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Redressement post-séisme dans les zones urbaines du Népal : Utilisation des hôpitaux pour détecter et traiter la malnutrition infantile et maternelle

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Sophiya Uprety est nutritionniste en santé publique et a travaillé en tant que responsable de la nutrition pour l’UNICEF au Népal dans le cadre du relèvement post-séisme.

Rajkumar Pokharel dirige la branche nutrition du département de santé de l’enfant, basée au ministère de la Santé au Népal.

Mahendra Prasad Shrestha dirige le département des politiques, de la planification et de la coopération internationale au ministère de la Santé.

Jhalak Sharma Paudel est le directeur du Centre national de formation sanitaire du ministère de la Santé. Il était administrateur en chef de la santé publique au Bureau de santé publique du district de Lalitpur pendant la période de relèvement après séisme. Il a 36 ans d’expérience en santé publique.

Anirudra Sharma est un nutritionniste d’UNICEF Népal, où il est chargé de la coordination d’urgence avec le Groupe de la nutrition depuis huit ans.

Stanley Chitekwe dirige la composante Nutrition de l’UNICEF au Népal.

Contexte

En avril 2015, le Népal a subi un séisme d’une magnitude de 7,4 ; des répliques se sont fait ressentir au cours des mois suivants. Le gouvernement népalais a déclaré gravement touchés 14 des 75 districts du pays, dont trois (Katmandou, Lalitpur et Bhaltapur) sont dans la vallée de Katmandou. Une intervention globale de nutrition en situation d’urgence et un programme de relèvement ont été mis en œuvre dans toutes les zones gravement touchées. La prise en charge intégrée de la malnutrition aigüe a constitué une composante principale de cette intervention ; elle s’est articulée autour du traitement de la malnutrition aigüe sévère (de juin à décembre 2017) et de la malnutrition aigüe modérée, avec une attention particulière accordée aux femmes enceintes et aux mères allaitantes (de juin 2016 à juillet 2017).

La population cible de la vallée de Katmandou était répartie entre zones urbaines (dont des bidonvilles), zones périurbaines et zones rurales périphériques. Au départ, une stratégie de mise en œuvre commune de la prise en charge intégrée de la malnutrition aigüe a été planifiée pour l’ensemble des 14 districts touchés par le séisme, avec un dépistage au niveau des communautés, basé sur la mesure du périmètre brachial par des travailleuses sanitaires bénévoles des communautés. Mais en procédant selon cette méthode, on ne pouvait pas garantir que les enfants souffrant de malnutrition aigüe, ni les femmes enceintes et les mères allaitantes, seraient diagnostiqués puis réorientés comme il faudrait. Le problème appelait des solutions novatrices et complémentaires, permettant d’assurer la couverture maximale du programme et d’atteindre les groupes cibles vulnérables.

Une nouvelle stratégie pour les zones urbaines

Les obstacles à la détection des cas de malnutrition aigüe ont été évoqués lors des réunions de district du Groupe de la nutrition. Ces réunions rassemblaient des groupes infranationaux constitués dans les districts touchés après l’entrée en activité du groupe de la nutrition national. Les membres des groupes de district comptaient non seulement la communauté habituelle des spécialistes de la nutrition, mais aussi des représentants des hôpitaux des districts. Les membres des groupes ont convenu qu’il était manifestement insuffisant pour les zones urbaines de ne mobiliser que les travailleuses sanitaires bénévoles des communautés. Plusieurs facteurs compromettaient les dépistages périodiques de la malnutrition aigüe par mesure du périmètre brachial, effectués par les travailleuses bénévoles : la disproportion entre l’effectif de ces dernières et la densité de population dans la zone desservie par chacune d’entre elles ; le manque de temps pour ces travailleuses, qui ont souvent d’autres activités, que ce soit d’éducation ou lucratives ; les difficultés liées à une population mobile et migrante ; et le fait que les travailleuses bénévoles n’étaient pas bien accueillies dans certains ménages urbains qui ne les laissaient pas entrer car ils ne connaissaient pas le service, à la différence de ceux des zones rurales.

Les groupes de nutrition de district ont compris que les hôpitaux offrent une plateforme largement sous-utilisée pour la population cible en milieu urbain. Ils offrent la possibilité de dépister la malnutrition aigüe parmi les enfants amenés pour les vaccinations de routine et d’autres services pédiatriques, mais ne cherchent pas automatiquement à examiner tous les enfants exposés au risque. Autrement dit, on n’avait pas cherché jusque-là à mettre en œuvre des interventions de nutrition visant la prise en charge intégrée de la malnutrition aigüe en recourant systématiquement et globalement aux hôpitaux.

Les parties prenantes concernées, dont la Division de santé infantile, les bureaux de santé publique de district, l’UNICEF et l’ONG partenaire (Social Development and Promotion Centre (SDPC)), ont décidé de réaliser quelques cycles de dépistage par mesure du périmètre brachial à l’hôpital pédiatrique de Kanti, établissement sanitaire central de niveau tertiaire. On a pu ainsi mettre en évidence un nombre important d’enfants souffrant de malnutrition aigüe ; en conséquence, des centres thérapeutiques de jour et des centres d’alimentation complémentaire ciblée ont été créés dans six hôpitaux publics principaux de la vallée de Katmandou.

Dépistage avec la mesure du périmètre brachial à l'hôpital de Patan, Lalitpur

Le concours des hôpitaux

Une formation à la nutrition en situation d’urgence a été organisée à l’intention des cadres hospitaliers, des pédiatres, des surveillants et surveillantes, des infirmiers et infirmières et des diététiciens et diététiciennes dans les districts de Katmandou, Lalitpur et Bhaktapur. L’UNICEF a assuré les fournitures et l’appui technique, les ONG partenaires soutenant pour leur part le fonctionnement des centres thérapeutiques de jour. Les agents des ONG ont mesuré le périmètre brachial des enfants qui venaient dans les hôpitaux ; ceux qui se révélaient atteints de malnutrition aigüe étaient immédiatement inscrits dans le programme de traitement, conformément aux protocoles internationaux. Des antennes de nutrition ont également été établies pour assurer une éducation en matière de nutrition et des conseils sur l’alimentation du nourrisson et du jeune enfant. Peu à peu, les hôpitaux ont dégagé des locaux mieux situés et adaptés pour les centres thérapeutiques de jour et les centres d’alimentation complémentaire ciblée ; les pédiatres aussi se sont mis à aiguiller les enfants vers le dépistage par mesure du périmètre brachial, vers les distributions d’aliments thérapeutiques ou complémentaires prêts à l’emploi et vers les conseils de nutrition. Les femmes enceintes et les mères allaitantes présentant un périmètre brachial inférieur à 23 cm ont été aiguillées vers un traitement par alimentation complémentaire.

On a pu constater immédiatement les résultats de cette nouvelle méthode, à mesure que le nombre de cas mis en évidence s’est mis à augmenter. De juin 2015 à décembre 2017, on a mis en évidence et traité, dans les trois districts de la vallée de Katmandou, 3 868 cas d’enfants souffrant de malnutrition aigüe sévère, dont 66 pour cent (2 569) avaient été détectés grâce aux hôpitaux. Les données pour Katmandou (district le plus peuplé) ont montré que 84 pour cent des cas avaient été mis en évidence en milieu hospitalier. En outre, on a traité plus de 13 000 cas de malnutrition aigüe modérée et plus de 12 000 femmes enceintes et mères allaitantes.

Défis et enseignements tirés

Au départ, toutes les données relatives à la prise en charge intégrée de la malnutrition aigüe et venant des hôpitaux, y compris celles du dépistage et de la gestion des cas, étaient communiquées verticalement par l’ONG partenaire. Après que les bureaux de santé publique de district et les cadres hospitaliers en ont débattu, il a été constaté que les responsables des dossiers médicaux hospitaliers étaient en mesure d’enregistrer les données dans le système de gestion de l’information du ministère de la Santé ; cette procédure fait désormais partie de la tenue normale des dossiers dans les hôpitaux.

Une autre difficulté tenait aux capacités en ressources humaines, nécessaires pour le suivi régulier des personnes traitées afin que celles-ci n’abandonnent pas le traitement. Le nombre de cas dépistés et admis dans les centres thérapeutiques de jour des hôpitaux était beaucoup plus élevé que celui qu’on obtenait dans les communautés, comportant également des cas de personnes venues d’autres régions du pays ce qui rendaient le suivi plus difficile encore.

Le ministère de la Santé a alloué des fonds budgétaires aux pouvoirs publics locaux pour la poursuite d’activités centrales telles que la fourniture de services logistiques (dont l’achat d’aliments thérapeutiques prêts à l’emploi), l’examen périodique du programme à l’échelon local, et le suivi et l’encadrement (le montant de ces fonds budgétaires sera arrêté par le biais du plan de travail annuel). Le ministère de la Santé est déterminé à assurer un appui au programme dans ces districts, afin que les services fournis pendant le relèvement après le séisme puissent être maintenus.

Activités complémentaires de celles menées dans les communautés

Il a été déterminé que dans les zones urbaines, les hôpitaux offraient une plateforme importante pour dépister les cas de malnutrition aigüe, offrir un traitement et assurer des conseils en nutrition. Cette méthode vient en complément des activités menées dans les communautés, surtout du fait qu’on a constaté qu’il ne suffisait pas, en milieu urbain, de compter uniquement sur les travailleuses bénévoles. Il fallait donc travailler de façon stratégique avec les hôpitaux. Le rôle moteur des bureaux de santé publique de district et du ministère de la Santé a été crucial pour le lancement de l’intervention et pour les progrès réalisés en milieu hospitalier. Globalement, cette méthode a fortement concouru à l’obtention des résultats définis dans la composante nutrition du Cadre de relèvement après catastrophe 2016-2020 du Gouvernement népalais.

L’urbanisation devient un domaine important pour toutes les interventions de nutrition ; or le Népal est l’un des dix pays du monde où l’urbanisation est la plus rapide. Les hôpitaux peuvent également offrir une plateforme précieuse pour la programmation de la nutrition en milieu urbain, y compris pour la prise en charge de la malnutrition aigüe pendant les périodes de crise et en dehors de celles-ci. Ils peuvent servir aussi pour des activités plus larges visant à améliorer la nutrition des mères et des jeunes enfants ainsi qu’à lutter dans ces populations contre le surpoids et l’obésité et contre les maladies non transmissibles, qui représentent tous une charge de plus en plus lourde.

Remerciements : Centre de développement social et de promotion (SDPC - Social Development and Promotion Centre) des ONG partenaires, et cadres dirigeants des hôpitaux visés.

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