition aiguë mettent désormais en œuvre cette approche. En s’appuyant sur ces premières réussites, il est envisageable d’étendre cette approche à d’autres interventions de santé communautaire.

Services de sensibilisation

Dans les terres arides et semi-arides, la faible densité de la population et les longues distances à parcourir jusqu’aux centres de santé rendent les services de proximité essentiels, mais coûteux. En conséquence, le gouvernement s’appuyait auparavant essentiellement sur des financements externes pour financer les actions de proximité. Deux innovations ont considérablement augmenté l’efficacité et la couverture des services de proximité. Tout d’abord, l’intégration d’un paquet de services de santé et de nutrition de base a permis de réduire la duplication des interventions de proximité. Deuxièmement, les plans de déploiement d’activités de proximité au niveau des comtés, utilisés depuis 2016, (voir la figure 2 et le tableau 1) ont réussi à exploiter les données des services de nutrition ainsi que les connaissances contextuelles locales pour cibler en priorité les zones les plus touchées par la malnutrition et adapter en conséquence le calendrier de passage à l’échelle. Cette approche a été abondamment utilisée en 2017 et 2019 et a permis une augmentation significative de l’utilisation et de la couverture des services. En raison du défi que représente la dispersion des populations sur des zones géographiques étendues, il est peu probable que les mécanismes coûteux financés par des fonds externes constituent une solution durable pour atteindre une couverture sanitaire universelle. L’intégration de nouvelles approches dans la couverture sanitaire universelle, telles que la prise en charge intégrée des cas dans la communauté pour la PCMA ainsi que le transfert de tâches vers les niveaux communautaires, seront probablement le prochain défi à relever dans le cadre du processus de transition.

Figure 2 : Sites de proximité dans le nord et le nord-est du Kenya par bailleur, au 18 décembre 2019

Source : UNICEF Kenya 2020

Tableau 1 : Répartition des sites de proximité intégrés.

Comté

Nombre de sites recensés (sept 2019)

Sites de proximité (juil 2019)

Sites de proximité (sept 2019)

Augmentation (absolue)

Augmentation (relative)

Écart actuel (absolu)

Baringo (East Pokot)

109

26

91

65

71 %

18

Garissa

280

21

81

60

74 %

199

Isiolo

82

10

20

10

50 %

62

Kilifi

66

20

22

2

9 %

44

Mandera

194

77

140

63

45 %

54

Marsabit

172

72

92

20

22 %

80

Samburu

71

14

31

17

55 %

40

Tana River

63

25

44

19

43 %

19

Turkana

195

66

185

119

64 %

10

Wajir

120

12

42

30

71 %

78

West Pokot

102

14

18

4

22 %

84

Total

1454

357

766

409

53 %

688

Source : Base de données nationale du ministère de la Santé sur les sites de proximité

Capacités des communautés à fournir et à recevoir des services de nutrition

Depuis le lancement de la Stratégie de santé communautaire, en 2006 (ministère de la Santé du Kenya, 2006), les acteurs de la société civile et les organisations confessionnelles ont complété les efforts déployés par le gouvernement pour mettre en place cette stratégie, notamment en créant et en soutenant/facilitant des unités communautaires, dans le but de donner aux communautés les moyens de gérer leur propre santé. Le renforcement des capacités des agents de santé communautaire (employés par le ministère de la Santé) et des agents bénévoles de santé communautaire en matière de fourniture de services de nutrition a principalement été assuré par des partenaires (UNICEF, ONG et organisations confessionnelles). Lors de l’intervention d’urgence de 2011, la Stratégie de santé communautaire a permis d’améliorer la prestation de services au niveau des établissements de santé, en créant des liens avec les instances communautaires. Ainsi, en 2017, une amélioration de la détection précoce, de l’identification et du référencement des cas de malnutrition aiguë avait été constatée (figure 2). La nouvelle Politique de santé communautaire 2020-2030 vise à rationaliser la mise en œuvre de la Stratégie de santé communautaire, en clarifiant le leadership, les instances de coordination et les effectifs de personnels de santé nécessaires. Dans plusieurs comtés, une législation clarifiant les questions liées à la pérennité de la Stratégie de santé communautaire, y compris concernant les incitations financières offertes aux bénévoles de santé communautaire, a été adoptée ou est en cours. Malgré toute l’importance du système de santé communautaire, la Stratégie de santé communautaire présente encore des faiblesses, y compris sur la question des incitations à offrir pour fidéliser les bénévoles de santé communautaire.

Signes de progrès dans les services de nutrition

Les mesures susmentionnées ont contribué à une augmentation des admissions d’enfants souffrant d’émaciation sévère, qui sont passées de 21 658 en 2009 à 87 622 en 2019 (figure 3). Malgré cette hausse des admissions, les taux de guérison sont restés relativement stables, avec des taux de 81 % en 2019 (figure 4). Ces chiffres ne sont pas anodins si l’on tient compte du passage de services gérés par les ONG à des services gérés par le gouvernement, ainsi que des trois sécheresses survenues au cours de cette période.

Figure 3 : Évolution sur dix ans des cas de malnutrition aiguë sévère au Kenya, en termes de volume d’admissions et de nombre de cas ciblésf

Abréviation : Malnutrition aiguë sévère (MAS)

Source : Base de données de l’UNICEF et du ministère de la Santé du Kenya sur la prise en charge de la malnutrition aiguë

Figure 4 : Total de sorties par an du programme de traitement ambulatoire au Kenya (2011-2019)

Source : Base de données sur la malnutrition aiguë sévère du ministère de la Santé du Kenya et de l’UNICEF

Aller plus loin en capitalisant sur les progrès déjà effectués

Au cours des quatorze dernières années, la programmation nutritionnelle au Kenya a connu des progrès considérables, passant d’une approche d’urgence copilotée par l’ONU et les ONG à un service de nutrition dirigé et géré par le gouvernement au sein du système de santé. Un paquet minimum de services nutritionnels est désormais fourni de manière quotidienne dans les centres de santé, et les services de nutrition ne sont plus considérés comme des interventions d’urgence. Ces transitions ont permis d’atteindre une partie des objectifs du Cadre programmatique commun pour mettre fin aux urgences liées à la sécheresse et de réaliser la vision commune de la nutrition formalisée en 2009 :

  • Intégrer un paquet holistique de services de nutrition dans le système de santé.
  • Utiliser une approche de renforcement du système de santé pour aider le gouvernement (au niveau central et au niveau des comtés) à offrir des services de santé et de nutrition de qualité.
  • Utiliser l’approche de renforcement des systèmes de santé pour intégrer les interventions d’urgence dans les systèmes de santé dirigés et gérés par le gouvernement.

Ce processus a suscité des synergies positives aussi bien concernant les services de nutrition « ordinaires » que les interventions nutritionnelles liées à la sécheresse. Les faiblesses des interventions antérieures à 2011, à savoir la programmation parallèle, le retard des interventions, le manque de coordination et l’irrégularité des services, ont à présent été corrigées dans une large mesure. Néanmoins, la question du financement demeure. L’accélération de la transition consistant à s’affranchir des fonds externes au profit de systèmes financés par le gouvernement est désormais urgente. Cette transition doit également s’accompagner d’une diminution de l’assistance technique externe, ce qui implique l’élaboration d’une stratégie pour garantir la durabilité des capacités qui ont été renforcées par l’assistance technique. Par ailleurs, il est nécessaire d’intégrer davantage la nutrition dans le système de santé, au sein de la vision/stratégie de financement et du décaissement au niveau national et des comtés.

Une analyse récente des modalités de désengagement de l’aide extérieure dans certains pays conclut que « généralement, les pays ne disposent pas de stratégie pour faire face aux défis potentiels et planifier la transition » (Engen et Prizzon, 2019). D’après les recommandations de cette analyse, « les pays bénéficiaires ainsi que les donateurs doivent identifier les priorités à suivre et élaborer une stratégie de gestion du désengagement vis-à-vis de l’aide extérieure ». Les enseignements tirés des 13 dernières années suggèrent que l’adoption d’une vision et d’une structure de coordination communes, ainsi que l’appui solide de l’UNICEF et d’autres donateurs, ont été essentiels à la réussite des mesures engagées à ce jour dans le cadre de la transition. Il est désormais urgent que les acteurs de la nutrition au Kenya s’appuient sur ces succès, en préparant et en mettant en œuvre une transition claire, assortie de critères concrets, pour que la nutrition ne dépende plus de l’aide mais de budgets de développement au sein du système de santé, et en formalisant cette vision nouvelle dans un protocole d’entente ou un cadre similaire.

En s’appuyant sur ces réussites, les priorités pour les cinq prochaines années sont les suivantes : renouveler la vision commune pour des services de nutrition ancrés dans le système de santé ; s’affranchir de l’aide et développer les financements ; intégrer le financement des services de nutrition dans le financement du système de santé par le gouvernement, en mettant l’accent à très courte échéance sur le financement de produits nutritionnels spécialisés ; et veiller à ce que les systèmes de santé soient mieux à même d’assurer les interventions liées à l’augmentation prévue des chocs climatiques dus au changement climatique. Enfin, il ne sera pas possible de réduire durablement la prévalence de la sous-nutrition dans les terres arides et semi-arides sans s’attaquer à l’ensemble des causes de la sous-nutrition, dans tous les secteurs dont la population tire ses moyens d’existence.

Pour obtenir de plus amples informations, veuillez contacter Peter Hailey à l’adresse : peter.hailey@whatworks.co.ke


a MQSUN+ fournit au bureau britannique des Affaires étrangères, du Commonwealth et du Développement et au mouvement SUN, des services techniques destinés à améliorer la qualité de leurs programmes sensibles ou spécifiques aux questions de nutrition. Le projet est financé par un consortium de cinq grandes organisations non étatiques travaillant sur les questions de nutrition. PATH est l’organisation cheffe de file de ce consortium.

b Les interventions nutritionnelles à fort impact adoptées au Kenya sont la promotion de l’allaitement maternel, l’alimentation complémentaire des nourrissons de plus de six mois, l’amélioration des pratiques d’hygiène (notamment le lavage des mains), le déparasitage, la supplémentation (en vitamine A, en zinc pour le traitement de la diarrhée, en micronutriments multiples, ainsi qu’en fer et en acide folique pour les femmes enceintes), l’iodation du sel, l’enrichissement en fer des aliments de base, ainsi que la prévention et le traitement de la malnutrition modérée et le traitement de la malnutrition aiguë sévère.

c Le NICC est composé de représentants de haut niveau issus de plusieurs organisations et ministères.

d Entre 2010 et 2014, les postes de responsables de la nutrition au niveau des provinces/districts ont été financés par l’Agence des États-Unis pour le développement international (USAID) : 16 personnels d’appui à la nutrition ont été recrutés et détachés auprès de 28 comtés, dont 10 dans les terres arides et semi-arides du pays. Depuis 2014, les postes des personnels d’appui à la nutrition de l’UNICEF sont financés par le DFID, l’USAID ainsi que des fonds nationaux. Depuis peu, une partie de leur financement est également assurée par des fonds de la Banque mondiale, par le biais du projet NICHE.

e Données de rapport de l’UNICEF (communication interne)

f Les nombres de cas ciblés estimés sont calculés en utilisant la conversion habituelle de la prévalence en incidence et en admettant une couverture programmatique de 75 %. 


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