Les besoins énergétiques thérapeutiques recommandés sont-ils surestimés ?
Cet article résume le document suivant : Sachdeva, H. et Kurpad, A. The recent WHO guideline on acute malnutrition overestimates therapeutic energy requirement. The Lancet Regional Health — Southeast Asia, vol. 25, 100419, 2024. https://www.thelancet.com/journals/lansea/article/PIIS2772-3682(24)00069-6/fulltext
En décembre 2023, l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) a publié des directives actualisées sur la prévention et la prise en charge de l’émaciation et de l’œdème nutritionnel (malnutrition aiguë) chez les nourrissons et les enfants de moins de 5 ans. Cet article se penche sur l’utilisation d’aliments thérapeutiques prêts à l’emploi (ATPE) pour le traitement de l’émaciation sévère et/ou de l’œdème nutritionnel (recommandation B10), en abordant notamment la question du dosage optimal. Les auteurs proposent de remplacer l’apport énergétique recommandé (150-185 kcal/kg/jour) par une autre formule de calcul de substitution qui résulte en un apport de105-120 kcal/kg/jour.
Dans un premier temps, les auteurs présentent les directives antérieures relatives aux besoins caloriques et le socle de données probantes sur lequel elles se fondent. La directive de l’OMS de 2013 recommande un apport de 100-135 kcal/kg/jour pendant la phase de réhabilitation (soins hospitaliers) lors de la transition du lait thérapeutique F-75 à l’alimentation thérapeutique, puis aux soins ambulatoires. Toutefois, les directives actualisées de l’OMS renvoient à la quantité standard dʼATPE précédemment recommandée, à savoir 150-220 kcal/kg/jour. Les auteurs soulignent que cette fourchette calorique découle probablement des directives de 1999 et de 2003 qui portaient sur les laits thérapeutiques plutôt que sur les ATPE solides à teneur énergétique plus élevée.
La recommandation de 2023 est basée sur la mesure de la dépense énergétique au repos, ainsi que sur des valeurs supposées pour les facteurs liés à l’activité physique, au stress clinique, à la croissance et à l’absorption. Malgré l’explication proposée par le groupe ayant élaboré la directive, les auteurs expriment certains doutes concernant ce calcul. Il s’agit notamment du risque de double comptabilisation du stress clinique, qui est déjà pris en compte dans une certaine mesure dans le calcul de la dépense énergétique au repos, en fonction de la maladie, de l’émaciation antérieure et de la présence de fièvre, et qui est ensuite appliqué comme un facteur constant. L’ajout simultané de facteurs liés à l’activité physique, le rattrapage de la croissance et/ou au stress clinique est également susceptible d’entraîner des surestimations. Par exemple, si l’enfant est malade et alité, aucun facteur lié à l’activité physique (si ce n’est un facteur minimal, éventuellement) ne doit être appliqué lors du calcul de la dépense énergétique au repos.
Enfin, le gain de poids cible de 5 à 10 g/kg/jour est largement fondé sur des essais cliniques et des calculs effectués concernant des patients hospitalisés. Des données probantes solides collectées au niveau communautaire indiquent une valeur optimale du gain de poids cible de 4 à 5 g/kg/jour, tandis qu’il n’existe aucun élément de preuve à l’appui de la valeur de 10 g/kg/jour. La fourchette calorique recommandée dans cet article est basée sur trois scénarios et est comparée aux résultats de plusieurs études, dans lesquelles des valeurs inférieures en kcal/kg/jour ont été utilisées sans effets négatifs sur la guérison ou la mortalité.
Les auteurs suggèrent que la suralimentation en termes de calories pourrait avoir des répercussions négatives. Ils soulignent notamment les liens entre une prise de poids plus rapide et une augmentation de la stéatose hépatique, du tour de taille et de l’adiposité à un âge plus avancé, et entre un apport énergétique plus important et la dyslipidémie. Ils affirment également que les directives de 2023 présentent des lacunes en matière de conseils pratiques, notamment en ce qui concerne le calendrier et les modalités de passage à une alimentation préparée à domicile, ou encore la durée maximale de la phase d’alimentation thérapeutique. Les directives nationales étant en cours de révision, il est important de répondre aux questions soulevées dans cet article. Pour en savoir plus sur ce débat, lisez l’article d’opinion de Lelijveld et al.