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Woman carrying child on her back

Nutrition de la mére et de l'enfant : les résultats d'études préliminaires au Malawi

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Brenda Phiri Chef de projet à Save the Children International, Malawi

Natalie Roschnik Conseillère principale en nutrition à Save the Children-UK

Phindile Lupafya Conseillère principale en santé et nutrition à Save the Children International, Malawi

Shelagh Possmayer Conseillère en matière de genre à Save the Children-UK

Jean Nkhonjera Conseiller en développement de la petite enfance chez Save the Children International, Malawi

Olita Mulewa Maziko Coordinatrice de district à Save the Children International, Malawi

Takondwa Minjale Maziko Coordinateur de district à Save the Children International, Malawi

Ce que nous savons : Le Malawi a une population principalement rurale particulièrement  sensible aux chocs climatiques, qui constituent l’un des principaux facteurs de malnutrition. Maziko est un projet de recherche intégré, quinquennal et axé sur les mères et les enfants de moins de cinq ans mis en œuvre dans huit zones d’autorité traditionnelles des districts de Balaka et de Ntcheu.

Ce que cet article nous apprend : Cet article en deux parties commence par présenter les résultats des études initiales de Maziko, qui rendent compte de la situation nutritionnelle dans les districts sélectionnés, avant d’aborder la question plus large du contexte, des possibilités d’agir et des résultats non-prévus qui ont été obtenus. Les auteurs ont relevé des niveaux élevés de pauvreté, d’insécurité alimentaire et de vulnérabilité face au climat ainsi qu’un faible accès aux services de santé et de nutrition. Ils ont cependant aussi constaté que la santé mentale des mères influe sur la nutrition maternelle et infantile.

Maziko1 est l’un des projet phare parmi les projets de transferts monétaires « plus » de Save the Children en matière de nutrition. Il combine des transferts monétaires pour les mères et les enfants à un ensemble d’interventions multisectorielles (« plus ») approuvées par le gouvernement malawite afin de lutter contre les principaux facteurs qui nuisent à la nutrition et au développement de l’enfant dans les districts de Balaka et de Ntcheu.

Maziko est un projet unique. Premièrement, la composante « plus » est multisectorielle. Elle associe une sensibilisation communautaire axée sur la nutrition et des interventions de changement des comportements avec des mesures qui tiennent compte de la nutrition dans le domaine des moyens de subsistance, de la sécurité alimentaire et qui visent à faire évoluer favorablement les inégalités de genre. Nombre des interventions nutritionnelles consistant en des transferts monétaires « plus » cherchent uniquement à améliorer les connaissances ou à diffuser des messages relatifs à la nutrition. Deuxièmement, Maziko vise à améliorer non seulement la nutrition des enfants, mais aussi leur développement en traitant de TOUS les principaux facteurs et en facilitant la transition entre les plateformes de prestation de services de nutrition et les centres communautaires de prise en charge des enfants. Troisièmement, Maziko dispose d’un important volet de recherche à méthodes mixtes qui génère des données probantes sur les effets et la rentabilité des transferts monétaires « plus » ainsi que sur les moteurs de changement.

Les résultats de la première année de mise en œuvre de Maziko ont été publiés 2 et sont résumés ici. L’étude initiale était composée d’une enquête quantitative de référence menée auprès de 2686 ménages dans 262 villages, d’une étude qualitative approfondie conduite en immersion dans 12 ménages, d’une évaluation des capacités du district pour définir les goulets d’étranglement de la prestation de services de nutrition et de développement de la petite enfance, et d’une étude sur le coût des aliments visant à déterminer l’accessibilité financière d’un régime alimentaire nutritif. Cet article ne peut présenter la méthodologie en détail ni la totalité des résultats, qui se trouvent dans le rapport d’origine.

L’enquête de référence a souligné les conséquences de la malnutrition sur les enfants de moins de deux ans, dont 31 % souffraient d’un retard de croissance, 8 % d’une insuffisance pondérale de 8 % et 1,4 % d’émaciation. Si le taux d’allaitement maternel exclusif enregistré est élevé (77 %), les résultats de l’étude qualitative indiquent que les personnes responsables d’enfants procèdent trop tôt à l’introduction de liquides et d’aliments plus souvent qu’elles ne le signalent. L’alimentation au biberon, cause courante d’infections entériques, était rare (1 %). Cependant, de nombreux participants avaient de mauvaises pratiques d’hygiène : se laver les mains était rarement fait avec du savon, éliminer les excréments des nourrissons était fait dans de mauvaises conditions d’hygiène et les excréments d’animaux contaminaient souvent les espaces domestiques.

En général, la diversité alimentaire était également faible, les repas familiaux se composant de maïs et de feuilles vertes bouillies trop longtemps. Bien que les participants à l’enquête aient indiqué que 85 % des enfants étaient allaités jusqu’à leurs 23 mois conformément aux recommandations de l’Organisation mondiale de la Santé, seulement 16 % des enfants âgés de moins de deux ans atteignaient le seuil de diversité alimentaire minimum et 49 % étaient nourris assez souvent. Seul un enfant sur dix avait une alimentation adaptée à son âge.

La sécurité alimentaire pose un défi dans la zone de mise en œuvre du projet. Les chocs climatiques sont fréquents et la population manque globalement de dispositifs de sécurité qui lui permettraient de les endurer en raison d’un financement insuffisant, d’une mauvaise coordination, d’un taux élevé de renouvellement du personnel et d’une utilisation inadaptée des données. L’aide sociale, tant en espèces qu’en nature, est limitée. Le coût d’une alimentation nutritive, qui a augmenté de 25 % entre avril 2021 et mai 2022, exacerbe la vulnérabilité d’une population dont 55 % des dépenses totales sont déjà consacrées à l’alimentation des ménages.

85 % des ménages avaient perdu des récoltes en raison de sécheresses ou d’inondations survenues au cours des 12 mois précédents.

Les résultats initiaux démontrent la nécessité d’adopter une approche multisectorielle en raison de nombreuses difficultés de nature variée. Le rapport initial souligne la réussite du Malawi en matière de politique multisectorielle, le pays s’étant doté de politiques et de stratégies solides. La mise en œuvre des politiques pâtit néanmoins de contraintes liées aux ressources et à la coordination.

Voir plus loin que les statistiques

Le projet Maziko arrive à un moment charnière pour le gouvernement du Malawi, qui élabore un système de protection sociale intégrant la question de la nutrition. Le programme national d’aide sociale actuellement mis en œuvre ne profite qu’à 2 % des mères et des enfants de moins de deux ans. Nous espérons que ce projet générera les données nécessaires pour attester de l’utilité du ciblage par catégories et pour faciliter le plaidoyer en faveur de l’extension du programme national d’aide sociale aux mères et aux enfants au cours des 1000 premiers jours de vie.  

La période d’initiation du projet et les études résumées ci-dessus ont été extrêmement précieuses en ce qu’elles nous ont aidés à définir les principaux facteurs de la malnutrition et du mauvais développement de l’enfant. Elles étayent l’idée selon laquelle il est nécessaire de mener un ensemble d’interventions multisectorielles ciblant les mères et les jeunes enfants dès leur conception.

Des enseignements inattendus

Nous ne nous attendions notamment pas à ce que l’étude révèle une forte prévalence de la pauvreté, une insécurité alimentaire, une vulnérabilité face au climat et un manque d’accès aux services de santé et de nutrition.  Cependant, les résultats qui nous ont le plus surpris concernent la santé mentale et le bien-être des femmes, et particulièrement leur incidence sur la santé, la croissance et le bien-être maternels et infantiles. Parmi les participants à l’enquête quantitative de référence, 26 % des femmes ont déclaré souffrir de symptômes dépressifs dans un questionnaire d’auto-évaluation. Elles ont notamment indiqué ressentir une fatigue constate (39 %), se sentir tendues ou inquiètes (42 %) ou avoir des difficultés à penser clairement (24 %). À l’extrême, 7 % des femmes ont déclaré avoir des pensées suicidaires.

L’étude qualitative s’est révélée particulièrement instructive. Il s’est agi d’une étude en immersion, au cours de laquelle les chercheurs (employés par Save the Children ou le gouvernement et formés par Empatika3) ont vécu au sein des ménages pendant quatre jours et quatre nuits pour recueillir des données en se mettant dans la peau des femmes. Le rapport d’immersion détaillé4 donne à réfléchir. Il décrit des femmes submergées par les tâches ménagères et la prise en charge des enfants. Les femmes étaient stressées, se sentaient sous-estimées et n’avaient pas le temps de prendre soin d’elles-mêmes, ce qui nuisait à la lactation et à leur capacité à s’occuper de leurs enfants. Les pères étaient absents ou en retrait, et les enfants souvent livrés à eux-mêmes.

Les enquêtes ont également servi à analyser les pratiques de garde d’enfants selon le cadre de soins attentifs5 et révèlent que s’occuper des enfants était principalement considéré comme la responsabilité de la mère. Les enfants ne reçoivent donc que des soins élémentaires avec très peu de jeux et de stimulations supplémentaires et intentionnels, les mères étant trop fatiguées et débordées pour en faire plus. L’enquête quantitative comprenait des indicateurs de prise en charge familiale qui ont révélé que les enfants manquaient largement ou entièrement d’accès à des jouets et à des livres (21 % avaient des jouets fabriqués à la maison et seulement 2 % avaient des livres). En outre, environ 40 % des femmes ont déclaré avoir joué ou chanté avec leurs enfants au cours des trois jours précédents.

 

Cibler les lacunes

Ces résultats mettent en évidence les lacunes du principal système de sensibilisation à la nutrition et du programme de changement des comportements et des normes sociales du gouvernement du Malawi (le dispositif de conseil communautaire « Care Group and Scaling Up Nutrition »6). Nous devions corriger ces défaillances pour que la composante de transferts monétaires « plus » du projet permette de lutter contre les principaux facteurs de la malnutrition et du mauvais développement de l’enfant dans les communautés.

Bien que très complets, l’approche et le programme du gouvernement ciblent principalement les femmes et ne traitent pas de la santé mentale et du bien-être maternels. Pour résoudre ce problème, le Département de la nutrition et du VIH/sida a collaboré avec l’UNICEF pour adapter son approche « Caring for the Caregiver » (« Prendre soin de ceux qui prennent soin »)7 au contexte du Malawi. Save the Children a ensuite intégré cette approche au dispositif « plus » de Maziko. Nous avons également adapté l’approche « Male Champions » (« Champions masculins ») de Save the Children afin d’inciter les hommes à devenir des pères et des maris plus solidaires et plus engagés. 

 

L’utilité de combiner un ensemble d’interventions

L’une des principales difficultés associées à la programmation multisectorielle est qu’elle peut à la fois entraîner des coûts élevés et une surcharge, un trop grand nombre de problèmes devant être traités en même temps.  Si les études initiales résumées ci-dessus confirment la nécessité d’adopter une approche multisectorielle pour relever des défis multiples, elles définissent aussi les facteurs les plus à même de limiter l’incidence potentielle des transferts monétaires et des autres interventions « plus ». Nous espérons que combiner les interventions suivantes permettra de lutter contre ces facteurs (la mauvaise santé mentale des femmes et leur bien-être étant les plus importants) : transferts monétaires, visites régulières à domicile (avec des bénévoles de première ligne formés à l’approche « Caring for the Caregiver »), pères et maris plus engagés. Le gouvernement pourra classer par ordre de priorité et adapter les comportements à promouvoir dans le cadre du dispositif « Care Group and Scaling Up Nutrition » d’après les petits changements de comportement réalisables définis au cours d’un exercice de conception dirigé par les personnes et mené par Empatika.

Nous tenons à remercier nos donateurs (Power of Nutrition et ses propres donateurs, la Fondation Conrad Hilton, le ministère des Affaires étrangères, du Commonwealth et du développement du Royaume-Uni et Irish Aid), qui nous ont accordé la marge de manœuvre nécessaire pour adapter et améliorer cet ensemble d’interventions. Nous tenons également à remercier nos partenaires, l’IFPRI (responsable du volet de recherche), Give Directly (responsable du volet de transferts monétaires), Empatika (qui a conçu l’étude en immersion et l’exercice de conception dirigé par les personnes en formant notre personnel à leur mise en œuvre), nos partenaires de district représentant chacun des secteurs responsables de mener les interventions et le personnel du projet Maziko de Save the Children.

Aux côtés du gouvernement du Malawi, ces partenaires démontrent la valeur ajoutée d’une collaboration globale et multisectorielle, sans laquelle il n’aurait pas été possible d’obtenir les résultats initiaux et d’élaborer le projet à plus grande échelle. Les efforts entrepris doivent être salués, d’autant plus qu’ils ne constituent pas toujours la norme. Nous sommes convaincus que cet ensemble d’interventions peut apporter de véritables changements et nous sommes impatients d’en communiquer les prochains résultats.

Pour plus d’informations, veuillez contactez Natalie Roschnik à l’adresse n.roschnik@savethechildren.org.uk 

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