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Stratégies régionales de nutrition visant à alléger le double fardeau qui pèse sur la Méditerranée orientale

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Le Dr. Ayoub Al Jawaldeh est conseiller régional pour la nutrition au sein du Bureau régional de l’OMS pour la région de la Méditerranée orientale depuis 2009, et dirige la stratégie régionale de nutrition.

Introduction

Le fardeau de la maladie associé à une alimentation inadéquate continue de croitre dans la région de la Méditerranée orientale (RMO), qui comprend 22 pays et territoires du Proche et Moyen-Orient, d’Afrique du Nord, de la Corne de l’Afrique et d’Asie Centrale. Comme de nombreux autres pays en développement, la région est confrontée à la fois à des problèmes de malnutrition et à la progression de la surcharge pondérale, de l’obésité et des maladies non transmissibles liées à l’alimentation. Ce double fardeau de la malnutrition a des conséquences négatives sur les systèmes de santé dans les pays de la région. Diverses carences en micronutriments sont encore signalées dans plusieurs pays de la région, notamment le fer, l’iode et la vitamine A.

Relevant ces défis, le bureau régional de la Méditerranée orientale (RMO) de l’Organisation mondiale de la Santé (WHO) a élaboré la première stratégie de nutrition (2010-2019) régionale et le premier plan d’action, en coordination avec d’autres organismes apparentés à l’ONU et parties prenantes, de façon à renforcer la nutrition1. Les objectifs généraux de la stratégie régionale sont d’encourager les pays à repositionner la nutrition comme élément central au programme de développement, de les soutenir dans la création et la mise en œuvre de mesures liées à la nutrition qui soient adaptées à leur situation nationale et à leurs ressources, et de fournir un cadre pour la hiérarchisation des mesures liées à la nutrition dans chaque pays. Le plan a été mis à jour pour inclure des initiatives récentes comme les cibles mondiales 2025 de l’Organisation mondiale de la Santé, qui visent à améliorer la nutrition chez la mère, le nourrisson et le jeune enfant, et les objectifs de développement durable2 ; la plupart des États de la RMO ont maintenant élaboré ou révisé des plans d’action nationaux en accord avec ceux-ci.

Situation de la nutrition pour les indicateurs clés

Selon les estimations les plus récentes3, les taux de retard de croissance, d’émaciation et d’insuffisance pondérale chez les enfants de moins de cinq ans dans la région sont de 28 %, de 8,69 % et de 18 % respectivement. Le Yémen, le Pakistan, l’Afghanistan, le Soudan et le Djibouti affichent les taux de retard de croissance les plus élevés (> 30 %). Par suite de l’instabilité politique et de l’insécurité alimentaire dans ces pays, ainsi qu’en Syrie, en Iraq et en Libye, le nombre total des enfants émaciés de moins de 5 ans est estimé à 9,1 millions (7,3 %), presque la moitié de ceux-ci (3,1 millions, ou 3,8 %) étant sévèrement émaciés. Au Soudan (58,4 %), en République arabe syrienne (57,3 %) et au Pakistan (51 %), plus que la moitié des femmes enceintes souffrent d’anémie.

La tendance à la hausse de la surcharge pondérale et de l’obésité parmi les adultes et les enfants est particulièrement inquiétante. La prévalence moyenne de la surcharge pondérale et de l’obésité dans la région est de 27 % et 24 % chez les adultes, et de 16,5 % et 4,8 % chez les enfants d’âge scolaire respectivement 3. Les taux d’obésité les plus élevés ont été signalés au Koweït, au Qatar, au Bahreïn et aux Émirats arabes unis. En 2016, on a estimé que 5,4 millions des enfants de moins de 5 ans (6,7 %) dans la RMO étaient en surcharge pondérale, par rapport à 3,5 millions en 1990. La moitié des femmes adultes et plus de deux hommes sur cinq de la région présentent de l’embonpoint ou sont obèses.

Comme dans d’autres régions, les taux élevés d’obésité et de surpoids sont étroitement liés à l’inactivité physique et aux mauvaises habitudes alimentaires. La RMO affiche la prévalence globale la plus élevée de l’inactivité physique chez les adultes (approximativement un tiers), avec des données qui démontrent un taux d’inactivité supérieur chez les femmes que chez les hommes (comparé à une prévalence globale générale pour les deux sexes de 23 %4). Il s’est aussi produit un changement radical dans les modèles alimentaires dans la région, cadrant avec la consommation alimentaire mondiale qui penche vers des régimes alimentaires plus riches en énergie par une plus forte absorption de gras et de sucre.

Des boulangers utilisent de la farine fortifiée pour faire du pain dans le cadre d’un programme en Afghanistan

Priorités essentielles

Les actions clés suivantes sont en cours pour soutenir des priorités stratégiques :

  1. Alimentation des mères, des nourrissons et des jeunes enfants : des interventions comprenant l’alimentation des nourrissons et des jeunes enfants (promotion de l’allaitement et de l’alimentation complémentaire), des programmes de fortification et de supplémentation alimentaire, la surveillance de la croissance et de la nutrition et le traitement de la malnutrition aiguë sévère (MAR).
  2. Facteurs de risque des maladies non transmissibles liées au régime alimentaire : encourager de bonnes habitudes alimentaires à travers des interventions rentables établies au sein du Cadre d’action régional et visant les maladies non transmissibles. Au nombre des interventions, encourager l’allaitement maternel et mettre en œuvre le Code international de commercialisation des substituts du lait maternel (« le Code »), réduire la consommation de sel à l’échelle nationale, élaborer des recommandations nutritionnelles exprimées en termes d’aliments, étiqueter les aliments, reformuler des produits, y compris en remplaçant les acides gras trans par des gras polyinsaturés et en réduisant les sucres, et restreindre la commercialisation aux enfants d’aliments mauvais pour la santé.
  3. Nutrition d’urgence : dépister les cas de malnutrition aiguë sévère.

Progrès et résultats à ce jour

Plus de 17 pays ont élaboré des textes juridiques complets ou partiels relatifs au Code, mais la mise en œuvre demeure un défi. En 2017, la mise au point des recommandations nutritionnelles exprimées en termes d’aliments a pris du volume dans la région pour intégrer l’Afghanistan, l’Égypte, la République islamique d’Iran, le Liban, l’Oman, le Qatar et l’Arabie Saoudite. La réduction du sel dans le pain est aussi en progrès au Koweït, au Qatar, à Oman, en Iran, au Bahreïn, au Maroc, en Tunisie et en Jordanie. L’élimination des acides gras trans est une priorité pour l’action en Iran, en Arabie Saoudite et en Tunisie. L’ajout de taxes sur les boissons sucrées pour réduire la consommation en sucre est en cours en Arabie Saoudite, aux Émirats, en Iran et en Jordanie.

L’Afghanistan, le Pakistan, la Somalie, le Soudan et le Yémen sont tous devenus membres du Mouvement Sun (Scaling Up Nutrition — Renforcer la nutrition), ce qui constitue une occasion idéale de mobiliser l’énergie de manière à assurer le progrès des efforts nationaux vers la réalisation des cibles des objectifs de développement durable.

Défis de la mise en œuvre

La RMO est une région très complexe dont les pays présentent des profils socioéconomiques différents associés à des problèmes et des défis distincts en matière de nutrition. En plus du fardeau double de la malnutrition, au moins 16 pays vivent des conflits internes et une instabilité politique, ce qui rend les plus vulnérables inaccessibles aux services de nutrition pour lesquels la demande est forte. Plusieurs pays, y compris le Pakistan, le Yémen, le Soudan, le Djibouti et la Somalie, trouvent encore des difficultés à formuler et à mettre en œuvre des stratégies nutritionnelles et des plans d’action qui s’attaquent de façon holistique aux problèmes de nutrition.

D’autres défis dans la région comprennent :

  1. un manque d’engagement politique clair en faveur d’actions de nutrition ou un échec à transformer la volonté politique en des mesures concrètes dans le domaine ;
  2. l’absence d’un cadre politique et d’une capacité institutionnelle permettant de planifier, de mettre en œuvre et de surveiller des programmes de nutrition qui répondent aux dimensions multisectorielles des problèmes de nutrition ;
  3. les conflits récurrents et les catastrophes naturelles ;
  4. l’allocation disproportionnée des budgets de santé, souvent au détriment des stratégies de prévention comme la nutrition ;
  5. l’abandon des régimes alimentaires traditionnels, souvent riches en nutriments, en faveur de régimes alimentaires occidentaux forts en aliments raffinés, qui a pour résultat une réduction de la diversité alimentaire ; et
  6. l’absence de spécialistes en nutrition dans les secteurs connexes et dans la coordination intersectorielle.

La stratégie régionale a aidé les pays à fixer les priorités stratégiques des activités clés en établissant des résultats clairs et des livrables mesurables ; elle a permis aux États de la RMO de suivre leurs progrès vers la réalisation de cibles globales atteignables. Un suivi étroit et un soutien technique de la part de l’ONU et des ONG aident à renforcer les programmes de nutrition et à mettre l’accent sur des interventions rentables.


1www.emro.who.int/nutrition/strategy/

2www.emro.who.int/nutrition/nutrition-events/scalingup-nutrition-consultation.html

3Lara Nasreddine, Jennifer J, Ayoub et Ayoub Al Jwaldeg, Compre rendu sure la situation nutritionelle des pays de la Méditerranée orientale, Revue de senté de la Méditerranée orientale, Voume 24, primière parution, 2018.

4Organisation mondiale de la Santé Rapport sur la situation mondiale des maladies non transmissibles 2014. Genève : Organisation mondiale de la Santé.

 

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