Fournir des produits alimentaires mélangés de haute qualité, produits localement et enrichis en Afrique de l’Ouest
Sofia Condes est une économiste de la santé publique qui travaille pour GAiN dans l’équipe de politique et finance alimentaire, centrée sur l’Afrique francophone et l’Amérique latine.
Jennifer Dahdah est une consultante en finances qui travaille en tant que coordinatrice de projet pour GAIN en Afrique francophone.
L’un des obstacles à l’accès à des produits alimentaires mélangés et enrichis (FBF) à prix abordable en Afrique est le manque d’entreprises dotées des capacités, de la technologie et du savoir-faire (y compris en matière de mécanismes de contrôle qualité et de tests) pour la production. Les produits alimentaires thérapeutiques et complémentaires tels que Plumpy'Nut et les super céréales dépendent largement des importations. Pour surmonter cette contrainte, l’Alliance mondiale pour l’amélioration de la nutrition (GAIN) et le Programme alimentaire mondial (PAM) ont lancé un projet de plusieurs millions de dollars en 2015, ALTAAQ (Achats locaux, transformation alimentaire et amélioration de la qualité). Ce projet reconnait les liens puissants entre l’agriculture, les sociétés de production alimentaire et la nutrition. Le projet travaille avec les agriculteurs, les entreprises alimentaires et les établissements d’analyse des aliments pour développer des FBF produits localement ciblés principalement sur les nourrissons et les enfants âgés de 6 à 59 mois (bouillie de type super céréale), les enfants plus âgés de plus de cinq ans (pâte de beurre de cacahuète), et les femmes enceintes. Le projet est centré sur trois pays d’Afrique de l’Ouest : le Burkina Faso, le Mali et le Sénégal. Dans chacun d’eux, une collaboration avec les secteurs gouvernementaux concernés, y compris les ministères du Commerce, de l’Agriculture et de la Santé, est entreprise.
Les FBF comprennent une pâte à tartiner à base de lipides ainsi que des farines et des céréales enrichies qui peuvent être consommées dans des situations stables et en cas d’urgence. L’enrichissement est fait avec des micronutriments adaptés aux carences nutritionnelles affectant directement la population locale. Les produits seront vendus sur le marché local et pourront également être achetés et distribués par le PAM et d’autres partenaires dans le cadre de leurs activités humanitaires.
Le projet soutient les améliorations des usines, le renforcement des capacités et les machines ainsi que l’assistance technique. Parce que les sociétés seront capables d’utiliser des ingrédients locaux, le cout de production de ces produits permettra aux sociétés de les vendre à un prix moins élevé et pourra potentiellement être durable. Bien que le cout du marché des produits n’ait pas encore été décidé, des travaux sont en cours pour fixer des prix inférieurs aux couts actuels du marché pour des produits similaires. (Il convient également de souligner que les produits développés dans le cadre du projet ne cibleront pas les nourrissons de moins de six mois et ne devraient pas remplacer d’autres aliments locaux complémentaires, mais les compléter.)
Le projet de quatre ans doit s’achever fin 2019. Une caractéristique unique est son accent sur trois parties intégrées de la chaine de valeur : les agriculteurs qui cultivent les ingrédients, les entreprises alimentaires locales les transformant en produits finis, et les laboratoires qui veillent à ce qu’ils répondent aux besoins nutritionnels et à des normes de qualité rigoureuses.
Travailler avec les agriculteurs pour améliorer la qualité des matières premières
La chaine d’approvisionnement « de la ferme à la fourchette » commence sur le terrain. Le projet a fourni aux agriculteurs des équipements (tels que des machines pour sécher et stocker les grains et les céréales) ainsi que des formations pour promouvoir le transfert de connaissances. (Par exemple, une session de « formation des formateurs » au Sénégal a permis aux agriculteurs locaux d’être encadrés par des formateurs locaux qui connaissent leur contexte et leurs pratiques.) Les formateurs ont également pu rencontrer les responsables qualité et les technologues alimentaires dans les usines pour comprendre les besoins et les normes relatives aux matières premières de haute qualité.
Soutenir les sociétés pour produire les produits
Il a d’abord été essentiel de sélectionner des produits à base d’ingrédients locaux qui ont été consommés régulièrement. Comme la population les connait déjà bien, on considère que les farines (pour les bouillies) et les pâtes alimentaires (comme le beurre de cacahuètes) sont les meilleurs moyens. Afin de soutenir les efforts faits pour améliorer le régime alimentaire, le contenu en sucre de ces pâtes à base de cacahuètes a été réduit de 40 pour cent par rapport aux autres beurres de cacahuètes traditionnels non enrichis consommés dans ces pays.
Trois entreprises, une dans chaque pays, ont été choisies pour mettre au point ces produits. Ce sont des entreprises de taille moyenne qui produisent déjà des produits alimentaires dont on pourrait augmenter le contenu nutritionnel, ce qui aiderait à répondre aux besoins des femmes et des enfants.
Ensuite, la formule du produit a été adaptée aux ingrédients locaux et aux habitudes alimentaires de ces pays. Jusqu’à maintenant, c’est au Burkina Faso que les progrès les plus marquants ont été faits. Le réseau GAiN (Global Aid Network) y a collaboré avec une équipe de spécialistes d’une ONG internationale française. Ils ont changé la formule du mélange de farines enrichies afin de le rendre conforme aux normes nationales et aux spécifications visant le produit distribué en situations d’urgence.
Dans le cadre de ce projet, une évaluation détaillée des besoins de chaque entreprise a été menée pour évaluer les éventuelles lacunes dans la production. Par exemple, un petit laboratoire a été installé afin de pouvoir analyser régulièrement les matières premières et les produits finis. Ainsi, la gestion de la qualité est assurée. Le personnel a aussi reçu une formation aux pratiques d’hygiène.
Enfin, les recettes sont mises au point et les besoins en matériel au Sénégal, au Burkina Faso et au Mali sont en train d’être évalués. En parallèle, des études d’acceptabilité sont menées. Elles joueront un rôle essentiel à l’heure de faire correspondre le gout et la présentation du produit aux préférences des consommateurs. La mise en place d’un plan d’affaires complet entrainera une étude sur le caractère abordable des prix pour s’assurer que le prix des produits est fixé convenablement.
Enseignements tirés
Il y a eu quelques difficultés à l’heure de mettre en marche le projet et à l’heure d’atteindre certains objectifs que nous nous étions fixés. Au début, trouver des usines et des laboratoires qui soient bons et qui veuillent participer au projet et améliorer la qualité de leur production et de leurs analyses, a pris plus de temps que prévu. L’équipe en a tiré la leçon suivante : il est important de s’associer avec des acteurs qui suivent déjà des procédés de production de grande qualité et qui reconnaissent le potentiel d’une offre de services plus grande. Travailler avec les fermiers et les convaincre de changer certaines de leurs pratiques s’est révélé être un autre défi. Quand il a fallu proposer de nouvelles méthodes de travail, nous avons travaillé avec les « formateurs des formateurs » locaux, des personnes qui connaissent bien les pratiques agricoles et en qui les agriculteurs ont confiance pour ainsi mieux surmonter cette barrière. En général, nous avons trouvé des partenaires très compétents pour ce projet et dans chaque pays. L’équipe est sure que le lancement de ces produits entrainera une consommation soutenue d’aliments plus nutritifs.