Cartographie multisectorielle des actions au Burundi et au Myanmar : Vers une coordination plus efficace

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Ernest Niyokindi est le chef de cabinet adjoint/deuxième vice-président de la République du Burundi et le point focal gouvernemental du Mouvement SUN.

Dr. Célestin Sibomana a rejoint le bureau de la deuxième vice-présidence en 2014 en tant que conseiller en santé, fournissant un soutien technique au secrétariat de SUN.

Francis Muhire est assistant technique attaché au point focal de SUN, gérant les activités quotidiennes du secrétariat SUN au Burundi.

Dr. Lwin Mar Hlaing est directeur adjoint du Centre national de nutrition du Myanmar, qui est basé au ministère de la Santé.

Dr. Sansan Myint est le facilitateur national du partenariat REACH 1 au Myanmar.

Secrétariat du Réseau des Nations Unies.

Contexte

La cartographie multipartite a pour but de fournir un aperçu des actions mises en œuvre dans la lutte contre la malnutrition. L’exercice de cartographie vise à identifier qui fait quoi, où et comment, afin de fournir une image plus complète des interventions du point de vue de la couverture géographique et démographique. Ce genre d’informations rend les gouvernements plus à même de mener des discussions multisectorielles, multipartites et factuelles qui leur permettent de progresser plus rapidement vers les cibles nationales de nutrition.

Le partenariat REACH (Renewed Efforts Against Child Hunger and Undernutrition)1 fonctionne depuis 2008 utilisant des outils efficaces, tels que l’outil de cartographie des parties prenantes et de la nutrition2, afin de soutenir l’engagement en faveur de la nutrition de toute une gamme d’acteurs à travers des secteurs multiples. En 2017, l’outil avait été intégré dans une plateforme web, le rendant plus compatible avec les systèmes d’information tels que les systèmes d’information sanitaire des districts (DHIS, version 2). À ce jour, l’exercice de cartographie a été mené dans 15 pays et est en cours dans six autres.

Cet article décrit l’utilisation de cet outil dans deux contextes assez différents : au Burundi en Afrique de l’Est et au Myanmar au sud-est de l’Asie.

Burundi

Le Burundi est un petit pays enclavé de l’Afrique de l’Est, qui compte à peine plus de 10,5 millions d’habitants. On y enregistre des niveaux élevés de malnutrition, avec une prévalence de retard de croissance de 58 pour cent et une prévalence d’émaciation de 6 pour cent3 chez les enfants de moins de cinq ans.

Le gouvernement du Burundi, par l’intermédiaire du secrétariat SUN géré par le point focal SUN, s’est déclaré disposé à mener l’exercice de cartographie afin de mieux comprendre la situation nutritionnelle du pays. Lancée en janvier 2018 avec le soutien du secrétariat du Réseau des Nations Unies, la cartographie multisectorielle permet au gouvernement du Burundi d’amasser des données très utiles sur la couverture fournie par partie prenante et par programme.

Ceci, à son tour, permet au gouvernement de cerner les lacunes, les chevauchements et les possibilités pour coordonner plus efficacement les actions de nutrition des parties prenantes dans l’ensemble des secteurs. En cas de chevauchement, l’exercice de cartographie permettra au gouvernement (et à ceux qui le soutiennent) de réaffecter les maigres ressources dont il dispose à d’autres localités qui présentent des taux élevés de malnutrition sans pour autant recevoir l’attention nécessaire. Le gouvernement du Burundi espère attirer un investissement accru à l’égard de la nutrition en poursuivant cette approche de mise à l’échelle plus judicieuse.

Intéresser des secteurs différents

L’exercice de cartographie a également fourni un terrain favorable qui permit de faire participer un nombre important de secteurs, y compris le personnel de sept ministères : Santé, Agriculture, Commerce et Industrie, Planification et Finance, Environnement, Développement local, et Sécurité sociale et Droits de l’homme. Au Burundi, ce vaste engagement et ce soutien gouvernemental ont donné lieu à une activité de cartographie dynamique, facilitée par le point focal de SUN. Les efforts ont été coordonnés par le bureau du deuxième vice-président, où se situe le point focal de SUN, et soutenus par l’équipe nationale de cartographie. À ce jour, plus de 30 parties prenantes ont communiqué des données.

L’exercice de cartographie peut également contribuer à la création d’une demande de collaboration multisectorielle et inculquer cette nouvelle façon de travailler aux parties prenantes de certains secteurs. Certaines parties prenantes ne comprennent pas, semble-t-il, comment leurs activités « habituelles » se rapportaient à la nutrition ou comment ils pourraient les rendre plus sensibles à la nutrition. D’autres sont préoccupées par leurs activités sectorielles « habituelles » et ont du mal à consacrer du temps aux processus multisectoriels. De tels défis comprennent également une procédure multisectorielle à un niveau provincial4. La formulation du nouveau Plan stratégique national sur la nutrition et la sécurité alimentaire (2019-2023) offre une nouvelle occasion de renforcer l’approche multisectorielle sur la nutrition. Les principales constatations issues du processus de cartographie ont été prévues de sorte à alimenter la révision du plan stratégique du gouvernement burundais.

Par exemple, une nouvelle approche multisectorielle pour la mise en œuvre des interventions nutritionnelles est en cours de mise en œuvre dans deux provinces du sud, Makamba et Rutana. Ceci combine les efforts des agents de l’administration publique, des ONG, de la société civile locale et des autorités religieuses, rassemblant ces parties prenantes dans le cadre d’un comité de direction et d’un comité technique. Le comité de direction, présidé par le point focal de SUN, est responsable de surveiller la mise en œuvre des interventions nutritionnelles et de mieux mobiliser les différentes parties prenantes.

Les défis qui subsistent

Lors de la collecte de données, il a fallu mettre en évidence l’objectif de la cartographie afin de surmonter les problèmes relatifs au partage des données, vu que certaines parties prenantes ont, dans un premier temps, perçu l’exercice comme un moyen de contrôler leur travail. L’exercice a également fait ressortir le besoin de mieux rendre compte de la couverture des interventions qui ont été livrées à l’aide d’approches variées (ex. campagnes exceptionnelles, services de routine).

Myanmar

Comme au Burundi, l’exercice de cartographie a été mené par le gouvernement et a utilisé le même outil adapté au contexte du Myanmar. La République de l’Union du Myanmar compte environ 54 millions de Birmans et 135 groupes ethniques reconnus. La prévalence du retard de croissance chez les enfants de moins de 5 ans est de 29 pour cent, et 7 pour cent des enfants sont émaciés5. Cependant, ces chiffres cachent de fortes disparités régionales, car certains États et certaines régions signalent une prévalence d’émaciation de plus de 13,9 pour cent et une prévalence de retard de croissance de 41 pour cent6.

L’exercice de cartographie au Myanmar a été réalisé avec succès en 2017, avec le soutien des facilitateurs de REACH. La cartographie a fourni un point de départ pour la mobilisation d’un grand nombre de secteurs en faveur de la nutrition (p. ex. ceux qui se trouvent hors du secteur de la santé), y compris les quatre ministères clés : agriculture, élevage et irrigation, prise en charge sociale, activités de secours et de réinstallation, santé et sports, et éducation. En outre, la responsable du Centre national de nutrition et son équipe, qui fournissent le soutien technique au point focal gouvernemental de SUN, se sont engagées activement tout au long du processus, en coordonnant et en faisant participer d’autres parties prenantes. Le ministère de la Santé abrite à la fois le point focal (représenté par le directeur général du ministère de la Santé) et le Centre national de nutrition.

Illustration : Un extrait de l’aperçu multisectoriel du Myanmar

L’outil de cartographie permet au gouvernement et aux partenaires de développement de dresser la liste des régions géographiques et des interventions nécessitant une action intensifiée, et d’établir par là-même un ordre de priorité. Il contribue également à appeler l’attention sur les zones qui manquent de ressources. De plus, la cartographie joue un rôle important pour le renforcement du Réseau des Nations Unies et le développement d’une collaboration plus efficace entre les réseaux SUN (Nations Unies, gouvernement, donateurs et société civile) dans le but d’obtenir les meilleurs résultats.

L’exercice de cartographie a également mis en évidence l’importance d’améliorer la collecte de données et les systèmes de rapport au sein des quatre ministères concernés, et permis de repérer certains points faibles comme le besoin d’un cadre commun de résultats. Il a contribué à la sensibilisation des parties prenantes nationales sur le rôle des données factuelles.

Les défis qui subsistent

Chaque secteur ou organisme possède son propre mandat organisationnel et une planification en cours. Il a souvent été difficile d’inciter le personnel à être plus transparent et à partager des informations concernant des programmes et budgets spécifiques à l’organisme ou au secteur. Cela est en partie dû aux processus décisionnels de chaque institution, qui ne sont pas toujours propices pour composer avec des activités conjointes. La cartographie a rendu possible ce genre de partage et a mené à l’établissement et au fonctionnement d’équipes techniques au sein des quatre ministères. En dépit des progrès visant une action collective, il faut encore œuvrer sans relâche à la consolidation de ces gains.

Prochaines étapes

Le personnel du Centre national de nutrition et celui du Bureau central de statistiques ont reçu une formation sur l’outil et la méthodologie de la cartographie, permettant d’institutionnaliser la fonction de cartographie au sein du gouvernement dans le but de pouvoir reproduire l’exercice à l’avenir. Cet outil sera inclus dans le cadre de suivi et d’évaluation du nouveau Plan multisectoriel national de l’action pour la nutrition (2017-2022). Les parties prenantes nationales explorent également la possibilité d’utiliser les données de cartographie pour suivre le statut de mise en œuvre du nouveau plan, comme proposé en Tanzanie et mis en œuvre au Sénégal.


1Le partenariat REACH (Partenariat visant à éliminer la faim et la dénutrition chez les enfants) est un mécanisme d’aide aux pays, appartenant au réseau de l’ONU, qui joue un rôle de catalyseur pour le mouvement SUN (Scaling Up Nutrition/Renforcer la nutrition) dans les pays SUN choisis.

2Pour un aperçu sur l’outil de cartographie de la nutrition, consultez le site www.securenutrition.org/resource/multisectoral-mapping-nutrition-la-cartographie-multisectorielle-des-actions-de-nutrition

3GNR 2017. Rapport mondial sur la nutrition. Profils nutritionnels par pays : Burundi. Bristol, Royaume-Uni : Les initiatives de développement.

4Jusqu’à présent, deux provinces ont mis en place des plateformes décentralisées, sous la présidence des gouverneurs de provinces. Elles élaborent des plans de nutrition et de sécurité alimentaires stratégiques pour la province en s’inspirant des plans de développement communautaire pour la province.

5GNR 2017. Rapport mondial sur la nutrition. Profils nutritionnels par pays : Myanmar. Bristol, Royaume-Uni : Les initiatives de développement.

6DHS 2015-2016.

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