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Améliorer la pratique du dépistage par la mesure du périmètre brachial par les familles au Mali

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Carla Pramila Lopez est directrice adjointe de l’innovation en matière de santé et responsable des pratiques de conception au sein de l’Airbel Impact Lab

Britt Titus est responsable de l’analyse comportementale au sein de l’Airbel Impact Lab de l’International Rescue Committee

Niélé Hawa Diarra est médecin de santé publique et doctorante en pathologies maternelles et infantiles au Mali

Messages clés :

  • Cet article explore comment les sciences du comportement et la conception axée sur l’utilisateur ont été utilisés pour identifier les obstacles à l’approche du dépistage par la mesure du périmètre brachial par les familles, et pour générer et mettre au point des solutions prototypes au Mali.
  • Les principaux obstacles au dépistage par les personnes responsables de l’enfant incluaient leurs croyances sur l’utilité, le manque de bénéfices tangibles perçus et une faible redevabilité sociale.
  • Pour remédier aux faibles niveaux de redevabilité sociale en matière de dépistage, un système de rappel a été élaboré et mis en œuvre par le biais des « tontines » (réunions hebdomadaires/mensuelles rassemblant des groupes de femmes qui mettent en commun leur épargne), des imams et des maris, ainsi que d’une formation vidéo axée sur le comportement et d’un témoignage d’une personne responsable de l’enfant au sein de la communauté. Cette méthode sera testée dans le cadre d’une petite étude pilote menée dans cinq communautés de la région de Nara.

Contexte

Les Nations Unies estiment que, sur les 14,3 millions d’enfants âgés de moins de cinq ans qui ont été touchés par une émaciation sévère en 2019, seuls 40 % (5,7 millions) ont reçu un « traitement en mesure de sauver leur vie » (2020). L’identification des cas et la référence pour traitement restent les principaux obstacles à l’amélioration de la couverture, en particulier lorsque l’accès au dépistage par les prestataires est limité. Cependant, les recherches indiquent que les personnes responsables de l’enfant et les autres membres de la famille peuvent être formés pour identifier avec précision le risque d’émaciation à l’aide de rubans de mesure du périmètre brachial (PB) à code couleur, une approche connue sous le nom de « PB-famille ».

Il s’agit d’une approche prometteuse pour élargir l’échelle et la fréquence du dépistage, entraînant ainsi une augmentation des références pour traitement dans certains contextes (Gnamien et al., 2021). En 2017, la mise en œuvre de la formation PB-famille au Mali a débuté par l’intermédiaire d’agents de santé communautaires bénévoles dans les établissements de santé et de « relais communautaires »1 dans les communautés. Depuis la mise en œuvre des restrictions liées à la COVID-19 en 2020, la formation est dispensée au niveau des ménages par les agents de santé communautaires bénévoles. Cependant, l’approche PB-famille a donné lieu à des résultats mitigés. Par exemple, les données du programme 2020 de l’International Rescue Committee (IRC) ont montré que, dans le district de Nara au Mali, où 90 % des femmes avaient été formées aux mesures du périmètre brachial, seulement 20 % des admissions au traitement résultaient du référencement familial.

Cet article décrit l’identification des obstacles à l’adoption de la méthode PB-famille dans la région de Nara au Mali, où l’International Rescue Committee soutient le traitement de l’émaciation, la formation des agents de santé communautaires à la méthode et la supervision des programmes communautaires de mesure du périmètre brachial. Les conclusions de ce processus ont été utilisées pour cerner les possibilités et les idées de programmes permettant de surmonter ces obstacles. Ces idées ont été représentées visuellement et présentées aux utilisateurs pour qu’ils donnent leur avis et les affinent dans trois communautés de Nara.

Méthodes permettant d’identifier les obstacles à l’utilisation de l’approche PB-famille et les solutions envisageables

Une approche combinant les sciences du comportement2 et la conception centrée sur l’utilisateur a été utilisée pour comprendre pourquoi les personnes responsables de l’enfant dans la région de Nara n’utilisaient pas régulièrement (tous les mois/toutes les semaines) les rubans de mesure du périmètre brachial chez les enfants de moins de cinq ans. Le prototypage, processus consistant à concrétiser des idées pour favoriser les interactions et le retour d’information des personnes responsables de l’enfant et d’autres parties prenantes, a été utilisé pour affiner les premières idées visant à surmonter les principaux obstacles. Les étapes spécifiques du processus sont décrites ci-dessous.

Cartographie comportementale et validation des obstacles

Des ateliers ont été organisés avec des collègues nutritionnistes et des agents de santé communautaires bénévoles basés au Mali pour décomposer le dépistage mensuel mené par les personnes responsables de l’enfant en « comportements cibles », c’est-à-dire en actions qu’elles doivent entreprendre pour que le programme atteigne son objectif dans la région de Nara. Un parcours de comportement idéal de la personne responsable de l’enfant par étape (tableau 1), a été conceptualisé en identifiant les obstacles rencontrés à chaque étape. Afin de valider les barrières hypothétiques rencontrées et d’élucider leur parcours de comportement réel, des consultations ont été menées auprès de ces personnes, de leurs belles-mères, de leurs maris, des chefs de communauté, des agents de santé communautaires et des prestataires travaillant dans des établissements de santé. Il s’agissait d’entretiens semi-structurés et de discussions de groupe dirigés par une chercheuse malienne spécialisée dans la recherche qualitative, afin l’explorer les attitudes, les croyances et les pratiques existantes en matière de prévention et de traitement de l’émaciation, ainsi que leurs expériences en matière de formation à l’utilisation du ruban PB et de recherche de traitement dans les établissements de santé.

Six agents de santé communautaires bénévoles responsables de la formation PB ont également été observés et interrogés afin de comprendre leurs conditions de travail et la nature de leurs interactions avec la communauté. Enfin, des personnes responsables de l’enfant formées à l’utilisation des rubans PB ont été observées afin de mesurer leur degré de confiance et de compétence.

Tableau 1 : Cartographie comportementale : comportements cibles et obstacles, étape par étape

 

Étape 1

Étape 2

Étape 3

Étape 4

Étape 5

Étape 6

Comportement cible pour favoriser l’approche PB-famille

Les familles reçoivent un ruban PB et participent activement à la formation

Les familles comprennent le contenu de la formation

 

Les familles rangent le ruban PB sous clé dans un endroit facilement accessible et dont elles se souviendront

Les familles utilisent le ruban PB au moins une fois par mois/quand la santé de l’enfant se détériore

 

Les familles utilisent le ruban PB correctement et comprennent les mesures

Les familles interviennent rapidement et immédiatement en confirmant au personnel de santé lorsque la mesure est rouge ou jaune

Exemples d’obstacles hypothétiques

Les femmes ne sont pas toujours autorisées par leurs maris à se rendre aux sessions de formation +

 

L’insécurité, la distance et l’inaccessibilité limitent la participation +

La formation utilise un langage que les femmes ont du mal à comprendre –

 

Des tensions apparaissent entre les agents de santé communautaires bénévoles et les personnes responsables de l’enfant en raison des attentes en matière de compensation pour le dépistage –

Les femmes rangent le ruban PB dans un endroit « trop sûr » par sécurité et finissent par l’oublier +

Les femmes ne se soucient pas de la malnutrition et/ou ne comprennent pas de quoi il s’agit –

Avec le temps, les femmes oublient comment utiliser le ruban PB correctement +

Les femmes reçoivent des messages contradictoires sur la conduite à tenir à la lecture de la mesure du périmètre brachial +

Exemples d’obstacles identifiés via la recherche qualitative

Certaines femmes sont mal formées par d’autres femmes au lieu d’être formées par des agents de santé communautaires bénévoles ou des relais

Les sessions de formation sont souvent faites à la hâte et/ou incomplètes, par manque de temps des participants ou des formateurs

 

Les femmes ne s’entraînent pas à utiliser le ruban PB ou ne posent pas de questions sur son utilisation parce qu’elles manquent de temps ou parce qu’elles sont gênées

 

 

Certaines femmes égarent le ruban PB après la formation, voire n’en reçoivent pas du tout

Les femmes n’ont pas le temps ni la marge de manœuvre mentale pour effectuer le dépistage, car elles doivent déjà gérer de nombreuses tâches et corvées au sein du foyer*

 

Les femmes ont l’habitude d’observer les symptômes physiques de leur enfant pour surveiller son état de santé*

 

Les femmes ne se sentent pas efficaces et n’ont pas confiance en leur propre capacité à utiliser le ruban PB, surtout si elles n’ont pas l’occasion de s’entraîner

 

Dans certains endroits, les familles sont stigmatisées par le fait d’avoir un enfant souffrant de malnutrition*

 

Les femmes sont découragées en raison d’expériences négatives qu’elles ou d’autres personnes de leur entourage ont vécues, de refus ou d’inadmissibilité à un traitement *

Remarques : * indique un obstacle qui a été considéré comme prioritaire, – indique un obstacle hypothétique qui a été invalidé par la recherche et + indique un obstacle hypothétique qui a été validé par la recherche.

Hiérarchisation des priorités

La création d’une cartographie comportementale validée a permis de hiérarchiser les principaux obstacles à chaque étape. Chaque obstacle a été noté en fonction du degré d’impact anticipé sur les résultats nutritionnels (impact) et de la capacité perçue de l’International Rescue Committee à l’influencer (faisabilité).

Cinq obstacles ont été considérés comme prioritaires pour des actions ultérieures.

  1. Les mères sont confrontées à des demandes multiples et simultanées pour le peu de temps, de capacité d’attention et de ressources mentales dont elles disposent : les mères peuvent négliger le dépistage de leurs enfants en raison des nombreuses responsabilités et tâches ménagères chronophages
  2. Stigmatisation : les personnes responsables de l’enfant peuvent ne pas effectuer de dépistage ou ne pas chercher à faire soigner l’enfant en raison de la stigmatisation associée au fait d’avoir un enfant souffrant de malnutrition et de l’idée qu’elles ne s’en occupent pas bien
  3. Absence de redevabilité sociale : les autres membres de la famille peuvent ne pas être conscients de la nécessité du dépistage ou ne pas l’encourager ou le valoriser, car il ne s’agit ni d’une norme sociale ni d’une attente familiale
  4. Ce sont les symptômes physiques qui prévalent : les personnes responsables de l’enfant ont l’habitude d’observer les symptômes physiques (plutôt qu’un ruban de dépistage) pour déterminer l’état de santé de leur enfant.
  5. Croyances à propos des résultats : les personnes responsables de l’enfant ne voient pas toujours les résultats immédiats du dépistage ni les avantages tangibles d’un dépistage régulier au-delà de la réception d’aliments thérapeutiques prêts à l’emploi pour le traitement

Identification de solutions potentielles à l’aide des sciences du comportement

Les données probantes de la littérature des sciences du comportement ont été utilisées pour identifier les solutions potentielles permettant de surmonter les obstacles principaux à l’approche PB-famille. Par exemple, les interventions comportementales qui ont été utilisées pour améliorer efficacement l’adoption et l’adhésion à de nouvelles habitudes dans d’autres contextes – comme les rappels comportementaux et la définition d’objectifs, et le dévoilement de normes sociales cachées – ont été étudiées pour être adaptées au contexte malien.

Retours d’information utilisateur sur les solutions préférées

Sur la base de ces références, et en utilisant l’approche de la conception centrée sur l’utilisateur, des méthodes basées sur des activités telles que le tri de cartes illustrées ont été utilisées pour que les femmes, les hommes, les imams, les belles-mères et les agents de santé communautaires bénévoles s’expriment sur leurs préférences et priorités concernant plus de 35 solutions potentielles. Par exemple, pour déterminer comment surmonter les obstacles liés à la mémorisation des dépistages, les femmes ont été invitées à classer des images de différentes méthodes de rappel (par exemple, un calendrier, un voisin ou une alerte) et à expliquer leurs préférences. Parmi les solutions attrayantes, citons celles qui améliorent la facilité d’utilisation, qui nécessitent peu de maintenance, qui sont peu coûteuses ou qui ont une orientation sociale. Les solutions ont ensuite été affinées en fonction des contributions de l’utilisateur.

Création d’idées

L’un des domaines clés pour lesquels le retour d’information a permis d’orienter les analystes a concerné les réunions de tontines (ces groupes de femmes qui mettent leurs épargnes en commun) et la manière dont elles pourraient être exploitées pour rappeler aux personnes responsables de l’enfant d’utiliser le ruban PB. Dans la plupart des communautés de Nara, les tontines sont dirigées chaque semaine ou chaque mois par une femme respectée de la communauté. Ces réunions sont l’occasion pour les femmes de se tenir mutuellement responsables du dépistage de leurs enfants, tout en montrant comment utiliser les rubans PB et en créant de nouvelles normes sociales autour de leur utilisation régulière. Les femmes de la communauté, tout comme celles qui les dirigent, pensaient que les organisatrices des tontines étaient bien placées pour rappeler aux femmes de surveiller leurs enfants pendant les réunions ou lorsqu’elles rentraient chez elles. Les hommes et les imams ont été invités à renforcer la redevabilité sociale par des rappels en douceur, en particulier dans les communautés où les femmes ne font pas partie de ces groupes de tontine.

La formation vidéo sur l’approche PB-famille a également été jugée utile pour uniformiser les messages clés basés sur les sciences du comportement et pour encourager l’adoption de certains comportements, comme le fait de s’entrainer pendant les formations. La vidéo comprenait le témoignage émouvant d’une femme qui avait commencé à utiliser régulièrement le ruban PB après avoir été confrontée à de nombreux obstacles couramment identifiés par d’autres femmes de la communauté (tableau 1). La diffusion de la vidéo de formation auprès des maris et des imams a également été jugée utile pour les encourager à rappeler à leurs épouses et aux membres de leur communauté d’utiliser le ruban PB. Enfin, une image très parlante représentant un dépistage à l’intérieur ou à l’extérieur du domicile a été suggérée pour rappeler la nécessité des les effectuer de manière régulière.

Affiner et proposer des prototypes de solutions définitives

Les éléments programmatiques identifiés ont été affinés par des interactions avec 350 personnes au cours de six visites dans la région. Nous avons transformé ces éléments en prototypes, ou en maquettes de nos pistes de solutions, afin de les tester auprès des utilisateurs et d’obtenir un retour critique pour alimenter les itérations ultérieures de ces idées. Les quatre prototypes qui ont reçu le plus de commentaires positifs ont ensuite été testés pour évaluer leur pertinence sous la forme d’un ensemble de propositions de prototypes dans deux villages de Nara pendant six semaines à partir de décembre 2021.

Résultats

Redevabilité sociale et rappels de groupe

Il a été demandé aux organisatrices des tontines de rappeler aux femmes d’effectuer un dépistage au début de chaque réunion et d’encourager les dépistages de groupe pendant les réunions. Les mères amènent déjà leurs jeunes enfants aux tontines, qui se réunissent au moins une fois par mois, conformément à la fréquence recommandée pour le dépistage de la malnutrition à l’aide du ruban PB. Les animatrices de tontines ont bien accepté ce rôle et les femmes ont apprécié le soutien de leurs pairs, ce qui a permis de renforcer l’auto-efficacité du dépistage de leurs enfants en groupe. Cependant, les femmes ont d’abord demandé aux animatrices de tontines de dépister directement leurs enfants, ce qui a pris du temps et a amené certaines d’entre elles à demander une compensation financière. La prochaine étape consistera à affiner le rôle des animatrices de tontines pour en faire des « médiatrices » du dépistage, plutôt que des formatrices ou des exécutantes. L’équipe testera également d’autres points d’accès dans les communautés où les tontines ne sont pas monnaie courante.

Rappels des maris et des imams

Étant donné que toutes les femmes des groupes de tontines ne vont pas à toutes les réunions et que toutes les femmes ne font pas partie des tontines, il a également été demandé aux maris de rappeler à leurs femmes d’effectuer des dépistages. Quant aux imams, ils ont été invités à rappeler ce rôle aux hommes lors des rassemblements religieux. Les maris étaient favorables à l’idée de rappeler à leurs femmes d’effectuer des dépistages, ils ont aimé en apprendre davantage sur l’émaciation et ont estimé que leur mission était faisable. Les imams ont compris le lien entre leur rôle de chefs religieux et l’objectif de l’intervention, mais n’étaient pas sûrs de ce qu’ils devaient faire et à quelle fréquence. Tandis que la plupart des maris ont déclaré qu’ils rappelaient régulièrement à leurs femmes d’effectuer les dépistages, seul un imam a accompli cette mission auprès des hommes plus d’une fois lors de rassemblements religieux. Pour clarifier leurs rôles, des vidéos de formation spécifiques pour les hommes et les imams seront élaborées et testées.

Rappels visuels à domicile

Les femmes ont reçu des rappels visuels et les ont affichés dans les espaces communs du foyer familial. Avec le temps, cependant, elles ont cessé de les remarquer, et cette méthode a été abandonnée au profit des dépistages de groupe et des rappels par les maris, plus performants.

Vidéo de formation

S’inspirant des sciences du comportement, la vidéo intègre des messages visant à déstigmatiser et à normaliser les messages relatifs à l’émaciation, fournit des règles simples pour savoir quand et comment effectuer les dépistages et recommande au public d’établir des plans concrets pour savoir comment et quand effectuer des dépistages réguliers. La vidéo comprenait également le témoignage d’une personne responsable de l’enfant de la région qui a raconté comment elle avait pris conscience de l’importance du dépistage, et comment elle avait adapté son comportement pour le faire plus régulièrement. L’objectif était de normaliser le dépistage, de renforcer l’auto-efficacité des personnes responsables de l’enfant et de rendre les conséquences du dépistage plus évidentes et localement pertinentes pour le public. L’histoire de cette femme a été reconnue à plusieurs reprises comme un récit marquant pour les femmes, leurs maris et les imams, car elle faisait appel à leurs émotions et était parlante.

Enjeux et leçons apprises

Formation des imams, des organisatrices de tontines et des maris

Alors que les agents de santé communautaires bénévoles nommés par la communauté sont des candidats évidents pour former les organisatrices de tontines, les imams et les maris, le manque de motivation, la faible mobilité physique et des problèmes de vue limitent la capacité de ce dispositif à atteindre une couverture étendue. Le projet pilote servira à vérifier si la formation vidéo et le témoignage permettent de relever certains de ces défis en fournissant un contenu standardisé dans un format attrayant et grâce à des outils de travail qui avaient déjà été demandés par les agents de santé communautaires bénévoles.

Sessions de formation de remise à niveau pour les personnes responsables de l’enfant

Des sessions de formation de remise à niveau ont été suggérées par les prestataires basés dans les établissements de santé et les personnes responsables de l’enfant afin d’augmenter le taux de participation. Cependant, les résultats indiquent que la redevabilité sociale, plutôt qu’un manque de sensibilisation ou de soins concernant le dépistage, était la principale préoccupation de ces dernières. Divers mécanismes locaux, fiables et évolutifs ont été étudiés pour résoudre ce problème.

Réticence potentielle à mener l’approche PB-famille dans les zones d’insécurité alimentaire

Parmi les ménages en situation d’insécurité alimentaire à Nara, les aliments thérapeutiques prêts à l’emploi (ATPE) étaient considérés comme des aliments de haute qualité, et certains percevaient le dépistage comme un critère pour y accéder. Dans ce cas, lorsque les enfants n’étaient pas admis au traitement ou ne recevaient pas ces aliments thérapeutiques à la suite du dépistage, les personnes responsables de l’enfant perdaient leurs motivations à utiliser le ruban PB. Lorsque les familles sont confrontées à l’insécurité alimentaire, il est naturel que les ATPE soient considérés comme une source importante de calories pour tous les membres de la famille. Si l’on ne s’attaque pas aux problèmes d’insécurité alimentaire, l’approche PB-famille peut échouer si elle ne permet pas aux familles d’avoir accès aux aliments thérapeutiques. Pour les familles dont les enfants reçoivent un traitement, les doses d’ATPE peuvent être réparties entre les membres de la famille. En combinant les interventions visant à améliorer la sécurité alimentaire avec l’approche PB-famille dans les zones d’insécurité alimentaire, les rubans PB et les aliments thérapeutiques peuvent être plus clairement considérés comme des produits liés au traitement, plutôt que de les associer à l’accès à la nourriture.

Adhésion et utilisation compromises du PB-famille en raison des ruptures de stock d’ATPE

Créer une demande pour le traitement de l’émaciation dans les situations où les aliments thérapeutiques prêts à l’emploi ne sont pas disponibles en raison de ruptures de stock peut compromettre l’adhésion à l’approche PB-famille et rendre les personnes responsables de l’enfant réticentes au dépistage.

Utilisation de solutions fondées sur des données probantes

Lors des premières consultations formatives, il y a eu un fort consensus sur le fait que les principales causes du faible taux d’utilisation de la méthode PB-famille étaient le manque d’effort de la part des personnes responsables de l’enfant et leur compréhension limitée de l’émaciation, ainsi que le manque de sessions de formation de remise à niveau. Cependant, ce constat n’a pas été validé par la recherche. De même, il avait été estimé initialement que les personnes responsables de l’enfant trouveraient les témoignages de figures d’autorité (comme les médecins et le personnel de l’International Rescue Commitee) les plus convaincants, mais ce sont les témoignages de femmes locales qui ont obtenu la préférence. Bien que le témoignage présenté dans la vidéo de formation ait suscité l’intérêt des personnes responsables de l’enfant, la mauvaise qualité du son et de l’image sur tablette rendaient difficile sa projection à un groupe. À l’avenir, la vidéo sera réorganisée de manière à ce que le témoignage passe en premier et capte l’attention des spectateurs, et elle sera diffusée à des groupes plus restreints afin que chacun puisse la voir et l’entendre. Des efforts sont également déployés pour produire une vidéo de meilleure qualité.

Les résultats ont montré que les personnes responsables de l’enfant ont trouvé que le tri des cartes illustrées était une activité appréciée, ni ridicule ni enfantine, qui leur permettait de sortir de leur routine quotidienne, et qu’elles avaient particulièrement aimé classer leurs priorités par le biais de cette méthode.

Prochaines étapes et conclusions

Sur la base des résultats de cette phase de prototypage, une petite étude pilote testera les systèmes de rappel comportemental ainsi que la formation et les témoignages sur vidéo dans cinq communautés de Nara, s’adressant jusqu’à 300 personnes. Des données qualitatives et quantitatives seront recueillies pour évaluer la pertinence, la viabilité, la durabilité et la faisabilité de l’approche sur une période de deux mois. À la suite du test pilote, un test A/B (ou un essai rapide randomisé contrôlé) évaluera les modifications mineures à apporter à la conception du programme, telles que les différentes méthodes de motivation des organisatrices de tontine et des imams, et identifiera les stratégies les plus efficaces pour encourager les changements de comportement. Ces résultats pourraient ensuite être utilisés pour développer un ensemble d’interventions à tester via une étude de mise en œuvre avec une évaluation plus rigoureuse.

Compte tenu de l’intérêt croissant que suscite l’approche PB-famille dans le monde et de son utilisation généralisée, il est essentiel de comprendre les défis et les avantages de cette approche. Même si les personnes responsables de l’enfant peuvent utiliser le ruban PB, rien ne prouve qu’elles s’en servent de manière assidue – nécessaire à la détection précoce de l’émaciation. En adoptant une approche fondée sur les sciences du comportement et sur la conception centrée sur l’utilisateur, ces travaux ont permis d’identifier les raisons factuelles du faible taux d’utilisation et ont contribué à une conception participative de solutions ciblées, impliquant la participation des communautés censées utiliser l’approche. Notre hypothèse est que ce processus participatif fondé sur des données probantes contribuera à optimiser l’approche PB-famille et à promouvoir la détection précoce de l’émaciation.

Pour en savoir plus, veuillez contacter Carla Lopez à l’adresse suivante : carla.lopez@rescue.org et Britt Titus à l’adresse suivante : britt.titus@rescue.org

Références

Action contre la faim (2019). « L’État de la malnutrition aiguë : Données globales ». Disponible à l’adresse suivante : https://acutemalnutrition.org/fr.

Gnamien H, Bouchard C, Shabani J et al. (2021). « In Chad, the Mother-MUAC approach improves treatment access for malnourished children ». Field Exchange 65, 22. Disponible à l’adresse suivante : www.ennonline.net/fex/65/mothermuacapproachchad.

UNICEF, World Health Organization, and World Bank Group (2020). Levels and Trends in Child Malnutrition: Key Findings of the 2020 Edition of the Joint Child Malnutrition Estimates. Organisation mondiale de la santé, Genève.


1 Les relais communautaires sont des membres de la communauté qui assurent la liaison avec les agents de santé communautaires et sont parfois recrutés pour mener des campagnes de santé, comme le dépistage de l’émaciation.

2 La science comportementale combine des théories et des données probantes issues de l’économie, de la psychologie, de l’anthropologie et des sciences cognitives afin de comprendre les comportements humains et les processus de prise de décision. Ces données peuvent être testées et appliquées à la conception des interventions, comme l’approche PB-famille, pour une mise en œuvre et une adoption efficaces par les utilisateurs.

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