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Comprendre la concentration des indicateurs communautaires au Tchad

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Cet article résume le rapport suivant : Luc G, Keita M, Houssoube F et al (2023) Community Clustering of Food Insecurity and Malnutrition Associated with Systemic Drivers in Chad. Food and Nutrition Bulletin, 44, 2, S69–S82. https://journals.sagepub.com/doi/10.1177/03795721231189970

Cette étude se penche sur la situation des communautés agropastorales vivant dans la ceinture sahélienne au Tchad, en proie à des périodes de faim prolongées, à une insécurité alimentaire aiguë et à une prévalence significative de l’émaciation.

Les chercheurs ont mené cette étude fondée sur des méthodes mixtes en vue de comprendre la répartition spatiale des cas d’émaciation chez les enfants et d’insécurité alimentaire des ménages ainsi que les corrélations entre ces deux indicateurs. Il s’agit également de cerner les facteurs systémiques (notamment les conflits, les moyens d’existence, le type de végétation ou encore les normes culturelles), afin d’améliorer la coordination entre les programmes et les stratégies de ciblage. Une enquête transversale randomisée par grappes a été réalisée en août et septembre 2021 dans 86 villages des régions de Kanem et de Bahr-el-Ghazal, auprès de 7 002 ménages et 6 136 enfants. L’objectif était de collecter des données sur l’anthropométrie des enfants, la sécurité alimentaire au sein des foyers et les moyens d’existence. Ces données primaires ont ensuite été recoupées avec des données géospatiales secondaires sur l’indice de végétation et les conflits au niveau local, auxquelles s’ajoutent les conclusions des entretiens qualitatifs conduits avec les acteurs locaux. L’analyse a été menée à l’aide de tests de comparaison et de modèles linéaires et logistiques (bruts et ajustés), tout en veillant à ce que sa configuration permette de mesurer la concentration des résultats à l’échelle communautaire.

Les résultats régionaux indiquent que la malnutrition aiguë était plus importante dans la région de Bahr-el-Ghazal et l’insécurité alimentaire plus élevée dans le Kanem. Les auteurs ont également noté une faible corrélation entre les indicateurs liés à la sécurité alimentaire et ceux liés à la malnutrition – constat valable pour les deux régions. L’analyse géospatiale montre une forte concentration de l’émaciation chez les enfants et de l’insécurité alimentaire, tout en distinguant les communautés présentant une forte prévalence de l’émaciation et celles exposées à des niveaux extrêmes d’insécurité alimentaire. À l’exception des conflits et des facteurs liés aux ressources naturelles, effectivement corrélés aux deux indicateurs qui nous intéressent, il s’est avéré que les origines de la malnutrition, d’une part, et de la sécurité alimentaire, d’autre part, différaient. Ainsi, l’insécurité alimentaire semble trouver son origine dans la pauvreté et les différents chocs (la superficie des terres cultivées, les sources de revenus, la pauvreté multidimensionnelle, les conflits ou encore les précipitations). Les vecteurs de la malnutrition relèvent, quant à eux, davantage du niveau de possession de bétail à l’échelle communautaire et de la proximité des cours d’eau saisonniers, sans que l’on puisse établir de corrélation avec l’insécurité alimentaire. Cet état de fait pourrait éventuellement être l’indice d’une utilisation plus importante d’eau non potable par les ménages (due aux usages communautaires majoritaires et à la dépendance des cours d’eau saisonniers) et d’un partage accru des ressources hydriques entre les populations humaines et les animaux.

Les auteurs relèvent que, malgré la concentration manifeste des effets observés à l’échelle communautaire, peu d’études (notamment quantitatives) ont analysé l’insécurité alimentaire et la malnutrition à ce niveau. Aussi bien la configuration des études que la collecte des données s’intéressent à l’analyse des caractéristiques aux niveaux individuel et des ménages, risquant ainsi de faire l’impasse sur les facteurs communautaires et, de façon générale, sur les causes fondamentales expliquant les résultats en question. Le rapport avance que les processus participatifs mobilisant les communautés à toutes les étapes du cycle du projet sont essentiels pour s’assurer que les interventions sont adaptées au contexte local. Les mécanismes de financement doivent favoriser la réalisation d’investissements durables et structurés afin de répondre aux crises prolongées. Les auteurs en concluent que les facteurs communautaires et systémiques doivent faire l’objet d’une attention particulière dès les premières étapes de la conception des études et de la collecte de données. Il est ainsi impératif d’élaborer des interventions humanitaires, de développement et de consolidation de la paix mieux intégrées en vue de s’attaquer à la prévalence élevée de l’insécurité alimentaire et de l’émaciation chez les enfants.

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