Woman holding child who is eating RUFT.

Abandon pour cause de rupture de stock

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Chère rédactrice, cher rédacteur,

J’ai récemment lu une discussion intéressante sur le forum en-net.org concernant la question des ruptures de stock d’aliments thérapeutiques prêts à l’emploi (ATPE) à l’origine de taux d’abandon  élevés dans les programmes de prise en charge communautaire de la malnutrition aiguë (PCMA) (en-net, 2024). L’auteur de la question originale travaillait au Soudan du Sud et signalait des ruptures de stock régulières pouvant durer un mois, voire plus. Il demandait comment il devait enregistrer la sortie du programme de tous les enfants qui ne pouvaient plus recevoir de traitement jusqu’à ce que de nouveaux intrants parviennent à l’établissement de soins de santé.  

Le manuel Sphère pour la réponse humanitaire fournit plusieurs indicateurs pour évaluer la performance des programmes de PCMA (manuel Sphère, 2018). Ceux-ci définissent les données standard que la plupart des établissements de soins de santé enregistrent. Le manuel indique que les programmes doivent répondre aux normes suivantes : moins de 10 % de décès, plus de 75 % de guérisons et moins de 15 % d’abandons. Il est également indiqué que les catégories de sortie suivantes soient enregistrées pour les enfants qui arrêtent le traitement : guérison, décès, abandon, absence de guérison (ce qui inclut les non-réponses au traitement et les référencements médicaux). Certains programmes comportent également une catégorie « transfert » ou « déménagement », qui concerne les personnes qui déménagent et rejoignent ensuite un autre programme de traitement. Le « taux d’abandon » est calculé comme suit : (nombre d’abandons/nombre total de sorties) * 100.

Néanmoins, un problème se pose lorsque des enfants ont été admis, mais, qu’à leur sortie, ils n’entrent dans aucune de ces catégories ; par exemple, ceux qui quittent un programme faute de disponibilité dʼATPE. De nombreuses personnes ayant répondu à la question posée sur en-net.org ont déclaré avoir été confrontées à un problème similaire, laissant penser qu’il s’agit d’un sujet important à prendre en considération. Une autre publication sur en-net.org, datant de 2012, examinait si les programmes parvenaient à atteindre les standards Sphère dans des contextes en dehors des urgences.

« Les standards minimums du manuel Sphère en matière de taux de guérison sont généralement respectés, voire dépassés. Les taux d’abandon constituent un problème majeur. Ils s’expliquent de différentes façons. Les raisons les plus courantes que j’ai observées sont les ruptures de stock périodiques dʼATPE (reflétant les chaînes d’approvisionnement de piètre qualité, courantes dans de nombreux contextes), les temps d’attente excessifs et les critiques fréquentes du personnel à l’égard des personnes s’occupant d’enfants » 
– Auteur d’un post en réponse à une discussion sur le forum en-net

Dans les nombreuses réponses à la question initiale concernant la catégorie dans laquelle classer ces enfants, des personnes venant du Pakistan, du Zimbabwe, d’Éthiopie et d’autres contextes ont déclaré avoir été confrontées au même problème. Elles ont suggéré des solutions alternatives, telles que la catégorisation de ces enfants comme ayant « déménagé ». Cet exemple est sans incidence sur le numérateur ou le dénominateur du taux d’abandon, ou sur d’autres indicateurs importants du manuel Sphère. D’autres ont déclaré avoir créé leur propre catégorie pour ce groupe, telle que « abandon opérationnel » ou « sorties temporaires ». Cependant, de nombreuses fiches de suivi de PCMA ne permettent pas de classer les enfants dans cette catégorie. Les directives de PCMA de Save the Children (2015) préconisent la création d’une catégorie d’admission et de sortie « autre » pour tenir compte de ces circonstances. Elles donnent également l’exemple d’une situation dans laquelle une personne s’occupant d’enfants a perdu le dossier médical du patient (ces enfants sont classés dans la catégorie « autre » lors de leur sortie et un nouveau dossier est ensuite créé).

Save the Children recommande également d’inclure deux options pour la catégorie des abandons : confirmé et non confirmé (si la situation est inconnue). Les enfants dont l’abandon est « non confirmé » sont ceux qui sont absents lors de deux consultations consécutives et pour lesquels la situation n’est pas connue (parce qu’aucune recherche des patients perdus de vue n’a été effectuée, ou parce que celle-ci n’a pas abouti). Il est possible que ces enfants soient décédés chez eux et que ce soit la raison pour laquelle ils ont manqué les consultations. La catégorie « abandon confirmé » désigne les enfants absents lors de deux visites consécutives et pour lesquels une visite à domicile a établi que le bénéficiaire était en vie et qu’il s’agissait d’un « véritable » abandon. En tout état de cause, les enfants qui doivent être retirés du programme en raison de ruptures de stock ne devraient pas être catégorisés comme des abandons. Cela nuit à l’assurance qualité du programme et risque d’occulter le problème des ruptures de stock.

Il est important, pour garantir la qualité des données du programme de PCMA, de veiller à ce que tous les dossiers de PCMA comportent une option « autre » permettant de consigner les sorties dues à des ruptures de stock. Certains avancent l’argument selon lequel la création d’une nouvelle catégorie ou l’utilisation de la catégorie « autre » dans le cas des sorties dues à des ruptures de stock ajoutent un niveau de complexité inutile à ce qui devrait être un formulaire très simple. Cela pourrait également banaliser la mauvaise gestion de la chaîne d’approvisionnement. Le même argument concernant la « banalisation » ou la « justification » d’une mauvaise gestion de la chaîne d’approvisionnement a été invoqué à propos d’un document du cluster Nutrition global (2022), qui donne des conseils sur les « programmes en l’absence de produits nutritionnels ». Cependant, des ruptures de stock se produiront toujours, même lorsque des systèmes locaux et nationaux résilients sont en place. À titre d’exemple, des ruptures de stock ont été constatées en raison de la pandémie de COVID-19, d’inondations localisées ou encore de conflits, autant de facteurs qui ont rendu la livraison d’intrants temporairement impossible.

Si la mise en œuvre de systèmes efficaces de gestion des stocks pour éviter les ruptures de stock constitue un élément essentiel de la résolution de ce problème, il est également nécessaire de soutenir ceux qui travaillent en première ligne afin de répondre précisément aux problèmes qui se posent aujourd’hui dans les centres de santé. Espérons que cette discussion permettra également d’attirer l’attention sur les ruptures de stock, apparemment fréquentes dans de nombreux endroits du monde. Ce problème ne saurait être résolu sans une meilleure gestion et un financement accru.

Deux faits sont avérés. Tout d’abord, nous devons soutenir, dès maintenant, les travailleurs de première ligne qui sont confrontés à des ruptures de stock. Deuxièmement, nous devons davantage attirer l’attention sur les causes et la fréquence des ruptures de stock dʼATPE et trouver des solutions pour qu’elles deviennent, à l’avenir, des exceptions.

Je vous prie d’agréer l’expression de mes sentiments distingués,

Natasha Lelijveld, Conseillère principale en nutrition pour ENN

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