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Response to malnutrition treatment in low weight-for-age children: secondary analyses of ComPAS trial data

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Par Diane Moyer, Amanda Yourchuck et Patricia Hoorelbeke

Diane Moyer est la conseillère humanitaire en nutrition pour la région Afrique de l’Ouest et du Centre de Save the Children International. Elle possède plus de dix ans d’expérience sur le terrain dans la gestion de programmes de nutrition en Asie et en Afrique de l’Ouest et du Centre, tant dans des contextes humanitaires que de développement.

Amanda Yourchuck est conseillère en nutrition dans les situations d’urgence pour USAID Advancing Nutrition. Elle s’appuie sur une dizaine d’années d’expérience dans les domaines de la prévention et du traitement de l’émaciation. Elle était auparavant conseillère en nutrition et en santé pour Concern Worldwide. À ce poste, elle jouait également le rôle de point focal technique pour les activités « Surge » de prise en charge communautaire de la malnutrition aiguë (PCMA).

Patricia Hoorelbeke est responsable du bureau de la direction générale de la protection civile et des opérations d’aide humanitaire européennes (DG ECHO) au Mali. Bio-ingénieure de formation, Patricia Hoorelbeke travaille en Afrique de l’Ouest et du Centre depuis 1998. Au cours de ces années, elle a notamment occupé les fonctions de directrice nationale et régionale au sein d’Action contre la Faim et travaillé pour l’UNICEF.

Les auteures remercient la DG ECHO pour son soutien à l’égard des activités décrites dans le présent article.

Lieu : Afrique de l’Ouest et du Centre

Ce que nous savons : Les crises alimentaires qui surviennent fréquemment dans les pays d’Afrique de l’Ouest et du Centre se traduisent par des pics d’émaciation infantile. Les systèmes de santé doivent donc être en mesure de s’adapter rapidement à l’évolution des besoins.  

Ce que cet article nous apprend : Après que l’approche « Surge » de prise en charge communautaire de la malnutrition aiguë (PCMA) a été intégrée au Plan de mise en œuvre humanitaire 2017 pour l’Afrique de l’Ouest de la DG ECHO, les partenaires ont commencé à inclure cette approche aux propositions de projets concernant la région. Une équipe spéciale régionale pour cette stratégie Surge a été créée. Dirigée par Save the Children International, en étroite collaboration avec Concern Worldwide, elle avait pour mission de coordonner et d’appuyer le passage à l’échelle des activités au sein de la région. La mise en place de mécanismes de coordination au niveau national s’est avérée nécessaire au Mali et au Niger. Au Mali, Save the Children International a mis en œuvre un programme Surge pilote dans la région de Mopti en 2017. L’organisation non gouvernementale (ONG) a obtenu des financements de la DG ECHO pour coordonner et apporter un soutien technique aux autres partenaires de mise en œuvre de l’approche Surge. Parmi les principaux facteurs favorables au déploiement du programme on retrouve les mécanismes de coordination mis en place à différents niveaux du système de santé, le renforcement ciblé des capacités du personnel national accompagné de l’appui technique de Save the Children International et de Concern Niger, des processus de suivi et d’évaluation harmonisés, ainsi qu’une attention particulière portée à la redevabilité et au leadership gouvernemental. Dans l’ensemble de la région, le passage à l’échelle de l’approche de PCMA a été rendu possible grâce au leadership et à l’engagement des donateurs, à l’émergence d’une vision commune de l’approche au niveau national, ainsi qu’à l’instauration de mécanismes de redevabilité visant à assurer le suivi des progrès accomplis. En revanche, parmi les difficultés observées, on recense notamment des périodes de planification insuffisantes pour permettre aux pays de prendre réellement la direction des programmes et de se les approprier, des financements à court terme qui entravent le renforcement des systèmes à long terme, ainsi que la fragilité des systèmes de santé. L’approche Surge est en cours de mise en œuvre et a fait l’objet d’un passage à l’échelle dans six pays d’Afrique de l’Ouest et du Centre. L’équipe spéciale s’est engagée à rapporter et à partager les leçons apprises. Le Niger et le Mali ont obtenu des financements pluriannuels. Il reste nécessaire de mener des activités de coordination et de collaboration ciblées dans la région dans le cadre des approches Surge actuelles et nouvelles.

Nécessité de développer un système de santé réactif en Afrique de l’Ouest et du Centre

En juillet 2020, on estimait que l’émaciation toucherait plus de 15 millions d’enfants d’Afrique de l’Ouest et du Centre durant l’année.1 Tous les pays de la région disposent de protocoles nationaux de prise en charge communautaire de la malnutrition aiguë (PCMA) et poursuivent leurs efforts pour étendre la couverture géographique des services de PCMA. Pourtant, en 2018, seuls 30 % des enfants nécessitant un traitement auraient été pris en charge (Woodhead et al., 2019).

Deux décennies d’insécurité, marquées par l’instabilité politique, et l’émergence et la prolifération de groupes armés, sans oublier la vulnérabilité climatique accrue, n’ont fait qu’aggraver la situation nutritionnelle. La région a traversé plusieurs crises alimentaires successives dont les ménages vulnérables n’ont pas vraiment réussi à se relever. Plusieurs pays d’Afrique de l’Ouest et du Centre ont récemment été classés parmi les zones les plus à risque de connaître une détérioration significative de la situation en matière de sécurité alimentaire, en raison des facteurs susmentionnés, mais aussi des effets secondaires de la pandémie de COVID-19 (FAO et PAM, 2020). Compte tenu de la persistance des taux d’émaciation élevés chez les enfants et de l’imprévisibilité de l’environnement opérationnel, les systèmes de santé de la région doivent pouvoir s’adapter rapidement à l’évolution des besoins.

Passage à l’échelle de l’approche Surge

L’approche « Surge »2 pour la PCMA a été mise au point en tenant compte des nombreuses difficultés auxquelles la région de l’Afrique de l’Ouest et du Centre est confrontée. Elle vise à renforcer les capacités des systèmes de santé à déclencher rapidement des réponses face à une dégradation de la situation nutritionnelle. Le Niger a été le premier pays de la région à mettre en œuvre l’approche Surge. Depuis 2005, Concern Worldwide appuyait la prestation de services de PCMA dans la région de Tahoua, où elle fournissait directement des services en réponse à une crise de sécurité alimentaire. L’accent a ensuite été porté sur le système de santé afin que le traitement de l’émaciation soit intégré aux services de santé de base fournis aux enfants de moins de cinq ans. Les crises alimentaires qui ont ensuite secoué le pays, en 2009 et 2011, ont donné lieu à l’adoption d’une approche Surge en 2014, en vue de faire face, de manière plus efficace, aux chocs récurrents. En 2016, plusieurs formations et consultations en français ont été organisées dans la région afin d’informer un plus grand nombre de parties prenantes sur l’approche Surge.

Durant cette période, la DG ECHO a également fait de la recherche de solutions pour faire face à un environnement de plus en plus volatil et à des besoins humanitaires grandissants dans la région d’Afrique de l’Ouest une priorité. Son Plan de mise en œuvre humanitaire 2017 pour l’Afrique de l’Ouest mettait notamment l’accent sur le renforcement des capacités nationales de préparation aux urgences. Ce plan était en partie axé sur l’amélioration des capacités relatives à la collecte et à la diffusion de données de qualité dans le but de mettre en place un système d’alerte précoce et d’intervention rapide. Il visait en outre à appuyer la conduite d’évaluations des risques complètes et participatives. En ce qui concerne la nutrition, la DG ECHO a enjoint ses partenaires à renforcer leurs systèmes et leurs stratégies, tant à l’échelle nationale que locale, et à les adapter aux tendances et aux risques saisonniers. Elle a d’ailleurs indiqué dans sa stratégie de réduction des risques de catastrophes que l’approche Surge était utile pour renforcer les capacités locales à appréhender les risques et à élaborer des mécanismes réactifs aux chocs. Elle a également précisé que cette approche permettrait d’assurer la continuité de services de prise en charge de qualité essentiels face aux augmentations de la demande. En conséquence, plusieurs partenaires ont intégré la l’approche Surge aux propositions adressées à la DG ECHO dans le cadre de leurs programmes de nutrition déployés dans différentes zones d’intervention au Niger, au Mali, au Burkina Faso et en Mauritanie.

Mécanismes de coordination

Au vu du nombre important de partenaires de la DG ECHO mettant en œuvre l’approche Surge dans la région, la nécessité d’instaurer de solides mécanismes de coordination à l’échelle nationale et régionale s’est rapidement imposée. Ces mécanismes se sont révélés d’autant plus utiles que la plupart des partenaires de mise en œuvre n’étaient pas familiers de cette approche. Au niveau régional, une équipe spéciale pour l’approche Surge en Afrique de l’Ouest et du Centre a été créée en 2017. Elle était dirigée par Save the Children International depuis le centre régional situé à Dakar, en étroite collaboration avec les équipes de Concern Worldwide Niger et du siège. Ce groupe comptait notamment des ONG partenaires de mise en œuvre, des organismes des Nations Unies et des donateurs. Ses membres se réunissaient, d’abord chaque mois, puis chaque trimestre, afin de favoriser le partage et l’harmonisation des bonnes pratiques et des outils, mais aussi de s’assurer que tous les acteurs comprenaient bien la l’approche Surge. L’objectif de ce groupe consistait également à améliorer la mise en contexte et le développement de cette approche afin de répondre aux besoins et difficultés propres à la région. Les termes de référence des membres et un plan de travail ont été définis en vue de concevoir des directives et des outils répondant aux besoins identifiés par les membres de l’équipe. L’équipe spéciale régionale a également contribué à l’organisation d’un atelier sur l’analyse de l’approche Surge dans la région, à Niamey, au Niger, en septembre 2018. Cet évènement a rassemblé un grand nombre d’organisations faisant partie de l’équipe spéciale et de fonctionnaires représentant les programmes de pays à travers la région, ainsi que d’autres pays francophones mettant en œuvre l’approche Surge. Cet atelier a été l’occasion d’organiser des échanges en présentiel entre pays sur les expériences et les difficultés liées à la mise en œuvre de l’approche Surge dans un nouveau contexte opérationnel. Il a également permis de faire le point sur l’expérience acquise à l’échelle régionale.

Des mécanismes de coordination étaient en outre nécessaires dans les pays où plusieurs partenaires de la DG ECHO œuvraient simultanément au passage à l’échelle de l’approche dans plusieurs régions et districts. Ce besoin était particulièrement criant au Niger et au Mali, où de nombreux partenaires de mise en œuvre étaient présents. Au Niger, la coordination entre les acteurs était au départ relativement informelle et se faisait de manière naturelle. Avec la hausse du nombre de partenaires de mise en œuvre de la PCMA, l’Alliance pour la nutrition de la DG ECHO, qui rassemble des acteurs de la nutrition au niveau national, s’est révélée utile pour tenir les partenaires de mise en œuvre informés des activités relatives à l’approche Surge. Les modes de coordination ont évolué vers des pratiques plus formelles intégrées au groupe de travail technique national sur la nutrition. Au Mali, une approche plus ciblée de la coordination a été adoptée dès le début du passage à l’échelle. La section qui suit présente les principaux facteurs déterminants de la coordination ainsi que les principales difficultés qui y ont été associées au Mali, où les partenaires ont rapidement étendu la stratégie entre 2017 et 2019.

Passage à l’échelle de l’approche Surge au Mali : étude de cas

Le Mali connaît l’une des crises les plus complexes au monde et les besoins humanitaires de la population ne cessent d’augmenter. Bon nombre de régions font face à une situation instable sur le plan de la sécurité, ce qui se traduit par des déplacements de population et des pressions supplémentaires sur un système de santé déjà fragile, en proie à des problèmes de gouvernance, à un manque de financement et de formation des ressources humaines, ou encore à des pénuries fréquentes de médicaments et de ressources en lien avec la nutrition. Les vagues saisonnières de paludisme, d’infection respiratoire aiguë (y compris de pneumonie) et de diarrhée associées à la pauvreté chronique, à l’insécurité alimentaire et à des pratiques de soin inadaptées se traduisent par des flambées d’émaciation infantile qui mettent encore plus à mal des établissements de santé aux capacités déjà limitées. La situation sanitaire au Mali reste l’une des plus critiques au monde. Le taux de mortalité des enfants y excède 101 décès pour 1 000 naissances vivantes. Il n’est pas rare que les taux de malnutrition aiguë globale (MAG) atteignent les seuils de gravité et d’urgence, en particulier dans le nord du pays (figure 1).

Figure 1 : Prévalence de la MAG par région (SMART, 2019)

La PCMA est utilisée au Mali depuis 2006 et les premières directives nationales en la matière datent de 2007. Les premiers financements de la PCMA au Mali ont essentiellement été assurés par des donateurs de programmes d’urgence. Beaucoup de partenaires de mise en œuvre ont de ce fait adopté une approche fondée sur le modèle des interventions d’urgence, souvent en parallèle d’autres services de santé (Deconinck et al., 2010). Les acteurs du développement et de l’action humanitaire ont depuis soutenu et défendu une meilleure intégration du traitement de l’émaciation aux services de santé de base assurés par le système de santé. La stratégie de Surge s’inscrit dans la suite logique des efforts déployés pour favoriser ce processus d’intégration. Elle repose sur une approche concertée de renforcement du système de santé et vise à aider les établissements de santé à mieux se préparer aux chocs et aux tensions susceptibles de survenir fréquemment pour mieux y faire face.

De la phase pilote au passage à l’échelle

Save the Children International a lancé un projet Surge pilote dans le cadre de son programme nutritionnel plus global dans la région de Mopti en 2017, avec l’appui financier de la DG ECHO. À la suite de cette expérience menée dans la région de Mopti, Save the Children International a obtenu des fonds supplémentaires de la part de la DG ECHO, en 2018. Ces financements avaient pour but de lui permettre de coordonner et d’apporter un soutien technique aux autres partenaires de mise en œuvre du service de la Commission européenne qui commençaient à intégrer la stratégie Surge à leurs domaines d’activité. Cette stratégie visait ainsi à renforcer les capacités techniques de ces acteurs afin de favoriser un passage à l’échelle fluide et harmonieux.

Figure 2 : Carte représentant les partenaires de mise en œuvre par région au Mali

Encadré 1 : Quelques chiffres sur le passage à l’échelle de l’approche Surge au Mali

Période : 2017-2019

ONG partenaires de mise en œuvre : 8

Districts : 17 dans six régions (Kayes, Koulikoro, Ségou, Mopti, Tombouctou et Gao)

Agents de santé du secteur public formés : 591

Établissements de santé dotés de plans d’intervention Surge : 238

Principaux volets de la mise en œuvre

Save the Children International a articulé la mise en œuvre autour de quatre volets principaux afin de faciliter le processus de passage à l’échelle comme suit :

Mise en place de mécanismes de coordination aux différents échelons du système de santé

Des mécanismes de coordination ont été mis en place à plusieurs niveaux, chacun étant assorti de rôles et de responsabilités clairs. Un groupe de travail technique a été créé par Save the Children International et d’autres partenaires de mise en œuvre de la DG ECHO afin de définir conjointement les méthodes de travail, les objectifs et le partage des enseignements tirés. Au fur et à mesure que les capacités du gouvernement se renforçaient, ce groupe est devenu une équipe spéciale nationale présidée par le point focal de l’approche Surge du ministère de la Santé. L’équipe s’est en outre élargie pour intégrer d’autres parties prenantes concernées, telles que l’UNICEF. Les réunions organisées régulièrement par le groupe de travail technique, puis par l’équipe spéciale nationale, ont permis aux participants de partager les bonnes pratiques, des recommandations, et d’échanger sur les difficultés rencontrées.

Afin de mettre en place le mécanisme de coordination technique des partenaires de mise en œuvre, les ONG partenaires de la DG ECHO ont dû signer un mémorandum d’accord. Bien que ce processus ait pris du temps et retardé le début des activités sur le terrain, cette étape était cruciale pour clarifier les rôles et les responsabilités de chacun, définir des modes de travail cohérents et permettre aux échelons infrarégionaux et locaux d’appliquer eux aussi les mécanismes de coordination dès le lancement de la mise en œuvre.

Les processus de coordination mis en place à l’échelle locale et infrarégionale ont été définis par les partenaires de mise en œuvre dans les régions où ils intervenaient, en concertation avec les points focaux du ministère de la Santé au niveau infrarégional. Il était particulièrement important d’instaurer une coordination fluide et d’harmoniser les différentes approches dans les zones comptant plusieurs partenaires de mise en œuvre (figure 2). Cette approche visait également à ce que l’ensemble des partenaires partagent les dépenses communes, notamment celles liées aux formations et aux activités de sensibilisation destinées aux parties prenantes organisées plus tôt.

Programmes conjoints et ciblés de renforcement des capacités

Le volet portant sur le renforcement des capacités a joué un rôle essentiel pour assurer un passage à l’échelle réussi. Cette composante visait également à ce que l’ensemble des parties prenantes, nouveaux partenaires de mise en œuvre et acteurs locaux confondus, aient une compréhension commune de l’approche et de la manière de la mettre en œuvre. Une attention particulière a été portée au transfert de compétences au ministère de la Santé dans le but de favoriser la pérennité de l’approche. Un modèle standard a été utilisé pour la formation de formateurs. La première formation de ce type a été dispensée à des acteurs du ministère de la Santé travaillant à l’échelle nationale et régionale, avec l’appui technique de Save the Children International et de l’équipe de Concern Worldwide Niger.

Le processus de formation sur l’approche Surge s’est déroulé en deux étapes. Dans un premier temps, les points focaux de certains établissements de santé ont reçu une formation en salle classique. Ces points focaux ont ensuite apporté leur soutien au sein des établissements de santé dans le cadre de la mise en œuvre de l’approche. À mi-parcours du processus de passage à l’échelle s’étalant sur deux ans, un examen a été mené pour améliorer le contenu de la formation et l’adapter davantage aux formateurs ciblés. L’accent a été mis sur la formation, l’accompagnement et l’apprentissage sur le terrain, ces méthodes étant considérées comme plus efficaces que les formations en salle sur plusieurs jours.

Toutefois, lors du processus de renforcement des capacités, certains partenaires de mise en œuvre se sont rendu compte qu’ils n’avaient pas affecté suffisamment de ressources au renforcement des capacités locales pour le déploiement de l’approche Surge. La plupart des partenaires de mise en œuvre avaient initialement prévu une formation de cinq jours couvrant uniquement la détermination des seuils et l’élaboration du plan d’action Surge. Les coûts supplémentaires liés, par exemple, à la communication avec les parties prenantes, à la validation des plans d’intervention et à l’appui au suivi n’étaient pas inclus dans les budgets initiaux. Ces activités ont donc dû être conduites à une plus petite échelle et Save the Children International a apporté son soutien à des activités clés comme la validation du plan d’action Surge, en puisant dans les ressources initialement allouées à la coordination.

Harmonisation des processus de suivi et d’évaluation

Les mécanismes de suivi et d’évaluation ont été harmonisés à plusieurs niveaux. Toutes les ONG partenaires et, par conséquent, tous les sites de mise en œuvre ont utilisé un outil commun de supervision de l’approche Surge qui avait été mis au point par les différents partenaires de mise en œuvre et validé par la direction de la nutrition du ministère de la Santé. Les partenaires de mise en œuvre et les acteurs publics ont ensuite effectué conjointement des visites de suivi impliquant, si possible, tous les partenaires travaillant dans la même zone d’opération. Les ateliers organisés chaque trimestre auxquels participaient les partenaires de mise en œuvre et les points focaux du gouvernement étaient l’occasion de revoir les processus, de repérer les goulets d’étranglement et de partager les bonnes pratiques. La diffusion des normes de suivi et d’évaluation a également contribué à assurer un même niveau d’exigence concernant le passage à l’échelle dans toutes les régions, en conformité avec le guide opérationnel relatif au déploiement de renforts en matière de PCMA. Ce cadre commun sur l’approche Surge a finalement été adopté par le gouvernement dans le cadre du protocole national relatif à la PCMA.

Accent sur la redevabilité et le leadership gouvernemental

Les points focaux du ministère de la Santé désignés à chaque échelon du système de santé (national, régional et local) avaient pour mission de veiller à ce que le gouvernement s’approprie chaque étape du processus de passage à l’échelle et en assume le leadership. Afin de garantir la redevabilité à tous les niveaux du système, des réunions ont été organisées entre les parties prenantes en vue de communiquer des informations sur les progrès accomplis et les résultats, notamment sur le nombre d’établissements de santé mettant en œuvre l’approche Surge. Ces réunions ont également offert l’occasion d’un partage d’expériences sur l’efficacité de l’approche Surge. La diffusion d’informations a été assurée par le biais de mécanismes de coordination spécialement mis en place pour l’approche Surge et d’autres plateformes nationales existantes telles que le Cadre Commun de Santé – un groupe de partenaires de mise en œuvre financés par la DG ECHO qui mène des interventions sanitaires d’urgence dans les régions septentrionales du Mali. Les informations à jour sur la mise en œuvre étaient en outre partagées via un groupe WhatsApp. Cela a eu pour effet de créer une émulation entre les parties prenantes locales qui cherchaient à mettre en valeur leurs réalisations, et de favoriser la participation active des acteurs, renforçant de ce fait la redevabilité à l’échelle locale. Le partage des avancées et des résultats positifs obtenus sur ces plateformes a facilité l’adoption de l’approche Surge par le gouvernement à la fin de la période initialement prévue pour le passage à l’échelle.

Les retards de mise en œuvre accusés dans certains districts ont réduit le temps disponible pour obtenir l’adhésion totale du gouvernement à l’égard de l’approche et des mécanismes de coordination avant le lancement de la mise en œuvre. Les activités de communication et de sensibilisation auprès des parties prenantes locales ont été menées peu de temps avant le début de la mise en œuvre dans les établissements. Cela explique pourquoi l’approche Surge était perçue comme une approche mise en place par des ONG et pourquoi les établissements de santé et les districts s’attendaient à ce que les partenaires de mise en œuvre fournissent toutes les ressources utiles au déclenchement d’activités Surge, au lieu de s’appuyer en premier lieu sur leurs capacités internes. Malgré un leadership gouvernemental incontestable sur le plan de l’adhésion et de l’intérêt porté à la stratégie, l’appropriation de cette approche par le gouvernement était beaucoup moins évidente, comme l’indiquent ses contributions financières et en nature aux interventions Surge.

En dépit de ces difficultés observées dans certaines zones géographiques, l’intérêt porté par les autorités locales dès la phase pilote initiale de 2017 n’a cessé de croître pendant le processus de passage à l’échelle. L’engagement constant du gouvernement à tous les niveaux, tout au long de la phase pilote et du processus de passage à l’échelle, a facilité l’appropriation de la stratégie par les autorités politiques. Le gouvernement a depuis intégré l’approche Surge au protocole national de PCMA et officiellement adopté les outils de supervision et de suivi conjoints développés dans le cadre du processus de passage à l’échelle coordonné. La prochaine étape consistera à transférer intégralement le leadership de l’équipe spéciale nationale et des organes régionaux au ministère de la Santé. Dans ce contexte, les partenaires de mise en œuvre joueront un rôle d’assistance technique. Pour ce faire, il sera nécessaire que le gouvernement s’approprie davantage la stratégie et que les acteurs nationaux prennent pleinement part aux activités liées à l’approche Surge.

L’approche Surge continue de prendre de l’ampleur puisque l’UNICEF investit actuellement dans un projet Surge pilote dans le domaine de la santé3 qui reprend les principes de l’approche axée sur la PCMA en les appliquant au traitement de diverses maladies. Par ailleurs, ce programme pilote sera mis en œuvre avec l’appui de Save the Children International à partir de 2021.

Leçons apprises dans la région pour le passage à l’échelle

Les expériences de coordination nationale et régionale ont permis de dégager trois facteurs déterminants d’un passage à l’échelle réussi. Les opportunités qui ressortent de ces expériences et qu’il peut s’avérer judicieux d’exploiter sont décrites ci-après.

Leadership et participation des donateurs

C’est l’intérêt de la DG ECHO pour l’approche Surge qui a enclenché le processus de passage à l’échelle dans la région. Outre l’inclusion de l’approche Surge dans son Plan de mise en œuvre humanitaire, la DG ECHO a appelé à une coordination ciblée et investi directement dans ce type de mécanismes afin que tous les partenaires travaillent main dans la main pour mettre au point des outils adaptés permettant d’agir de manière coordonnée et efficace. De plus, l’équipe technique nutrition de la DG ECHO a participé activement au processus de passage à l’échelle dans la région. Elle a en effet fait partie de l’équipe spéciale régionale, effectué des visites de terrain et pris part à des discussions techniques sur l’approche Surge avec les partenaires de mise en œuvre.

Toutefois, malgré la participation et le leadership actifs dont a fait preuve la DG ECHO lors de la phase des propositions de projets du processus de passage à l’échelle, les partenaires de mise en œuvre ne disposaient pas tous des informations et des supports techniques de référence nécessaires pour saisir pleinement les exigences de l’approche du point de vue du temps et des ressources à y consacrer. À l’époque, les ressources techniques accessibles au public étaient très rares. Le guide opérationnel Surge était certes disponible en ligne et avait été transmis aux partenaires, mais il contenait peu d’informations sur la planification liée au lancement et au passage à l’échelle de l’approche. Certains partenaires de mise en œuvre ont éprouvé des difficultés à estimer les ressources humaines, financières et logistiques nécessaires à chaque étape du processus. Cela s’est parfois traduit par une planification inappropriée en matière de temps et de ressources, d’où des retards de mise en œuvre et une attention insuffisante portée à certaines étapes. Afin d’éviter que ces problèmes ne se reproduisent à l’avenir, les donateurs pourraient soutenir leurs partenaires en leur fournissant plus d’informations sur les approches proposées avant le début du processus d’élaboration des propositions. Ils pourraient également leur apporter leur soutien durant l’examen des propositions pour veiller à ce que les plans adoptés soient réalisables et à ce que les budgets soient suffisants. Ils pourraient notamment publier des directives générales sur les activités et le budget ou recommander des indicateurs de performance. Les partenaires les plus expérimentés pourraient aussi fournir un appui au début du processus, comme ce fut le cas au Mali où Concern Worldwide a dispensé une formation de base au personnel de Save the Children International au démarrage du projet pilote.

Le temps : un paramètre clé de la compréhension commune de l’approche

Sans compréhension commune de l’approche à adopter, le passage à l’échelle risque de se faire de manière incohérente. Cela pourrait donc semer la confusion parmi les parties prenantes et entraver la réussite du processus. Au moment d’adopter une nouvelle approche, telle que l’approche Surge, il est important d’allouer suffisamment de temps aux activités de sensibilisation et à la création d’une vision commune de cette approche, tant au niveau national qu’infranational. Cette vision doit être partagée par les acteurs publics et par l’ensemble des partenaires de mise en œuvre. Ce processus peut durer plusieurs mois et il est fondamental que le calendrier de mise en œuvre prévoie suffisamment de temps pour le mener à bien. Bien que cela puisse être difficile lorsque l’on travaille avec des financements d’urgence, et donc sur de courtes périodes, il est essentiel de définir les attentes concernant les méthodes de travail, les responsabilités communes et les mécanismes de redevabilité dans le cadre des processus de lancement et de passage à l’échelle de l’approche Surge.

Il a rapidement été admis qu’il était essentiel de favoriser une compréhension commune de cette stratégie au niveau régional et mondial lors du processus de passage à l’échelle, ce qui a donné lieu à la création de l’équipe spéciale régionale pour l’approche Surge. Cette équipe avait pour mission d’éviter une altération de l’approche Surge lorsque des acteurs moins expérimentés seraient tentés d’adapter l’approche à leur contexte opérationnel. S’il est certes indispensable d’ajuster l’approche en fonction du contexte, il est également crucial que tous les acteurs comprennent bien les éléments centraux de l’approche avant d’y apporter des modifications. L’omission de certaines étapes ou leur mauvaise exécution peut donner lieu à des interventions inappropriées susceptibles de nuire à la pérennité des programmes ou au système de santé. L’équipe spéciale pour l’approche Surge a joué un rôle majeur en veillant à ce que la qualité et l’intégrité de la stratégie soient maintenues, indépendamment des acteurs et des contextes.

De l’importance d’un processus de redevabilité clair et approuvé par tous

La compréhension commune est un des piliers de la redevabilité. Les parties prenantes peuvent ensuite être tenues de rendre des comptes à l’égard des attentes communes et de la compréhension partagée des rôles et des responsabilités. S’agissant du Mali, la mise en place d’un cadre de coordination formellement établi et la signature de mémorandums d’accord ont favorisé un passage à l’échelle plus rapide, plus fluide et plus harmonisé. Le caractère formel du processus, y compris la participation des donateurs aux discussions de partenaires et l’intérêt qu’ils y portaient, s’est également révélé bénéfique pour garantir que les engagements pris étaient tenus et pris au sérieux. Les réunions organisées régulièrement ont donné aux partenaires l’occasion de partager leurs bonnes pratiques, de s’avertir mutuellement des goulots d’étranglement et d’obtenir des conseils auprès de leurs pairs, créant ainsi une communauté de pratique à l’échelle du pays. Cette collaboration active s’est également avérée utile pour faire apparaître certaines difficultés beaucoup plus rapidement que si la communication s’était limitée aux processus et aux échéances standards en matière de production de rapports. Les partenaires de mise en œuvre ont ainsi bénéficié d’une plus grande flexibilité pour trouver des solutions créatives à des problèmes inattendus.

Prochaines étapes à suivre dans la région

En 2017, le Niger et le Mali, avec l’appui de Concern Worldwide et de Save the Children International, étaient les deux seuls pays de la région à avoir amorcé la mise en œuvre de l’approche Surge. Aujourd’hui, cette approche est en cours de déploiement au sein d’environ 900 établissements de santé dans 70 districts de six pays (Niger, Mali, Burkina Faso, Mauritanie, Tchad et Sénégal). Chacun de ces pays a en outre enclenché le processus de passage à l’échelle de l’approche.

Il reste nécessaire d’encourager les acteurs de la région à collaborer et à se coordonner. La DG ECHO a intégré l’approche Surge pour la santé au Plan de mise en œuvre humanitaire 2021 de la région et préconisé son déploiement. L’intérêt croissant des parties prenantes pour cette nouvelle approche a redynamisé l’équipe spéciale régionale pour l’approche Surge. Celle-ci anime des discussions régionales relatives à l’approche Surge de santé, en coordination avec le groupe de travail technique mondial sur l’approche Surge. Ces échanges visent à s’assurer que les parties prenantes acquièrent une compréhension commune de la manière d’appliquer et d’étendre cette nouvelle version de l’approche. Les enseignements tirés du processus rapide de passage à l’échelle de l’approche Surge opéré dans la région doivent être intégrés aux nouvelles directives opérationnelles liées à l’approche Surge de santé. Ces directives doivent en outre préciser si et quand les établissements qui mettent actuellement en place l’approche Surge doivent passer à l’approche plus globale axée sur la santé.

Enfin, ces deux approches nécessitent de mieux communiquer sur l’engagement à long terme en faveur du renforcement des systèmes de santé, composante essentielle à leur mise en œuvre. L’objectif de la stratégie de renfort étant d’améliorer les interventions menées pour faire face aux chocs, elle rassemble principalement des donateurs et des acteurs qui œuvrent dans les situations d’urgence. Or, cette approche nécessite aussi que l’on y consacre un certain temps, une caractéristique plus généralement associée aux activités de développement. Les donateurs et les partenaires de mise en œuvre doivent comprendre que l’approche Surge implique des investissements à long terme dans le renforcement des capacités et des systèmes. Cela signifie que les donateurs de programmes d’urgence doivent fixer des agendas de financement plus long terme pour les activités Surge, mais aussi que les donateurs de programmes de développement doivent intégrer l’approche à leurs efforts de renforcement des systèmes à long terme. Les approches Surge sont l’occasion de réunir des acteurs des programmes d’urgence et du développement en vue d’améliorer la coordination entre l’action humanitaire et le développement et de mettre au point des solutions créatives permettant de répondre aux besoins uniques et évolutifs des zones d’intervention exposées aux chocs dans le cadre de crises prolongées. La durée de certains financements a été adaptée dans la région. Ainsi, au Niger et au Mali, les activités Surge de PCMA et de santé ont bénéficié de financements pluriannuels pour intégrer ces approches au système de santé.

La coordination des donateurs et de leurs partenaires de mise en œuvre permettra en outre de faciliter le transfert complet des activités Surge au gouvernement. Il convient de garder à l’esprit que les approches Surge de santé et de PCMA nécessitent un renforcement des systèmes de santé. Dans certains contextes, les partenaires de mise en œuvre devront jouer un rôle d’appui ou de substitution tout en renforçant les capacités du gouvernement ou du système en vue d’assurer davantage d’investissements directs dans les ressources consacrées aux activités Surge. Des mesures de soutien complémentaires au financement durable, à la planification ainsi qu’à la mise en place de mécanismes appropriés de génération de revenus sont indispensables pour permettre le transfert complet de l’approche Surge et d’autres activités de renforcement des systèmes de santé aux gouvernements.

Les mécanismes de coordination mondiale et régionale ont pour objectif de continuer à rapporter et à transmettre les leçons apprises à mesure que le passage à l’échelle se poursuit en Afrique de l’Ouest et du Centre et à l’échelle mondiale. À l’avenir, les efforts déployés seront également plus concertés en vue de renforcer la coordination et les échanges entre les différentes régions par le biais de ces mécanismes. Cela permettra aux homologues des pays d’Afrique de l’Est et de l’Ouest d’apprendre les uns des autres, mais aussi de collègues mettant en œuvre la stratégie de renfort dans d’autres parties du monde.

 

Pour en savoir plus, veuillez contacter Diane Moyer à l’adresse suivante : moyerdiane@hotmail.fr

Les ressources en français de Concern Worldwide sur l’approche Surge sont disponibles à l’adresse suivante : https://www.concern.net/insights/cmam-surge-approach


2 “Surge” signifie « montée en puissance ». Le terme « surge » n’est pas traduit ici, car il est communément employé dans les pays francophones.

3 Voir l’article de terrain paru dans cette section spéciale de Field Exchange, intitulé « Expanding CMAM Surge beyond nutrition – towards a broader Child Health Surge approach » 


Références

Deconinck, H., Paluku, B. and De Bernardo, D. Review of Community-Based Management of Acute Malnutrition Implementation in Mali, November 18–December 3, 2009. Washington, D.C.: Food and Nutrition Technical Assistance II Project (FANTA2), AED, 2010.

FAO and WFP. 2020. FAO-WFP early warning analysis of acute food insecurity hotspots: July 2020. Rome. https://doi.org/10.4060/cb0258en

Woodhead, S., Rio, D. and Zagre, N. (2019). Regional perspectives on simplified approaches for the management of children with acute malnutrition: West and Central Africa. Field Exchange issue 60, July 2019. p33. www.ennonline.net/fex/60/simplifiedapproachesinafrica

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