USAID : Comment lutter contre l’émaciation et le retard de croissance ?
Ceci est le résumé de deux articles parus dans le numéro 67 de la revue Field Exchange. Les articles originaux étaient un article d’opinion écrit par Erin Boyd et un résumé du rapport suivant : USAID Advancing Nutrition, Stunting: Considerations for use as an indicator in nutrition projects, Arlington (Virginie), 2021. Disponible à l’adresse suivante : https://www.advancingnutrition.org/resources/stunting-considerations-use-indicator-nutrition-projects.
Erin Boyd est conseillère en nutrition auprès du Bureau d’assistance humanitaire de l’Agence des États-Unis pour le développement international (USAID).
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Investissements de l’USAID dans la lutte contre l’émaciation et le retard de croissance
Les investissements de l’USAID en faveur de la nutrition portent notamment sur la lutte contre l’émaciation et le retard de croissance. En ce qui concerne l’émaciation, l’accent a été mis sur les contextes humanitaires dans lesquels les ressources et les interventions visent à réduire la mortalité. Le retard de croissance a, pour sa part, été assimilé à la sous-nutrition chronique et demeure au centre des interventions dans les contextes de développement. Toutefois, les enseignements et les données tirés du programme de l’USAID ont mis en évidence le fait que dans de nombreux contextes humanitaires, aussi bien l’émaciation que le retard de croissance constituent un problème. Par ailleurs, un certain nombre d’activités visant à réduire ou à prévenir le retard de croissance peuvent également contribuer à prévenir l’émaciation. Il est donc nécessaire d’étudier comment l’émaciation et le retard de croissance se manifestent aux échelons de la population et des individus, et leurs liens potentiels.
En 2015-2016, l’USAID a cherché à comprendre les liens entre l’émaciation et le retard de croissance au moyen d’une analyse des données existantes – la première analyse réalisée par le WaSt TIG. L’Agence a par la suite octroyé une subvention à l’Emergency Nutrition Network (ENN) pour qu’il étudie les données disponibles concernant la coexistence de l’émaciation et du retard de croissance ainsi que le risque de mortalité associé. Les données provenaient d’enquêtes nutritionnelles suivant la méthodologie suivi et évaluation standardisés des urgences et transitions (enquêtes SMART), d’enquêtes en grappes à indicateurs multiples, et d’enquêtes démographiques et de santé.
L’USAID investit depuis plus de 15 ans dans les enquêtes nutritionnelles SMART, qui fournissent des données du rapport poids-pour-taille (un indicateur de l’émaciation) et du rapport taille-pour-âge (un indicateur du retard de croissance) pour les mêmes enfants. Cependant, la prévalence de chaque forme de sous-nutrition n’a été rapportée que de manière agrégée, ce qui n’a pas permis d’examiner le degré de chevauchement pour chaque enfant pris individuellement. Ces analyses ont toutefois contribué à mieux comprendre les implications de la coexistence de l’émaciation et du retard de croissance, à mieux cibler les ressources de l’USAID et à soutenir le plaidoyer en faveur de programmes de lutte contre l’émaciation dans des contextes non humanitaires.
Influence de l’émaciation et du retard de croissance sur l’approche de l’USAID
- Les conclusions tirées des travaux du WaSt TIG ont incité le groupe de travail technique sur la nutrition de l’USAID à examiner des zones géographiques où la coexistence de l’émaciation et du retard de croissance pourrait nécessiter des ressources supplémentaires.
- Le Bureau de la santé mondiale et le Bureau de l’assistance humanitaire de l’USAID ont conjointement soutenu ENN dans l’élaboration d’un protocole d’étude pour mettre à l’essai le rapport poids-pour-âge comme possible critère de diagnostic dans les programmes de traitement de l’émaciation. Cet indicateur étant mesuré dans le cadre des programmes de suivi et de promotion de la croissance, il peut améliorer les liens entre ces programmes et d’autres interventions nutritionnelles, pour qu’ils tendent vers un objectif commun, à savoir la bonne croissance des enfants.
- L’USAID reconnaît que différentes formes de malnutrition peuvent coexister. Aussi, le fait de limiter les programmes à un seul type de malnutrition peut-il réduire leur impact. L’analyse effectuée par l’ENN, par l’intermédiaire du WaSt TIG, a aidé l’USAID à déterminer la manière dont elle définit et soutient la prévention de la sous-nutrition.
- L’USAID dispose de trois bureaux axés sur la nutrition : le Bureau de la santé mondiale, le Bureau de la résilience et de la sécurité alimentaire et le Bureau de l’assistance humanitaire. Elle a également créé un groupe de travail technique interne sur l’émaciation pour mieux soutenir les programmes de lutte contre l’émaciation dans des contextes non humanitaires. L’accès aux données sur l’émaciation et le retard de croissance favorise la collaboration entre ces entités dans l’optique de traiter toutes les formes de malnutrition.
Repenser le « retard de croissance » comme indicateur dans les programmes de nutrition
Le fait d’appréhender de manière distincte l’émaciation et le retard de croissance en les divisant entre question humanitaire ou question de développement, respectivement, a également conduit à faire du retard de croissance un objectif principal dans les programmes de développement. Les données sur le retard de croissance étant par ailleurs relativement simples à collecter et à interpréter, cette approche a encouragé l’utilisation de la réduction du retard de croissance comme principal indicateur de la réussite des programmes dans le cadre de nombreux programmes de nutrition nationaux et financés par des donateurs. Les récentes remises en question de cette approche ont conduit l’USAID à publier en 2021 un rapport qui explique en quoi l’utilisation du retard de croissance comme indicateur est peu justifiée, en citant les raisons suivantes :
- Le retard de croissance est souvent assimilé à la sous-nutrition chronique. En réalité, le retard de croissance est caractéristique d’un environnement défavorable dans lequel un certain nombre de facteurs potentiels, dont le régime alimentaire, les soins dispensés, la fréquence et la gravité des maladies, ainsi que le recours à des services de santé, limitent la croissance et le développement de l’enfant. Des interventions multiples et multisectorielles qui couvrent l’ensemble de ces causes sont donc nécessaires pour améliorer les résultats à long terme pour les enfants.
- Le retard de croissance est une mesure statistique qui n’est pas nécessairement révélatrice d’une croissance saine. Les risques associés au retard de croissance augmentant le long d’un continuum, de nombreux enfants qui ne sont pas catégorisés comme souffrant d’un retard de croissance peuvent ne pas atteindre leur plein potentiel de croissance tandis que d’autres enfants qui sont, eux, considérés comme souffrant d’un retard de croissance peuvent ne pas être en mauvaise santé.
- Il ne faut pas s’attendre à ce que toutes les interventions de nutrition permettent de réduire la prévalence du retard de croissance. Dans de nombreux contextes, il s’avère difficile de parvenir à une amélioration de la croissance linéaire (taille) à court terme. En outre, certaines interventions nutritionnelles ont peu d’effet sur la croissance linéaire tandis que de nombreuses interventions ne relevant pas du secteur de la santé, telles que la diminution de la pauvreté et l’éducation, contribuent fortement à une réduction de la prévalence du retard de croissance, en particulier chez les filles.
- Le retard de croissance ne rend pas compte des nombreux avantages clés des programmes de nutrition. Le fait de n’évaluer que le retard de croissance ne permet pas de refléter les nombreux effets positifs d’une meilleure nutrition sur les résultats d’ordre biologique, cognitif et comportemental.
Si le retard de croissance demeure un indicateur utile dans certains cas, l’USAID a néanmoins proposé d’utiliser un ensemble plus vaste d’indicateurs afin de suivre et d’évaluer les programmes de nutrition, en avançant les points suivants :
- Les programmes de nutrition doivent mesurer un vaste éventail d’indicateurs qui peuvent être directement appliqués aux activités des programmes.
- La sélection des indicateurs doit s’appuyer sur un modèle logique qui reflète l’ensemble des étapes entre la mise en place des interventions et les résultats, en intégrant un éventail de résultats en matière de nutrition, de santé et de développement.
- La prévalence du retard de croissance demeure une mesure utile à l’échelle de la population, car elle reflète les conditions de vie et le bien-être dans leur ensemble.
- Elle est également utile pour suivre les progrès accomplis à l’échelle de la population et pour déterminer les sous-groupes d’enfants vulnérables qui peuvent bénéficier des programmes de nutrition.
Conclusion
L’USAID accorde une grande importance à l’utilisation de données pour la prise de décisions. Le cas de l’émaciation et du retard de croissance est un exemple clair de la façon dont les données disponibles peuvent être utilisées pour répondre à différentes questions de recherche. L’ENN et les membres du WaSt TIG ont joué un rôle important dans l’accès aux données brutes. Si les institutions universitaires et les chercheurs indépendants partageaient plus fréquemment des données, les analyses s’en trouveraient facilitées.
Il demeure difficile pour l’USAID de déterminer les activités les plus efficaces pour la prévention de la sous-nutrition dans différents contextes. Une meilleure compréhension des liens existant entre le retard de croissance et l’émaciation aidera l’USAID (et d’autres) à concevoir des programmes qui traitent toutes les formes de sous-nutrition. Il est essentiel de veiller à ce que de tels programmes intègrent des indicateurs appropriés pour suivre les progrès et soutenir le plaidoyer ainsi que le passage à l’échelle.