Kenya et Malawi : Troubles intestinaux et mortalité en cas de malnutrition complexe
Cet article résume l’étude suivante : B. Wen, A. Farooqui, C. Bourden et al. (2023) Intestinal disturbances associated with mortality of children with complicated severe malnutrition Communications Medicine, 3, 128. https://link.springer.com/article/10.1038/s43856-023-00355-0
Le taux de mortalité des enfants atteints de malnutrition sévère dite « complexe »1 est particulièrement élevé. Certaines données suggèrent que ces mauvais résultats pourraient être liés au dysfonctionnement intestinal, ce qui n’a toutefois pas encore été évalué. C’est pour tester cette hypothèse que les chercheurs ont mené une étude cas-témoins au sein d'une cohorte consistant à analyser des échantillons de matières fécales2 des participants au moment de leur intégration (avant le traitement), puis à séparer les non-survivants (cas) des survivants (témoins).
Les sujets ont été recrutés dans le cadre d’un essai contrôlé randomisé existant au Kenya et au Malawi (Bandsma et al., 2019). Il s’agit d’enfants âgés de 6 mois à 13 ans présentant un périmètre brachial inférieur à 11,5 cm, un score z du rapport poids-pour-taille supérieur à -3 écarts types (6-59 mois) ou un indice de masse corporelle supérieur à -3 écarts types (âge égal ou supérieur à 60 mois), une malnutrition œdémateuse (quel que soit leur âge) et des complications médicales, ou ayant échoué à un test d’appétit conforme aux directives de l’OMS. La rigueur de ces critères de sélection, que peu d’enfants remplissaient, a limité la taille de l’échantillon (n = 68). Les chercheurs ont utilisé une randomisation 1:1 pour mener leur essai.
La prévalence de l’œdème nutritionnel était considérablement plus élevée parmi les non-survivants (43 % contre 24 % parmi les survivants, p = 0,02), l’œdème nutritionnel augmentant le risque de mortalité de 140 % (OR : 2,4, IC à 95 % : [1,2 ; 5,1]). La proportion d’enfants souffrant de diarrhée était légèrement plus élevée dans le groupe des non-survivants (54 % contre 40 %), sans variation considérable de la différence de risque de mortalité (1,8 ; IC à 95 % [0,9 ; 3,6]). Le délai de décès médian des non-survivants a été de six jours (écart interquartile : 4-10). Le délai médian d’arrêt du traitement pour les survivants a été de huit jours (écart interquartile : 7-11).
Les chercheurs ont constaté une réduction du taux de certains acides aminés, de monosaccharides et de produits de la fermentation microbienne dans le groupe des non-survivants. Si les deux groupes ont produit la même quantité d’acides gras à chaîne courte (les principaux produits de la fermentation dans le microbiome intestinal), la signature métabolomique fécale des survivants et des non-survivants est globalement différente. Dans l’ensemble, les marqueurs d’entéropathie n’ont pas différé pas d’un groupe à l’autre.
Cette étude, dont l’échantillon réunit 54 % des non-survivants d’une plus grande étude de rattachement, porte sur un petit sous-groupe d’enfants particulièrement malades. Il est donc impossible d’en appliquer les résultats à tous les cas de malnutrition chez l’enfant. La méthode cas-témoins ne permettant pas d’établir une relation chronologique entre les causes et les effets, d’autres études devront être menées pour valider les résultats obtenus. Les auteurs notent par ailleurs que la grande variabilité des données sur les matières fécales pourrait avoir été confondante, malgré les mesures prises pour remédier à ce problème. Leurs résultats indiquent néanmoins que les troubles intestinaux pourraient avoir un lien indirect avec la mortalité aiguë.
Références
Bandsma R, Voskuijl W, Chimwezi E et al. (2019) A reduced-carbohydrate and lactose-free formulation for stabilization among hospitalized children with severe acute malnutrition: A double-blind, randomized controlled trial. PLoS Med, 16, 2. https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/30807589/
1 Le terme de « malnutrition complexe » désigne ici les cas dans lesquels un enfant est atteint de malnutrition sévère nécessitant une hospitalisation en raison de comorbidités ou de complications.
2 Les auteurs ont effectué une spectroscopie de résonance magnétique nucléaire pour déterminer le profil métabolomique fécal des participants en fonction de 68 métabolites fécaux hydrosolubles couramment mesurés. Ils ont utilisé un groupe séparé de participants pour mesurer les marqueurs d’entéropathie fécale.