Analyse budgétaire de nutrition au niveau national: Contribution de l’Afrique de l’Ouest à une approche révisée
Contexte
Néanmoins, sept pays d'Afrique de l'Ouest (le Bénin, le Burkina Faso, la Côte d'Ivoire, la Gambie, le Ghana, la Mauritanie et le Togo) ayant effectué une analyse budgétaire de nutrition en 2015 avec cette approche, ont signalé un certain nombre de défis, notamment des difficultés dans l'identification des lignes budgétaires relatifs à la nutrition. Des divergences significatives ont été observées concernant la manière dont chaque pays a catégorisé et pondéré les lignes budgétaires.
Revue du suivi du financement de la nutrition en Afrique de l'Ouest
En réponse à ces observations, les bureaux régionaux de l'UNICEF et d'Action Contre la Faim (ACF) ont travaillé sur une revue technique du suivi du financement de la nutrition en Afrique de l'Ouest, en consultant des experts des gouvernements, des institutions et des agences partenaires sur le terrain2.
Il en est ressorti les principales conclusions suivantes :
- L'importance de définir une délimitation du champ des programmes de nutrition
Ãtant donné que les problèmes de nutrition nécessitent des approches multisectorielles, de nombreuses actions sectorielles pourraient être incluses dans l’allocation budgétaire au plan de nutrition chiffré. Par conséquent, le groupe de consultation a jugé important d'établir une délimitation précise entre les programmes dans le domaine de la nutrition et les autres. Pour ce faire, le groupe de consultation recommande d'utiliser les cadres communs de résultats (CCR) nationaux, qui répertorient les interventions spécifiques de nutrition et les interventions sensibles à la nutrition. Ces CCR devraient également se baser sur les déterminants de la nutrition dans le pays et être chiffrés.
Ce processus peut en théorie paraître simple, mais l’expérience a montré que la méthode d’identification des lignes budgétaires par recherche par mot-clé présente quelques difficultés, car les libellés budgétaires ne sont pas souvent liés à des documents nutritionnels et n’incluent pas de termes liés à la nutrition. En effet, le système de gestion des finances publiques adopté par la plupart des pays de la région ne permet pas d'identifier directement les dépenses de nutrition3. Pour résoudre ce problème, le groupe de consultation recommande une revue manuelle, ligne par ligne, du budget national. Ce processus est plus long qu'une simple recherche par mot clé, mais il permettrait aux parties prenantes de générer une liste complète de lignes ou de programmes budgétaires gouvernementaux spécifiques à la nutrition et contribuant à la nutrition, conformément aux CCR nationaux4. Cela devrait être réalisé à la fois par des experts en nutrition et par des experts en budget (responsables du budget et de la planification du ministère chargé du budget / des finances / de l'économie et d'autres ministères clés, le cas échéant). Le groupe recommande également d'effectuer cette analyse en incluant des entretiens supplémentaires afin de clarifier certaines lignesbudgétaires, au besoin.
- La classification des lignes budgétaires liées à la nutrition ne devrait pas être systématique
L’importance du cadre conceptuel de la malnutrition résultant des publications du Lancet, ainsi que le continuum de soins ciblant les 1 000 premiers jours (femmes enceintes et mères allaitantes ainsi qu'enfants de moins de deux ans) et les femmes en âge de procréer (y compris les adolescentes) ont été reconnus par le groupe de consultation pour cette étape de catégorisation. Cependant, il a été convenu d’utiliser le cadre conceptuel de la malnutrition duLancetcomme référence mais pas systématiquement comme le seul cadre. L'utilisation du cadre permettrait d'identifier les déterminants de la malnutrition, tout en les différenciant par pays et par région du même pays.
Deux critères sont importants pour déterminer la classification du financement d'un programme de nutrition : 1) l'objectif principal et 2) les résultats attendus en matière de nutrition (impact direct ou indirect)5. "Spécifique de nutrition" fait référence aux interventions à fort impact dans lesquelles les résultats nutritionnels sont explicites. En revanche, "sensibles à la nutrition" s’applique aux programmes dans lesquels les objectifs ou les résultats attendus sont importants pour la nutrition et peuvent s’attaquer aux des déterminants sous-jacents de la malnutrition.
Figure 1 : Cadre conceptuel pour la nutrition-catégories definancement
- Pour le moment une pondération arbitraire ne peut être évitée pour les interventions sensibles à la nutrition, mais elle pourrait être mieux menée et harmonisée.
Piloter une approche consensuelle
Difficultés rencontrées
L’analyse budgétaire de nutrition, appliquant la méthodologie consensuelle a été confronté à deux obstacles principaux. Premièrement, les cadres communs de résultats n'existent pas dans certains pays (par exemple, en Guinée et au Togo). Ainsi, une liste d'interventions a été établie sur la base des déterminants de la malnutrition dans le pays et validée par toutes les parties prenantes de la nutrition, pour servir de référence dans l'identification des lignes budgétaires de la nutrition. Deuxièmement, le niveau de détail du budget est très faible dans la plupart des systèmes de gestion des finances publiques utilisés par les pays étudiés lors de cette revue. Cela signifiait qu'une analyse approfondie de chaque ligne budgétaire identifiée (activités, objectifs, résultats escomptés, bénéficiaires) a plutôt été réalisée au moyen d'entretiens avec des personnes-ressources des ministères concernés, familiarisées avec des programmes et budgets spécifiques. Il est recommandé de plaider en faveur de budgets axés sur les programmes qui permettraient de mieux identifier les lignes budgétaires pertinentes pour la nutrition.
Enseignements à tirer et prochaines étapes
- Il est urgent de prendre de nouvelles mesures et de mettre en place une stratégie décisive pour augmenter le budget national alloué à la nutrition, en particulier pour les investissements spécifiques de nutrition. En outre, les programmes sensibles à la nutrition devraient être mieux conçus et orientés de manière à améliorer les résultats en matière de nutrition ;
- L’appropriation et le leadership du gouvernement sont essentiels au succès de l’analyse budgétaire ;
- Le suivi budgétaire de nutrition doit être effectué régulièrement (une fois par an) : il est nécessaire de renforcer la méthodologie et de développer les capacités d'analyse dans les pays ;
- Il est important de fixer un calendrier approprié pour l'exercice pour mieux influencer le processus budgétaire : pour la plupart des pays d'Afrique de l'Ouest, ce serait entre février et juin ;
- L'implication d'un grand nombre de parties prenantes augmente l'adhésion et la qualité de l'analyse.
- Il est important de suivre les financements externes pour la nutrition dans l'analyse. Par conséquent, un exercice séparé doit être réalisé pour couvrir les financements externes qui ne passent pas les budgets nationaux.
Les résultats, interprétations et conclusions de cet article sont ceux de ses auteurs. Ils ne représentent pas nécessairement les opinions de l'UNICEF ou d'ACF, de leurs directeurs ou des pays qu'ils représentent et ne sauraient leur être attribués.
1http://scalingupnutrition.org/wp-content/uploads/2015/02/SUN-Budget-Analysis-Short-Synthesis-Report-SUNGG-version-FR.pdf
2www.actioncontrelafaim.org/publication/investir-dans-la-nutrition-cest-sauver-la-vie-de-28-millions-denfants-souffrant-de-malnutrition-chronique/
3Les dépenses sont configurées selon une classification administrative (c'est-à-dire le service ou la direction auquel elles appartiennent) ou une classification économique (c'est-à-dire la nature des dépenses telles que les coûts de personnel, les dépenses courantes ou les dépenses en capital).
4Le temps nécessaire pour effectuer la recherche par mot clé dépend de la taille du budget national ; parmi les cinq pays, il a fallu en moyenne 2 jours et demi pour couvrir quatre à cinq années budgétaires.
5Les déterminants directs et indirects désignent respectivement les facteurs directs / immédiats et sous-jacents / structurels ou les causes de la malnutrition infantile et maternelle.