Exploiter le pouvoir des jeunes leaders : Se prononcer sur la nutrition des adolescents et le mariage d'enfants

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Le 'Pouvoir des jeunes' est exploité à travers le monde en tant qu'outil de plaidoyer efficace de la nutrition. ENN s'est entretenu avec deux jeunes faisant partie du programme des jeunes leaders pour la nutrition, de l'Alliance de la Société Civile (ASC) du Mouvement Sun (ASC), sur leurs travaux traitant de la nutrition des adolescents, et de ses liens avec le mariage d'enfants. Hanitra Rarisonest une agronome de Madagascar et Jane Napais Lankisaest une nutritionniste du Kenya

1. Comment avez-vous pris connaissance des problèmes concernant la nutrition des adolescents ? 

Hanitra

Grâce à mon expérience en agriculture, j'ai été formée à faire des recherches sur la sécurité alimentaire et les habitudes alimentaires. Et à travers mon expérience à soutenir la création du guide du programme national de nutrition pour les filles, le 'Girl Powered Nutrition', nous nous sommes concentrées sur les solutions nutritionnelles pour les adolescents, par le biais de l'éducation sur une alimentation saine. Je considère cela comme une priorité, étant donné qu'il s'agit là d'une période essentielle du développement de la personne, en particulier pour les jeunes femmes. Les adolescents sont la cible des publicités sur les aliments transformés, et ils sont des consommateurs avides de fast-food et d'aliments vendus dans la rue, qui sont riches en matière grasse, en sel et sucre. Les plus grands problèmes de nutrition qui touchent les adolescents à Madagascar sont l'obésité et l'anémie, affectant 35 % et 36,8 % de ce groupe d'âges (10 à 19 ans), respectivement1.

Jane

C'est à travers mes activités quotidiennes au sein de l'ONG 'Feed the Children' que j'ai davantage pris conscience de l'importance de la nutrition des adolescents. J'ai constaté de lacunes nutritionnelles chez les adolescents, car la communauté [Masai], dont je fais partie, ne priorise pas la nutrition, surtout celle des filles. Avant de commencer ma campagne, je travaillais avec des femmes enceintes et allaitantes (âgées de 15 à 49 ans), mais je voulais me concentrer sur les filles, surtout celles qui ont arrêté leurs études et qui courent le risque de mariage d'enfant et de grossesse précoce. 

2. Quelle importance accordez-vous au problème du mariage d'enfant et quel en est le lien avec la nutrition ?

Hanitra

Le mariage d'enfant est très fréquent à Madagascar. En zone rurale, 42 % des filles mariées ont moins de 18 ans, et en zone urbaine2, elles sont 29%. Dans certaines cultures, la croyance est que les filles sont prêtes au mariage dès qu'elles ont leurs premières règles. Ces filles ne sont pas physiquement préparées et elles sont vulnérables à toute sorte de malnutrition et à des maladies non transmissibles. Leurs futurs bébés seront également soumis à la malnutrition, donc le cycle se perpétuera.

Jane

Le mariage d'enfant est dicté par l'inégalité entre les sexes et la croyance que les filles sont inférieures aux garçons. Environ 23 % de filles kényanes sont mariées avant leur 18 ème anniversaire, et 4% sont mariées avant l'âge de 15 ans, et elles présentent des taux élevés d'anémie et de malnutrition3. La grossesse chez l'adolescente à de conséquences graves car, relativement aux mamans plus âgées, les adolescentes sont plus à risque de malnutrition et de donner naissance à un bébé de poids inférieur à la normale. Le risque d'avoir des enfants en retard de croissance est de 33 % plus élevé parmi les premiers-nés des filles de moins de 18 ans en Afrique sub-saharienne et, de ce fait, une maternité précoce est un facteur clé de malnutrition3.

3. Comment pensez-vous que la nutrition est comprise dans votre pays en général, et comment sont abordés les problèmes auxquels les adolescents ont à faire face ?

Hanitra

Madagascar est l'un des cinq pays au monde qui ont un taux élevé de retard de croissance parmi les enfants. De ce fait, le pays a adopté un programme national se concentrant sur les premiers 1000 jours et sur les femmes enceintes. Le Plan d'action national mentionne la nutrition de l'adolescent, mais cela n'est pas encore une priorité. Nous avons beaucoup de travail à faire!

Jane

Au Kenya, 10 millions de personnes sont confrontées à une insécurité alimentaire chronique et à la malnutrition. Les adolescents représentent 22 % de la population totale, indiquant le besoin de plus d'investissement dans la santé, la nutrition, l'éducation et les moyens de subsistance pour ce groupe d'âge. Les jeunes sont confrontés à des problèmes nutritionnels tels que des carences en micronutriments résultant de normes sociales et pratiques restrictives; par exemple, les aliments les plus nutritifs (tels que le foi) sont réservés aux garçons dans les communautés Masai, alors que les adolescentes vulnérables à l'anémie ont précisément besoin d'aliments riches en fer. 

4. Quel travail de plaidoyer avez-vous entrepris afin de soulever les problèmes de nutrition chez les adolescents et du mariage d'enfant ? 

Hanitra

Le 'Girl Guiding' est très populaire à Madagascar, avec environ 80 000 filles dans les 22 régions du pays. A l'aide du programme nutritionnel du Girl Power (Pouvoir des filles), nous avons formé 500 Leaders du Girl Guide dans sept régions cibles ayant des niveaux élevés de retard de croissance. Le curriculum se concentre sur la formation des leaders afin d'améliorer premièrement leurs propres habitudes alimentaires, puis de sensibiliser leurs communautés à travers des activités telles que la construction de jardins dans les écoles et dans les villages. Les leaders ont également reçu une formation aux médias afin de promouvoir la nutrition de l'adolescent à travers des canaux de communication différents, comme la radio. Nous utilisons les réseaux sociaux afin de mener une campagne sur la nutrition de l'adolescent, mais nous pensons également qu'afin d'atteindre les plus vulnérables, particulièrement dans les zones rurales, nous devons vraiment nous rencontrer face à face afin de sensibiliser la communauté.

Jane

En tant que porte-parole des jeunes au Kenya, j'ai lancé une campagne de mise à l’échelle de la nutrition parmi les adolescentes, dans les écoles et hors écoles, avec le soutien de Feed the Children. L'objectif de la campagne est d'élaborer un programme de style de vie sur la nutrition, la santé et l'éducation sexuelle pour autonomiser les adolescentes. Ce programme sera inclus parmi les clubs de santé existant au sein des écoles. Je travaille également en étroite collaboration avec les bénévoles de santé de la communauté pour atteindre les filles non-scolarisées, à travers les groupes de soins mis en place par Feed the Children au niveau communautaire. 

5. Que pensez-vous que les jeunes apportent au débat, et pourquoi avons-nous besoin de jeunes leaders ?

Hanitra

Nous avons besoin de jeunes leaders en raison de leur enthousiasme - lorsqu'ils sont motivés et que vous leur confiez des responsabilités, ils deviennent des agents pour favoriser le changement. Ce n'est pas facile pour des jeunes de parler de nutrition avec des adultes, car ils ne sont pas nécessairement toujours considérés comme des interlocuteurs valables dans la communauté. Nous aidons les adolescents à avoir plus confiance en eux-mêmes. Lorsqu'ils ont le même âge, l'éducation entre pairs est un gros avantage, et nous pensons que les Leaders des Jeunes dans notre programme peuvent être pris au sérieux quand ils aident et soutiennent les mères, mais ne les jugent pas.

Jane

Lorsque les jeunes reçoivent un soutien, ils peuvent influencer les changements de politique, de systèmes et d'environnements, de façons uniques. Le débat sur la nutrition des adolescents et le mariage d'enfant affecte directement ce groupe d'âge en particulier et nous devons engager les jeunes dans les conversations de prise de décision afin d'identifier ce qui marche et ce qui ne marche pas pour eux.

6. Comment sont organisés les jeunes leaders en termes de communication et de coordination ? 

Hanitra

Au sein du Programme de Nutrition des Jeunes Leaders, nous discutons le progrès de nos campagnes par le biais d'un groupe de messagerie et lors de notre appel mensuel. Nous recevons également des formations sur des sujets tels que la collecte de fonds et les communications. Nous partageons également des idées lorsque nous avons des intérêts similaires, tels que la nutrition des adolescents. Dans mon pays, à ce jour, j'ai partagé mon plan d'action pour la nutrition des adolescents avec les personnes du réseau de SUN, surtout le CSA du SUN à Madagascar, et le gouvernement. Nous projetons de sensibiliser l'opinion sur une équipe de jeunes porte-paroles. 

Jane

Normalement les plateformes de réseaux sociaux sont les formes de communication favorites, particulièrement pour atteindre les jeunes globalement, y compris les autres Jeunes Leaders pour la Nutrition (nous avons un groupe WhatsApp, une page Twitter et Instagram nous permettant de partager le progrès de nos campagnes et le lobbying pour du soutien). Communiquer avec ces adolescentes non-scolarisées est particulièrement difficile car la majorité n'ont pas de smartphone et dépendent de leurs parents.

7. Qu'est-ce que les réseaux du Mouvement SUN peuvent faire de plus dans vos pays respectifs pour aborder le problème de la nutrition des adolescents et le mariage d'enfants ?

Hanitra

Les réseaux de SUN à Madagascar sont actifs dans la promotion de l'enrichissement alimentaire (réseau d'affaire) et dans la recherche en bio-enrichissement (réseau académique), bien que ceux-ci touchent principalement les enfants âgés de moins de cinq ans, plutôt que les adolescents. Le CSA du SUN oeuvre pour influencer les décideurs ou les donateurs pertinents afin qu'ils augmentent le budget alloué à la nutrition dans le pays pour améliorer les problèmes dans ce pays.

Jane

Les réseaux du SUN (société civile, ONU et affaire) peuvent engager les fabricants, les commerçants et autres franchises de la chaîne alimentaire afin de changer le discours sur les aliments sains, notamment la révision et la régularisation des aliments de rue et des établissements de fast-food près des écoles. Il existe de nombreuses options pour la diffusion de messages clés sur l'alimentation saine, telles que collaborer avec les médias et les programmes de santé scolaires nationaux. En ce qui concerne le mariage d'enfants, les réseaux du SUN pourrait collaborer avec le gouvernement et d'autres parties prenantes pour renforcer la législation, de ce fait plaider en faveur de la réduction du taux de décrocheurs, du taux de grossesse et de la prévalence du retard de croissance.

8. Quelles sont les prochaines étapes pour ce travail ? 

Hanitra

Mon projet est de former plus de 30 leaders de nutrition par le biais de la campagne du 'Girl Powered Nutrition' afin de diffuser le message au sein de leurs communautés, en ciblant particulièrement les filles vulnérables. Nous prévoyons également de rencontrer le réseau parlementaire de nutrition afin de les informer de notre campagne après les élections. 

Jane

Ma prochaine étape est de travailler avec les écoles afin de faciliter l'intégration d'apprentissage de la bonne nutrition parmi les leçons. Je souhaite atteindre les écoles par le biais du Ministère de l'Education, afin de lutter contre les contraintes des cours qui se concentrent davantage sur le programme scolaire que sur le bien-être nutritionnel des adolescents, et pour améliorer le programme alimentaire de l'école, qui manque de micronutriments (les programmes alimentaires du Kenya sont basés sur la fourniture de protéines et d'hydrates de carbone). 

9. Avez-vous des conseils à donner aux autres qui souhaitent faire participer les jeunes au travail de sensibilisation à la nutrition?  

Hanitra 

La jeunesse de tous les pays est le présent et le futur; c’est donc crucial de les engager. Leur implication dans le plaidoyer en faveur de la nutrition assurera une vie meilleure à la génération suivante. 

Jane 

Lorsqu’on engage des jeunes, il convient de créer des actions et des conditions pour les aider à devenir des adultes compétents, attentionnés et généreux, soucieux de leur bien-être physique, social et émotionnel. En termes d'interventions dans le domaine de la nutrition, nous devons les engager dans la prise de décision et de conversation pour identifier ce qui fonctionne et ce qui ne fonctionne pas pour eux.  

1Profil de Nutrition de Madagascar, Rapport Nutritionnel Global (2018) globalnutritionreport.org/nutrition-profiles/africa/eastern-africa/madagascar/

2www.girlsnotbrides.org/child-marriage/madagascar/

3www.girlsnotbrides.org/child-marriage/kenya/ 

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