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Renforcer et améliorer la nutrition au sein du programme des repas scolaires au Kirghizistan

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Emma Khachatryan dirige le programme des repas scolaires pour le Programme alimentaire mondial (PAM) en République kirghize. Elle possède dix ans d’expérience au sein des programmes de développement pour les adolescents, les enfants et les réfugiés.

Nurshaim Tilenbaeva est spécialiste de la santé publique et a précédemment travaillé comme Responsable de Politique du Programme de Nutrition au bureau national du PAM en République kirghize.

Introduction

La République kirghize est un pays enclavé d’Asie centrale, d’une population de 6,2 millions d’habitants. La situation alimentaire du pays n’a cessé de s’améliorer au cours de la dernière décennie, avec une réduction de la présence d’anémie par carence en fer chez les femmes en âge de procréer et chez les enfants âgés de 0 à 5 ans (EM5), ainsi qu’une diminution du retard de croissance chez les EM5, passant de 23 % en 2009 à 13 % en 2014. Cependant, des niveaux élevés de carences en micronutriments (en particulier anémie et carence en iode) persistent, des zones à fort taux de retard de croissance subsistent (par exemple : 21 % dans la province de Djalal-Abad et 16,4 % dans la province de Naryn), et des cas de surpoids émergent de façon problématique chez les EM5 (7 % en 2014). Le taux d’émaciation est plutôt minime, estimé à 2,8 % en 2014. Nous estimons également que 43 % d’enfants en âge d’être scolarisés en République kirghize ont une carence en iode et que 32 % d’entre eux sont affectés par une carence en vitamine A1.

Malgré des améliorations graduelles de l’économie et une diminution importante du taux de pauvreté, celle-ci affecte toujours un quart de la population, en particulier dans les zones rurales et parmi les femmes et les enfants. La pauvreté est liée au faible niveau de sécurité alimentaire, puisque les personnes en situation de pauvreté dépensent 68 % de leur budget en nourriture. L’insécurité alimentaire dans le pays est saisonnière ; en outre, elle correspond à la pauvreté affectant 25 % de la population générale et 32 % des enfants.1 La dépendance envers la nourriture importée augmente également, ce qui rend les prix des produits alimentaires internes sensibles aux fluctuations internationales du marché.

Optimiser le programme des repas scolaires

Depuis 2013, le PAM travaille avec le gouvernement kirghize et avec des partenaires multisectoriels afin d’améliorer le programme national des repas scolaires (PRS) en s’alignant sur les normes de qualité de la communauté internationale. À ce jour, 450 écoles pilotes ont introduit des repas scolaires améliorés, ce qui représente 15 % des écoles et atteint 113 000 enfants d’écoles primaires dans les sept provinces du pays. Dans le cadre du PAM, le nouveau Plan national stratégique du Kirghizistan (2018-2022) verra 350 écoles supplémentaires recevoir un soutien financier et technique afin d’améliorer leurs repas.

Ce soutien comprend : une assistance technique aux écoles, dont l’assistance dans la reconstruction et la rénovation des cuisines/cantines ainsi que des infrastructures sanitaires de l’école ; l’introduction de nouveaux menus nourrissants ; la formation du personnel (de gestion et de cuisine) ; ainsi qu’un suivi des menus quotidiens. Les partenaires ont travaillé à développer une politique nationale en matière de nutrition scolaire, et la capacité nationale pour une gestion efficace du PAM. Le programme soutient la reproduction ainsi que l’institutionnalisation de repas variés et nourrissants dans toutes les écoles primaires (pour les enfants âgés de 6 à 9 ans).

Une des améliorations principales apportées aux repas scolaires consiste à avoir remplacé le morceau de pain et la tasse de thé traditionnels par une gamme variée de recettes et de menus répondant aux exigences nutritionnelles, notamment du porridge chaud, des soupes et des salades. De la farine de blé enrichie est également fournie pour cuisiner. Les cuisiniers scolaires ont reçu une formation à la préparation des repas.

Plus de 5000 élèves kirghizes bénéficient de repas scolaires nutritifs.

Le financement des repas scolaires

Malgré les limites du budget de l’État, la République kirghize a alloué des fonds pour le financement de repas pour les élèves à un taux de 7 à 10 soms kirghizes (0,10 à 0,15 USD) par enfant par jour depuis 2006, soit une allocation totale de 620 000 000 soms kirghizes (10 000 000 USD). Le gouvernement prend également en charge les salaires des cuisiniers et des aides de cuisine (la dépense totale pour le PRS revient à 2 % du budget de l’éducation nationale).

L’intérêt et la priorisation accordés à la nutrition infantile en République kirghize ont également eu pour résultat un soutien important de la part des autorités locales en faveur du programme, par exemple en fonds pour la rénovation, la maintenance et les autres coûts liés au fonctionnement des cantines. Le programme kirghize est unique dans son approche intégrée et dans l’effort collectif mené par l’État, le PAM et les collectivités locales. Les collectivités/parents contribuent non seulement à l’organisation des repas, mais gèrent et suivent aussi de près les opérations. Les parents et les commerces locaux participent à la création des menus, la cuisine, l’approvisionnement en nourriture, le suivi des dépenses, le contrôle de la qualité de la nourriture et des exigences sanitaires, ainsi qu’à la résolution des problèmes lorsqu’ils surviennent.

Travailler avec des secteurs multiples

Le programme reconnait le besoin de travailler avec d’autres secteurs, tels que celui de l’eau, assainissement et hygiène (EAH), afin d’optimiser les gains en matière de nutrition. Les améliorations des infrastructures comprennent l’eau chaude et froide, l’épuration des eaux usées et les toilettes. Les cuisines scolaires reçoivent des équipements modernes afin de préparer des repas chauds, et la nourriture est préparée et consommée dans de bonnes conditions d’hygiène selon les normes sanitaires nationales. Une formation sur les pratiques d’hygiène est également fournie à tous les membres de la communauté scolaire, notamment par le biais de jeux interactifs sur la nutrition et l’hygiène pour les enfants.

L’agriculture, ou plus particulièrement une approche «â€‰de la ferme à l’école », constitue un autre élément important du programme. La promotion et le soutien des «â€‰fermes » et des potagers dans les écoles dans le but de faire pousser de la nourriture aident à réduire le coût des repas scolaires et permettent d’avoir un meilleur contrôle sur la qualité des produits issus de l’agriculture. Actuellement, près de 85 écoles ont des fermes et des potagers qui ne servent pas seulement à faire baisser le prix des repas et à les rendre plus variés, mais aussi, dans certains cas, de source de revenus pour financer les besoins supplémentaires de l’école. De plus, ce système permet d’améliorer l’économie locale. Il offre des possibilités d’emploi pour les fermiers, des opportunités commerciales aux communautés locales et renforce le marché local.

Participation communautaire

Il est crucial que les collectivités locales (et parfois les comités de village), ainsi que les parents et les grands-parents, s’impliquent dans le programme. Une surveillance et un suivi quotidiens, une participation dans la gestion des repas (comme la collecte de fonds et l’achat de produits supplémentaires), un contrôle quotidien de la qualité de la nourriture et l’apport d’un soutien pour la gestion journalière du PRS sont indispensables pour le processus et des facteurs-clés de réussite pour la pérennité du programme.

À l’heure de défendre l’importance des repas scolaires auprès du gouvernement et de donateurs éventuels, l’engagement des parents et de la collectivité est crucial. Les parents sont les mieux placés pour fournir les arguments qui montrent les avantages du droit qu’ont leurs enfants à une alimentation saine.

Défis du programme

Le principal défi pour la mise en place du programme visant à améliorer les repas scolaires est son coût élevé, et plus particulièrement l’investissement initial comme la remise à neuf. Les infrastructures nécessaires pour organiser tous les jours les repas, comme les bâtiments, les installations sanitaires et de distribution d’eau manquent dans près de 25 % des écoles. La réhabilitation des écoles et l’achat de matériel demandent des investissements financiers considérables. Même si le gouvernement local s’implique et s’engage, on observe souvent des retards et des restrictions dans l’attribution des fonds. Pour répondre à ces problèmes, le PAM (Programme alimentaire mondial) et les collectivités locales soutiennent et font pression à la fois sur les processus administratifs d’allocation budgétaire. Ils se tournent aussi vers d’autres sources de financement comme les donateurs privés, les entrepreneurs locaux et les organisations non gouvernementales.

Les subventions publiques pour les repas ne sont pas suffisantes pour pouvoir fournir une nourriture variée et nutritive. Bien que le menu varié préconisé par PAM prenne en compte les ingrédients disponibles au niveau local et leurs prix pour pouvoir utiliser au mieux les fonds disponibles, on doit encore demander une contribution supplémentaire aux parents, s’élevant plus ou moins à 4 soms (0,05 USD) par jour et par enfant, qu’ils peuvent régler en liquide ou en nature (fruits et légumes de leur propre production ou transfert). La collecte et la gestion des fonds ne se font pas toujours sans heurts et ne sont pas toujours bien acceptées. Il est donc capital d’œuvrer avec les parents et les collectivités locales, non seulement pour obtenir un meilleur soutien pour le financement, mais aussi une organisation et une gestion pratiques de la collecte de fonds ainsi que le maintien du budget.

Enseignements tirés et étapes suivantes

La mise en place de meilleurs repas scolaires, à tous les niveaux, demande un certain nombre de dispositions législatives et règlementaires relatives aux besoins nutritionnels, à la sécurité alimentaire et aux normes d’hygiène, des règlements relatifs aux marchés publics, des exigences en matière de construction et de génie et bien d’autres exigences. Progressivement, et ce, grâce au travail accompli, on a décelé lacunes et incohérences. En effet, plusieurs de ces documents n’ont pas été remis à jour depuis des années ou n’ont, tout simplement, jamais existé. La révision de ces cadres stratégiques et normatifs demande beaucoup de temps et autant de travail. C’est le principal défi à l’heure de mener un programme qui suit deux lignes en parallèle : la mise en place et le soutien des politiques menées.

Pour que la mise en place du programme soit un succès, il est capital de faire un suivi régulier. Le programme pour les repas scolaires en a besoin. Il faut aussi s’assurer de sa bonne coordination et que toutes les parties prenantes prennent en compte les développements du programme et qu’elles y participent.

C’est maintenant au Ministère de l’éducation de faire les prochains pas, avec le soutien du PAM. Il faut trouver de nouveaux modèles d’organisation des repas scolaires et de rentabilité pour ces écoles où les infrastructures manquent pour pouvoir servir des repas chauds aux élèves. Près de 500 écoles dans tout le pays sont dans ce cas.


1Enquête en grappes à indicateurs multiples Kirghizistan, 2014.

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