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Lutte contre l'anémie chez les adolescents en Afghanistan à travers un programme en milieu scolaire

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Dr Zakia Maroof est un spécialiste de la nutrition travaillant pour UNICEF Afghanistan. 

Dr M Homayoun Ludin est le Directeur de l'alimentation et l'Agent/ Conseiller national en nutrition du Ministère de la Santé publique du gouvernement Afghan. 

Suzanne Fuhrman est la Directrice en nutrition de UNICEF Afghanistan. 

Introduction

L'Afghanistan compte environ 7,7 millions d'adolescents dans la tranche d'âge 10-19 ans, la moitié étant des filles. L'adolescence offre une bonne occasion de croissance après les 1 000 premiers jours, mais les mariages et les grossesses précoces dans cette tranche d'âge, lesquels se produisent principalement dans les pays à faible revenu ou à revenu intermédiaire tels que l'Afghanistan, peuvent entraîner la malnutrition. L'anémie touche 30,9 % des adolescentes, tandis que la maigreur dans cette tranche d'âge (d'après l'Indice de Masse Corporelle (IMC)) est de 8 %1.

On estime que 3,7 millions d'enfants âgés de 7 à 17 ans, dont 2,2 millions de filles, ne sont pas scolarisés en Afghanistan. Plus de 80 % de ces enfants vivent dans les sept provinces les plus sujettes aux conflits et les plus précaires (Uruzgan, Zabul, Hilmand, Kandahar, Paktika, Logan et Wardak) ; Uruzgan compte également le pourcentage le plus élevé de filles non-scolarisées (97,9 %). Toutefois, le nombre d'enfants scolarisés est neuf fois supérieur à celui de 2001, dépassant 9,2 millions en 2015, dont 39 % de filles2

Un programme en milieu scolaire

L’approche fondée sur le cycle de vie appelle à la lutte contre l'anémie chez les enfants et les adolescents. Depuis 2015, le Ministère de la Santé publique (MSP) et le Ministère de l'Éducation (ME) ont conjointement lancé un programme pour la supplémentation hebdomadaire du fer et de l'acide folique (WIFS) destiné aux adolescentes scolarisées (âgées de 10-19 ans) afin d'améliorer leurs résultats scolaires et augmenter les réserves de fer avant la grossesse pour une vie reproductive saine. Le programme comporte aussi un volet déparasitage pour toutes les adolescentes scolarisées afin d'améliorer l'absorption de fer et la santé de manière générale. 

Un protocole d'accord spécifie des rôles et des responsabilités clairs pour chaque ministère. Initialement signé pour trois ans (2015-2017), il a été prolongé jusqu’en 2023. En décembre 2018, le programme avait touché 1,16 million d'adolescentes scolarisées (10-19 ans) avec la supplémentation de fer et d'acide folique (FAF) dans les 34 provinces.

Formation des enseignants

La formation des points focaux (enseignants et superviseurs académiques) était nécessaire puisqu'il s'agissait d'un nouveau programme de nutrition qui devait être implémenté dans les établissements scolaires en Afghanistan. Certains établissements du pays fonctionnent en deux à trois quarts de travail par jour dans le but d'accueillir tous les élèves de leur circonscription et chaque quart de travail dispose de sa propre équipe de gestion. A cet effet, deux points focaux ont été désignés pour chaque quart et formés au programme WIFS ; ils sont de ce fait coordonnateurs du programme. 

La mise en œuvre du programme WIFS implique une approche " à jour fixe ", une fois par semaine, pour l'administration de FAF supervisée par les enseignants ainsi qu'un volet conseil et communication. La distribution de suppléments s'accompagne de messages sur les bienfaits d'un apport adéquat en fer, notamment l'augmentation de la productivité mentale et physique, et les risques à long terme d'anémie chez les adolescents, y compris la mortalité maternelle et la morbidité. Les points focaux sont formés pour donner des conseils diététiques pertinents, tels que les sources alimentaires riches en fer et les inhibiteurs de l'absorption du fer, ainsi que pour éviter la consommation de thé pendant les repas. Le programme offre également l'occasion de sensibiliser sur la santé reproductive et les risques de grossesse chez les adolescentes. En outre, le programme WIFS chez les adolescentes a été intégré à la Politique nationale de santé en milieu scolaire, ainsi que d'autres initiatives au rang desquelles la gestion de l'hygiène menstruelle ; tout ceci dans le but de réduire le taux d'abandon scolaire, améliorer la qualité d'apprentissage chez les adolescentes et assurer la continuité des soins entre l'alimentation des adolescentes et celle des mères. 

Évaluation de l'exécution du programme

Les deux ministères ont bénéficié d'une aide pour élaborer des plans annuels de suivi, notamment la mise en place d'une base de données nationale WIFS.

Une étude menée en 2018 a évalué l'exécution du programme en administrant des interviews auprès de 1600 élèves issus de 40 écoles dans quatre provinces, dans l'optique d'identifier les leçons apprises pour le WIFS3. L'étude a révélé une sensibilisation accrue à l'anémie et à sa définition des faibles taux d'hémoglobine (Hb) dans le sang chez les adolescentes scolarisées (92 % des élèves). La connaissance des symptômes associés à l'anémie, comme le manque d'énergie et l'essoufflement, a été démontrée par 69 % des filles, mais la connaissance des moyens de prévention de l'anémie n'a pas été largement observée. La présence d'un taux moyen d'Hb statistiquement significatif et plus élevé chez les répondants qui ont été exposés au programme WIFS plus longtemps que les répondants récemment exposés suggère que le WIFS peut avoir contribué à améliorer les résultats de santé des étudiantes adolescentes.

Relever les défis

Le programme a d'abord été déployé dans 10 provinces et s'est concentré sur l'utilisation de la communication interpersonnelle (CIP) pour la mobilisation communautaire. L'un des défis majeurs est l'adhésion à la supplémentation FAF, avec les problèmes liés à l'influence négative des réseaux sociaux qui ont répandu l'idée selon laquelle les suppléments causent l'infertilité chez la femme (les comprimés FAF étaient considérés comme des pilules contraceptives). 

En réaction à cette fausse propagande, une campagne médiatique nationale a été réalisée pour soutenir l'acceptation par la communauté au cours de la deuxième phase du programme, lorsque le WIFS s'est étendu à toutes les provinces. L'évaluation du programme a établi que les messages passés à la télévision et dans les autres médias ont contribué à l'accroissement de la connaissance et de l'information des élèves et des enseignants au sujet de l'anémie. Les rapports de suivi ont également prouvé que la campagne médiatique a joué un rôle crucial dans l'accroissement de la prise de conscience et la démystification du programme. Afin d'approfondir la question, une série de matériels CIP a été élaborée et diffusée à l'intention de différents publics tels que les parents, les enseignants, les élèves, les autorités religieuses et d'autres parties prenantes communautaires.

La gestion de la chaîne d'approvisionnement doit également être améliorée en ce qui concerne l'écart entre les données du système central d'information sur la gestion de l'éducation et les données provinciales. À cet effet, les niveaux d'approvisionnement ont été inclus dans la base de données WIFS révisée afin de saisir les données provinciales, ce qui aidera à fournir des prévisions et une distribution plus précises. 

La supplémentation FAF des adolescentes rencontre également un défi lié à la pérennité car toutes les composantes du programme (formation, suivi et rapport, approvisionnement en FAF et comprimés vermifuges) sont actuellement financées par L'UNICEF à travers diverses sources de financement étant donné que le gouvernement ne dispose pas d'assez de ressources pour supporter l'ensemble des charges, y compris l'acquisition de comprimés FAF. En outre, il est assez difficile d'atteindre toutes les adolescentes, surtout celles non scolarisées. Même pour celles scolarisées, les fermetures fréquentes liées à l'insécurité, aux catastrophes naturelles et aux conditions climatiques créent des écarts dans la supplémentation.

Enseignements tirés

Il faut suffisamment de temps pour créer un environnement favorable ; une période plus longue au cours de la phase de démarrage peut avoir aidé à mieux coordonner les organisations concernées et fourni l'occasion d'effectuer une évaluation de base pour disposer de données à comparer. Au moment où l'évaluation a commencé, le programme était déjà en cours dans certaines provinces, de sorte que l'étude compare les élèves des provinces où la mise en œuvre du programme est avancée à ceux des provinces qui l'ont lancé moins d'un mois auparavant. 

L'expérience acquise dans le cadre du programme WIFS depuis sa mise en œuvre initiale en Afghanistan souligne la nécessité de sensibiliser toutes les parties prenantes, telles que les parents, les enseignants et les membres de la communauté (y compris les autorités religieuses et autres décideurs), avant le lancement effectif du supplément et de renforcer les connaissances qu'elles en ont. Après la campagne médiatique, l'adhésion au programme a considérablement augmenté. Cependant, la mise en œuvre de telles campagnes nationales est coûteuse et exige beaucoup de ressources. 

Prochaines étapes

Il y a des projets d'extension du programme WIFS auprès des adolescentes non scolarisées, en commençant par les Centres d'apprentissage accéléré en 2019. Lesdits centres accueillent des filles qui n'ont pas fréquenté pour diverses raisons et sont, par conséquent, plus vieilles que leurs camarades de classe. Afin d'accroître la prise de conscience du WIFS au niveau communautaire, une étude de perception est prévue vers la fin de 2019 pour trouver des moyens créatifs d'accroître l'adhésion. 


1Enquête nationale sur la nutrition en Afghanistan (2013).

2Le Plan stratégique national d'éducation (2017-2021) : Ministère de l'Éducation (2016).

3Écolières sur le chemin du retour chez eux dans la province de Panjshir

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