Supplémentation hebdomadaire en fer et en acide folique et éducation à la nutrition : des programmes pour les adolescentes en Afrique et en Asie
Par Anjali Bhardwaj, Lucy Murage, Shibani Sharma, Dhian Dipo, Christine Makena, Marion Roche et Mandana Arabi
Anjali Bhardwaj est la responsable régionale de la santé et de la nutrition des adolescents et des femmes pour l'Asie à Nutrition International. Elle est anthropologue et professionnelle de la santé publique.
Lucy Murage est la conseillère régionale pour la santé et la nutrition des adolescents et des femmes pour l'Afrique à Nutrition International. Elle est spécialiste de la santé publique et de la nutrition et possède plus de 16 ans d'expérience dans le renforcement des systèmes de santé et l'assistance technique en matière de santé et de nutrition.
Shibani Sharma est chargée de programme junior pour le programme de santé et de nutrition des adolescents et des femmes au siège de Nutrition International à Ottawa. Elle a précédemment travaillé en Inde pendant plus de cinq ans, soutenant des programmes de nutrition au niveau national et infranational.
Dhian Dipo est directeur de la nutrition en santé publique à la Direction générale de la santé publique du ministère de la Santé de la République d'Indonésie. Dhian est un nutritionniste de santé publique avec plus de 20 ans d'expérience en tant que fonctionnaire au sein du ministère de la Santé.
Christine Makena est chargée de programme senior en charge du programme de santé et de nutrition des adolescents au Kenya au bureau de Nutrition International au Kenya. Christine a plus de 10 ans d'expérience dans les programmes intégrés d'alimentation et de nutrition dans des contextes de développement.
Marion Roche est conseillère technique senior pour la santé et la nutrition des adolescents et des femmes à Nutrition International, où elle dirige la conception, le démarrage, la mise à l'échelle et l'évaluation des interventions en matière de nutrition des adolescents. Elle a plus de 15 ans d'expérience dans la mise en œuvre de programmes de nutrition en santé publique et dans la recherche.
Mandana Arabi est vice-présidente et conseillère technique senior pour les services techniques mondiaux au siège de Nutrition International. Elle a plus de deux décennies d'expérience dans le secteur de la nutrition et de la santé au cours desquelles elle a occupé des postes de direction à l'UNICEF, à l'OMS, à GAIN, à l'Académie des sciences de New York, à l'Université Cornell et au ministère iranien de la santé.
Les auteurs remercient les nombreuses personnes qui ont contribué à la préparation de cet article et à la mise en place de programmes de nutrition à destination des adolescentes. Les auteurs remercient également les autorités nationales et infranationales pour leur immense soutien, ainsi que les personnels de santé et d’éducation dans les zones d’intervention de Nutrition International en Éthiopie, au Kenya, au Sénégal, en Tanzanie, au Bangladesh, en Inde et en Indonésie. Les programmes de nutrition à l’intention des adolescentes de Nutrition International bénéficient du soutien financier d’Affaires mondiales Canada, du Gouvernement du Canada et du ministère australien des Affaires étrangères et du Commerce extérieur (DFAT).
Lieu : Asie et Afrique Ce que cet article nous apprend : Cet article présente les activités menées par Nutrition International depuis 2015, qui visent à fournir une supplémentation hebdomadaire en fer et en acide folique aux adolescentes vivant dans six pays à haut risque. Principaux messages :
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Contexte
L’anémie ferriprive est la première cause de baisse de l’espérance de vie corrigée de l’incapacité chez les adolescentes et serait le premier facteur de morbidité et de mortalité parmi ce groupe à l’échelle mondiale (Organisation mondiale de la Santé [OMS], 2017). Plus de 30 % des adolescentes des pays à revenu faible ou intermédiaire souffrent d’anémie, un problème de santé associé à une réduction du développement cognitif, du potentiel scolaire et productif, et du bien-être, et à une augmentation de la morbidité et de la mortalité (OMS, 2011).
L’OMS recommande une supplémentation hebdomadaire en fer et en acide folique pour lutter contre l’anémie chez les adolescentes de 10 à 19 ans et les femmes de 15 à 49 ans dans les régions où plus de 20 % des femmes en âge de procréer (15 à 49 ans) sont anémiques (OMS, 2011).
Depuis 2015, Nutrition International (NI), s’appuyant sur de précédentes interventions réalisées dans l’État du Chhattisgarh en Inde, travaille avec les autorités nationales et infranationales de huit pays africains et asiatiques pour mettre en œuvre ses programmes de nutrition à destination des adolescentes dans le cadre de l’initiative Right Start (2015 à 2020). Celle-ci s’emploie à lutter contre l’anémie grâce à la supplémentation hebdomadaire en fer et en acide folique et à l’éducation à la nutrition, entre autres stratégies. Si tous les programmes s’appuient sur les recommandations de l’OMS, chacun d’entre eux est adapté pour correspondre aux stratégies nationales en matière de nutrition et de lutte contre l’anémie, et aucun n’est identique. Cet article fait la synthèse de divers enseignements tirés de la mise en œuvre de ces programmes au cours des dernières années.
Description des programmes
NI a travaillé avec les autorités de chaque pays pour établir une priorité entre les volets du programme dans six pays asiatiques et africains où la prévalence de l’anémie était élevée chez les femmes en âge de procréer, à savoir en Inde, en Indonésie, au Kenya, au Sénégal, en Éthiopie et en Tanzanie (voir tableau 1).
Tableau 1 : Prévalence de l’anémie chez les femmes enceintes et les femmes en âge de procréer (15 à 49 ans) dans les pays soutenus par NI
Prévalence de l’anémie par tranche d’âge |
Éthiopie |
Kenya |
Sénégal |
Tanzanie |
Inde |
Indonésie |
Pakistan |
Bangladesh |
Femmes enceintes |
29 % |
41,6 % |
61 %a |
- |
50,4 %a |
48,9 %a |
51 %a |
50 % |
Femmes en âge de procréer (15 à 49 ans) |
24 % |
21,9 % |
54,1 %b |
28,8 % |
53,2 %a |
26 %b |
42,7 %1 b |
42 % |
Source |
Enquête démographique et de santé de l’Éthiopie (EDHS), 2016 |
Enquête nationale du Kenya sur les micronutriments (KNMS), 2011 |
a. Enquête démographique et de santé – Enquête en grappes à indicateurs multiples (DHS-MICS 2010-11) b. Enquête démographique et de santé du Sénégal (DHS), 2017 |
Enquête nationale de la Tanzanie sur la nutrition (NNS), 2018 |
a. Enquête nationale sur la santé des familles (NFHS 4) 2015-16
|
a. RISKESDAS : institut national de recherche et de développement en matière de santé, ministère de la Santé, République d’Indonésie (2018) b. RISKESDAS (2013) |
a. Enquête nationale du Pakistan sur la nutrition (NNS), 2011
b. NNS, 2018 |
Enquête démographique et de santé du Bangladesh (BDHS), 2011 |
Dans chaque pays, NI a travaillé avec les autorités afin d’élaborer des stratégies optimales de mise en œuvre des programmes de supplémentation hebdomadaire en fer et en acide folique et d’éducation à la nutrition. Ces programmes respectent les directives de l’OMS, et les recommandations posologiques ont été adaptées en fonction de l’accessibilité et de la disponibilité des intrants. NI a apporté une assistance technique et un soutien opérationnel aux ministères de la Santé et de l’Éducation afin de garantir la participation multisectorielle des autorités dans le cadre du projet de supplémentation hebdomadaire en fer et en acide folique.
Les modèles opérationnels différaient selon les pays en fonction des contextes particuliers et de la couverture géographique. NI a collaboré avec les autorités et des organisations non gouvernementales pour proposer des programmes de nutrition aux adolescentes. Ces informations sont résumées dans le tableau 2.
Tableau 2 : Modalités pratiques du programme par pays
Pays |
Gouvernance du programme |
Mise en œuvre du programme |
Inde |
NI, en étroite collaboration avec les ministères de la Santé et du Bien-être familial et de la Promotion de la femme et de l’enfant |
Organisations non gouvernementales locales : Gorakhpur Environmental Action Group, Child in Need Institute et TRIOs Régions concernées par le programme : Uttar Pradesh, Gujarat, Madhya Pradesh, Chhattisgarh et Bengale-Occidental |
Indonésie |
NI, en étroite collaboration avec le ministère de l’Éducation et de la Culture, le ministère de la Santé, le ministère des Affaires religieuses et le ministère des Affaires intérieures |
Modèle de mise en œuvre directe avec emploi direct par NI de tout le personnel de terrain du programme. Régions concernées par le programme : Java occidental, Banten, partie orientale des petites îles de la Sonde et Java occidental
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Kenya |
NI, en étroite collaboration avec le ministère de la Santé et le ministère de l’Éducation |
Amref Health Africa et Population Services International (phase pilote) ; responsables de programme au sein des autorités dans cinq comtés (Busia, Nakuru, Nandi, Vihiga et Makueni) (passage à l’échelle) |
Sénégal |
NI, en étroite collaboration avec le ministère de la Santé et le ministère de l’Éducation |
Ministère de la Santé et ministère de l’Éducation à l’échelle nationale et dans les régions de Dakar, Thiès, Saint-Louis, Kaolack, Ziguinchor, Kolda et Sédhiou |
Éthiopie |
NI, en étroite collaboration avec le ministère de la Santé et le ministère de l’Éducation |
Ministère de la Santé et ministère de l’Éducation à l’échelle nationale et dans les régions Amhara, Oromia, Sidama et SNPP (Région des nations, nationalités et peuples du Sud) |
Tanzanie |
NI, en étroite collaboration avec le ministère de la Santé et le ministère de l’Éducation |
Amref Health Africa et Population Services International (phase pilote), et autorités (passage à l’échelle), TFNC |
Lorsque NI a étendu ses premières actions en faveur de la nutrition des adolescentes du Chattisgargh à d’autres États indiens et à sept autres pays asiatiques et africains en 2015, ces États et pays ne disposaient pas encore de programmes de supplémentation hebdomadaire en fer et en acide folique (ou ceux-ci en étaient à leurs balbutiements). Dans certains pays, les politiques nationales donnaient la priorité à la nutrition des adolescentes, mais ne prévoyaient pas de directives opérationnelles pertinentes, de système national d’information sanitaire, de chaînes d’approvisionnement et de canaux de mise en œuvre, et les programmes n’étaient pas financés.
Les premières années, des projets pilotes ont été mis en œuvre pour favoriser la participation multisectorielle, mettre en avant les bonnes pratiques, et générer des données sur la faisabilité et le rapport coût-efficacité des plateformes et partenariats visant à mener des interventions auprès des adolescentes. Les partenaires ont renforcé leur collaboration afin de trouver des canaux et plateformes de distribution efficaces pour assurer la supplémentation hebdomadaire en fer et en acide folique et l’éducation à la nutrition des filles scolarisées et non scolarisées. NI a, entre autres, élaboré des directives en matière de supplémentation et des plans chiffrés de mise en œuvre infranationale, obtenu des comprimés de fer et d’acide folique auprès de fabricants locaux, animé des formations, assuré la supervision et mis en place des systèmes de suivi. La programmation a tout d’abord donné la priorité à la conception et à la mise en œuvre du volet relatif à la supplémentation hebdomadaire en fer et en acide folique, ainsi qu’aux programmes d’éducation à la nutrition visant à informer sur l’anémie et ladite supplémentation. Une approche plus large tenant compte des questions de genre a ensuite été mise en œuvre dans la plupart des pays.
Plateformes de distribution et partenariats
S’agissant des interventions liées à la santé et à la nutrition des adolescentes, les plateformes mises en place au sein des écoles sont efficaces en matière de main-d’œuvre et de coûts, car elles permettent d’atteindre les plus grands groupes d’adolescentes (Bundy, 2011). Les écoles sont également en lien avec le système de santé, souvent par l’intermédiaire des agents de première ligne issus des formations sanitaires locales qui facilitent les référencements. Ainsi, dans la plupart des pays, les écoles publiques constituaient les principales plateformes de distribution privilégiées.
Toutefois, dans certains pays, l’accès à l’éducation n’est pas universel 2, et les filles les plus démunies et isolées peuvent être exclues si les programmes ne sont mis en œuvre que dans les écoles. En Inde, conformément à la politique nationale, les programmes de supplémentation en fer et en acide folique ont été mis en œuvre auprès des adolescentes non scolarisées par le biais de centres communautaires de proximité. Dans un premier temps, le Kenya et l’Éthiopie se sont employés à atteindre les filles au sein de leur communauté à travers le système de santé ; toutefois, les adolescentes ne faisaient pas souvent appel aux services préventifs de santé et de nutrition du système. L’Éthiopie intervient aujourd’hui auprès des filles non scolarisées par le biais de plateformes communautaires qui font appel à des adolescentes jouant le rôle de mentors. Ces dernières sont formées pour fournir des informations sur la nutrition et l’anémie à leurs camarades qui ne fréquentent pas l’école et les inciter à se rendre dans les formations sanitaires pour recevoir leur supplémentation. Ce modèle n’a pas encore fait l’objet d’un passage à l’échelle, mais son expansion aux zones fortement touchées est prévue.
Approvisionnement en fer et acide folique
La fourniture de comprimés de fer et d’acide folique par le biais de chaînes d’approvisionnement fiables est une composante essentielle des programmes de nutrition destinés aux adolescentes. Conformément aux directives de l’OMS, les adolescentes ont besoin d’une formule distincte d’acide folique dans le cadre de leur supplémentation hebdomadaire en fer et en acide folique. Bien que les comprimés de fer et d’acide folique pour la supplémentation hebdomadaire aient intégré le catalogue d’approvisionnement de l’UNICEF fin 2019, cette formule ne fait toujours pas partie de la liste des médicaments essentiels de l’OMS, et les gouvernements sont donc contraints de les acheter (Roche et al., 2021). NI apporte ainsi son appui à la chaîne d’approvisionnement du produit approuvé par les autorités respectives, qui est actuellement la formule administrée aux femmes enceintes.
NI a apporté un soutien financier, technique et opérationnel aux autorités pour améliorer l’approvisionnement en produits de base en renforçant les capacités du personnel de santé en matière de prévision, d’achat et d’approvisionnement, en consolidant les systèmes de gestion de la chaîne d’approvisionnement et en assurant la formation des enseignants, du personnel de santé et d’autres responsables de district. NI a soutenu les efforts visant à harmoniser les prévisions et les achats conjoints afin de garantir à la fois l’approvisionnement des programmes de nutrition des mères et l'approvisionnement des programmes pour les adolescentes.
Éducation à la nutrition
Les programmes de nutrition à destination des adolescents comprenaient des interventions en faveur du changement de comportement fondées sur des données probantes fiables et élaborées à la suite de travaux de recherche formative rigoureux réalisés auprès d’adolescents, de parents, de membres du personnel de santé, d’enseignants, de personnes d’influence au sein de la communauté et de chefs religieux. La stratégie fondée sur le changement de comportement a joué un rôle essentiel dans l’acceptation du programme par les adolescentes et leur famille, en mettant l’accent sur le bénéfice de la supplémentation en fer et en acide folique et ses effets sur les résultats scolaires et le bien-être des adolescentes, plutôt que sur la santé maternelle et infantile.
Intégration des questions de genre
NI reconnaît qu’il est essentiel d’adopter une approche tenant compte des questions de genre pour parvenir à susciter l’intérêt des femmes, des filles, des hommes et des garçons pour les programmes destinés aux adolescents qui visent à promouvoir l’égalité des genres et à lutter contre les inégalités subies par les adolescentes. L’anémie touche les adolescentes de manière disproportionnée, c’est pourquoi la supplémentation hebdomadaire en fer et en acide folique a été administrée chez les filles en priorité. Néanmoins, tous les adolescents, sans distinction de genre, ont suivi un programme d’éducation à la nutrition. Pour atteindre les adolescentes et réaliser le passage à l’échelle, il est essentiel que les hommes acceptent le programme. Par exemple, dans les cas où les pères ou les frères des adolescentes ne les autorisent pas à participer aux interventions, le programme ne peut pas aboutir. Des barrières spécifiques au genre limitant la fréquentation scolaire des adolescentes ont été recensées dans tous les milieux. On peut notamment citer la gestion de l’hygiène menstruelle, les mariages et grossesses précoces, la pauvreté et la stigmatisation.
Prestataires de services dans le cadre des programmes de supplémentation hebdomadaire en fer et en acide folique et d’éducation à la nutrition
La formation et le renforcement des capacités des prestataires de services des ministères de la Santé et de l’Éducation ont été entrepris à grande échelle par le biais de formations en classe et sur le terrain. Elles visaient à renforcer leurs connaissances sur la nutrition des adolescents et leurs capacités à gérer les questions opérationnelles comme la planification des achats. Les responsables de programme des ministères de la Santé, de l’Éducation et de l’Agriculture ont été sélectionnés puis formés pour devenir formateurs. Ils ont ensuite formé à leur tour d’autres agents de santé de première ligne à l’échelle infranationale, des agents de santé communautaire bénévoles, des enseignants et des pairs éducateurs.
Dans la plupart des contextes, les enseignants étaient chargés de gérer l’intégralité du programme mis en place au sein des écoles, à savoir organiser les séances d’éducation à la nutrition, assurer l’efficacité de la supplémentation3, gérer les intrants de fer et d’acide folique, et rendre compte des activités. Les pairs éducateurs ont également été formés pour appuyer l’administration de la supplémentation et, de temps à autre, aider les enseignants pendant les séances d’éducation à la nutrition. Les agents de santé ont collaboré avec les enseignants pour veiller à ce que les intrants de fer et d’acide folique parviennent aux écoles et assurer la liaison entre ces dernières et les formations sanitaires. Puisque l’ensemble des programmes de supplémentation hebdomadaire en fer et en acide folique étaient pilotés par les autorités, toutes les tâches effectuées par les enseignants et les agents de santé des écoles publiques ont été intégrées à leurs obligations professionnelles de base.
Générer des données probantes et mesurer les progrès
Lorsque cela était possible, la couverture des programmes de supplémentation hebdomadaire en fer et en acide folique a été incluse dans le système d’information sanitaire des autorités. Dans les cas où le système d’information sanitaire ne comprenait pas d’indicateurs de supplémentation en fer et en acide folique, par exemple dans la plupart des pays africains, des systèmes parallèles reposant sur des formulaires papier ont été utilisés. Les enseignants ont enregistré les données, qui ont ensuite été regroupées par les responsables des programmes de NI.
NI a également mené des enquêtes quantitatives et qualitatives pour mesurer les avancées des programmes au niveau national et déterminer les aspects à améliorer. Des évaluations initiales, des enquêtes intermédiaires et des enquêtes finales ont été réalisées respectivement au début de chaque programme, à la deuxième ou à la troisième année de mise en œuvre et à la cinquième année. Dans le cadre du système mondial de suivi des interventions nutritionnelles de NI, un ensemble d’outils d’enquête et de méthodes de collecte de données unifiés, facilement adaptables aux différents contextes nationaux, a été mis au point. Des enquêtes ayant recours à ces modules sont mises en œuvre dans tous les pays depuis 2017, à l’exception de l’Inde où il existe déjà un système d’information sanitaire fiable permettant d’effectuer le suivi du programme.
Adaptations du programme dues à la pandémie de COVID-19
La fermeture des écoles ayant entravé l’exécution des programmes de supplémentation hebdomadaire en fer et en acide folique, des modèles alternatifs de programmes ont été mis en place dans plusieurs pays, et NI a préconisé et appuyé l’administration de la supplémentation par le biais de l’approche communautaire dans la mesure du possible. Parmi ces nouveaux modes de fonctionnement, on peut citer : la fourniture de comprimés de fer et d’acide folique supplémentaires pour couvrir la période de fermeture des écoles, la livraison des comprimés à domicile, l’envoi des comprimés avec les supports pédagogiques d’enseignement à distance, le recours à de nouveaux supports de communication ou encore l’adaptation des plateformes numériques de manière à pouvoir poursuivre les séances de conseil et d’éducation à la nutrition, la collecte de données et le suivi des intrants de fer et d’acide folique.
Résultats
Au fil des années de mise en œuvre du programme dans les six pays concernés, un nombre croissant d’adolescentes ont bénéficié de la supplémentation hebdomadaire en fer et en acide folique et des séances d’éducation à la nutrition. Les résultats du programme se sont avérés plus concluants dans les pays d’Asie que d’Afrique (voir figure 1).
Figure 1 : Nombre d’adolescentes supplémentaires4 qui ont bénéficié de la supplémentation hebdomadaire en fer et en acide folique recommandée de 2016 à 20195
Au total, grâce au passage à l’échelle du programme, près de 1,2 million de cas d’anémie ont pu être évités6. Les résultats de l’enquête d’évaluation du programme de NI montrent clairement une augmentation de la réception et de l’adhésion quant à la supplémentation hebdomadaire en fer et en acide folique au fil du temps, signes de la réussite de la mise en œuvre des programmes et des stratégies fondées sur les interventions en faveur du changement de comportement.
Près de 3,7 millions d’adolescents, dont près d’un million de garçons, ont bénéficié de programmes d’éducation à la nutrition pendant deux ans, en partie grâce à l’utilisation accrue des médias sociaux, qui ont permis d’atteindre ce groupe, par exemple au Sénégal (voir encadré 1).
Encadré 1 : Utilisation des médias sociaux pour améliorer la communication sur la nutrition au Sénégal Pendant la pandémie de COVID-19, l’utilisation de la communication numérique au Sénégal a permis d’atteindre plus d’adolescents au moyen de messages sur la nutrition. La page Facebook consacrée au projet a ainsi atteint les 7 682 abonnés. Les messages sur la santé sexuelle et procréative et sur la nutrition ont atteint 44 269 personnes et généré des milliers d’interactions (mentions « J’aime », commentaires, etc.). Plus de 71 % des personnes touchées étaient de genre masculin. Les adolescents et les jeunes (13 à 24 ans) représentent environ 65 % des lecteurs et utilisateurs de la page Facebook. Les jeunes adultes (25 à 34 ans) et les adultes (plus de 34 ans) représentent respectivement 22 % et 13 % des lecteurs et abonnés de la page. |
En outre, plus de 195 000 agents de première ligne ont été formés pour réaliser et soutenir la mise en œuvre du programme de nutrition des adolescents.
Réalisations, difficultés et enseignements tirés
Les programmes de supplémentation hebdomadaire en fer et en acide folique ont progressivement aidé les autorités à créer des environnements favorables et à renforcer les capacités pour mettre en œuvre des programmes de nutrition à l’intention des adolescents. Ces efforts ont permis d’augmenter considérablement la couverture de la supplémentation en fer et en acide folique et de l’éducation à la nutrition.
Données insuffisantes sur les adolescents
Dans de nombreux pays, les systèmes nationaux d’information sanitaire n’incluent pas certains indicateurs liés aux adolescents. Par exemple, dans le cadre des enquêtes sur la population, les données sur les adolescentes plus âgées sont associées à celles des femmes en âge de procréer (15 à 49 ans), et les données sur les adolescentes plus jeunes, même lorsque des indicateurs importants comme l’anémie et les maladies sont concernés, ne sont tout simplement pas saisies. La rareté de ces données représente une difficulté de taille pour l’élaboration des programmes. NI s’emploie à contourner cette difficulté en réalisant des travaux de recherche formative au début de chaque programme afin de comprendre les aspects relatifs à la nutrition des adolescents dans chaque contexte. Ces recherches ont été essentielles à l’élaboration des programmes, notamment des stratégies fondées sur les interventions en faveur du changement de comportement.
Remarques concernant les intrants de fer et d’acide folique
Les pénuries de comprimés de fer et d’acide folique sont fréquentes dans de nombreux pays à revenu faible ou intermédiaire où les programmes de nutrition ne constituent pas une priorité. Les ruptures de stock courantes et la distribution irrégulière et inéquitable des suppléments de fer et d’acide folique posent d’importants problèmes. Pour y remédier, NI a identifié la gestion de la chaîne d’approvisionnement comme étant une activité prioritaire et a fourni l’assistance technique et le soutien opérationnel nécessaires. En conséquence, les autorités ont assumé une responsabilité croissante quant à l’approvisionnement en suppléments de fer et d’acide folique pendant la période de passage à l’échelle, même si NI continuait de fournir un soutien financier pour couvrir le coût des suppléments.
La formule des suppléments hebdomadaires en fer et en acide folique recommandée par l’OMS pour les adolescentes contient 60 mg de fer et 2,8 mg d’acide folique. Comme cette formule spécifique n’était pas disponible sur le marché lorsque NI a démarré la mise en œuvre des programmes, les suppléments quotidiens en fer et en acide folique destinés aux mères, qui contiennent 60 mg de fer et 0,4 mg d’acide folique, ont été utilisés en guise de substitution. Pour remédier à ce problème, NI a collaboré avec l’UNICEF pour effectuer une étude de marché et mettre au point un produit adapté. Les deux organismes ont par exemple réalisé une enquête de préférences auprès d’adolescentes issues de six pays en 2017. Comme mentionné précédemment, la formule de fer et d’acide folique destinée aux adolescentes a été mise au point fin 2019, mais n’est pas encore disponible dans les pays où NI met en œuvre ses programmes en raison de son coût et de son absence de la liste des médicaments essentiels de l’OMS.
Réalisations et difficultés liées à la pandémie de COVID-19
Les programmes de nutrition à destination des adolescents n’ont eu de cesse d’évoluer pendant la pandémie de COVID-19 grâce à des approches innovantes qui ont permis d’assurer leur continuité. La technologie numérique et les plateformes virtuelles sont apparues comme les supports les plus fiables pour les séances d’éducation à la nutrition.
Grâce aux adaptations apportées aux programmes, la couverture de la supplémentation hebdomadaire en fer et en acide folique, qui avait chuté au début de la pandémie, a augmenté, les plateformes communautaires ayant permis d’atteindre davantage de filles. Ces avancées ont été rendues possibles grâce à la collaboration avec des ambassadeurs locaux, comme les sages-femmes, les enseignants, les agents de santé et les groupes de jeunes des villages.
Amélioration de la participation des adolescentes
Les programmes de NI ont permis aux adolescentes de mener les principales activités et ont fourni l’assistance essentielle à la continuité des programmes. Les adolescentes ont par exemple joué le rôle de mentors en Éthiopie, conçu des slogans dans le cadre d’une campagne d’interventions en faveur du changement de comportement au Kenya et participé à un atelier de création de contenus en tant que jeunes ambassadrices en Indonésie. Ces activités ont favorisé l’acceptation des programmes.
Atteindre les adolescentes non scolarisées
La couverture des adolescentes non scolarisées reste faible, car elles constituent un groupe plus difficile à atteindre. En effet, elles sont dispersées géographiquement, souvent à la marge du système de santé et susceptibles d’être issues de milieux défavorisés. Pourtant, leur risque en matière de malnutrition est plus élevé. Les autorités nationales doivent réaliser davantage d’investissements ciblés pour faire bénéficier les adolescentes non scolarisées des programmes de supplémentation hebdomadaire en fer et en acide folique et d’éducation à la nutrition. De nombreux enseignements sont à tirer de l’expérience de l’Inde, où les interventions ont été menées auprès d’adolescentes scolarisées et non scolarisées dans cinq États. Ces conclusions montrent que la désignation de plateformes préexistantes et fonctionnelles au niveau communautaire pour mettre en place les interventions en matière de santé et de nutrition ciblant les adolescentes pourrait s’avérer efficace dans d’autres pays.
Des avancées majeures dans la programmation et la formation concernant la nutrition des adolescentes
À l’échelle mondiale, des efforts ont été consentis pour faire progresser l’état des connaissances et des bonnes pratiques en matière de politiques et de mise en œuvre de programmes de nutrition à l’intention des adolescentes, notamment de supplémentation hebdomadaire en fer et en acide folique. Les initiatives de NI ont contribué à la mise à disposition de suppléments en fer et en acide folique dans les dosages recommandés dans le cadre de la supplémentation hebdomadaire. NI a travaillé avec des partenaires de recherche universitaires pour comprendre le rôle de la supplémentation hebdomadaire en fer et en acide folique dans l’optimisation des taux de folates dans le sang et le plasma, et, partant, la prévention des anomalies du tube neural (Samson, 2020). Grâce à ces travaux, qui comblent ainsi une lacune importante, l’inscription des suppléments hebdomadaires en fer et en acide folique sur la liste des médicaments essentiels pour la prévention de l’anémie ou des anomalies du tube neural peut désormais être envisagée (Roche, 2021).
NI est actuellement à la tête d’efforts axés sur l’élaboration de ressources techniques essentielles au renforcement des capacités du personnel du programme, des partenaires et des parties prenantes intéressées. Composé de 15 modules, le cours en ligne sur l’anémie et la nutrition des adolescents7 a été élaboré et lancé par NI pour combler les lacunes en matière de formation sur la nutrition des adolescents dans le monde. Parmi les autres ressources disponibles, on peut citer les questions fréquentes sur la supplémentation hebdomadaire en fer et en acide folique8, les études de cas réalisées par différents pays et les outils favorisant le processus d’intégration des questions de genre.
Conclusion
Les expériences de NI montrent une mise en place et un passage à l’échelle réussis de la supplémentation hebdomadaire en fer et en acide folique dans plusieurs pays d’Asie et d’Afrique. La priorité accordée à la gestion de la chaîne d’approvisionnement, le renforcement de l’implication des adolescentes elles-mêmes et les adaptations visant à atteindre les filles non scolarisées en sont des caractéristiques essentielles. Les programmes se sont également attachés à mettre en évidence des inégalités de genre spécifiques à l’accès des filles à l’école, telles que la gestion de l’hygiène menstruelle, les mariages et grossesses précoces, la pauvreté et la stigmatisation. Depuis 2019, avec l’évolution des programmes de nutrition à destination des adolescents, l’éducation à la nutrition des adolescents et adolescentes mobilise une plus grande attention.
La pandémie de COVID-19 a mis en évidence les lacunes des stratégies reposant sur une dépendance totale aux plateformes scolaires pour la prestation de services de santé et de nutrition, ainsi que l’importance de l’accès à l’éducation pour le bien-être général des adolescentes. Tous les partenaires doivent urgemment élaborer des programmes plus résilients et adaptables qui favorisent la participation active des adolescents et de leur communauté, et qui garantissent une implication suffisante de la part des autorités pour améliorer la réactivité des services et systèmes de santé.
Pour de plus amples informations, veuillez contacter Anjali Bhardwaj à l’adresse suivante: abhardwaj@nutritionintl.org.
Pour en savoir plus sur les programmes de Nutrition International destinés aux adolescentes, vous pouvez consulter la page: https://www.nutritionintl.org/our-work/who-we-help/adolescent-girls/
1 L’enquête nationale du Pakistan sur la nutrition (2018) indique la prévalence de l’anémie chez les femmes en âge de procréer (15 à 49 ans), qu’elles soient enceintes ou non (l’enquête incluait des femmes enceintes et n’étant pas enceintes).
2 D’après les données de l’UNESCO, 62 millions d’adolescents en âge de fréquenter le premier cycle du secondaire (10 à 14 ans) et 138 millions d’adolescents en âge de fréquenter le deuxième cycle du secondaire (15 à 17 ans) ne sont pas scolarisés. Voir http://uis.unesco.org/sites/default/files/documents/new-methodology-shows-258-million-children-adolescents-and-youth-are-out-school.pdf
3 Le traitement sous surveillance directe est une méthode d’administration de médicaments selon laquelle le prestataire de santé (en l’occurrence l’enseignant) regarde la personne prendre son médicament.
4 Autrement dit, le nombre de filles supplémentaires qui ont été atteintes grâce aux activités de soutien de NI dans le cadre du programme. Dans tous les pays, à l’exception de l’Inde, la référence était de zéro lorsque les programmes de nutrition destinés aux adolescentes ont été lancés en 2015.
5 Source des données : Nombre d’adolescentes supplémentaires qui ont bénéficié de la supplémentation hebdomadaire en fer et en acide folique recommandée (12 comprimés au cours des six derniers mois) enregistré dans les portails des systèmes d’information sanitaire des autorités. Dans les cas où le système d’information sanitaire ne contenait pas de données pour une année particulière, des enquêtes annuelles par sondage ont été réalisées pour estimer la couverture supplémentaire.
6 Calcul réalisé selon une modélisation axée sur l’impact par le biais de l’outil Outcome Modelling for Nutrition Impact (https://www.nutritionintl.org/learning-resource/omni/)
7 Cours en ligne sur l’anémie et la nutrition des adolescents de Nutrition International disponible à l’adresse suivante : https://global.learning.nutritionintl.org/index.Ce cours a été conçu pour aider les personnes et les organisations à comprendre la nutrition des adolescents d’un point de vue biologique et social, et à tirer des enseignements des programmes mis en place dans différents secteurs. De plus en plus de pays l’utilisent comme l’une des principales ressources sur la nutrition des adolescents.
8 Questions fréquentes de Nutrition International, disponibles à l’adresse suivante : https://www.nutritionintl.org/wp-content/uploads/2019/04/WIFAS_for_Adolescents_FAQs_2019.pdf.
Références
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