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Je suis Ambarka Youssoufane, en tant que Spécialiste Régional Gestion de connaissance pour l’Afrique de l’ouest et du Centre de ENN, il m’arrive souvent de visiter les pays de la sous-région et discuter avec différents acteurs de la nutrition et du Mouvement SUN. C’est dans ce cadre que j’ai visité le Tchad du 23 au 28 janvier dernier, où j’ai pu constater une forte dynamique autour du point focal SUN pays dans le cadre de la plateforme multi-acteurs pour une coordination multisectorielle des actions de nutrition dans ce pays. C’est de cette plateforme que je voudrais vous entretenir aujourd’hui.

Tout d’abord, pour ceux qui veulent connaitre davantage le Tchad, retenez que c’est un pays de l’Afrique Centrale situé au nord de la Centrafrique et au sud de la Lybie. Complètement enclavé, le Tchad est aussi limité à l’est par le Niger et le Nigeria et à l’ouest par le Soudan. Le Tchad est un pays fragile, entouré des Etats fragiles et/ou affectés par des conflits.  Le pays compte une population d’environ 14 millions d’habitants pour une superficie de 1 284 000 Km² et se subdivise en une zone désertique au nord, une zone semi-aride au centre et une zone soudanaise au sud. Il est classé 184^e/187 selon le rapport mondial sur le développement humain de 2013 du PNUD, avec un taux de pauvreté de 47,5%.

Le Tchad est également confronté à un fort taux de malnutrition, avec un taux de malnutrition aigüe global de 11.7% et un taux de malnutrition chronique de 29% selon l’enquête nutritionnelle SMART 2015. C’est donc pour faire face à cette situation nutritionnelle très sérieuse que le Tchad a rejoint le Mouvement SUN en 2013. L’adhésion du pays au Mouvement SUN a marqué un tournant décisif dans l’approche de la lutte contre la malnutrition.

Depuis que le Tchad a rejoint le Mouvement SUN, le pays a procédé à un certain nombre de réformes pour s’aligner aux recommandations du Mouvement SUN et mettre en place un cadre adapté et efficace en vue d’atteindre les objectifs que le pays s’est fixé en matière de lutte contre la malnutrition. C’est ainsi que par décret du Premier Ministre un cadre de coordination à 3 niveaux a été mis en place avec :

• A la primature : le Conseil National de la Nutrition se réunissant une fois par an. Il est présidé par le Président de la République et statut sur les orientations politique en matière de nutrition et d’alimentation.
• Au Ministère de la Santé Publique : le Comité Technique Permanant pour la Nutrition et l’Alimentation (CTPNA), plateforme multi-acteurs du Mouvement SUN, présidé par le Directeur national de la Nutrition des technologies alimentaires.
• Au niveau des régions : les Comités Régionaux d’Action (CRA), présidé par les gouverneurs des régions, ils rassemblent l’ensemble des services techniques déconcentrés de l’Etat en lien avec la nutrition.

Le Tchad est donc l’un des rare pays à avoir mis en place une plateforme multi-acteurs par arrêté ministériel. Il faut aussi noter que cette plateforme est complète du point de vue de sa composition, mais aussi dynamique sur le plan fonctionnement. En effet dès l’adhésion du pays et la désignation du point focal SUN du gouvernement, le pays s’est attelé à la mise en place des autres réseaux qui compose l’architecture d’un mécanisme de coordination multi-acteurs, notamment le réseau des donateurs, le réseau des scientifiques, le réseau du secteur privé, le réseau des nations unies et le réseau de la société civile. En plus des réseaux officiellement consacré par le mouvement SUN, le Tchad a mis en place le réseau des parlementaires pour la nutrition, le réseau des champions et le réseau des journalistes.

Tous ces différents réseaux se retrouvent mensuellement pour la réunion de la plateforme multi-acteurs qui est présidée par le Directeur national de la nutrition et discute des activités de nutrition au sens large, c’est-à-dire aussi bien les activités nutrition spécifique que nutrition sensible. La plateforme constitue un cadre de dialogue et d’échange entre les acteurs au niveau national et a pour objectif de rendre plus cohérent les interventions de nutrition. Elle dispose d’un plan d’action global qui est la synthèse des différents plans d’actions individuels des réseaux qui la compose. Depuis quelques temps, et cela est une véritable prouesse, il a été entrepris des efforts de décentralisation de la plateforme multi-acteurs au niveau des régions.  Cinq régions sur les vingt-trois que compte le pays ont ainsi bénéficié de la mise en place officielle d’un Comité Régional d’Action (plateforme multi-acteurs régional) composée des différents services techniques déconcentrés de l’Etat. Selon le point focal SUN cette première étape a valeur d’essai avant de continuer la mise en place des cadres de coordination au niveau des autres régions.

Un autre défi de taille au Tchad est le fonctionnement du Conseil National de Nutrition et d’Alimentation (CNNA) qui ne s’est pas encore réuni depuis sa création. L’union européenne et le réseau des nations unies (UN-REACH) ont prévu dans leurs plans d’action 2017 appuyé le point focal SUN à redynamiser le CNNA de manière à pouvoir organiser régulièrement ses 2 réunions annuelles. D’autres défis non moins important constituent un véritable frein à la multisectorialité et à la lutte contre la malnutrition au Tchad, il s’agit notamment du faible financement domestique pour la nutrition, un accent trop marqué pour les actions d’urgence et une faible coordination inter-plateforme. En effet si la plateforme multi-acteur et le cluster nutrition sont parfaitement synchronisés, ce n’est pas le cas avec la plateforme sécurité alimentaire ou encore le cluster WASH. A titre d’exemple les plateformes multi-acteurs de nutrition et de sécurité alimentaire ont organisé leurs réunions de janvier le même jour et à la même heure rendant la coordination inter-plateforme très difficile.

Depuis son adhésion au mouvement SUN le Tchad a mis en place un cadre de coordination multi-sectoriel de la nutrition avec la participation dynamique de l’ensemble des réseaux sectoriels du Mouvement SUN (Société civile, Nation Unies, scientifiques, secteur privé, donateurs, parlementaire, journaliste, champions nutrition) autour du Point Focal gouvernement. Plusieurs documents stratégiques ont également été élaborés à savoir : la politique nationale de nutrition et d’alimentation, le plan d’action intersectoriel, etc.

Le Tchad a ainsi réussi à mettre en place l’une des architectures les plus complète du Mouvement SUN et s’est doté des documents de politiques définissant ainsi une vision et des objectifs claires. Tout cet ensemble est animé par des acteurs très motivés, organisés au sein de la plateforme multi-acteurs qui se réunie mensuellement.

Les conditions d’une bonne coordination multi-acteur et multi-sectorielles des actions de nutrition sont donc réunies au Tchad. Il faut juste espérer que les moyens de mise en œuvre de la stratégie intersectorielle de nutrition suivront effectivement et que cet ensemble fonctionnera très bien. Bon courage aux amis tchadiens.