Renforcement des soins postnatals à Gaza : un programme de visite à domicile pour les mères et les nouveau-nés

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Amani Jouda est responsable de la petite enfance et du développement au bureau de l'UNICEF à Gaza.

Selena Bajraktarevic est responsable du programme Santé et Nutrition avec l’UNICEF, État de Palestine.

Younis AwadAllah est spécialiste de la santé au bureau de l'UNICEF à Gaza.

Shereen Obaid est spécialiste du suivi et de l'évaluation avec l'UNICEF, État de la Palestine.

Contexte

La Bande de Gaza ou Gaza est un territoire palestinien autonome avec une population avoisinant 1,85 million sur la Côte Est de la Méditerranée, aux frontières de l'Egypte et d’Israël. Le secteur sanitaire à Gaza a été fortement perturbé par des années de conflit, de sanctions et de déclin socio-économique. Les services de santé et le personnel clinique sont débordés et manquent de ressources élémentaires, avec de fréquentes coupures de courant et ruptures de stock de médicaments et d'équipements essentiels 1.  

Les soins de santé maternels à Gaza font partie intégrante des services de santé. Il y a entre 50 000 et 60 000 naissances par an à Gaza, avec environ 160 accouchements par jour. Pratiquement tous les accouchements sont institutionnalisés ; un quart des femmes ont accouché avec l'aide d'une sage-femme/infirmière et les trois quarts par un médecin 2. Cependant, plus de la moitié des femmes (58 %) restent moins de six heures dans l'établissement après l'accouchement en raison de la surpopulation dans les maternités, et les soins postnatals demeurent à un niveau inacceptable en termes de couverture, de qualité et de fréquence des visites des femmes aux centres de santé pour les examens postnatals. 

Renforcement des soins postnatals 

Les visites postnatales à domicile la première semaine de vie sont fortement recommandées par l'Organisation Mondiale de la Santé (OMS) pour améliorer les résultats maternels et les bilans de santé. Compte tenu du contexte et de la situation actuelle à Gaza, les risques alimentaires et les vulnérabilités parmi les femmes enceintes et allaitantes et les nourrissons, notamment les nouveau-nés, sont considérables. Par exemple, les carences en micronutriments sont importantes : 75 % des enfants de moins d’un an sont anémiques et environ 30 % des femmes enceintes ou qui allaitent sont atteintes d’anémie 3.  Moins de 50 % des nourrissons de moins de 6 mois sont uniquement nourris au sein 4.

En 2011, un programme de visite postnatale à domicile (PNHV) a été mis en place pour aborder ces problèmes de grossesses à haut risque, de femmes allaitantes et de nouveau-nés, habituellement dans les 3 premiers jours suivant la naissance. Le Ministère de la Santé (MoH) est le partenaire principal avec le soutien de l'UNICEF. Il a pour objectif d'offrir ce programme à 60 000 femmes et à leurs nouveau-nés dans les cinq gouvernorats à Gaza. 

Le programme a aidé à établir des relations plus solides entre les prestataires de santé et les mères.

Développer le programme

Le programme PNHV est mis en œuvre par une structure de 45 sages-femmes formées par le ministère de la santé et les partenaires, qui reçoivent une formation de recyclage annuelle. Les principaux soins de nutrition maternelle fournis à la mère comprennent le dosage des taux d'hémoglobine et de glucose dans le sang. Les mères sont conseillées sur l'importance de la nourriture nutritive et des compléments en fer. Elles sont orientées vers des centres sanitaires pour ces compléments en fer, le cas échéant. Ces conseils sont proposés avec d'autres services, y compris le contrôle des signes vitaux de la mère (température, pouls, respiration et tension). Les soins du nourrisson consistent notamment à le peser et à le mesurer, à donner des conseils sur l’allaitement exclusif et une parentalité réactive, ainsi qu’à évaluer le nouveau-né en cas de retard de développement, avec un transfert si nécessaire. 

Évaluation du programme

Une évaluation externe de programme PNVH a été menée en juin 2018 pour la période 2011/2016. Environ 130 personnes, y compris les sages-femmes en visite à domicile, les mères, les pères et les informateurs clés ont été interrogés. Cependant, l’absence d’une base de référence et d’un système de suivi et d’évaluation solides a rendu difficile la fourniture de données statistiques sur l’impact du programme. Les conclusions sur l’efficacité du programme se limitent donc à des données qualitatives et d’observation. 

Dans l'ensemble, on pense que le programme PNVH a augmenté la capacité des visites à domicile pour promouvoir l'alimentation des nourrissons et des jeunes enfants, et pour encourager exclusivement l'allaitement et, si besoin, fournir un soutien aux nourrissons non allaités. L'évaluation a montré que la communauté et les activités à domicile ont augmenté la compréhension mutuelle et le respect entre les prestataires de santé et les femmes. Cela a aidé les sages-femmes qui effectuent les visites à domicile à établir des relations plus étroites avec les mères, à instaurer un climat de confiance et à permettre aux mères de poser davantage de questions sur leur santé et celle de leurs bébés. 

Avantages pour les mères et les sages-femmes

Les mères interrogées ont dit que le programme avait été plutôt efficace dans l'arrêt des pratiques traditionnelles potentiellement dangereuses, telles que donner des tisanes aux nourrissons, utiliser du sucre cristallisé pour traiter l'ictère et utiliser des substances amères pour le sevrage du lait maternel. Le taux de satisfaction était très élevé chez les mères participantes, qui ont signalé une augmentation de l'estime de soi et de la confiance en soi.

Les sages-femmes ont également acquis de nouvelles connaissances dans leur formation de visiteuses à domicile, en particulier sur la nutrition, l’allaitement au sein et les pratiques d’hygiène, mais également sur le développement de la petite enfance (domaine récemment intégré à leur rôle). De plus, les prestataires de santé et les informateurs clés ont cité des réussites clés dans lesquelles ils ont sauvé des vies ou détecté des complications pour un transfert en temps voulu, bien que ces derniers n'aient pas été mesurés dans l'évaluation.

Obstacles à surmonter et enseignements tirés de l'expérience

L'évaluation a également mis en valeur un nombre de moyens pour améliorer la qualité des soins postnatals et pour mieux les intégrer dans les services de santé maternelle et infantile. Les recommandations comprennent la normalisation des directives postnatales, l'harmonisation des services fournis par toutes les parties prenantes et la mise en place d'un système d'information centralisé permettant de documenter et de surveiller la mise en œuvre du programme. En raison de contraintes financières, le programme s'est centralisé sur les femmes à hauts risques pendant la grossesse et l'accouchement et les primipares, plutôt que de couvrir l'ensemble des ménages. Cependant, le programme PNHV doit répondre aux préoccupations relatives à l'absence d'une approche holistique des soins postnatals et à l'absence d'un protocole mis à jour afin de garantir la durabilité du financement externe continu. D'autre part, il n'y a pas de stratégie spécifique pour permettre l’engagement des pères et les membres de la famille, tels que les grands-parents.

Les visites à domicile ont facilité une approche plus personnalisée et ont permis une compréhension approfondie des problèmes que rencontrent les femmes qui suivent ce programme. Les mères ont réalisé qu'elles ont besoin de soins postnatals pour elles-mêmes et pas seulement pour leurs nourrissons. En outre, les visiteurs à domicile ont pu fournir des services améliorés en construisant des relations fortes avec les bénéficiaires, et les soins postnatals ont été perçus comme un aspect routinier de leur rôle. Offrir des services PNHV de grande qualité, y compris un meilleur ciblage et de meilleurs critères de sélection des femmes enceintes et allaitantes à haut risque est extrêmement important pour des résultats réussis. Cependant, la documentation et la programmation fondée sur des preuves doivent être envisagées du début à la fin d'une intervention. 


1Rapport UNRWA. www.unrwa.org/activity/health-gaza-strip

2Bureau central palestinien de statistique (2015); Enquête palestinienne par grappes à indicateurs multiples (2014), Rapport final, Ramallah, Palestine.

3Ministère de la santé 2016) surveillance nutritionnelle

4UNICEF Profil de santé et de nutrition, Palestine. www.unicef.org/sop/what-we-do/health-and-nutrition

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