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Coordonner la nutrition au Mali : entretien avec le point focal de SUN

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Le Mali est confronté à des niveaux élevés de malnutrition (dont 38,5 % de prévalence de retard de croissance et 15,3 % d’émaciation chez les enfants de moins de cinq ans1) en raison de facteurs tels que les changements climatiques et les conflits. Cela a déclenché une amélioration dans l’élan politique du pays et le Mali a progressé dans le renforcement de la gouvernance nutritionnelle depuis son adhésion au Mouvement SUN (Scaling Up Nutrition) en 2011, notamment avec la création d’une Cellule de coordination nutritionnelle.

 Ambarka Youssoufane de l’ENN a interviewé le Dr Djibril Bagayoko, chef de la Cellule de coordination nutritionnelle (hébergée par le Ministère de la santé du Mali depuis 2016) et point focal du SUN, à propos des progrès du pays dans la gouvernance et la coordination en matière de nutrition. Le Dr Bagayoko a plus de 20 ans d’expérience dans le secteur de la santé, en particulier dans la gestion des programmes et le développement et le renforcement des systèmes.

1. Y a-t-il eu un changement dans la coordination de la nutrition au Mali depuis que le pays a rejoint le Mouvement SUN ?

 L’adhésion au Mouvement SUN a été très importante pour le Mali, car elle a motivé le gouvernement à développer une politique nutritionnelle multisectorielle et des plans d’action avec des indicateurs de coûts et de performance, avec une responsabilité institutionnelle pour chaque secteur. La Cellule de coordination comble une lacune importante en ce qui a trait à la coordination multisectorielle des acteurs et des interventions nutritionnelles. Avant la création de cette unité, il y avait un conseiller en nutrition au Ministère de la santé (sans pouvoir de coordination multisectorielle ni d’équipe dédiée) et un correspondant de SUN. La nouvelle Cellule de coordination est placée sous l’autorité du Premier ministre, mais hébergée par le Ministère de la santé, ce qui facilite le renforcement du programme multisectoriel de nutrition dans le pays.

2. Des réseaux du Mouvement SUN ont-ils été mis en place au Mali ?

 Le Mali est [en relation] avec le Mouvement SUN depuis 2011, et l’architecture de SUN fonctionne assez bien dans le cadre de dispositions institutionnelles mises en place. Les réseaux de la société civile, des universités et de la recherche, des donateurs et du secteur privé sont tous opérationnels. Le réseau parlementaire a travaillé avec nous pour intégrer le droit à l’alimentation et à la nutrition dans la constitution. La Cellule de coordination supervise la performance de tous les réseaux SUN et soumet des rapports trimestriels au gouvernement. Tous ces réseaux ont des plans annuels et chacun d’entre eux a développé une institution pour organiser des activités liées à la nutrition. Toutefois, des difficultés subsistent, notamment le chevauchement des réseaux de SUN avec un certain nombre d’autres cadres de coordination existants, tels que le cadre de coordination de la sécurité alimentaire, etc.

3. Existe-t-il des plateformes ou des intervenants importants dans le domaine de la nutrition en dehors de l’architecture du Mouvement SUN (par exemple, des groupes de la nutrition, d’autres plateformes axées sur les urgences, des plateformes agricoles, etc.) ?

Il existe un certain nombre d’autres cadres en dehors des réseaux gouvernementaux, notamment les réseaux de regroupements mis en place par les agences des Nations Unies, tels que ceux pour la nutrition, la sécurité alimentaire et la santé, ou pour les interventions d’urgence. Même si ces cadres de coordination supplémentaires sont parfois mis en place à des fins ou sur des thèmes spécifiques, ils se chevauchent avec les réseaux du Mouvement SUN qui coordonnent les mêmes institutions. Le gouvernement s’efforce de regrouper toutes les institutions dans le même cadre de coordination afin d’éviter les doubles emplois et d’assurer la multisectorialité. Le fait d’avoir différents niveaux de coordination rend mon rôle plus stimulant et j’ai plaidé en faveur d’un meilleur rapprochement, en particulier avec les partenaires des Nations Unies. 

Figure 1 : Cellule de coordination en matière de nutrition

4. Quand et comment l’unité de coordination a-t-elle été mise en place ? Fonctionne-t-elle comme la principale plateforme multipartite du pays ? Quelles sont ses principales responsabilités ? Comment est-elle financée ?

 La Cellule de coordination a été créée en mars 2015 pour reprendre le rôle rempli par REACH après sa fermeture. Son mandat est de renforcer la gouvernance en matière de nutrition. Cela se fait à l’aide de quatre éléments : communiquer avec tous les groupes sectoriels, faciliter la coordination autour de la vision politique, faciliter la collaboration en activant des plateformes multipartites et multisectorielles et surveiller la mise en œuvre du plan national en matière de nutrition.

 La Cellule est la correspondance du gouvernement pour tous les réseaux au niveau central. Au niveau décentralisé, nous avons également pour mandat de faciliter l’activité de trois cadres de coordination différents opérant au niveau régional, départemental et communal (voir la figure 1). Les coûts de fonctionnement sont principalement financés par le gouvernement, mais la Cellule a également été soutenue par le Programme alimentaire mondial pendant quatre ans.

5. Quelles sont les principales activités auxquelles l’unité de coordination et les réseaux du Mouvement SUN ont participé ? Quelles sont les activités prévues pour l’année prochaine ?

Nous avons quatre ou cinq employés permanents, mais la Cellule est également composée de correspondants nutritionnels dans tous les ministères concernés (18 à 20 ministères d’exécution) et nous organisons le renforcement des capacités par des formations sur les concepts fondamentaux de la nutrition, entre autres. La Cellule n’a pas de programmes propres, mais nous participons à l’intégration de la nutrition dans toutes les politiques pertinentes. Par exemple, la Cellule fait partie du groupe qui révise la politique nationale de l’eau et nous faisons pression pour la sensibiliser aux aspects liés à la nutrition. Les principales activités mises en exergue dans le plan d’action de l’unité sont de rendre opérationnelles les réunions de coordination entre les différentes plateformes, de poursuivre le renforcement des capacités des correspondants gouvernementaux pour la nutrition et de renforcer les réseaux nationaux du Mouvement SUN.

6. Quelles ont été les difficultés rencontrées dans le fonctionnement de la Cellule ?

 L’une des difficultés de cette unité est qu’elle a une structure atypique parce qu’elle est organisée par le cabinet du Premier ministre, tout en étant déléguée au niveau du Ministère de la santé, ce qui la rend moins puissante qu’elle ne devrait l’être. Elle ne dispose pas non plus de fonds suffisants pour jouer son rôle, pour motiver le personnel en lui versant les salaires des fonctionnaires par exemple.

 La coordination au niveau sous-national est l’un des défis les plus importants auxquels la Cellule est confrontée. Des réunions au niveau national et même régional sont organisées régulièrement, mais les réunions de coordination ne se tiennent pas au niveau opérationnel (des communes). Pour que ces cadres de coordination fonctionnent, nous devons leur fournir des outils simples d’autoévaluation de leurs besoins (ces outils sont en cours d’élaboration au niveau de la Cellule), mais nous avons besoin de soutien pour cela.

7. Pouvez-vous nous faire part de certaines expériences acquises dans votre rôle de coordinateur nutritionnel et point focal ?

Le principal enseignement retenu du fonctionnement de l’unité est qu’elle a besoin de trois types de leadership : le leadership politique, le leadership institutionnel et le leadership du personnel. La chose la plus importante à changer en ce qui concerne le Mali est la disponibilité des données. La mise en place de systèmes de surveillance opérationnels nous permettrait d’obtenir des données depuis le plus bas niveau. Et ceci permettrait une meilleure coordination et une [meilleure] gestion des programmes pour changer éventuellement la situation de la nutrition au Mali.

8. Selon vous, le Mouvement SUN a-t-il été une source d’énergie significative et de changement dans le pays, ou le pays était-il déjà engagé dans un programme à long terme et multisectoriel en matière de nutrition ?

Le fait de rejoindre le Mouvement SUN a été très important pour le Mali. Le Mouvement SUN a encouragé le pays à développer une stratégie multisectorielle en matière de nutrition, qui a été également budgétisée. De plus, le Mouvement SUN a appuyé le partage des expériences à travers sa participation dans de nombreuses réunions.

Au niveau national, les parties prenantes du Mouvement SUN, incluant des donateurs et des agences onusiennes, ont rencontré le secrétaire général du gouvernement malien pour défendre la cause en matière de nutrition et l’élever à un niveau institutionnel plus haut. Ce genre de plaidoyer ne peut être effectué par des institutions moins importantes, mais seulement par des partenaires.


Enquête SMART (2017).

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