Quels systèmes alimentaires pour des régimes alimentaires sûrs, nutritifs et abordables dans les pays du Sahel central ?

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Cet article présente les conclusions et les recommandations d’une revue de la littérature et d’une série de consultations qui ont été menées aux niveaux régional et national afin de recueillir des informations sur les systèmes alimentaires nationaux de trois pays du Sahel central.

Sumra Kureishy est nutritionniste au bureau régional pour l’Afrique de l’Ouest et du Centre du Programme alimentaire mondial (PAM).

Saidou Magagi est chargé du suivi, de l’évaluation et de la gestion des connaissances en matière de nutrition au bureau régional pour l’Afrique de l’Ouest et du Centre du Programme alimentaire mondial. 

Katrien Ghoos est conseillère régionale senior en nutrition au sein du bureau régional pour l’Afrique de l’Ouest et du Centre du Programme alimentaire mondial.

Fanta Touré est conseillère en nutrition et santé au sein du bureau régional pour l’Afrique de l’Ouest et du Centre d’Action contre la Faim (ACF).

Sidy Niang est ingénieur en agronomie et consultant pour l’étude régionale des systèmes alimentaires au sein du bureau régional pour l’Afrique de l’Ouest et du Centre d’Action contre la Faim.

Ollo Sib est conseiller senior en recherche, suivi et évaluation au bureau régional pour l’Afrique de l’Ouest et du Centre du Programme alimentaire mondial.

Mamadou Diop est le représentant du bureau régional pour l’Afrique de l’Ouest et du Centre du d’Action contre la Faim.

Mahalmoudou Hamadoun est coordinateur régional pour le programme régional d’appui à la sécurité alimentaire, lutte contre la désertification, population et développement pour le Comité permanent inter-États de lutte contre la sécheresse dans le Sahel  (CILSS).

Le bureau régional du PAM à Dakar, Action contre la faim (ACF) et le Comité permanent inter-États de lutte contre la sécheresse dans le Sahel (CILSS) tiennent à remercier les partenaires qui ont collaboré à cette consultation régionale, notamment la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), le Club du Sahel et de l’Afrique de l’Ouest, le Réseau des organisations paysannes et de producteurs de l’Afrique de l’Ouest, le Réseau de prévention des crises alimentaires, ainsi que plusieurs gouvernements nationaux, donateurs, organismes des Nations Unies, organisations internationales et organisations non gouvernementales. Le bureau régional du PAM à Dakar souhaite également remercier l’Union européenne ainsi que les gouvernements luxembourgeois et français pour leur généreux soutien à cette étude.

Principaux messages :

  • L’analyse documentaire ainsi que les consultations régionales et nationales menées ont permis d’acquérir une fine compréhension des systèmes alimentaires locaux du Burkina Faso, du Mali et du Niger.
  • Cette étude a mis en lumière l’absence d’intégration de la nutrition dans des politiques, des stratégies et des programmes sectoriels sensibles à la nutrition, intégration qui permettrait de garantir à tous un régime alimentaire varié, sûr, nutritif et abordable.
  • Les consultations régionales ont créé des opportunités stratégiques de dialogue et de collaboration avec certaines parties prenantes essentielles, afin de transformer les systèmes alimentaires, de renforcer la résilience aux chocs futurs et de garantir que les systèmes alimentaires contribuent à améliorer la sécurité alimentaire et nutritionnelle de tous.

Introduction

Au cours des 50 dernières années, les pays du Sahel central (Burkina Faso, Mali et Niger) ont été confrontés à une augmentation significative des chocs et des facteurs de stress. Événements climatiques extrêmes (sécheresses et inondations), zoonoses et infestations de ravageurs récurrentes, conflits prolongés entraînant des déplacements massifs de population (Bantchey, 2021) et volatilité des prix alimentaires sont autant de facteurs qui ont nui à la sécurité alimentaire et nutritionnelle régionale (Re, 2021 ; Sib, 2021). 

En 2020, la pandémie de COVID-19 est venue aggraver une situation déjà difficile qui s’est traduite par 2,9 millions de cas d’émaciation attendus chez les enfants de moins de cinq ans à l’échelle de la région (Club du Sahel et de l’Afrique de l’Ouest et OCDE, 2020). Plus de 50 % des ménages de la région n’ont toujours pas les moyens de s’offrir un régime alimentaire nutritif, en raison d’une multitude de facteurs : manque de nourriture, déficience des chaînes d’approvisionnement, manque de ressources financières, éloignement et difficulté d’accès aux marchés alimentaires, conflits (gouvernement du Burkina Faso, 2020 ; gouvernement du Mali, 2020 ; gouvernement du Niger, 2020). La conjonction de ces différents facteurs a eu pour conséquence d’aggraver l’insécurité alimentaire et la malnutrition dans la région. Face à cette problématique pluridimensionnelle, il est nécessaire de déployer des approches systématiques et multisectorielles afin de s’assurer que tous ont accès à une alimentation sûre, nutritive et abordable, partout et à tout moment.

Grâce à de fructueuses collaborations à long terme avec les gouvernements nationaux, les institutions régionales et d’autres parties prenantes du système alimentaire, le Programme alimentaire mondial (PAM), Action contre la faim (ACF) et le Comité permanent inter-États de lutte contre la sécheresse dans le Sahel (CILSS) ont conjointement lancé une étude régionale des systèmes alimentaires destinée à formuler des recommandations en vue de renforcer ces systèmes dans la région du Sahel central.

Recueil d’informations sur les systèmes alimentaires

Menée entre décembre 2020 et novembre 2021, l’étude se composait d’une revue de la littérature et de plusieurs consultations nationales et régionales destinées à recueillir des informations sur les systèmes alimentaires. 

La revue de la littérature avait pour objet de déterminer les enjeux qui pèsent sur les systèmes alimentaires actuels et de comprendre la manière dont ces enjeux entravent l’accès à une alimentation nutritive, ainsi que la disponibilité et l’accessibilité financière d’une telle alimentation au Sahel central. Cette analyse visait à faire apparaître les liens entre production alimentaire régionale et nationale, disponibilité, accès au marché et fonctionnalité de celui-ci, chaînes d’approvisionnement, pouvoir d’achat, sécurité alimentaire et nutritionnelle, et environnement1. L’étude consistait à évaluer la situation actuelle autour de trois axes : les chaînes de valeur et les chaînes d’approvisionnement (axe 1) ; les politiques alimentaires et les structures de gouvernance (axe 2) ; la sécurité alimentaire et nutritionnelle, la sécurité sanitaire et la qualité des aliments, ainsi que les comportements de consommation (axe 3) (Gueye Niang, 2021).

Dans le cadre de cette étude, le PAM, ACF et le CILSS ont co-organisé du 1er au 3 juin 2021 une consultation régionale en ligne sur la transformation des systèmes alimentaires afin de garantir des régimes alimentaires sûrs, sains, nutritifs et abordables au Sahel central. Cette consultation, menée auprès de 80 participants issus des gouvernements, des partenaires du développement, du secteur privé et des universités de la région, visait à :

  • Permettre une compréhension commune des objectifs de l’étude ainsi que des méthodes d’évaluation des systèmes alimentaires régionaux.
  • Développer un discours commun sur les principaux défis ainsi que les possibilités non exploitées au sein des systèmes alimentaires nationaux et régionaux.
  • Formuler et valider des recommandations et des mesures prioritaires pour réformer les systèmes alimentaires afin qu’ils garantissent à tous un régime alimentaire sûr, nutritif et abordable. 

Des consultations similaires ont ensuite été organisées en juillet 2021 au niveau national au Burkina Faso, au Mali et au Niger afin de renforcer les capacités des professionnels locaux, de créer des partenariats de collaboration et d’assurer l’adhésion du gouvernement à la mise en place de systèmes alimentaires optimaux.

Au cours des consultations, chaque journée était consacrée à un axe d’étude différent. Ces journées étaient animées par des experts régionaux et nationaux reconnus qui donnaient des présentations et pilotaient les discussions de groupe.

Principales conclusions :

La revue de la littérature et les consultations régionales et nationales menées ont permis d’acquérir une fine compréhension des systèmes alimentaires locaux du Burkina Faso, du Mali et du Niger. Les principales conclusions de cette analyse et de ces consultations sont résumées ci-dessous (par axe d’étude) ainsi que dans l’encadré 1, où figurent également les recommandations associées.

Production agricole : l’agriculture des trois pays étudiés consiste principalement en des activités de production céréalière. Le régime alimentaire de la plupart des ménages de ces pays est donc exclusivement axé sur la couverture des besoins énergétiques. Les politiques d’investissement dans l’agriculture se concentrent encore essentiellement sur la production céréalière, au détriment de la disponibilité, de l’accessibilité financière, de l’accès et de la consommation alimentaires, autant de dimensions qui influent fortement sur la sécurité alimentaire et nutritionnelle. Ces dernières années, toutefois, l’optimisation des techniques d’irrigation et l’augmentation de la demande en aliments nutritifs ont conduit à la création de structures institutionnelles axées sur les cultures de contre-saison et la production d’aliments frais.

Industrie agroalimentaire : en raison du retard comparatif des pays du Sahel central en matière de technologie, d’équipements et d’infrastructures de transformation primaire, leurs systèmes de transformation agroalimentaire demeurent sous-développés.

Fonctionnalité du marché : la fonctionnalité du marché demeure faible et essentiellement marquée par des prix alimentaires élevés et/ou volatils, de mauvaises infrastructures, ainsi que des services et une qualité alimentaires médiocres. Le prix des aliments sûrs et nutritifs ainsi que leur accessibilité financière pour les ménages sont ressortis comme d’importants facteurs qui orientent les choix alimentaires des populations burkinabè, maliennes et nigériennes, affectant ainsi la sécurité alimentaire, la nutrition et la santé de ces populations.

Conflits persistants, chocs climatiques récurrents et émergence de la COVID-19 : ces facteurs ont constitué d’importants obstacles au bon fonctionnement des systèmes alimentaires locaux, puisqu’ils ont entraîné une forte inflation des prix des aliments nutritifs dans les trois pays. Ces facteurs de stress ont eu un impact négatif sur les moyens d’existence, le pouvoir d’achat des ménages ainsi que l’accès aux aliments nutritifs, et ont aggravé l’insécurité alimentaire et toutes les formes de malnutrition.

Politiques et stratégies alimentaires : il y a peu de liens développés entre les politiques et stratégies actuelles en matière d’alimentation et d’autres secteurs sensibles à la nutrition ou le secteur privé. Bien qu’il y eût un travail en cours visant à mettre à l’échelle des programmes de protection sociale sensibles à la nutrition, qui intègrent la sécurité alimentaire et les résultats nutritionnels et ciblent les populations les plus vulnérables sur le plan nutritionnel, le secteur de la protection sociale était rarement mis à profit comme un moyen de lutter contre l’insécurité alimentaire et nutritionnelle dans les trois pays.

Rôle des femmes : le rôle et la place des femmes sont ressortis lors des consultations comme un thème primordial. Dans les pays du Sahel central, les femmes sont des contributrices essentielles aux systèmes alimentaires (Gnisci, 2016). Elles occupent en effet 89 % des emplois agricoles de la région. Femmes et hommes travaillent côte à côte, cultivant les mêmes champs et élevant le même bétail pour la consommation locale et la vente sur les marchés. Toutefois, la persistance des inégalités de genre en matière d’accès aux ressources, aux terres les plus fertiles, au crédit, aux intrants agricoles et à l’éducation continue de museler le potentiel des femmes et de léser les systèmes alimentaires régionaux (Tall, 2021). Afin de garantir et de sécuriser le rôle des femmes au sein du système alimentaire, des mesures doivent être prises afin d’améliorer leur accès aux ressources et de résorber les déséquilibres de pouvoir existants. Il s’agit notamment d’apporter un soutien technique et financier aux organisations agricoles féminines, d’intégrer les questions liées au genre dans toutes les politiques nationales liées à l’agriculture, à la production alimentaire et aux droits de propriété, ainsi que d’accroître la disponibilité des données ventilées par sexe (Sow, 2021).

Encadré 1 : Principales conclusions et recommandations par axe d’étude

Axe 1 : Analyse des systèmes alimentaires et des chaînes de valeur afin de garantir l’accès de tous à des régimes alimentaires sûrs, nutritifs et abordables au Sahel central

Des systèmes de production et de transformation alimentaire robustes, productifs et compétitifs sont essentiels pour garantir l’accès de tous à un régime alimentaire sûr, nutritif et abordable dans les pays du Sahel central.

  1. Créer des systèmes de production agricole forts grâce à la mécanisation, à la gestion des risques, au renforcement des capacités, à l’amélioration des infrastructures ainsi qu’à l’élaboration de politiques, de stratégies et de cadres qui favorisent l’équité.
  2. Préserver la productivité et la compétitivité des systèmes de production alimentaire grâce à l’inclusion des femmes, à l’amélioration de leurs droits fonciers et à l’augmentation des ressources financières destinées aux organisations paysannes dirigées par des femmes.
  3. Développer des systèmes de transformation locaux qui utilisent le séchage, la cuisson, le rôtissage et la friture pour conserver, traiter et emballer des produits nutritifs de haute qualité, en fournissant aux entreprises agroalimentaires une formation pratique en temps réel, des équipements modernes et de haute technologie, ainsi qu’un meilleur contrôle de la sécurité et de la qualité des aliments, tout en améliorant leur gouvernance, leurs infrastructures et l’implication du secteur privé.
  4. Réaliser des économies d’échelle en instaurant des systèmes de coordination et en harmonisant les normes, les procédures ainsi que la recherche et le développement concernant les intrants et les produits agricoles, dans une démarche d’intégration et de compétitivité régionales.
  5. Améliorer l’infrastructure de marché au moyen d’une approche holistique couvrant à la fois l’offre et la demande. Cette approche devrait davantage mettre l’accent sur le dialogue avec les gouvernements locaux, le secteur privé et la société civile, afin de répondre aux enjeux alimentaires par le biais de politiques et de structures institutionnelles ou de gouvernance axées sur la nutrition. Elle appelle également à un engagement multisectoriel centré sur le développement rural, la planification urbaine, la gestion des déchets et la transformation des aliments.

Axe 2 : Analyse des politiques, des stratégies et des cadres réglementaires internationaux, régionaux et nationaux en matière de systèmes alimentaires favorisant l’accès de tous à une alimentation sûre, nutritive et abordable au Sahel central.

L’harmonisation et la mise en œuvre solidement coordonnée de politiques, de stratégies et de cadres réglementaires régionaux et nationaux qui accordent la priorité aux besoins nutritionnels de tous, en attachant une attention particulière aux groupes les plus vulnérables sur le plan nutritionnel, à savoir les femmes et les enfants, sont indispensables afin de garantir des systèmes alimentaires sûrs, nutritifs et abordables au Sahel central.

  1. Harmoniser et renforcer la mise en œuvre des politiques, stratégies et cadres réglementaires régionaux qui favorisent une production, une transformation et une distribution diversifiées et sûres. Encourager le commerce intrarégional et assurer une responsabilité et une gouvernance régionales afin de garantir des régimes alimentaires sûrs, nutritifs et abordables.
  2. Renforcer les systèmes alimentaires via l’élaboration de politiques et de programmes agricoles sensibles à la nutrition qui accordent une priorité centrale aux besoins nutritionnels de la population, plaider en faveur de restrictions budgétaires et commerciales sur les boissons sucrées, fournir des repas scolaires nutritifs et déployer à grande échelle une communication pour le changement de comportement social afin d’encourager la consommation d’aliments nutritifs.
  3. Créer un environnement propice aux innovations numériques, y compris au moyen de politiques, d’un appui institutionnel, du renforcement des capacités et du développement des infrastructures, afin que les petits paysans des pays en développement bénéficient de ces innovations.
  4. Élaborer des processus politiques solides, inclusifs, transparents et fondés sur des preuves afin de contribuer à la prévention ou à la gestion des enjeux inhérents à l’amélioration des systèmes alimentaires. Pour ce faire, des objectifs clairs, fondés sur une évaluation et une analyse complètes des lacunes et des faiblesses nutritionnelles du système alimentaire, doivent être identifiés et définis. De même, il faudra identifier des environnements institutionnels et politiques favorables et collaboratifs, ainsi que des processus et des incitations favorisant des formes appropriées de collaboration entre les différents secteurs liés à la nutrition.
  5. Utiliser la protection sociale au service de la lutte contre l’insécurité alimentaire et nutritionnelle, en mettant au point des méthodes permettant de cibler les populations les plus vulnérables à partir de critères d’inclusion clairement définis et transparents, en promouvant l’inclusion de la nutrition et de la santé dans les filets de sécurité sociale, en créant des cadres politiques axés sur la protection sociale et l’insécurité alimentaire et nutritionnelle, et en élaborant des outils de suivi et d’évaluation qui mesurent l’efficacité et l’efficience des programmes de protection sociale sur la sécurité alimentaire et la nutrition tout en tenant compte de la résilience à court et moyen terme des ménages bénéficiaires.

Axe 3 : Analyse du rôle de systèmes alimentaires pour garantir la sécurité alimentaire et nutritionnelle au Sahel central

Des politiques et des programmes multisectoriels qui alignent l’offre et la demande et se concentrent sur le développement agricole, la sécurité alimentaire et nutritionnelle, la création d’emplois et la protection sociale peuvent favoriser l’instauration de systèmes alimentaires accessibles et abordables qui permettent de lutter contre l’insécurité alimentaire et nutritionnelle endémique au Sahel central.

  1. Renforcer les programmes et politiques multisectoriels qui harmonisent l’offre et la demande et se concentrent sur le développement agricole d’aliments nutritifs, la sécurité alimentaire et nutritionnelle, ainsi que le pouvoir d’achat et la protection sociale, afin de créer des systèmes alimentaires accessibles et abordables qui permettent de lutter contre l’insécurité alimentaire et nutritionnelle.
  2. Accroître les incitations à la disponibilité, à l’accès et à la consommation d’aliments sûrs, diversifiés et nutritifs à travers une production agricole intelligente face au climat ainsi que par la commercialisation et la distribution de fruits et légumes, de légumineuses et d’aliments riches en protéines, qui représentent une source d’alimentation et de revenus largement sous-exploitée.
  3. Introduire des mesures de protection et d’autonomisation des pauvres et des femmes par le biais de filets de sécurité qui garantissent leur accès à des aliments nutritifs en période de crise, durant la période de soudure ou lorsque les revenus du ménage sont faibles, tout en leur assurant des droits fonciers, un accès équitable aux ressources productives ainsi qu’un accès aux marchés.
  4. Aider les petits agriculteurs à diversifier leurs sources de revenus en dehors du travail sur l’exploitation, y compris par le biais de l’agro-industrie, afin d’augmenter les revenus des ménages et la disponibilité d’aliments nutritifs et de réduire les comportements d’adaptation néfastes.
  5. Recentrer les efforts de prévention de la malnutrition sur les systèmes alimentaires locaux, en améliorant les infrastructures existantes pour les aliments nutritifs, en diversifiant la production alimentaire, en améliorant la sensibilisation aux pratiques d’alimentation du nourrisson et du jeune enfant, et en fournissant des aliments composés enrichis et une assistance intégrée dans le cadre de programmes d’assistance alimentaire, par exemple, en particulier dans les zones fragiles, durant les périodes de soudure et pour les personnes déplacées qui n’ont pas la possibilité de s’engager dans des activités génératrices de revenus.

La protection sociale consiste en des politiques et des programmes mis en œuvre par les gouvernements afin de protéger les populations de la pauvreté, de la vulnérabilité et de l’exclusion sociale tout au long de leur vie (Samoura, 2021 ; Ocampo, 2021). Les programmes de protection sociale visent à améliorer l’accès aux services de base, à réduire le recours à des stratégies d’adaptation néfastes en période de crise, ou encore à améliorer l’accès à des aliments nutritifs (y compris sur le plan de l’accessibilité financière), augmentant ainsi la diversité alimentaire et l’apport calorique. La protection sociale atteint son efficacité maximale lorsque la sécurité alimentaire et nutritionnelle est intégrée dans les politiques et programmes nationaux de protection sociale, et que le ciblage des bénéficiaires ainsi que les montants et les modalités des transferts sont adaptés aux besoins fondamentaux et nutritionnels des populations les plus vulnérables, à savoir les femmes et les enfants (Gnisci, 2016 ; Ghoos, 2021)10.

Dans ce contexte, le PAM a déployé le projet CRIALCES (Réponse à la crise alimentaire au centre Sahel : support nutritionnel et relèvement), une initiative en plusieurs volets mise en œuvre au Burkina Faso, au Niger et au Mali sur la période 2020-2024 (Ghoos, 2021). En intégrant la production alimentaire, la transformation, la logistique, les marchés et la consommation, ce projet vise à améliorer l’état nutritionnel des populations vulnérables et à renforcer la résilience des communautés. Les interventions axées sur l’offre consistent à soutenir les agriculteurs par la fourniture d’actif productifs, par le renforcement des capacités en matière de pratiques agricoles intelligentes face au climat, ainsi que par la création de liens avec le marché. Le projet travaille également sur la transformation des aliments, en renforçant les capacités des fabricants du secteur privé et en consolidant les cadres institutionnels et les systèmes de gestion de la qualité des aliments composés enrichis et des processus d’enrichissement des aliments. Les interventions axées sur la demande consistent en la distribution de bons d’achat pour des aliments nutritifs disponibles localement, ainsi qu’en des activités de communication pour le changement de comportement social destinées à améliorer les pratiques alimentaires et à prévenir la malnutrition chez les enfants et les femmes enceintes et allaitantes. Enfin, le projet renforce la capacité des gouvernements à mesurer et à analyser systématiquement l’impact des chocs ou des changements saisonniers sur la disponibilité et l’accessibilité financière des aliments nutritifs, ainsi qu’à adapter la distribution de bons d’achat et les interventions selon les besoins.

Conclusion

Cette étude montre que les systèmes alimentaires constituent le cœur de la solution aux problèmes de sécurité alimentaire et nutritionnelle dans les trois pays du Sahel central, et qu’un engagement politique fort visant à harmoniser l’offre et la demande est essentiel pour progresser dans ce domaine. L’intégration de la nutrition dans les politiques, stratégies et programmes sectoriels sensibles à la nutrition pour garantir à tous un régime alimentaire varié, sûr, nutritif et abordable faisait cependant défaut.

Le CILSS, le PAM et ACF sont particulièrement bien placés pour renforcer les systèmes alimentaires afin de garantir à tous une alimentation sûre, nutritive et abordable au Sahel central. Les consultations régionales ont créé des opportunités stratégiques de dialogue et de collaboration avec des parties prenantes essentielles telles que la Communauté économique des États d’Afrique de l’Ouest, le Secrétariat du Club du Sahel et de l’Afrique de l’Ouest, le Réseau des organisations paysannes et de producteurs d’Afrique de l’Ouest et le Réseau régional de prévention des crises alimentaires, afin de transformer les systèmes alimentaires, de renforcer la résilience aux chocs futurs et de garantir que les systèmes alimentaires contribuent à améliorer la sécurité alimentaire et nutritionnelle pour tous.

Les résultats préliminaires, les messages clés et les recommandations de l’étude ont été présentés lors de la réunion du Système régional de prévention et de gestion des crises alimentaires (PREGEC) en novembre 2021. Coordonné par le CILSS, le cycle PREGEC comporte quatre consultations techniques conduites chaque année au niveau régional en mars, juin, septembre et novembre. Ces consultations sont axées sur la production agroalimentaire actuelle ainsi que sur les prévisions de production agricole pour l’année suivante, tout en tenant compte de la situation en matière de sécurité alimentaire et nutritionnelle. Ces consultations offrent l’occasion de poursuivre le travail présenté dans cet article de recherche et d’adresser des recommandations politiques à toutes les parties prenantes de la région, dans le but d’améliorer les systèmes alimentaires afin de garantir à tous une alimentation sûre, nutritive et abordable.

Pour en savoir plus, veuillez contacter Katrien Ghoos à l’adresse katrien.ghoos@wfp.org.

Références

Bantchev, C (2021) Situation sécurité en Afrique de l’Ouest [PowerPoint slides, unpublished]. World Food Programme.

Ghoos, K (2021) La non-abordabilite d’une alimentation saine et nutritive et les systèmes alimentaires [PowerPoint slides, unpublished]. World Food Programme.

Gnisci, D (2016) “Women’s Roles in the West African Food System: Implications and Prospects for Food Security and Resilience”, West African Papers, No. 03, OECD Publishing, Paris. http://dx.doi.org/10.1787/5jlpl4mh1hxn-en

Government of Burkina Faso (2020) Fill the Nutrient Gap Burkina Faso: Rapport Resume. Retrieved from: https://docs.wfp.org/api/documents/WFP-0000122033/download/?_ga=2.180789799.1862507402.1627045659-461586828.1625049148

Government of Mali (2020) Fill the Nutrient Gap Mali: Rapport Resume. Retrieved from: https://docs.wfp.org/api/documents/WFP-0000129930/download/?_ga=2.180789799.1862507402.1627045659-461586828.1625049148

Government of Niger (2020) Fill the Nutrient Gap Niger: Rapport Resume. Retrieved from: https://docs.wfp.org/api/documents/WFP-0000108792/download/?_ga=2.89083419.1862507402.1627045659-461586828.1625049148

Gueye Niang, S (2021) Contexte globale et approche méthodologique de l’étude [PowerPoint slides, unpublished]. World Food Programme.

Ocampo, A (2021) Contribution des politiques et programmes de protection sociale a une alimentation saine et nutritive [PowerPoint slides, unpublished]. World Food Programme.

Re, G (2021) Systèmes alimentaires pour une alimentation saine, nutritive et abordable en Afrique de l’Ouest [PowerPoint slides, unpublished]. World Food Programme.

Samoura, A (2021) Les politiques de protection sociales et autres mesures de soutien pour améliorer l’accès à une alimentation saine, nutritive et abordable dans les zones stables et instables: existence, pertinence, performance [PowerPoint slides, unpublished]. SRPSA Mali.

Sib, O (2021) Les 3C – Conflit, Corona Virus et Changement Climatique [PowerPoint slides, unpublished]. World Food Programme.

Sow, M (2021) Etude de cas [PowerPoint slides, unpublished]. ENDA PRONAT.

SWAC/OECD (2020) Food and Nutrition Crisis 2020, Analyses & Responses, Maps & Facts, No. 3, November 2020.

Tall, KF (2021) Genre et systèmes de production: accès aux ressources et performance [PowerPoint slides, unpublished]. AFAO.


1 Toutes les publications pertinentes sur l’état actuel des systèmes alimentaires au Sahel central ont été identifiées par le biais des sites internet de PubMed, BMC, la bibliothèque en ligne de l’Organisation de coopération et de développement économiques, les archives ouvertes du savoir de la Banque mondiale, la plateforme de connaissances de la Banque africaine de développement et Google Scholar. D’autres documents et rapports sur les systèmes alimentaires ont par ailleurs été partagés par les experts régionaux du CILSS, de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest, du Club du Sahel et de l’Afrique de l’Ouest, du Réseau des organisations paysannes et des producteurs de l’Afrique de l’Ouest et du Réseau régional de prévention des crises alimentaires.

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