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Mécanismes de coordination de la nutrition : les quoi, pourquoi et comment

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Stefano Fedele, Spécialiste régional de la nutrition de l’UNICEF pour l’Amérique latine et les Caraïbes (LAC), est le coordinateur du GRIN-LAC (Grupo de Resiliencia Integrada de Nutrición), une plateforme régionale de coordination et d’appui technique visant à renforcer la préparation et la réponse nutritionnelle d’urgence. L’interview est basée sur un webinaire GRIN-LAC préparé par Yvette Fautsch Macias, consultante sur la nutrition dans les situations d’urgence pour la région LAC de l’UNICEF.

1. Qu’est-ce qu’un mécanisme de coordination et pourquoi est-il nécessaire ?

Un mécanisme de coordination nutritionnelle est un groupe d’organisations/de parties prenantes engagées et disposées à soutenir la nutrition en coordonnant conjointement leurs activités pour obtenir de meilleurs résultats nutritionnels.

Historiquement, les mécanismes de coordination dans la région de l’Amérique latine et des Caraïbes (comme ailleurs) ont été liés aux situations d’urgence, sur la base de l’approche «â€‰cluster » utilisée dans une réponse humanitaire. Toutefois, bien que la sous-nutrition ait considérablement diminué dans la région de l’Amérique latine et des Caraïbes, la persistance du retard de croissance et de l’anémie dans certaines zones et certains groupes, et l’augmentation généralisée du surpoids et de l’obésité font que la malnutrition reste une priorité nationale dans tous les pays. L’intensification des efforts nationaux pourrait être fortement facilitée par une table sectorielle spécialisée, dirigée par les autorités nationales et ouverte à tous les principaux acteurs.

Pour la plupart des pays d’Amérique latine et des Caraïbes, une table sectorielle permanente et inclusive sur la nutrition peut s’avérer très importante pour améliorer l’efficacité, l’efficience et la rapidité des programmes nationaux de nutrition ; et dans les régions plus exposées aux crises, un mécanisme permanent peut également renforcer le lien entre l’aide humanitaire et le développement, les besoins à court terme étant liés aux objectifs, plans et financements à moyen et long termes. Pour que le mécanisme de coordination fonctionne, il est important de trouver différentes manières de travailler ensemble, de définir des moyens de communication et de disposer d’un mécanisme de suivi des actions, comme des réunions régulières. En outre, lorsque les initiatives sont soutenues par un consensus plus large entre les principales parties prenantes, elles ont plus de poids en termes de plaidoyer, contribuant à améliorer la nutrition au plus haut niveau des programmes politiques nationaux.

2. Existe-t-il généralement un seul mécanisme de coordination nutritionnelle au niveau national ou peut-il y en avoir beaucoup ?

Il existe différents modèles, mais souvent, un groupe de nutrition principal peut accueillir des sous-groupes spécifiques qui travaillent sur des questions de nutrition spécifiques, comme les carences en micronutriments, les soins pour la malnutrition aigüe, la prévention du surpoids et de l’obésité à l’école, etc. et renvoient au groupe principal. Les mécanismes de coordination de la nutrition au niveau infranational (par exemple au niveau régional, de l’État, du département ou du district) peuvent également être très utiles pour s’assurer que le travail se concentre sur les questions de nutrition les plus répandues au niveau local et englobe l’engagement et l’appropriation communautaires, afin de produire un impact plus fort et plus durable.

3. Dans certains pays, la nutrition fait partie des mécanismes de coordination de la sécurité alimentaire. Est-ce suffisant pour résoudre les problèmes de nutrition ?

Comme la sous-nutrition persiste dans de nombreuses zones ou groupes vulnérables, la surcharge pondérale des enfants est en hausse dans presque tous les pays, et la fréquence, la gravité et l’imprévisibilité des catastrophes naturelles continuent à augmenter. Il serait peut-être plus logique d’envisager un mécanisme de coordination spécifique à la nutrition pour donner plus de temps et d’inclusivité aux initiatives spécifiques à la nutrition, puis d’utiliser le consensus plus large obtenu pour faire avancer le programme dans des forums intersectoriels plus grands.

Si la transition d’un mécanisme de coordination, qui combine la nutrition avec la sécurité alimentaire ou la santé à un mécanisme de nutrition spécifique, est trop controversée sur le plan politique pour être réalisée à court terme, il peut être plus facile de créer un groupe technique distinct, moins formel, spécifique à la nutrition, qui fera ensuite rapport de ses travaux au groupe sectoriel élargi, tout en renforçant en même temps le plaidoyer pour établir un mécanisme plus formel de nutrition. L’amélioration des résultats nutritionnels peut alors renforcer l’argument en faveur d’une transition vers un statut de mécanisme plus formel.

4. Quel est le meilleur moment pour établir un mécanisme de coordination afin de préparer une réponse nutritionnelle lors d’urgences ?

Il faut du temps pour créer un mécanisme de coordination à partir de zéro en cas de catastrophe majeure, par exemple pour dresser la liste des principales parties prenantes, élaborer des outils de coordination et définir les différents rôles et responsabilités. Tout retard a un coût sur le plan financier, mais aussi en termes de souffrance humaine. Il peut être plus rentable d’augmenter la capacité minimale de programmation et de coordination pour traiter les questions de développement plus régulières, qui peuvent alors être plus facilement transposées à plus grande échelle en cas d’urgence. Les principales mesures de préparation comprennent la mise en place d’un mécanisme de coordination inclusif et fonctionnel aux niveaux national et infranational, et l’élaboration d’un plan d’intervention nutritionnelle dans les situations d’urgence.

5. Qui devrait diriger au niveau national ?

C’est aux autorités nationales qu’il incombe au premier chef d’assurer le bien-être de leur population et, à ce titre, la direction d’un mécanisme de coordination nutritionnelle devrait incomber à l’institution nutritionnelle la plus élevée pour garantir la pleine appropriation des déterminants de la malnutrition et des solutions potentielles. Il est important de veiller à ce que les représentants du mécanisme nutritionnel participent aussi activement aux platesformes sectorielles d’autres secteurs-clés tels que la santé, l’eau, l’assainissement et l’hygiène (EAH) et la sécurité alimentaire.

Activités de résilience à la sècheresse à San Antonio del Sur, Cuba

6. Comment pouvez-vous maintenir un mécanisme de coordination de la nutrition lorsque les gouvernements changent ?

Si la lutte contre la malnutrition est perçue comme un problème d’État plutôt que comme un problème gouvernemental, un mécanisme de coordination spécifique peut faciliter le transfert des initiatives clés entre les gouvernements ultérieurs. Afin d’assurer la continuité, il est important d’inclure les organisations de la société civile, des représentants communautaires, des agences des Nations Unies, etc. Au Guatemala par exemple, lorsque le gouvernement change, le mécanisme de coordination pour la nutrition écrit aux nouvelles autorités gouvernementales en détaillant le fond du mécanisme, les objectifs et les activités actuelles, tout en invitant celles-ci à jouer un rôle de leader.

7. Quel devrait être le rôle du secteur privé dans de tels mécanismes ?

Le secteur privé peut jouer un rôle important dans la prévention de la malnutrition par le biais de la production d’aliments de base fortifiés et d’aliments thérapeutiques prêts à l’emploi (ATPE), et par une garantie d’accès à des aliments plus sains à des coûts raisonnables. En revanche, un aspect important est à prendre en compte : le potentiel conflit d’intérêts. Tandis que l’implication de l’industrie agroalimentaire peut être nécessaire afin de conduire une mobilisation plus large au niveau du plaidoyer, il est important de s’assurer que l’élaboration des politiques de santé publique est d’abord guidé par l’intérêt national, puis par le gain financier privé. L’OMS a développé des directives en ce sens1.

8. Un cadre de référence est-il nécessaire ?

D’une part, avoir un cadre de référence défini peut rendre le travail de groupe plus systématique, et apporter une meilleure compréhension et une reconnaissance officielle de la part des personnes extérieures au processus. D’autre part, il faut rester vigilant, car un cadre de référence peut parfois être inflexible et créer une barrière ou un problème au lieu d’agir comme facilitateur de la coordination. L’absence de cadre de référence ne devrait pas empêcher les parties prenantes de se rencontrer, de discuter ou de trouver des moyens de travailler ensemble. En d’autres termes, il est recommandé de mettre au point un tel cadre sans pour autant laisser le processus ralentir les progrès.

9. Avez-vous des recommandations particulières pour les pays ?

Il n’existe pas de règle pour établir de tels mécanismes, mais il est important d’avoir des discussions en espace ouvert pour le développement des politiques avec différents acteurs du domaine de la nutrition au niveau national. De petits groupes peuvent être créés pour effectuer le travail et remettre un compte-rendu au mécanisme général de coordination de la nutrition, mais leur nécessité dépendra de la décision des pays. En outre, afin d’obtenir un impact effectif, efficace et dans un délai convenable dans les situations d’urgence, le mécanisme de coordination devrait être mis en place au préalable.

Une assistance pour GRIN-LAC est disponible à l’adresse : yfautsch@unicef.org


1OMS. 2016. Aborder et gérer les conflits d’intérêts dans la planification et l’exécution des programmes de nutrition à l’échelle nationale : www.who.int/nutrition/events/2015_conflictsofinterest_nut_programmes/en/ OMS. 2017. Protection contre de potentiels conflits d’intérêts au sein des programmes de nutrition : www.who.int/nutrition/consultation-doi/comments/en/

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