Décennie d’action des Nations Unies pour la nutrition : le Brésil, l’Équateur et l’Italie s’engagent
Trudy Wijnhoven est responsable de la nutrition et le point focal technique de la Décennie d’action pour la nutrition des Nations Unies, au siège de la FAO, à Rome en Italie.
Michele Lessa de Oliveira est la Coordinatrice générale pour la nutrition et l’alimentation au Ministère de la santé du Brésil.
Angélica D Tutasi-Lozada est Coordinatrice de la gestion interne pour la promotion de la nutrition, de la sécurité et de la souveraineté alimentaire, au Ministère de la santé publique en Ãquateur.
Giuseppe Ruocco est le Secrétaire général au Ministère de la santé en Italie et le président du groupe national de travail «âIta Decadeâ».
Lina Mahy est agent technique au Service de la nutrition pour la santé et le développement au sein de l’OMS, à Genève en Suisse.
Les auteurs sont seuls responsables des opinions exprimées dans cet article et ne représentent pas nécessairement les vues, décisions our politiques des institutions auxquelles ils sont affiliés.
Contexte
En proclamant 2016-2025 Décennie d’action pour la nutrition en avril 2016, l’assemblée générale des Nations Unies a engagé les Ãtats membres pour dix années d’actions cohérentes et soutenues en faveur de la nutrition1. La Décennie d’action pour la nutrition offre une contrainte d’échéance unique et justifiable pour les pays et leurs partenaires afin de faire avancer l’agenda mondial concernant la nutrition (et notamment les objectifs de l’Assemblée mondiale de la santé pour l’alimentation maternelle, des jeunes enfants et des nourrissons ainsi que les objectifs de développement durable concernant la nutrition et la sécurité alimentaire), mais elle cherche également à maintenir la question des progrès en matière de nutrition au sein des programmes des décideurs politiques, aux plus hauts niveaux nationaux et internationaux. La Décennie est un moyen de plaider en faveur de la mise en œuvre des politiques et du programme, des investissements accrus dans le domaine de la nutrition et du renforcement, ainsi que de l’alignement des efforts existants, afin de garantir aux populations l’accès à une alimentation saine.
L’engagement des pays à prendre des mesures est essentiel au soutien de la Décennie d’action pour la nutrition vis-à-vis de l’élaboration des politiques gouvernementales, des investissements et de l’action sur le terrain. Les nations sont encouragées à mettre en place des engagements SMART (spécifiques, mesurables, réalistes, adéquats et dans un délai limité) qui aident l’ensemble des acteurs à comprendre quelle action est envisagée et à améliorer le suivi (par exemple, le Mouvement de renforcement de la nutrition (SUN) , est impliqué dans la transformation SMART des engagements existants dans 60 pays SUN). Ces engagements, officiellement soumis au secrétariat de la Décennie2, sont suivis régulièrement via des autoévaluations par pays. Lors de l’Assemblée mondiale de la santé en 2017, le Brésil et l’Équateur furent les deux premières nations à s’engager concrètement et de manière ambitieuse pour agir, suivis par l’Italie (un certain nombre d’autres gouvernements se sont engagés, par exemple à augmenter le financement domestique pour la nutrition, sans avoir envoyé de lettre officielle de confirmation). Les trois pays offrent un résumé de la manière dont ces engagements ont été traduits en actions, ainsi que quelques-uns des défis auxquels ils ont fait face.
Brésil
Le gouvernement brésilien s’est engagé sur un ensemble de 38 points, regroupés en 6 zones d’action de la Décennie d’action pour la nutrition, et a défini des mesures politiques spécifiques à entreprendre afin d’atteindre les objectifs fixés. Ces engagements font partie du Plan national 2016-2019 de sécurité nutritionnelle et alimentaire du pays, qui a défini des directives, des objectifs, des ressources et des outils pour l’évaluation et le suivi, impliquant différents secteurs de la société et du gouvernement, avec comme but commun une alimentation saine et adéquate.
La coordination multisectorielle du Brésil est effectuée par la Chambre interministérielle pour la sécurité nutritionnelle et alimentaire, formée de 20 ministères et secrétariats spéciaux, alors que le suivi est effectué par le Conseil national pour la sécurité nutritionnelle et alimentaire, qui est, selon la loi, composé de deux tiers de représentants de la société civile (notamment, par exemple, des groupes autochtones et petits exploitants), et d’un tiers d’instances gouvernementales afin de garantir une participation sociale significative.
La priorité du Brésil au cours de la Décennie est de faire des progrès dans le domaine de la réduction des facteurs de risques et de la promotion de la santé pour le contrôle et la prévention des maladies non transmissibles (MNT), en accord avec les Plans nationaux s’attaquant aux MNT et en faveur de la sécurité nutritionnelle et alimentaire. La Décennie pour la nutrition a renforcé l’appui politique au programme de la nutrition au Brésil, comme en témoigne la création d’un nouveau programme pour la prévention et la gestion de l’obésité chez l’enfant. Le budget relatif aux activités de nutrition (organisées par le Ministère de la santé) a également augmenté de plus de 40 % ces quatre dernières années, et le programme règlementaire sur la prévention de l’obésité est une priorité actuelle en matière de santé publique.
Ãquateur
Pour l’Équateur, les engagements pris dans le cadre de la Décennie pour la nutrition ont mené le Gouvernement à réaffirmer sa responsabilité de lutter contre toutes les formes de malnutrition à travers le cycle de vie ainsi qu’à mettre en place des mesures qui visent les déterminants de la santé et de la nutrition.
Le Gouvernement a travaillé avec un ensemble d’acteurs appartenant à des institutions publiques et privées, à des organisations de la société civile et à la population en général afin d’établir le Plan multisectoriel sur l’alimentation et la nutrition de l’Équateur pour 2018-2025. Pour élaborer le plan, il a fallu cerner les atouts et les limites envisagés pour la mise en œuvre des mesures par chaque acteur assumant une coresponsabilité. Après avoir suivi ce processus de prise de conscience et de reconnaissance du contexte local, et grâce à la volonté politique résolue des plus hautes autorités, la première phase du plan est en cours de mise en œuvre. Cela se traduit par la mise en place d’un ensemble prioritaire de mesures d’intervention dans les secteurs de la santé, l’éducation et l’aide sociale, y compris le renforcement des règlementations et des stratégies visant à promouvoir une alimentation saine et la pratique d’exercices physiques, ainsi que des mesures concrètes qui favorisent la santé pendant les 1 000 premiers jours de la vie.
Italie
L’Italie a commencé de travailler sur la Décennie pour la nutrition en lançant le «âNational Working Group Tavolo Italia Decade per la nutrizione (NWG - Ita Decade)â», en juillet 2017. Le NWG-Ita Decade, qui est à la fois multisectoriel et multipartite, a mis en œuvre un «âMéta Projetâ» intégrant les dimensions nationale et internationale.
En juillet 2018, une première mesure nationale a consisté à lancer une plateforme Décennie pour la nutrition sur le site Web du Ministère de la santé afin de partager des informations sur la nutrition et l’alimentation saine préparées par les instituts de recherche et les ministères nationaux participant au NWG-Ita Decade. Les étapes suivantes seront axées sur l’élaboration d’un nouveau protocole, conformément à l’accord de 20153 entre le gouvernement et le secteur alimentaire sur les «âproduits alimentaires transformésâ» qui visait à définir plusieurs catégories de produits (viennoiseries, céréales, confiseries, boissons non alcoolisées, etc.) vis-à-vis desquelles le secteur alimentaire s’engage à réduire la teneur en sucre, en graisses saturées, en acides gras trans et en sel, parallèlement à un effort constant en vue de modifier les tailles des portions et de fournir des informations supplémentaires sur les étiquettes.
S’agissant des mesures internationales, le pays vise à lancer le «âmodèle d’alimentation saineâ» comme exemple de régime alimentaire durable et local qui respecte les collectivités et leurs spécificités géographiques, socioéconomiques et culturelles. Le modèle s’appuiera sur des échanges au sujet des régimes alimentaires durables et traditionnels, le régime méditerranéen par exemple, comme moyen de lutter contre toutes formes de malnutrition (y compris l’obésité, le surpoids et les carences en micronutriments).
Conclusion
Le Secrétaire général des Nations Unies, dans son premier rapport sur la mise en œuvre de la Décennie pour la nutrition, a souligné le besoin de transposer la mise en œuvre à plus grande échelle, d’augmenter les investissements en faveur de la nutrition, d’améliorer la cohérence des politiques et d’accroitre le nombre d’engagements nationaux (la Décennie nutrition n’a aucun financement supplémentaire, mais encourage les pays à accélérer leurs efforts en ce sens). Des solutions abordables existent permettant de réduire toutes les formes de malnutrition, mais elles exigent, au niveau mondial, des visées plus ambitieuses et une action plus rigoureuse qu’il n’y a actuellement. Bien que seulement trois pays se soient engagés de manière formelle, il est à espérer que d’autres pays suivront, contribuant ainsi à la réalisation des objectifs de développement durable et à l’atteinte des cibles mondiales en matière de nutrition et en matière de maladies non transmissibles liées au régime alimentaire.
Références
Mise en œuvre de la Décennie d’action des Nations Unies pour la nutrition (2016-2025). Rapport du Secrétaire général undocs.org/A/72/829
Renforcer l’action en nutrition : Un guide de resource pour les pays basés sur les recommendations politiques de la Deuxième conférence internationale sur la nutrition (ICN2) (FAO et OMS) www.fao.org/3/ca1505en/CA1505EN.pdf
1 Résolution adoptée par l’Assemblée générale le 1er avril 2016, 70/259, Décennie d’action des Nations Unies pour la nutrition (2016-2025). A/RES/70/259 â https://undocs.org/A/RES/70/259.
2 Dans sa résolution A/RES/70/259, l’Assemblée générale des Nations Unies a demandé à la FAO et OMS d’assurer le secrétariat de la Décennie d’action des Nations Unies pour la nutrition
3 www.salute.gov.it/imgs/C_17_pubblicazioni_2426_ulterioriallegati_ulterioreallegato_0_alleg.pdf