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Développer un cadre commun pour les résultats concernant la nutrition en Somalie

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Dr Mohamed Abdi Farah est le conseiller spécial pour la Santé et le coordinateur national pour la Nutrition (point focal SUN) pour le Mouvement SUN.

Mohamed Abdi Hasan est le conseiller pour le développement humain et social au sein du Cabinet du Premier ministre du Gouvernement fédéral de Somalie.

Job Gichuki est un nutritionniste en santé publique spécialisé dans la nutrition d’urgence, la surveillance et la recherche. Actuellement, il travaille au sein de la Horn Population Research and Development (HPED).

Contexte

La Somalie, dans la corne de l’Afrique, a subi de nombreux changements et à plusieurs niveaux : gouvernement, sécurité, développement et environnement humanitaire au cours des 20 dernières années. Sa population est estimée à environ 12,3 millions de personnes. Environ 2,8 Somaliens vivent dans les zones rurales et 5,2 millions (soit près de 42 % de la population totale) vivent en zone urbaine. Près d’un quart de sa population est nomade. Selon le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR), plus de 1,1 million de Somaliens seraient des personnes déplacées.

Le pays vit une crise humanitaire depuis les années 1990, quand la guerre a éclaté. Elle est, à ce jour, l’une des situations d’urgences les plus complexes et les plus longues au monde1. De forts taux de mortalité, la malnutrition infantile, un manque cruel de services de base et un mouvement de population à grande échelle la caractérisent. La prévalence de malnutrition aigüe chez les enfants de moins de 5 ans (EM5) est de plus de 15 %, ce qui est au-dessus du seuil d’urgence. On estime que la prévalence du retard de croissance est de l’ordre de 23,5 %2. La situation sanitaire des Somaliens est préoccupante. À l’échelle mondiale, on y trouve les indicateurs de mortalité et de santé les plus mauvais. Parmi eux, des taux de mortalité de 136 décès pour 1 000 naissances vivantes et un taux de mortalité maternelle de 732 décès pour 100 000 naissances vivantes2.

Au niveau humanitaire, de très grands investissements ont été faits et d’importantes actions ont été menées dans le pays, mais ils n’ont pas été accompagnés par les efforts nécessaires pour le développement et le renforcement des capacités de résilience, ce qui a comme résultat une récurrence des réponses aux crises annuelles. Les efforts pour mettre en place un cadre commun de résultat ont pour objectif d’aiguiller le pays vers des approches de développement plus durables.

La Somalie a rejoint le Mouvement SUN en 2014. À ce moment-là, elle avait déjà développé plusieurs stratégies : une pour la nutrition au niveau national, une pour les micronutriments et une autre pour l’Alimentation des Nourrissons et Jeunes Enfants (ANJE). Il a été décidé qu’un plan d’action ambitieux pour la nutrition, servant de cadre commun de résultat, était nécessaire. Ce serait un document primordial qui servirait à définir la stratégie pour améliorer la situation nutritionnelle de la population en construisant et renforçant des systèmes intégrés et multisectoriels (personnel, fournitures, finances et gouvernance) et en apportant des idées pluridisciplinaires à des programmes pertinents.

Un enfant est pesé dans un centre thérapeutique ambulatoire dans un camp de personnes déplacées de Kabasa (Dolow)

Carte des parties prenantes

La première chose à faire est de cartographier les parties prenantes clés, celles qui peuvent contribuer fortement à l’élaboration et à la mise en place du cadre commun de résultat. De 30 à 40 partenaires issus du gouvernement, du secteur privé et des domaines du développement et de l’aide humanitaire ont participé à une réunion de sensibilisation qui s’est tenue au Kenya en mai 2018. Ce processus a reçu le soutien du projet Maximiser la qualité de la mise à l’échelle de la nutrition (MQSUN+), ce qui a fait que plus de cinq consultants internationaux et quatre experts nationaux ont contribué à la mise au point technique du cadre commun de résultat. Avant cela, trois forums de consultation avaient eu lieu au niveau national, dans les États du Jubaland, du Sud-Ouest et du Puntland. Au niveau des secteurs, des entretiens ont été menés avec plusieurs parties prenantes au sein du gouvernement, d’organismes et d’institutions. Des réseaux SUN pour le milieu universitaire, les affaires et la société civile ont donc été constitués à ce moment-là. En effet, ils jouent un rôle important dans la mise en place du cadre commun de résultat. Le plan de mise en œuvre du cadre commun de résultat prévoit l’utilisation des plateformes existantes et gérées par les Nations Unies. Ainsi, les groupes nationaux et régionaux de la Nutrition aideront à mener des activités de plaidoyer, à élaborer des méthodes d’évaluation et valider leurs résultats et à interclasser les indicateurs.

Approche axée sur les résultats

Pour donner une structure au cadre commun de résultat, une approche axée sur les résultats a été utilisée. Grâce à elle, les résultats intermédiaires alimentent les résultats stratégiques. L’objectif global du cadre commun de résultat est de contribuer à une baisse de 30 % du nombre de cas de malnutrition au cours des cinq prochaines années, en Somalie. On veut aussi par là garder le contrôle sur la variation des taux en établissant un modèle de statut nutritionnel plus stable et plus prévisible. Les sept objectifs stratégiques du plan sont, entre autres : la création d’un climat favorable, la coordination multisectorielle, le développement des ressources humaines, un ensemble complet d’interventions en matière de nutrition, une utilisation optimale des programmes qui tiennent compte de la nutrition et le traitement des questions sociales et culturelles qui entravent l’équité.

Renforcer la résilience nutritionnelle

La vision qu’apporte ce cadre commun de résultat est un changement total de paradigme en ce qui concerne l’interprétation, la mise en place et l’intégration des programmes nutritionnels et des programmes qui tiennent compte de la nutrition. En Somalie, les programmes et projets axés sur la nutrition n’ont pas su exploiter toutes les opportunités, comme le financement et la formation, que présente l’intégration à une programmation plus longue, durable et qui tient compte de la nutrition. Actuellement, des efforts sont déployés pour augmenter les taux d’intégration des activités au moyen du plan d’aide humanitaire, qui garantit que les acteurs de la nutrition ne reçoivent aucuns fonds sans avoir prouvé qu’ils intègrent, un tant soit peu, la santé, la nutrition, et l’eau, l’assainissement et l’hygiène (EAH) dans leurs activités. L’impact le plus espéré du cadre commun de résultat est une mise en marche de l’ensemble du cadre causal pour la nutrition (autrement dit, les causes immédiates, profondes et principales de la malnutrition) dans une démarche qui s’attache à faire converger les politiques et les plans sectoriels et garantit l’exécution des programmes à grande échelle.

Les défis

La collaboration multisectorielle et multipartite comporte son lot de défis. Un de ces défis est le manque de vision commune en ce qui concerne la nutrition. Dans une certaine mesure, on a essayé d’y remédier en dégageant un consensus entre les participants. Cela s’est fait en apportant des données clés en matière de nutrition tout en présentant l’idée d’introduire les préoccupations liées à la nutrition dans les divers systèmes sectoriels. Comme le cadre commun de résultat couvre tous les facteurs responsables de la malnutrition, le défi a été de tomber d’accord sur de nouveaux indicateurs, comme les données de référence et les objectifs. Plusieurs discussions ont eu lieu, en particulier sur l’utilisation de données vieilles de plus de cinq ans pour certains indicateurs clés.

Enseignements tirés

Pendant le processus, il a bien fallu reconnaitre que, bien que le concept du cadre commun de résultat est connu depuis un certain temps et qu’on en reconnait l’importance, il n’est jamais devenu une approche standard et n’a jamais été entériné dans le système national de coordination de la nutrition. Certains secteurs ressentent maintenant le besoin d’adopter une approche commune et semblent vouloir s’engager dans ce processus. L’engagement politique du Cabinet du Premier ministre et la clarté dans les objectifs ont fait que le processus de création du cadre commun de résultat a reçu le soutien bien nécessaire de plusieurs secteurs.

Le document définitif chiffré sur le cadre commun de résultat sera présenté lors d’une réunion de haut niveau où seront présents les acteurs et les parties prenantes clés pour garantir leur engagement à l’heure de le mettre en place. 

 


1Plan d’aide humanitaire pour la Somalie, 2018

2www.scalingupnutrition.org/sun-countries/somalia

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