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Notes de Myanmar – une visite conjointe d’ENN and de Nutrition International

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J'ai débuté en avril avec une visite d'une semaine au Myanmar; il s’agissait de ma première visite en tant que spécialiste régionale de la gestion des connaissances pour ENN. Myanmar et sa « première citoyenne », la prix Nobel de la paix, Aung San Suu Kyi, faisaient cette semaine-là l’objet d’une couverture médiatique importante pour des affaires litigieuses. Je suis cependant repartie, encouragée par le fait que ce pays, et son jeune gouvernement, avance dans la bonne direction pour améliorer l'état nutritionnel de sa population. Pour cette visite, j'ai accompagné Manpreet Kaur Chadha, qui est la responsable régionale pour l’Asie du programme TAN (Assistance Technique pour la Nutrition) de Nutrition International [NI] (anciennement Micronutrient Initiative) dont la mission est d’identifier les besoins d'assistance technique en matière de nutrition dans le pays. Financé par le ministère britannique du développement international (DFID), c’est ce même programme TAN qui comprend à la fois la gestion des connaissances par l’ENN et l’assistance technique par NI pour tous les pays membres du mouvement SUN.

Le Myanmar est l’un des 7 pays de la région Asie sur lesquels se concentrent NI et ENN. Pour NI, l’objectif principal de ce voyage était d’identifier, via un processus de consultation avec les différents réseaux du mouvement SUN, les besoins en assistance technique nécessaires à l’amélioration de la nutrition dans le pays. Du point de vue de l’ENN, ce fut l’occasion d’observer ce processus d’identification des besoins en assistance technique et de saisir les opportunités ultérieures pour la gestion des connaissances. Le programme TAN, en phase avec la feuille de route 2016-2020 du mouvement SUN, va permettre une relation et un soutien continus de l’ENN et NI au Myanmar dans les années à venir.

Le Myanmar est un pays de 54 millions d’habitants. Le retard de croissance touche 29% des enfants de moins de 5 ans - l’une des prévalences les plus élevées en Asie du sud-est - auquel s’ajoute une prévalence élevée de l’anémie (47 %) chez les femmes en âge de procréer, et ce, quelque soit leur situation économique. Le thème de la malnutrition a connu un regain d’intérêt quand, en janvier 2017, «Dame » Aung San Suu Kyi a présidé la première réunion de Coordination nationale sur la Nutrition dans une petite ville appelée Pakokku au centre du Myanmar. En rassemblant 5 ministères, cette réunion a ainsi reconnu et mis l’accent sur la nécessité d’une approche multisectorielle pour répondre au problème de la malnutrition. En tant que conseillère d’Etat, Aung San Suu Kyi a le premier et le dernier mot sur tous les sujets d’importance dans ce pays.

Il y avait un vrai manque de données nécessaires à la planification dans ce pays qui a reçu peu de soutien et de ressources externes à cause des sanctions internationales dont il a été l’objet. La publication des résultats préliminaires de l'Enquête Démographique sur la Santé («Demographic Health Survey» [DHS]) menée en 2015 a permis de combler ce manque critique de données. Cela a été le point de départ d'un travail plus large - un exercise d’inventaire de la situation nutritionnelle, dirigé par l’initiative REACH («Renew Effort Against Child Hunger and undernutrition») de l’ONU, qui inclut à la fois des ministères gouvernementaux, des acteurs de la société civile, et des donateurs bilatéraux, et comprend une analyse de la situation, des examens détaillés des cadres juridiques et des politiques existantes, et une cartographie des parties prenantes. Cet exercice d’inventaire, qui a débuté il y a un an et est désormais entré dans sa phase finale, a mis au défi les systèmes gouvernementaux principalement en raison de la nouveauté de cette approche multisectorielle de la nutrition. Ce n'est pas unique à ce pays, mais le challenge est amplifié ici parce que l'architecture de la gouvernance de la nutrition reste encore à être clairement définie.

Jusqu'à présent, le gouvernement a formé un organe appelé l'Unité de coordination de l'aide au développement («Development Assistance Coordination Unit» [DACU]) pour améliorer la coordination et l'efficacité de l'aide au développement au Myanmar. Il est encourageant de voir que la coordination entre les secteurs est soulignée dans les premiers documents et que la nutrition se trouve parmi les dix groupes de coordination sectorielle.

L'architecture du mouvement SUN se compose actuellement d'un point focal au sein du ministère de la Santé et le Centre national de nutrition (« National Nutrition Center » [NNC]) est l'organe de coordination. La plateforme multi-parties prenantes qui inclut le gouvernement, la société civile, les agences des Nations Unies, et les donateurs a été active et à l'avant-garde de l’exercise d’inventaire de la situation nutritionnelle. Une liste prioritaire de 20 actions fondamentales de nutrition dans 7 secteurs contrôlés par 5 ministères a également été identifiée et décrite par la plateforme.

Le réseau de la société civile compte plus de 100 membres, la majorité étant des ONG locales avec une large présence dans tous les États et régions. Les réseaux commerciaux et universitaires doivent encore être établis, mais leur importance est bien comprise.

Bien qu'il y ait beaucoup de bonnes nouvelles et des signes évidents de progrès, quels sont les défis auxquels ce pays est confronté?

1. Les résultats du DHS sont encourageants, mais ils soulignent également les grandes disparités entre les régions et États - il est probable que la désagrégation supplémentaire finisse aussi par créer des disparités intra-régionales. S'attaquer à cela va nécessiter un certain niveau de planification et de mise en œuvre décentralisées − dans une jeune démocratie comme Myanmar, le pouvoir et la prise de décision sont encore très centralisés et la gouvernance se fait par le haut.

2. Il existe un besoin urgent de renforcement des capacités techniques et de gestion - il faut aussi renforcer la confiance des travailleurs dans leurs propres capacités professionnelles. De nombreuses années d'isolement suivies d'un afflux soudain d'experts externes bien intentionnés ont laissé des professionnels locaux, pourtant qualifiés, capables, et engagés, douter de leurs propres rôles et capacités. De nombreuses conversations nous ont permis de comprendre que «tout se passe trop vite» - alors que pour progresser, il faut une approche qui assure le transfert de capacités et de gestion aux acteurs locaux.

3. Le pays dispose d'une longue liste de besoins urgents qui auraient déjà dû être satisfaits. Malgré cela, la nutrition a connu une dynamique importante, mobilisant en particulier des activités coordonnées par le ministère de la Santé et des Sports (NDLR : c'est une combinaison unique et appropriée que je n'aie jamais vue ailleurs). Il sera essentiel de maintenir cet élan de sorte qu'il ne soit pas dilué par des besoins concurrents. Dans ce cas, les agences des Nations Unies et les organisations de la société civile ont un rôle évident à jouer.

Alors, quels ont été les besoins urgents identifiés? Le pays a besoin d'un programme d’implémentation et de suivi qui permettra de mettre en place des Actions fondamentales en nutrition (« Core Nutrition Actions [CNA] ») -  ce qui est défini comme le Cadre de Résultats Communs (« Common Results Framework » [CRF]) dans le mouvement SUN. Cela ne démarre pas de rien puisqu’il y a eu des efforts antérieurs tels que le Plan national d'action de Myanmar pour la sécurité alimentaire et nutritionnelle («Myanmar National Action Plan for Food and Nutrition Security » [MNAPFNS]) - une réponse à l’initiative « Zero Hunger Challenge » lancée en 2012, le Plan national d'action pour l'alimentation et la nutrition (« National Plan of Action for Food and Nutrition » [NPAFN]), et le plan SUN. Les CNA récemment identifiés doivent être repensées et adaptées, et leurs coûts évalués, pour être facilement mises en œuvre dans tous les secteurs pour la programmation et le suivi financier. Enfin, il est nécessaire de renforcer la capacité du NNC et des secteurs pertinents pour la mise en œuvre du CRF à différents niveaux.

J’ai quitté le pays alors qu’il se préparait pour son Festival de l'eau et le Nouvel An birman. Je vais m’assurer de revenir plus tard dans l'année pour participer à la diffusion des résultats de l'exercice d’inventaire de la situation nutritionnelle.