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La prévention du retard de croissance en Indonésie : Éveiller les consciences au niveau infranational

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Akim Dharmawan (Docteur) est le responsable du Secrétariat du Mouvement SUN au Ministère national du développement et de la planification (Bappenas) en Indonésie. Il a travaillé comme nutritionniste et médecin dans la santé publique pendant plus de 15 ans. Son expérience couvre la préparation et gestion de programme, les interventions visant à changer les comportements, ainsi que le développement, la gestion et l’évaluation des milieux communautaires.

Pungkas Bahjuri Ali (Docteur) est le Directeur de la santé publique et de la nutrition au Ministère national du développement et de la planification (Bappenas), ainsi que secrétaire de l’équipe technique du Mouvement SUN en Indonésie. Il travaille de près avec les gouvernements nationaux ainsi qu’infranationaux dans la mise en œuvre des programmes de santé et de nutrition.

Dr Entos Zainal est le Directeur adjoint pour le renforcement communautaire et la nutrition publique au Ministère national du développement et de la planification (Bappenas). C’est un expert en préparation et mise en œuvre des programmes de santé publique et nutrition.    

Ardhianti a une maitrise en santé publique et fait partie de l’équipe responsable de la préparation et de la coordination technique du mouvement communautaire Healthy Lifestyle ainsi que d’interventions de nutrition visant à accélérer la réduction des retards de croissance.

Evi Nurhidayati travaille comme assistant de programme au Secrétariat du Mouvement SUN d’Indonésie à l’agence de la préparation du développement national depuis 2016. 

Nur Akbar Bahar travaille comme assistante de programme au Secrétariat du Mouvement SUN d’Indonésie à l’agence de préparation du développement national depuis 2016.

Introduction

L’Indonésie est un pays à revenu moyen inférieur et l’économie la plus vaste d’Asie du Sud-Est1. Une croissance économique rapide au cours des dix dernières années combinée à des investissements du gouvernement dans le développement social a permis de réduire de moitié le taux de pauvreté du pays depuis 1999, atteignant les 10,9 % en 20161. Cependant, les bénéfices de la croissance économique ne sont pas en phase avec l’amélioration des indicateurs sociaux et de santé, et 36 % des enfants de moins de cinq ans (EM5) souffrent d’un retard de croissance (taille inférieure pour leur âge), tandis que 14 % d’entre eux sont touchés d’émaciation (poids inférieur pour leur taille)2.

La prévalence du retard de croissance au niveau national (qui affecte près de 9 millions d’enfants de moins de cinq ans) a lentement diminué dans les dix dernières années. Cependant, sa réduction est inférieure aux attentes en la matière (le retard atteignait 40 % des EM5 en 2007 et 37,2 % en 2013)3. Bien que la fréquence du retard soit la même dans les 34 provinces d’Indonésie, la province de Nusa Tenggara Timur à l’est connait un retard de 70 %, quand la province de Jambi est celle avec le taux le plus bas à 37,9 % 3. Les enfants touchés par un retard de croissance se trouvent dans les populations rurales tout comme dans les populations urbaines (respectivement 42,1 % et 32,5 %)3. De plus, presque un tiers des EM5 parmi les foyers les plus aisés souffrent de retard de croissance (29 %), ce qui laisse à penser que le retard de croissance n’est pas lourdement influencé par la localisation ou le statut économique.3

Coordination des efforts autour du retard de croissance

Pendant de nombreuses années, les efforts de prévention du retard de croissance n’ont pas été mis en œuvre efficacement, d’abord parce que la nutrition était seulement associée au secteur de la santé (Ministère de la santé) et aux interventions spécifiques pour la nutrition. On estime que l’échec de l’Indonésie dans la prise en charge de la malnutrition coûterait à l’économie du pays entre 17,5 et 26 millions de dollars américains (260 à 390 milliards de Roupies indonésiennes) par an de Produit intérieur brut (PIB). Les interventions spécifiques et sensibles à la nutrition, ne semblent pas complètement coordonnées à tous les niveaux en matière de préparation, budgétisation, mise en œuvre, contrôle et évaluation, ce qui a été reconnu comme un obstacle majeur dans la prévention du retard de croissance. De plus, le manque de capacités locales dans les districts, les sous-districts et les villages constitue une source de difficulté qui reste à surmonter.

Après avoir reconnu le besoin de mettre fin au retard de croissance, le pays a lancé une stratégie nationale appelée Interventions intégrées en matière de nutrition (INI) visant à réduire et à prévenir le retard de croissance en août 2017. Aucune des activités des INI n’est «â€‰nouvelle », mais la stratégie (soutenue par le Président Joko Widodo) propose des directives pour que les acteurs aux niveaux national et infranational puissent accélérer la prévention et la réduction du retard de croissance. Les INI consistent en cinq domaines clés : 1) Engagement et visibilité de la part des membres les plus importants de l’État ; 2) Une campagne nationale axée sur le changement des comportements ; 3) Convergence, coordination et consolidation ; 4) Politique de sécurité alimentaire, et 5) Suivi et évaluation.

Afin d’améliorer la qualité des interventions multisectorielles (telles que celles impliquant l’agriculture, l’éducation et la protection sociale), un plan de vision géographique a été conçu pour créer une prise de conscience et l’engagement pour les INI dans 100 régions (parmi les 514 régions d’Indonésie) dans 34 provinces en 2018. Le choix des régions se base sur plusieurs critères, dont le nombre d’EM5, la prévalence des retards de croissance et de l’émaciation chez les EM5, ainsi que la prévalence de pauvreté. Il est prévu d’étendre le périmètre d’action à 160 régions de plus en 2019.

Figure 1 Répartition géographique de la prévalence du retard de croissance en Indonésie

Institut national de recherche et de développement en santé. Ministère de la Santé

Renforcer l’action infranationale

Le premier domaine clé des INI a pour objectif le renforcement de l’engagement et des capacités des gouvernements locaux. Un évènement de National Rembuk Stunting (un genre de «â€‰stage intensif » ou de sommet contre le retard de croissance) a eu lieu en novembre 2017 à Jakarta avec la participation active de huit régions. Dix-neuf ministères/institutions du gouvernement se sont rassemblés pour l’évènement, incluant des partenaires de développement, des organisations de la société civile, académiques et professionnelles, ainsi que les médias. Celui-ci s’est concentré sur la transmission des meilleures pratiques aux niveaux mondial et national, ainsi que sur les expériences faites par les villages sur les façons de renforcer la coordination entre le gouvernement national et les autorités locales pour permettre une meilleure efficacité du programme. Un atelier avec les leadeurs principaux des régions afin de développer un plan d’action adapté. Les deuxième et troisième évènements de National Rembuk Stunting se sont tenus à Jakarta en mars 2018. Au total, 26 régions y ont participé (13 régions à chaque évènement).

Plateforme pour les évènements au niveau régional

Rembuk Stunting propose une nouvelle plateforme (à laquelle le réseau du Mouvement SUN a également été invité) de partage d’informations et d’apprentissage entre le gouvernement national et les autorités locales, axée sur la préparation et la budgétisation des INI. Les évènements nationaux de Rembuk Stunting ont été suivis par des évènements similaires au niveau des provinces et des régions, financés par le budget du gouvernement ainsi que des partenaires/donateurs pour le développement. À ce jour, cinq régions sur les 34 ayant participé aux évènements nationaux ont organisé un Rembuk Stunting an niveau de la région et/ou des villages. Les membres du secteur privé local, du secteur académique local, des organisations professionnelles et de la société civile y ont participé. Tous ont contribué aux discussions sur la réduction et la prévention du retard de croissance au niveau de la région/des villages.

Bappenas, avec le soutien de la Banque mondiale, a développé un programme de Rembuk Stunting contenant les directives d’animation, incluant le retard de croissance ainsi que d’autres données en lien avec la santé pour chaque région afin d’ouvrir les discussions parmi les leadeurs des régions, un plan de travail avec un agenda des activités dans le temps, ainsi qu’un tableau de bord sur la santé et la nutrition. Le gouvernement du district a appris comment utiliser et analyser les données de santé et de nutrition, développer des recommandations en se servant d’une approche basée sur des données validées, sur des actions prioritaires et décisives basées sur l’analyse de problèmes locaux, et comment s’assurer d’avoir un financement adéquat pour la mise en œuvre des actions prioritaires choisies. Les villages ont été encouragés à utiliser les subventions de village (en provenance du gouvernement central) afin de réduire le retard de croissance en investissant dans des infrastructures, telles que les centres de santé et les équipements sanitaires et d’eau. Il existe également des rapports du Ministère pour les villages qui montrent que les activités relatives à la santé et à la nutrition sont en hausse au sein des districts clés.

Faire face aux enjeux

Il a été constaté que les différences de capacités entre les districts doivent être évaluées de manière adéquate, avec une session de suivi de la planification au niveau du district menée par le gouvernement central ou provincial à la suite d’un évènement du Rembuk Stunting. Une inclusion plus vaste des universités et experts locaux est également requise afin de fournir des conseils techniques pour les gouvernements de district. Coordonner le travail avec les gouvernements au niveau infranational est un défi à cause du manque de personnel et d’une charge de travail importante à ce niveau. Choisir un point focal pour chaque Dina (organisations du gouvernement au niveau infranational pour la santé, l’éducation, le développement du village, les travaux publics et l’aménagement, etc.) et établir/convenir des réunions régulières sont essentiels pour garantir la participation de tous. Finalement, des outils de plaidoyer et une stratégie de communication doivent être développés pour garantir la durabilité de l’engagement. En outre, des règlements gouvernementaux/municipaux spécifiques doivent être élaborés pour justifier et soutenir la mise en œuvre des Interventions intégrées pour la nutrition (INI).

Enseignements à tirer et prochaines étapes

Rembuk Stunting s’avère être un outil de plaidoyer très effectif pour les leadeurs du gouvernement au niveau infranational, et il a déjà fourni des opportunités d’apprentissage direct lors des visites sur le terrain entre les districts prioritaires pour permettre une reconnaissance accrue de l’INI. En outre, les capacités ont été renforcées au niveau infranational grâce à l’amélioration des connaissances et des aptitudes en matière de planification, de coordination et de suivi de l’INI. Les 34 districts initialement ciblés ont désormais élaboré des plans d’action. D’autres manifestations du Rembuk Stunning sont prévues afin de couvrir les districts prioritaires restants, et le cadre de suivi et d’évaluation (y compris des visites dans chaque village) est en cours de finalisation pour permettre le compte-rendu des progrès.


1www.worldbank.org/en/country/indonesia/overview

2globalnutritionreport.org/wp-content/uploads/2017/12/gnr17-Indonesia.pdf

3Basic Health Survey (Riskedas) 2013, Ministère de la santé, République d’Indonésie

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